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13/01/2021 | FRANCE | N°19-17080

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 janvier 2021, 19-17080


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 janvier 2021

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 67 F-D

Pourvoi n° G 19-17.080

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 JANVIER 2021

M. F... V..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n

° G 19-17.080 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant au groupement d'in...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 janvier 2021

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 67 F-D

Pourvoi n° G 19-17.080

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 JANVIER 2021

M. F... V..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° G 19-17.080 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant au groupement d'intérêt économique Hôtels Ibis, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. V..., de la SCP Rousseau et Tapie, avocat du GIE Hôtels Ibis, après débats en l'audience publique du 18 novembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mars 2019), M. V... a été engagé par la société Hôtel Ibis, aux droits de laquelle vient le GIE Hôtels Ibis, à compter du 8 août 1992. Il occupait en dernier lieu les fonctions d'agent de réservation. Il a saisi le 21 juillet 2011 la juridiction prud'homale, invoquant notamment être victime de harcèlement et de discrimination syndicale.
Examen des moyens

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à constater la discrimination syndicale et à la condamnation de la société Hôtel Ibis au paiement de dommages-intérêts pour discrimination et de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance, alors :

« 1°/ que lorsque le salarié présente plusieurs éléments de faits constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en écartant les demandes de M. V... fondées sur une discrimination en raison de son appartenance syndicale en termes de formation, d'évolution de carrière et de salaire, au motif qu'au regard des pièces adverses et des débats il y avait lieu de considérer que les faits allégués ne révélaient aucun traitement discriminatoire de l'employeur à l'égard de M. V..., la cour d'appel a fait peser sur le salarié la preuve de la discrimination syndicale, et a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

2°/ qu'en écartant une discrimination en matière de formation sans qu'il résulte des énonciations de son arrêt que les formations suivies par M. V... aient été de nature à lui permettre une évolution professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

3°/ qu'en estimant, tant par motifs propres que par motifs adoptés des premiers juges, que M. V... s'était mis dans une situation différente de ses collègues en refusant de signer l'avenant relatif à la démarche « Acteur », qu'il ne pouvait prétendre à un suivi identique ou revendiquer les mêmes types d'évaluation, sans rechercher si les conditions dans lesquelles il avait été évalué aboutissaient à un résultat équivalent à l'application de la démarche « Acteur », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

4°/ qu'en s'abstenant de s'expliquer sur le refus de l'employeur de fournir les bulletins de salaire de six salariés dénommés, qui selon M. V... avaient une ancienneté similaire à la sienne et avaient bénéficié d'augmentations régulières alors que son salaire n'avait connu aucune évolution, refus dont il soutenait qu'il confortait l'existence d'une discrimination syndicale en sa défaveur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Ayant constaté d'une part, s'agissant des formations, que, si dans ses entretiens d'évaluation de 2007 et de 2015, le salarié a manifesté le souhait d'effectuer des formations de manière à contribuer à l'évolution de sa carrière, il ne justifie pas d'un refus opposé par l'employeur à une demande spécifique, notamment celle concernant la formation « animer et diriger une équipe », ou le refus de matériel supplémentaire pour exécuter une formation personnelle et que l'employeur au contraire démontre que, jusqu'en 2017, le salarié a exécuté trente trois formations, pour la plupart adaptées à ses fonctions, et d'autre part que, s'agissant de l'évolution de carrière, les éléments transmis dans la cause ne démontrent pas que d'autres collègues de travail aient évolué de façon plus rapide que le salarié ni que son salaire serait inférieur à celui d'autres salariés placés dans la même situation, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire l'absence d'éléments laissant supposer une discrimination en raison des activités syndicales.

5. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. V... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. V...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur V... de ses demandes tendant à constater la discrimination syndicale, et à la condamnation de la société GIE Hôtels Ibis au paiement de dommages-intérêts pour discrimination et de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance.

AUX MOTIFS QUE, par application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, des ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ;

QU'en application des articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de faits constituant selon lui une discrimination directe ou indirect, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

QUE Monsieur V... invoque une discrimination en raison de son appartenance syndicale à la fois en termes de formation, d'évolution de carrière et de salaire et produit les pièces justificatives à l'appui de ses demandes ; que néanmoins au regard de ces éléments, des pièces adverses et des débats, il y a lieu comme les premiers juges de considérer que les faits ci-dessus allégués ne révèlent aucun traitement discriminatoire de l'employeur à l'égard de Monsieur V... ;

QUE s'agissant des formations, si dans ses entretiens d'évaluation de 2007 et de 2015, le salarié a manifesté clairement le souhait d'effectuer des formations de manière à contribuer à l'évolution de sa carrière, il ne justifie pas d'un refus opposé par l'employeur à une demande spécifique notamment celle concernant la formation « animer et diriger une équipe » ou le refus de matériel supplémentaire pour exécuter une formation personnelle ;

QUE la société au contraire démontre que jusqu'en 2017 Monsieur V... a exécuté 33 formations ; qu'à l'exclusion de quelques formations de sauveteurs secouristes, l'ensemble des intitulés des autres formations permet de conclure qu'elles avaient un contenu professionnel et rien n'indique qu'elles aient été inadaptées ;

QUE s'agissant de la discrimination résultant de l'absence d'évolution de carrière, les éléments transmis dans la cause ne démontrent pas que d'autres collègues de travail aient évolué de façon plus rapide que Monsieur V... et que sa situation soit en lien avec ses mandats syndicaux ;

QU'en effet, alors que Monsieur V... bénéficie de mandat électif depuis plus de 20 ans, ses fonctions ont pu évoluer : embauché en contrat saisonnier en avril 1992, il a bénéficié en septembre 1992, d'un contrat à durée indéterminée comme réceptionniste puis en septembre 2007, il a intégré le service Réservation et le 1er octobre 2009, par un avenant à son contrat de travail, il est devenu Agent de réservation, niveau 2, échelon 1 ;

QUE s'il est constant que depuis lors sa classification n'a pas évolué, le salarié qui revendique une nouvelle classification ne produit aucun élément permettant de justifier qu'il aurait dû être rattaché à la classification niveau 2 échelon 2 ;

QUE, par ailleurs, rien dans les pièces produites ne démontre que cette stagnation soit la résultante d'un conflit entre les syndicats FO et CFDT – CFTC intervenu en 2013 ;

QUE si la mise en place du protocole Acteurs a induit une adaptation des évaluations des compétences du personnel adhérent et un suivi adapté au processus dans lequel ce personnel se trouvait engagé, Monsieur V... qui n'y a pas adhéré ne peut prétendre à un suivi identique ou revendiquer les mêmes types d'évaluation ;

QUE rien ne démontre qu'il ait été lésé dans son évolution de carrière du fait de cette absence d'adhésion ;

QUE les seules remarques générales faites en réunion du CHSCT prouvent que lors de sa mise en route, la démarche Acteurs a connu des difficultés d'adaptation mais rien n'indique que le service Réservation en ait fait les frais et encore moins Monsieur V... ; que dans le compte rendu du comité d'établissement du 23 avril 2009, le responsable de la société précise que l'évolution des non adhérents est analysée au cas par cas ;

QUE s'agissant de la discrimination salariale, les débats ne révèlent aucun élément permettant d'une part de considérer que son salaire serait inférieur à d'autres salariés placés dans la même situation et d'autre part que la rémunération de Monsieur V... ait été impactée par son statut de salarié protégé ;

QUE si sur certains points comme la facturation d'une nuit à l'hôtel, les congés payés ou l'entretien de seconde partie de carrière tardif, l'employeur ne s'explique pas, il s'agit de faits ponctuels pour lesquels le salarié ne justifie pas avoir subi un traitement défavorable ou particulier par rapport à d'autres salariés ou en lien avec son appartenance syndicale ;

QUE sur les chèques cadeaux, l'employeur transmet sa réponse le 3 juillet 2015 et Monsieur V... ne prouve pas qu'elle soit erronée ;

QU'au vu de l'ensemble de ces motifs, la cour faisant également siennes les explications transmises par le conseil de prud'hommes de Paris il y a lieu de débouter Monsieur V... de sa demande de dommages-intérêts à titre de la discrimination syndicale ;

QUE la demande au titre de la perte de chance d'évoluer sera par voie de conséquence également rejetée ;

ET AUX MOTIFS, adoptés des premiers juges, QUE Monsieur V... considère avoir été et être victime : - de discrimination relative à l'évolution de sa carrière, - de discrimination relative à la formation professionnelle, - et de harcèlement moral depuis 2001 ;

QUE la discrimination, pour ce qui est domaine du travail et ou de l'activité professionnelle c'est : « Traiter différemment des personnes placées dans des situations comparables en se fondant sur un ou des critères prohibés par la Loi ou par les engagements internationaux » ; que l'article L.1132-1 précise pour sa part : « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap » ;

QUE Monsieur V... considère donc qu'il serait victime de discrimination au travers de la possibilité d'obtenir une promotion professionnelle et d'accès à la formation professionnelle, soit sur deux des dix conséquences citées à l'article L.1132-2 du code du travail ;

QUE cette discrimination serait liée à l'activité syndicale de Monsieur V... au regard des fonctions de Délégué du Personnel et d'élu auprès du Comité d'Entreprise que Monsieur V... assure et assume depuis plusieurs années ;

QUE Monsieur V... prétend que ces discriminations seraient effectives depuis 2001, période à partir de laquelle la société a écarté de toute possibilité d'évolution de carrière les salariés qui avaient été embauchés avant cette date ;

QU'à compter de cette période, seul le service des réservations ouvrirait des possibilités de promotion ou d'évolution de carrière ;

QU'au surplus en décembre 2009, la création d'un niveau inférieur a conduit au déclassement de Monsieur V... ;

QUE s'il n'est pas contesté que Monsieur V... a bien été engagé avant 2001, il n'en demeure pas moins qu'au jour de l'audience il appartient au service des réservations, soit le seul service qui ouvre doit à promotion ;

QUE si en 2001 la clause IBIS n'existait pas, elle a pourtant été proposée à signature à Monsieur V..., qui a refusé de signer l'avenant relatif à la démarche acteur ;

QUE dès lors Monsieur V... se place lui-même dans une situation différente de celles de ses collègues engagés après lui ;

QUE malgré ce refus, Monsieur V... sera tout de même promu réceptionniste au sein du Service Réservation le 10 septembre 2007 ;

QUE le 29 septembre 2009, il est signé un avenant portant les attribution de Monsieur V... aux fonctions d'agent de réservation niveau 2, échelon 1 ;

QUE Monsieur V... ne justifie pas de l'absence de promotion ;

QU'il ne justifie pas plus en quoi l'avenant du 29 septembre 2009 constituerait un déclassement ;

QUE Monsieur V... ne justifie pas d'un lien entre son activité syndicale et le prétendue absence de promotion ou évolution de carrière qui en découlerait ;

QU'il en est de même pour la formation professionnelle, Monsieur V... ayant pu bénéficier de formations régulières depuis au moins 2005 ;

QU'au surplus, Monsieur V... ne justifie pas avoir sollicité des formations pour lesquelles son employeur lui aurait fait part d'un refus ;

QU'il n'est pas plus justifié du soutien de l'organisation syndicale qui serait aux côtés du salarié dans le cadre de l'exercice de ses mandats ;

QUE Monsieur V... considère que la nouvelle organisation du service auquel il est affecté serait discriminatoire au motif qu'elle conduirait à ce que sa charge de travail en soit affectée, ou des « outils » de travail disparaissent à l'occasion de ses absences personnelles ou dans le cadre de l'exercice de son mandat ;

QUE si une organisation nouvelle peut conduire à une discrimination, Monsieur V... n'apporte pas d'éléments qui puissent permettre au juge de partager son analyse ;

QUE, dans les faits, Monsieur V... n'a de cesse de critiquer l'organisation du service auquel il appartient ;

QUE si ses constats et remarques peuvent être pertinents ou justifiés, rien ne permet de faire le lien entre une éventuelle désorganisation locale ou une discrimination directe ou indirecte dont il serait victime ;

QU'en conséquence, il ne sera pas fait droit aux demandes portant sur la discrimination dont serait victime Monsieur V... ;

ALORS, d'une part, QUE lorsque le salarié présente plusieurs éléments de faits constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en écartant les demandes de Monsieur V... fondées sur une discrimination en raison de son appartenance syndicale en termes de formation, d'évolution de carrière et de salaire, au motif qu'au regard des pièces adverses et des débats il y avait lieu de considérer que les faits allégués ne révélaient aucun traitement discriminatoire de l'employeur à l'égard de Monsieur V..., la cour d'appel a fait peser sur le salarié la preuve de la discrimination syndicale, et a violé les articles L.1132-1 et L.1134-1 du Code du travail ;

ALORS, d'autre part, QU'en écartant une discrimination en matière de formation sans qu'il résulte des énonciations de son arrêt que les formations suivies par Monsieur V... aient été de nature à lui permettre une évolution professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1 et L.1134-1 du Code du travail ;

ALORS, de troisième part, QU'en estimant, tant par motifs propres que par motifs adoptés des premiers juges, que Monsieur V... s'était mis dans une situation différente de ses collègues en refusant de signer l'avenant relatif à la démarche « Acteur », qu'il ne pouvait prétendre à un suivi identique ou revendiquer les mêmes types d'évaluation, sans rechercher si les conditions dans lesquelles il avait été évalué aboutissaient à un résultat équivalent à l'application de la démarche « Acteur », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1 et L.1134-1 du Code du travail ;

ET ALORS, enfin, QU'en s'abstenant de s'expliquer sur le refus de l'employeur de fournir les bulletins de salaire de six salariés dénommés, qui selon Monsieur V... avaient une ancienneté similaire à la sienne et avaient bénéficié d'augmentations régulières alors que son salaire n'avait connu aucune évolution, refus dont il soutenait qu'il confortait l'existence d'une discrimination syndicale en sa défaveur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1 et L.1134-1 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur V... de sa demande de constatation du harcèlement moral subi par lui, et de condamnation du GIE des Hôtels Ibis au versement de dommages-intérêts en raison du harcèlement subi.

AUX MOTIFS PROPRES QU'il appartient au salarié qui se prétend victime de harcèlement moral d'établir la matérialité de faits précis et concordants faisant présumer l'existence de ce harcèlement ; que celui-ci se définit, selon l'article L.1152-1 du code du travail, par des actes répétés qui ont pour objet ou pour effet, indépendamment de l'intention de leur auteur, une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que lorsque les faits sont établis, l'employeur doit démontrer qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs, étranges à tout harcèlement ;

QU'une situation de harcèlement moral se déduit ainsi essentiellement de la constatation d'une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l'employeur révélateurs d'un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction ;

QUE Monsieur V... produit à l'appui de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, plusieurs courriers des 19 janvier 2011, 7 mars 2011, 6 juillet 2009, 1er et 6 décembre 2010 dans lesquels il se plaint d'une surcharge de travail, de sa hiérarchie et de l'organisation de son équipe ; qu'il transmet aussi le compte rendu de la réunion du comité d'établissement dans lequel il invoque la perte de ses chèques cadeaux ou celui du 2 août 2010 où il demande la désignation d'un médiateur, le mail du 28 janvier 2014 adressé à son employeur sur le règlement de la chambre d'hôtel, les arrêts de travail de 2009 2010 et 2011 et les suivis par le médecin du travail révélant des problèmes de santé liés à son contexte professionnel ;

QUE l'employeur démontre toutefois que ces faits sont étrangers à des agissements de harcèlement moral ;

QU'en effet, dans les réponses adressées au salarié les 2 août 2010, 19 janvier 2011, 7 et 24 février 2011 du 5 avril 2011, l'employeur s'explique sur l'organisation du travail dans le courrier du 3 juillet 2015, il répond au salarié sur les chèques cadeaux et dans le procès-verbal de réunion extraordinaire du CHSCT du 7 décembre 2009 et du 24 septembre 2010, l'employeur fait état des plaintes du salarié pour discrimination et harcèlement moral et le procès-verbal de réunion du CHSCT du 17 décembre 2010 mentionne l'intervention du médecin du travail sur ces problèmes soulevés par le salarié ; que l'employeur communique aussi le procès-verbal de la réunion du comité d'établissement du 9 juillet 2009 et de la réunion Réservation du 3 décembre 2010 amenant les précisions utiles sur l'utilisation de personnel en contrat précaire et l'organisation du travail au sein du service occupé par le salarié ;

QUE l'ensemble de ces éléments démontrent que les fonctions de Monsieur V... n'ont pas été modifiées et que ses doléances sur sa situation sont contredites, ils établissent aussi la fragilité du salarié face à tout changement issu d'une réorganisation et ses difficultés dans les relations avec ses collègues ;

QU'ainsi les pièces et les débats ne permettent pas de caractériser des agissements répétés de l'employeur révélateurs d'un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction ; que la demande de dommages-intérêts à titre de harcèlement moral sera rejetée ;

ET AUX MOTIFS, adoptés des premiers juges, QUE Monsieur V... considère être victime de harcèlement moral ; que pour en justifier, il utilise les mêmes arguments que ceux dont il fait état pour la discrimination à savoir : - un changement d'organisation depuis le départ d'un salarié en 2009, - une nouvelle charge de travail, portant notamment sur la gestion des appels téléphoniques, fax et courriels afin de favoriser d'autres salariés, - un volume de travail devenu trop important générant des tensions avec les autres salariés du service ;

QUE dans les faits, depuis 2009, Monsieur V... n'a de cesse de considérer que la nouvelle organisation n'aurait qu'un impact négatif à son égard ; que les impacts de cette nouvelle organisation ne pèseraient que sur lui ; que pour faire cesser ce qu'il considère comme un dysfonctionnement, Monsieur V... a alerté les instances compétentes employeur, délégués du personnel, élus du comité d'entreprise, représentant du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail, médecin du travail, inspection du travail ;

QUE le 7 décembre 2009, il est conclu à l'absence de harcèlement, il est éventuellement admis un dysfonctionnement qui ne devrait pas perdurer du fait de l'arrivée de nouveaux collaborateurs ; que le 24 septembre 2010, il est noté : - la qualité du travail de Monsieur V..., - que Monsieur V... conserve ses prérogatives de formation, - que Madame N... aurait des difficultés de communication avec Monsieur V..., - que des salariés auraient à se plaindre du comportement et des attitudes de Monsieur V... ;

QUE par ailleurs, il est acté de ce que la direction s'engage à ce que les responsables du service : - communiquent plus avec Monsieur V..., - soient plus attentives en ce qui concerne l'équité de traitement des commissions individuelles, - communiquent plus sur les changements dans « la bible », - répondent au téléphone lorsqu'elles sont présentes et que les clients les demandent ;

QU'au cours du CHSCT de décembre 2010, Monsieur V... réitère ses critiques considérant que les engagements de la direction ne sont pas tenus ; que l'ensemble de ces éléments, s'ils peuvent peser sur le moral de Monsieur V... ne constituent pas des faits de harcèlement moral, ils sont à n'en pas douter le reflet d'un problème de gestion d'un service et de son organisation, Monsieur V... prenant peut-être trop à coeur les responsabilités qui lui incombent ;

ALORS, d'une part, QU'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ces décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en statuant ainsi, sans examiner l'ensemble des faits invoqués au titre du harcèlement par Monsieur V..., alors qu'il faisait valoir qu'il avait subi le retrait d'outils de travail à plusieurs reprises, la concentration sur lui des appels téléphoniques, un retard de plusieurs années dans l'entretien de seconde partie de carrière prévu par l'accord collectif, tous éléments susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail ;

ET ALORS, d'autre part, QU'en énonçant, pour dire que l'employeur démontrait que les faits qu'elle relevait étaient étrangers à des agissements de harcèlement moral, que l'ensemble des éléments retenus établissaient la fragilité du salarié face à tout changement issu d'une réorganisation et ses difficultés dans les relations avec ses collègues, motifs qui n'étaient pas de nature à justifier que les problèmes de santé liés à son contexte professionnel aient été étrangers à tout harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur V... de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

AUX MOTIFS QU'en application des dispositions des articles L.4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; que ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés ; que l'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ;

QU'il est constant que Monsieur V... a dû à plusieurs reprises être mis en arrêt de travail pour maladie et que dans son rapport du 15 mai 2013, le médecin du travail atteste de ce que le contexte professionnel dans lequel il évoluait avait une incidence sur ses problèmes de santé notamment en termes de stress ;

QUE toutefois l'ensemble des pièces précitées et plus spécifiquement le procès-verbal de réunion extraordinaire du CHSCT du 7 décembre 2009 où l'employeur fixe les directives pour tenter de résoudre le mal être de son salarié au travail, le procès-verbal de réunion extraordinaire du CHSCT du 24 septembre 2010 où l'employeur convie le médecin du travail pour tenter de solutionner les difficultés de son salarié et plus généralement les réponses faites par la direction permettent de considérer que la société a satisfait à son obligation de sécurité ; que la demande sera rejetée ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le deuxième moyen de cassation relatif au harcèlement moral emportera annulation de l'arrêt en ce qu'il a débouté Monsieur V... de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, ce en application de l'article 624 du Code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur V... de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.

AUX MOTIFS QUE Monsieur V... soulève, à titre subsidiaire, l'exécution déloyale du contrat de trail par l'employeur ; qu'au regard des précédents motifs et du fait que le salarié n'invoque aucun autre argument à l'appui de cette demande, la cour relève que Monsieur V... ne justifie pas de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.

ALORS, d'une part, QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation relatif à la discrimination syndicale ou sur le deuxième moyen de cassation relatif au harcèlement moral emportera annulation de l'arrêt en ce qu'il a écarté la demande de dommages-intérêts de Monsieur V... pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur, et ce en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;

ALORS, d'autre part, QUE Monsieur V..., dans ses conclusions devant la cour d'appel, invoquait un moyen spécifique, non soutenu à l'appui de ses autres demandes, suivant lequel l'employeur avait manqué à son obligation de diligenter une enquête sérieuse, approfondie et objective sur la réalité des faits qu'il avait dénoncés ; qu'en énonçant à l'appui du rejet de la demande que Monsieur V... n'invoquait aucun autre argument à l'appui de sa demande que ceux qui faisaient l'objet de ses précédents motifs relatifs à une discrimination syndicale, au harcèlement et à l'obligation de sécurité, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-17080
Date de la décision : 13/01/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 jan. 2021, pourvoi n°19-17080


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.17080
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