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07/01/2021 | FRANCE | N°19-21786

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 07 janvier 2021, 19-21786


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 janvier 2021

Cassation sans renvoi

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 2 FS-P

Pourvoi n° Y 19-21.786

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JANVIER 2021

La commune de [...], représentée par son maire en exer

cice, domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-21.786 contre les deux arrêts rendus les 6 juin 2019 et 14 février 2019 par la cour d'appel d...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 janvier 2021

Cassation sans renvoi

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 2 FS-P

Pourvoi n° Y 19-21.786

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JANVIER 2021

La commune de [...], représentée par son maire en exercice, domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-21.786 contre les deux arrêts rendus les 6 juin 2019 et 14 février 2019 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 2e chambre, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme I... F..., épouse W...,

2°/ à M. X... W...,

tous deux domiciliés [...] ,

3°/ à M. S... M..., domicilié [...] ,

4°/ à Mme O... D...,

5°/ à Mme L... Q...,

tous deux domiciliés [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Béghin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la commune de [...], de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. et Mme W..., et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Béghin, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Barbieri, Jessel, David, conseillers référendaires, Mme Collomp, M. Jariel, Mme Schmitt, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la commune de [...] (la commune) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 14 février 2019.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 6 juin 2019), la commune, devenue propriétaire de diverses parcelles constituant le site de [...], a assigné M. et Mme W... en libération des lieux. Un arrêt du 14 février 2019, après avoir dit qu'ils disposaient d'un bail d'habitation sur le bâtiment dénommé "[...]", a ordonné leur expulsion des autres parcelles qu'ils occupaient, ainsi que celle de tous occupants de leur chef. M. et Mme W... ont présenté une requête en interprétation de cet arrêt.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. La commune fait grief à l'arrêt de dire que l'expression « les occupants de leur chef », figurant au dispositif de l'arrêt du 14 février 2019, s'entend des personnes de la famille de M. et Mme W... ou de leur entourage proche qui ont partagé concomitamment un même toit qu'eux sur le site de [...], autre que celui de la « [...] », alors :

« 1°/ que les juges ne peuvent interpréter leurs décisions que lorsqu'elles sont ambiguës ; qu'en jugeant bien fondée la requête en interprétation d'arrêt, quand elle constatait que la nécessité de l'interprétation ne s'imposait pas de l'équivoque de l'arrêt mais d'une interprétation exempte de bonne foi par une des parties, la cour d'appel a violé l'article 461 du code de procédure civile ;

2°/ que les juges ne peuvent interpréter leurs décisions que lorsqu'elles sont ambiguës ; qu'en jugeant bien fondée la requête en interprétation d'arrêt, quand l'expression « occupants de leur chef » est claire et n'appelle aucune interprétation, seule la qualification pouvant être discutée au cas par cas, au stade de l'exécution de la décision, la cour d'appel a violé l'article 461 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 461 du code de procédure civile :

4. Il résulte de ce texte qu'il n'appartient aux juges de fixer le sens de leur décision que lorsqu'elle donne lieu à des lectures différentes.

5. Pour dire y avoir lieu à interprétation, l'arrêt retient que des propos, rapportés dans la presse, attribués au maire de la commune et portant sur la notion d'occupants du chef de M. et Mme W..., rendent nécessaire l'interprétation de l'arrêt du 14 février 2019.

6. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'en eux-mêmes, les termes du dispositif de cet arrêt ordonnant l'expulsion de M. et Mme W... et de tous occupants de leur chef n'étaient pas susceptibles de lectures divergentes et permettaient l'exécution de l'arrêt, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit n'y avoir lieu à interprétation de l'arrêt du 14 février 2019 ;

Rejette la requête ;

Condamne M. et Mme W... aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la commune de [...]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'expression figurant au dispositif de l'arrêt RG18/02432 du 14 février 2019 « les occupants de leur chef », qui vise Mme I... F... et M. X... W... auxquels il est enjoint de libérer les lieux – à l'exception de la « [...] » objet du bail du 5 août 2005 – sous astreinte courant contre eux et sous peine d'expulsion judiciaire dans les termes dudit dispositif, s'entend des personnes de leur famille ou de leur entourage proche qui ont partagé concomitamment un même toit qu'eux sur le site de [...], autre que celui de la « [...] » ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « il résulte des pièces produites et notamment de propos rapportés dans la presse attribués au maire de [...] et non publiquement démentis que la notion « tous occupants de leur chef » retenue dans le dispositif de l'arrêt laisse place à l'interprétation, M. S... E..., maire de la commune, ayant selon le quotidien Midi-Libre dans son édition du 16 février 2019 déclaré « c'est à eux (les appelants soit les époux W...) d'expulser à notre place les squatters qu'ils ont laissé entrer. Faute de quoi, ils devront payer 900 euros d'astreinte par mois » ; qu'il ressort pourtant des termes de l'arrêt que la cour n'était saisie d'une demande d'expulsion qu'à l'égard des époux W..., qu'elle a rejeté l'intervention volontaire de Mmes O... D... et L... Q... au motif que celle-ci ne se rattachait pas par un lien suffisant aux prétentions principales des époux W..., lesquels se sont vu au demeurant reconnaître par l'arrêt un bail d'habitation régulier sur le bâtiment dénommé « [...] », ce qui les distingue des « autres occupants » évoqués en page 4 de l'arrêt, ce qui était encore confirmé en page 5 par l'observation selon laquelle « l'issue de la présente instance est sans incidence sur le sort des autres occupants du site », d'où il résultait nécessairement pour un lecteur de bonne foi que ces autres occupants n'ont pas été considérés par la cour dans son arrêt comme des « occupants du chef des époux W... » ; que la confusion entretenue sur ce point justifie à suffisance le bien fondé de la requête en interprétation d'arrêt, à laquelle il sera fait droit dans les termes du dispositif ; que la nécessité de l'interprétation ne s'imposant pas de l'équivoque de l'arrêt mais d'une interprétation exempte de bonne foi par une des parties, les dépens seront laissés à la charge de cette dernière » (arrêt page 6) ;

1°) ALORS QUE les juges ne peuvent interpréter leurs décisions que lorsqu'elles sont ambiguës ; qu'en jugeant bien fondée la requête en interprétation d'arrêt, quand elle constatait que la nécessité de l'interprétation ne s'imposait pas de l'équivoque de l'arrêt mais d'une interprétation exempte de bonne foi par une des parties, la cour d'appel a violé l'article 461 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les juges ne peuvent interpréter leurs décisions que lorsqu'elles sont ambiguës ; qu'en jugeant bien fondée la requête en interprétation d'arrêt, quand l'expression « occupants de leur chef » est claire et n'appelle aucune interprétation, seule la qualification pouvant être discutée au cas par cas, au stade de l'exécution de la décision, la cour d'appel a violé l'article 461 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE les juges, saisis d'une contestation relative à l'interprétation d'une précédente décision, ne peuvent, sous prétexte d'en déterminer le sens, modifier les droits ou obligations des parties ; qu'en jugeant que l'expression « les occupants de leur chef » figurant au dispositif de l'arrêt du 14 février 2019 s'entendait des seules personnes de la famille de M. et Mme W... ou de leur entourage proche, qui ont partagé concomitamment un même toit qu'eux sur le site de la Borie, autre que celui de [...], pour cela que la cour n'avait été saisie que d'une demande d'expulsion à l'encontre des époux W... et qu'il résultait des motifs de l'arrêt relatifs à l'intervention volontaire de Mmes D... et Q... que les autres occupants du site n'avaient pas été considérés comme des occupants du chef des époux W..., quand l'arrêt interprété n'avait pas tranché la question des occupants du chef de M. et Mme W..., la cour d'appel, qui a restreint les droits de la commune et les obligations des époux W..., a violé l'article 461 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-21786
Date de la décision : 07/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

JUGEMENTS ET ARRETS - Interprétation - Pouvoirs des juges - Etendue - Détermination - Portée

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesures d'exécution forcée - Expulsion - Commandement d'avoir à libérer les locaux - Locaux d'habitation - Occupant du chef de la personne expulsée - Notion - Arrêt ordonnant l'expulsion de deux personnes sans droit ni titre et de celle de tous occupants de leur chef - Jugements et arrêts - Interprétation - Pouvoirs des juges - Etendue - Détermination - Portée

Les termes du dispositif d'un arrêt ordonnant l'expulsion de deux personnes sans droit ni titre et de celle de tous occupants de leur chef ne sont pas, en eux-mêmes, susceptibles de lectures divergentes et permettent l'exécution de l'arrêt. En conséquence, viole l'article 461 du code de procédure civile la cour d'appel qui retient que des propos, rapportés dans la presse, attribués au maire de la commune propriétaire des terrains occupés et portant sur la notion d'occupants du chef des personnes expulsées, rendent nécessaires l'interprétation de l'arrêt ayant ordonné l'expulsion


Références :

article 461 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 14 février 2019

A rapprocher : 1re Civ., 13 mai 2014, pourvoi n° 13-14409, Bull. 2014, I, n° 81 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 07 jan. 2021, pourvoi n°19-21786, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Alain Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.21786
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