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06/01/2021 | FRANCE | N°19-19250

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 janvier 2021, 19-19250


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 janvier 2021

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 17 F-D

Pourvoi n° S 19-19.250

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JANVIER 2021

1°/ M. C... N...,

2°/ Mme F... Q..., épouse N...,

dom

iciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° S 19-19.250 contre l'arrêt rendu le 14 mai 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 janvier 2021

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 17 F-D

Pourvoi n° S 19-19.250

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JANVIER 2021

1°/ M. C... N...,

2°/ Mme F... Q..., épouse N...,

domiciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° S 19-19.250 contre l'arrêt rendu le 14 mai 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Champagne Bourgogne, société coopérative de crédit, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme N..., de la SCP Marc Lévis, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Champagne Bourgogne, après débats en l'audience publique du 10 novembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 14 mai 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 25 janvier 2017, pourvoi n° 16-12.517), suivant acte notarié du 28 janvier 1994, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Champagne Bourgogne (la banque) a consenti à M. et Mme N... un prêt, dont la dernière annuité de remboursement est échue le 9 février 2009. Le 22 avril 2013, à la suite d'échéances demeurées impayées, la banque leur a délivré un commandement de payer valant saisie immobilière et a sollicité la vente forcée des immeubles donnés en garantie.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

3. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter les moyens soulevés et de constater que les conditions prévues aux articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies, de constater que la banque dispose d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, et que la saisie porte sur un bien ou un droit immobilier, de retenir en conséquence la créance de la banque à la somme totale de 295 056,70 euros selon décompte arrêté au 15 mars, et de dire que l'adjudication aura lieu sur une mise à prix de 34 500 euros pour le lot n° 1, de 13 000 euros pour le lot n° 2, et de 14 950 euros pour le lot n° 3 et d'ordonner la poursuite de la procédure sur vente forcée, alors « que si le créancier peut poursuivre pendant trente ans, délai ramené à dix ans par la loi du 17 juin 2008, l'exécution d'un prêt constaté par acte notarié prévoyant le remboursement d'une somme payable à termes périodiques, il ne peut, en vertu de l'article 2224 du code civil, applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que « par acte notarié du 28 janvier 1994, la CRCAM de Champagne Bourgogne a consenti à M. et Mme N... un prêt, dont la dernière annuité de remboursement est échue le 9 février 2009 ; qu'après mise en demeure le 19 mars 2013, la banque susnommée a délivré un commandement de payer valant saisie immobilière le 22 du mois suivant et demandé la vente forcée des immeubles apportés pour garantie » ; que M. et Mme N... faisaient valoir, dans leurs conclusions, qu'au regard du commandement du 22 avril 2013 « et faute de déchéance du terme, les échéances antérieures au 22 avril 2008 sont donc prescrites », de sorte que la somme exigible était limitée « à l'échéance du 9 février 2009 à la somme de 25 547,49 euros » ; qu'en décidant cependant que devaient être rejetées les prétentions subsidiaires relatives à une prescription pour les échéances antérieures au 22 avril 2008, la cour d'appel a violé l'article 2277 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2277 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et l'article 2224 du même code :

4. Il résulte de ces textes que la durée de la prescription de l'action en paiement est déterminée par la nature de la créance et que le créancier d'une somme à termes périodiques ne peut obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de la demande.

5. Pour rejeter toute prescription des échéances antérieures au 22 avril 2008, l'arrêt relève que la prescription trentenaire initialement applicable à l'acte notarié du 28 janvier 1994 a été réduite à cinq ans à compter du 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi publiée le 17 du même mois et que le commandement de payer a été délivré le 22 avril 2013.

6. En statuant ainsi, alors que la banque ne pouvait obtenir le paiement d'échéances échues plus de cinq ans avant la délivrance d'un commandement valant saisie, soit antérieurement au 22 avril 2008, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Champagne Bourgogne aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Champagne Bourgogne et la condamne à payer M. et Mme N... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. et Mme N....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'ensemble des moyens soulevés par M. C... N... et son épouse Mme F... Q..., d'AVOIR constaté que les conditions prévues par les articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution sont, en l'espèce, réunies, d'AVOIR constaté que la Crcam de Champagne Bourgogne dispose d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, et que la saisie porte sur un bien ou un droit immobilier, d'AVOIR en conséquence retenu la créance de la banque à la somme totale de 295.056,70 € selon décompte arrêté au 15 mars 2013 (114.604,11 € de capital restant dû, 38.681,03 € d'intérêts pénalités, et 141.771,56 € d'intérêts de retard), et dit que l'adjudication aurait lieu sur une mise à prix de 34.500 € pour le lot n° 1 (parcelles de Chorey les Beaune), de 13.000 € pour le lot n° 2 (parcelle de Corcelles les arts), et de 14.950 € pour le lot n° 3 (parcelles de Meursault) et d'AVOIR ordonné la poursuite de la procédure sur vente forcée ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, par acte notarié du 28 janvier 1994, la Crcam de Champagne Bourgogne a consenti à M. et Mme N... un prêt, dont la dernière annuité de remboursement est échue le 9 février 2009 ; qu'après mise en demeure le 19 mars 2013, la banque susnommée a délivré un commandement de payer valant saisie immobilière le 22 du mois suivant et demandé la vente forcée des immeubles apportés pour garantie ; qu'invoquant l'article L. 137-2 du code de la consommation, Mme N... considère qu'elle n'est pas un professionnel et que ses parcelles ne peuvent être saisies ; que selon les appelants, il est manifeste qu'était différent de celui stipulé l'objet du prêt mentionné pour « stockage stock de vins à Beaune », afin de relier ce prêt et l'activité de vigneron exercé par M. N... ; qu'ils soutiennent que la banque ne justifie pas du financement d'éléments de stockage ni du déblocage des fonds ; le prêt d' 1.200.000 frs (182.938,82 €) présente le caractère professionnel par lequel ce contrat a été expressément qualifié devant notaire le 28 janvier 1994 avec l'objet ci-avant rappelé, lié à l'activité de viticulteur exactement indiquée pour M. N... ; que la banque n'a pas à justifier de l'utilisation qu'ont faite les époux N... des fonds prêtés, dont la libération est établie au regard des relevés de compte produits qui prouvent le remboursement du prêt par les emprunteurs pendant de longues années ;

Qu'en ce qui concerne Mme N..., la seule mention de sa profession d'aide-soignante dans l'acte du 28 janvier 1994 est sans effet sur la qualification du prêt, tandis que s'agissant du financement d'un stockage de vins en lien avec l'activité de son conjoint et à l'occasion duquel ont été apportées comme garantie hypothécaire des parcelles de vignes dont elle était propriétaire depuis 1988 ensuite d'un partage postérieur à la succession de sa mère, l'intéressée n'a pas contracté comme consommateur au sens de l'article L. 137-2 précité ; qu'elle ne peut donc valablement soutenir qu'à son encontre, l'action « aurait dû être engagée dans les deux ans du terme du contrat de prêt » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur la prescription de l'article L. 137-2 du code de la consommation, outre l'absence d'argumentation plus amplement développée par les consorts N... Q... quant à la nature du projet réellement financé au moyen d'un prêt souscrit le 28 janvier 1994, force est de constater que : - tant les conditions générales, en page 2 de l'acte notarié critiqué, qui précisent que le « prêteur consent à l'emprunteur un prêt professionnel destiné à financer l'opération ci-après indiquée », - que l'intitulé du document sous seing privé paraphé par les emprunteurs lors de la souscription d'un « engagement de prêt professionnel à moyen et long terme », - de même que le titre retenu en page 3 de l'acte qui prescrit « remboursement anticipé des prêts professionnels », - ou même encore les modalités de remboursement du prêt, sur une durée de 180 mois dont 36 mois différés, la périodicité retenue étant annuelle, soit des annuités de 108.000 francs pour les 3 premières, suivies de 12 annuités de 167.580,79 francs (représentant en intérêts une somme de 108.000 francs et en capital une somme de 59.580,79 francs) à régler du 9 février 1995 au 9 février 2009, permettent au contraire de s'assurer du caractère assurément professionnel d'un tel engagement ; que s'il est de jurisprudence constante que les dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation s'appliquent de manière non équivoque, et faute de toute précision apportée par la loi, tant aux crédits à la consommation qu'aux crédits immobiliers, encore convient-il de s'assurer de la qualité de consommateur de celui qui entend bénéficier de la prescription biennale prévue par ce texte, la notion d'usage non professionnel étant directement à rattacher à celle du rapport direct avec l'activité professionnelle de celui qui souscrit l'engagement ; qu'à cet égard, M. C... N... et son épouse Mme F... Q..., qui ne sont certes pas des professionnels du crédit immobilier, ne peuvent pour autant légitimement soutenir qu'ils devraient bénéficier de la qualité de « consommateurs », dès lors qu'ils ont souscrits, par devant notaire, ce prêt directement en lien avec l'activité économique de l'exploitation viticole dirigée par M. N... ; que le prêt étant arrivé à échéance le 9 février 2009, date de la dernière annuité, la Crcam de Champagne Bourgogne disposait d'un délai de 5 ans expirant le 9 février 2014 pour agir à l'encontre de ses débiteurs, ce qu'elle a finalement fait en leur délivrant dès le 19 mars 2013 une mise en demeure d'avoir à régulariser leur situation comptable puis le 22 avril 2013 un commandement de payer valant saisie ;

1) ALORS QUE l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu'est considéré comme consommateurs toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielles, artisanale ou libérale ; qu'en l'espèce, ayant constaté que le prêt litigieux était destiné à financer « un stockage de vins en lien avec l'activité de son conjoint », la cour d'appel a néanmoins considéré que « la seule mention de sa profession d'aide-soignante dans l'acte du 28 janvier 1994 (était) sans effet sur la qualification du prêt » de sorte que qu'il n'était pas établi que Mme N... avait contracté en qualité de consommateur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 137-2 (devenu L. 218-2) du code de la consommation ;

2) ALORS QUE l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu'est considéré comme consommateurs toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielles, artisanale ou libérale ; qu'à cet égard, les qualités de co-emprunteur et de conjoint collaborateur ne peuvent, à elles-seules, conférer un caractère professionnel pour le co-emprunteur aux dettes contractées pour l'activité professionnelle de son conjoint ; qu'en l'espèce, pour décider que Mme N... n'avait pas contracté en qualité de consommateur, la cour d'appel a retenu que le prêt était destiné à financer « un stockage de vins en lien avec l'activité de son conjoint et à l'occasion duquel ont été apportées comme garantie hypothécaire des parcelles de vignes dont elle était propriétaire depuis 1988 » (cf. arrêt, p. 3) ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à conférer un caractère professionnel, à l'égard de Mme N..., au prêt contracté pour l'activité professionnelle de son conjoint, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 137-2 (devenu L. 218-2) du code de la consommation.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'ensemble des moyens soulevés par M. C... N... et son épouse Mme F... Q..., d'AVOIR constaté que les conditions prévues par les articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution sont, en l'espèce, réunies, d'AVOIR constaté que la Crcam de Champagne Bourgogne dispose d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, et que la saisie porte sur un bien ou un droit immobilier, d'AVOIR en conséquence retenu la créance de la banque à la somme totale de 295.056,70 € selon décompte arrêté au 15 mars 2013 (114.604,11 € de capital restant dû, 38.681,03 € d'intérêts pénalités, et 141.771,56 € d'intérêts de retard), et dit que l'adjudication aurait lieu sur une mise à prix de 34.500 € pour le lot n° 1 (parcelles de Chorey les Beaune), de 13.000 € pour le lot n° 2 (parcelle de Corcelles les arts), et de 14.950 € pour le lot n° 3 (parcelles de Meursault) et d'AVOIR ordonné la poursuite de la procédure sur vente forcée ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE les appelants font aussi valoir une prescription à raison de leur dernier règlement volontaire en février 2000, après lequel une déchéance du terme n'a pas été prononcée pour des impayés ultérieurs ; que toutefois, il convient d'adopter les motifs par lesquels le juge de l'exécution a écarté une prescription du titre exécutoire avant le commandement du 22 avril 2013 au regard des trente années de prescription initialement applicables pour cet acte notarié du 28 janvier 1994 et réduites à cinq courant du 19 juin 2008, date d'entrée de la loi publiée le 17 du même mois ; qu'à bon droit, le premier juge a d'ailleurs relevé que la faculté qu'avait eu la banque de prononcer la déchéance du terme ne l'empêchait pas de choisir la poursuite de l'exécution du contrat ; qu'il s'ensuit que doivent être rejetées les prétentions subsidiaires relatives à une prescription pour les échéances antérieures au 22 avril 2008 ; qu'est sans emport sur les 295.056,70 € de créance en capital et intérêts, décomptés le 15 mars 2013 conformément au titre exécutoire, la contestation élevée en considération d'accessoires et d'un texte sur la conservation d'intérêts conventionnels par l'hypothèque ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la prescription du titre exécutoire, la prescription d'un acte notarié – titre exécutoire au sens des dispositions de l'article L. 111-3-4° du code des procédures civiles d'exécution – était régie avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 par la prescription trentenaire de droit commun ; que par l'effet de l'interversion des prescriptions, les juridictions précisaient qu'un commandement de saisie immobilière pouvait intervenir jusqu'à trente années après la régularisation de l'acte notarié ; qu'ainsi, sous l'empire des dispositions anciennes, le Crédit Agricole pouvait-il délivrer un commandement aux époux N... Q... jusqu'au 28 janvier 2024 ;
Que depuis l'entrée en vigueur le 19 juin 2008 de la loi précitée, la prescription d'un acte authentique est identique à celle applicable à la nature de la créance contenue dans l'acte, soit en l'espèce une prescription quinquennale ; qu'il est prévu qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai ne commence courir que du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que la créance détenue par la Crcam de Champagne Bourgogne résultant de l'acte authentique du 28 janvier 1994 n'était pas encore prescrite – au regard des 14 années déjà écoulées – lorsque la loi du 17 juin 2008 a commencée à produire ses effets ; qu'ainsi la Crcam de Champagne Bourgogne disposait-elle d'un titre exécutoire intrinsèquement porteur de la faculté de poursuivre les consorts N... Q... jusqu'au 19 juin 2013 ; que le commandement de payer valant saisie ayant été délivré le 22 avril 2013, aucune prescription du titre exécutoire ne saurait lui être opposée ;

ALORS QUE si le créancier peut poursuivre pendant trente ans, délai ramené à dix ans par la loi du 17 juin 2008, l'exécution d'un prêt constaté par acte notarié prévoyant le remboursement d'une somme payable à termes périodiques, il ne peut, en vertu de l'article 2224 du code civil, applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que « par acte notarié du 28 janvier 1994, la Crcam de Champagne Bourgogne a consenti à M. et Mme N... un prêt, dont la dernière annuité de remboursement est échue le 9 février 2009 ; qu'après mise en demeure le 19 mars 2013, la banque susnommée a délivré un commandement de payer valant saisie immobilière le 22 du mois suivant et demandé la vente forcée des immeubles apportés pour garantie » (cf. arrêt, p. 3) ; que les époux N... faisaient valoir, dans leurs conclusions, qu'au regard du commandement du 22 avril 2013 « et faute de déchéance du terme, les échéances antérieures au 22 avril 2008 sont donc prescrites », de sorte que la somme exigible était limitée « à l'échéance du 9 février 2009 à la somme de 25.547,49 euros » (cf. pp. 12-13) ; qu'en décidant cependant que devaient être rejetées les prétentions subsidiaires relatives à une prescription pour les échéances antérieures au 22 avril 2008, la cour d'appel a violé l'article 2277 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et l'article 2224 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-19250
Date de la décision : 06/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 14 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 jan. 2021, pourvoi n°19-19250


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Marc Lévis, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.19250
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