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06/01/2021 | FRANCE | N°19-20765

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 janvier 2021, 19-20765


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 janvier 2021

Cassation

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 3 F-D

Pourvoi n° P 19-20.765

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JANVIER 2021

M. K... Y..., domicilié [...] , a formé

le pourvoi n° P 19-20.765 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à la s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 janvier 2021

Cassation

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 3 F-D

Pourvoi n° P 19-20.765

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JANVIER 2021

M. K... Y..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° P 19-20.765 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Fiduciaire Cadeco, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La société Fiduciaire Cadeco a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gilibert, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. Y..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Fiduciaire Cadeco, après débats en l'audience publique du 10 novembre 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Gilibert, conseiller rapporteur, Mme Valéry, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juin 2019), M Y..., invoquant l'existence d'une promesse d'embauche par la société Fiduciaire Cadeco, a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Examen des moyens

Sur le pourvoi incident, dont l'examen est préalable

Enoncé du moyen

2. L'employeur fait grief à l'arrêt de juger que le salarié a fait l'objet d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de diverses sommes, alors « que l'acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation, constitue une offre de contrat de travail, lequel se forme par l'acceptation de son destinataire ; qu'en se déterminant aux termes de motifs propres et adoptés dont ne résulte pas l'accord des parties sur la rémunération convenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

3. Le salarié conteste la recevabilité du moyen faisant valoir que celui-ci est nouveau.

4. L'employeur a soutenu devant la cour d'appel qu'il n'y avait pas eu accord sur la rémunération.

5. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, et L. 1221-1 du code du travail :

6. Selon le second de ces textes, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter.

7. Pour condamner l'employeur au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient qu'il y a eu un échange de consentement entre les parties, que le contrat s'est formé et que si l'exécution n'a pas commencé, la rupture à l'initiative de l'employeur de la relation contractuelle caractérise un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, s'il y avait accord des parties sur la rémunération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi principal, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué,

« Sur les conséquences financières
Faute de justifier d'une ancienneté suffisante, Monsieur Y... ne peut prétendre à aucune indemnité compensatrice de préavis qu'elle soit conventionnelle ou légale.
(
) » ;

ALORS, en premier lieu, QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que, pour considérer, en l'espèce, que le salarié ne pouvait prétendre à aucune indemnité compensatrice de préavis qu'elle soit conventionnelle ou légale, la cour d'appel a considéré que le salarié ne justifiait pas d'une ancienneté suffisante ; qu'en statuant ainsi, alors que la condition tenant à l'ancienneté du salarié a été soulevée d'office, sans avoir été évoquée par les parties, la cour d'appel, qui n'a pas invité ces dernières à s'expliquer sur ce point, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS, en deuxième lieu, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé ; qu'en l'espèce, après avoir reconnu l'existence d'un contrat de travail entre M. Y... et la société FIDUCIAIRE CADECO, la cour d'appel a considéré que M. Y... ne pouvait prétendre à aucune indemnité compensatrice de préavis qu'elle soit conventionnelle ou légale, faute de justifier d'une ancienneté suffisante ; qu'en statuant ainsi, alors que, si M. Y... faisait la demande d'une indemnité compensatrice de préavis, la société FIDUCIAIRE CADECO ne contestait aucunement devoir cette indemnité si l'existence du contrat de travail était reconnue, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

ALORS, en troisième lieu, QUE la circonstance que le contrat de travail ait été rompu avant tout commencement d'exécution n'exclut pas que le salarié puisse prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré qu'un contrat de travail s'était formé entre M. Y... et la société FIDUCIAIRE CADECO et que, même si l'exécution du contrat de travail n'a pas commencé, la rupture à l'initiative de l'employeur de la relation contractuelle caractérisait un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit au paiement d'une indemnité de préavis et à des dommages-intérêts pour rupture abusive ; que, pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis, elle a cependant estimé que, faute de justifier d'une ancienneté suffisante, M. Y... ne pouvait prétendre à aucune indemnité compensatrice de préavis qu'elle soit conventionnelle ou légale ; qu'en statuant ainsi, alors que la circonstance que, le contrat de travail n'ayant pas reçu exécution, le salarié n'eût pu acquérir d'ancienneté au sein de l'entreprise, ne lui permettait pas d'exclure tout droit au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les dispositions des articles L. 1221-1, L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail. Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Fiduciaire Cadeco

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR jugé que M. Y... avait fait l'objet d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse par la SARL Fiduciaire Cadeco et condamné cette dernière au paiement d'indemnités de rupture, dommages et intérêts pour frais exposés et pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU'« Aux termes de l'article L.1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun. Il peut être établi dans les formes que les parties contractantes décident d'adopter.
M. Y... soutient que la rupture de la promesse d'embauche a été faite sans motif légitime et constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il précise que la promesse d'embauche était bien existante en ce que les parties s'étaient mises d'accord sur le poste, les missions à accomplir, le lieu de travail, la date de début du contrat (lundi 13 avril 2015), la rémunération (30.000 € annuels) et que ses cartes vitale et d'identité ont été sollicitées pour finaliser son dossier.
M. Y... indique qu'il avait accepté l'offre qui lui avait été faite et qu'il a pris un logement à Paris à cette seule fin, de sorte qu'une fois acceptée, l'offre de contrat de travail ne pouvait plus être retirée par l'employeur.
Il indique que le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation dont se prévaut la Sarl Fiduciaire Cadeco est inapplicable en ce qu'il résulte de l'ordonnance de réforme du droit des contrats du 10 février 2016, postérieure aux faits.
Pour justifier de sa demande M. Y... produit tous les échanges par courriel entre les parties.

QUE La Sarl Fiduciaire Cadeco soutient qu'il n'y a pas de promesse d'embauche existante, et in fine aucune rupture abusive de cette dernière. Elle fait valoir que les entretiens avec M. Y... constituaient des pourparlers n'engageant pas l'employeur à conclure le contrat de travail. La société soutient que M. Y... a exprimé son refus d'être subordonné à la société.
La fiduciaire Cadeco précise qu'aucune condition concernant le poste autre que celles indiquées dans l'offre adressé au public n'a été ajoutée suite aux entretiens, que le salaire est indiqué par M. Y... lui-même dans son mail, qui n'apporte pas la preuve que la date d'entrée ait été définie ou déterminée de façon certaine, ni que la formulation employée ait été celle voulu par M. L... non-identifié comme l'auteur du courriel. L'employeur soutient également que l'offre n'était pas ferme, mais qu'elle était assortie d'une condition tenant à l'approbation des associés et que celle-ci n'a pas été remplie, puisqu'il s'agissait d'une création de poste nécessitant une organisation particulière du fait de la petite taille de la société.

La Sarl Fiduciaire Cadeco s'appuie sur le revirement de jurisprudence opéré par la cour de cassation du 21 septembre 2017 selon lequel la promesse d'embauche ne vaut plus forcément un contrat de travail. »

QU' en l'espèce, la cour observe d'une part, que les parties ont eu trois entretiens formalisés les 20 février, 6 et 30 mars 2015, les représentants de la société étant, successivement, M. F..., chef de mission et M. L..., directeur, et d'autre part, que le rendez-vous du 30 mars 2015, avait pour but, selon courriel du 25 mars 2015, (pièce 5, appelant) de « formaliser votre embauche avec Messieurs L... et F... » étant précisé qu'il était expressément demandé à Monsieur Y... de se munir d'une pièce d'identité et de sa carte vitale.
La cour relève que par courriel du 2 avril 2015, adressé à Monsieur Y... à 10 heures 33, la société Cadeco indique : « Je vous confirme la date du 13 avril 2015, date de début de votre contrat. » et que, par courriel du même jour à 13 heures 39 ce dernier a répondu : « C'est bien noté. Cordialement. ».
La cour retient donc en conséquence qu'il y a eu un échange de consentement entre les parties et qu'ainsi que le soutient Monsieur Y..., le contrat envisagé s'est formé.
En outre, la cour relève qu'après son courriel du 11 avril 2015, dans lequel il considérait « qu'il est inconcevable de travailler sous votre responsabilité », M. Y... « confirme son intérêt pour le poste » dès le 17 avril 2015 et qu'un rendez-vous a été pris par la société pour le 5 mai suivant, avec M. L....
Ainsi, la Fiduciaire Cadeco ne peut soutenir valablement que les contacts entre les parties se sont résumés en simples pourparlers et que l'assistante de direction, Mme W..., auteur des différents courriels précités au nom de la société a engagé, cette dernière, sans instruction ni consigne.
Il importe peu par ailleurs que l'accord des actionnaires pour ce contrat n'ait pas été obtenu étant observé qu'il n'a jamais été présenté comme un préalable pendant la procédure de recrutement ou que Monsieur Y..., s'impatientant légitimement en date du 11 avril 2015 lui ait indiqué par courriel ( pièce 9 salarié) « Dans ces conditions , je considère qu'il est inconcevable de travailler sous votre responsabilité » cette affirmation n'étant pas, à elle seule, en mesure de remettre en cause son engagement. » (arrêt p.3, p.4 §.1 à 5).

QUE Par un courriel daté du 5 mai 2015, Monsieur Y... faisant état d'un appel téléphonique de Monsieur L..., non contesté, au cours duquel ce dernier lui a fait part de sa décision de ne plus procéder à son recrutement, a vainement réclamé une confirmation écrite de cette décision, renouvelant cette demande par courriel du 21 mai 2015 puis par le truchement d'un conseil le 28 mai 2015.

Même si l'exécution du contrat de travail n'a pas commencé, la rupture à l'initiative de l'employeur de la relation contractuelle caractérise un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit au paiement d'une indemnité de préavis et à des dommages et intérêts pour rupture abusive.
La cour confirme par conséquent le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'existence d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse. » (arrêt p.4 §.6 et 7) ;

ET AUX MOTIFS adoptés QUE « l'engagement de l'employeur constitue une promesse d'embauche écrite ou orale lorsqu'il précise les éléments suivants :
- l'emploi proposé au candidat retenu,
- la date d'entrée en fonction envisagée ;

QUE les circonstances de l'espèce constituent un faisceau d'indices vers une présomption de promesse d'embauche ;
Que l'employeur fait preuve de mauvaise foi quand il prétend à l'absence de relation contractuelle car les parties auraient été en l'état de simples pourparlers ;
En conséquence, le conseil conclut à l'existence d'une présomption de promesse d'embauche orale dont la rétractation par l'employeur emporte les conséquences d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse » ;

ALORS QUE l'acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation, constitue une offre de contrat de travail, lequel se forme par l'acceptation de son destinataire ; qu'en se déterminant aux termes de motifs propres et adoptés dont ne résulte pas l'accord des parties sur la rémunération convenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L.1221-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-20765
Date de la décision : 06/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 jan. 2021, pourvoi n°19-20765


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.20765
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