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17/12/2020 | FRANCE | N°18-24228

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 décembre 2020, 18-24228


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 décembre 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 945 FP-P+B+I

Pourvoi n° H 18-24.228

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 DÉCEMBRE 2020

1°/ M. A... E...,

2°/ M. JM... E...,

/ M. GM... E...,

domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° H 18-24.228 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2018 par la cour d'appel de Saint-Denis (chambre civ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 décembre 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 945 FP-P+B+I

Pourvoi n° H 18-24.228

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 DÉCEMBRE 2020

1°/ M. A... E...,

2°/ M. JM... E...,

3°/ M. GM... E...,

domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° H 18-24.228 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2018 par la cour d'appel de Saint-Denis (chambre civile TGI), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme S... W..., épouse F..., domiciliée [...] ,

2°/ à Mme EF... V..., épouse B..., domiciliée [...] ,

3°/ à M. R... V...,

domicilié [...] ,

4°/ à M. T... V..., domicilié [...] ,

5°/ à Mme L... V..., épouse K..., domiciliée [...] ,

6°/ à M. YH... V..., domicilié [...] ,

7°/ à M. D... V..., domicilié [...] ,

8°/ à Mme MM... V..., épouse U..., domiciliée [...] ,

9°/ à M. E... V..., domicilié [...] ,

10°/ à Mme M... P..., domiciliée [...] ,

11°/ à M. Q... V..., domicilié [...] ,

12°/ à Mme C... H... épouse X..., domiciliée [...] (Belgique),

13°/ à M. Y... V..., domicilié [...] ,

14°/ à Mme BM... V..., épouse J..., domiciliée [...] (Suisse),

15°/ à M. I... V..., domicilié [...] ,

16°/ à Mme NF... V..., domiciliée [...] , prise en qualité d'ayant droit de JY... V..., décédé,

17°/ à Mme O... TR..., épouse LR..., domiciliée [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Parneix, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat des consorts E..., de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme W..., des consorts EF..., R..., L...,
YH..., D..., MM..., E..., Q..., C..., Y..., BM..., I... et NF... V..., et de Mme P..., et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Parneix, conseiller rapporteur, MM. Maunand, Echappé, conseillers doyens, M. Nivôse, Mmes Andrich, Greff-Bohnert, conseillers, Mmes Georget, Collomp, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 421-4-1, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Désistement partiel

1. Il est donné acte à MM. A..., JM... et GM... E... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. T... V....

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 27 avril 2018), par acte de partage du 27 octobre 1947, YQ... E... s'est vu attribuer une parcelle de terrain, cadastrée [...] et devenue indivise entre ses petits-enfants (les consorts V...) après son décès, le 30 décembre 1965.

3. Le 27 juin 2008, son neveu, M. A... E..., a fait établir à son nom un acte de notoriété acquisitive de cette parcelle.

4. Un jugement irrévocable du 4 avril 2012, complété le 15 octobre 2012, a constaté le titre de propriété, daté du 27 octobre 1947, des consorts V... sur la parcelle et ordonné l'expulsion de M. A... E....

5. Après avoir découvert, lors de l'exécution de ces décisions, que, selon acte du 29 mars 2010, M. A... E... avait fait donation de la parcelle à ses fils JM... et GM..., les consorts V... les ont assignés en annulation de la donation et expulsion.

Recevabilité du pourvoi contestée par le ministère public

6. Le ministère public soulève l'irrecevabilité du pourvoi en application de la règle « pourvoi sur pourvoi ne vaut », au motif qu'un premier pourvoi a été régulièrement déposé le 18 octobre 2018 par les consorts E... (n° 18-23.688) et a donné lieu à une ordonnance de déchéance du 23 mai 2019.

7. Cependant, la deuxième chambre civile, chambre de la procédure civile, revenant à une lecture plus littérale de l'article 621 du code de procédure civile, a abandonné récemment la règle prétorienne « pourvoi sur pourvoi ne vaut » (2e Civ., 27 juin 2019, pourvoi n° 17-28.111, PBRI), suivant ainsi la jurisprudence de l'assemblée plénière (Ass. Plén., 23 novembre 2007, pourvois n° 06-10.039 et 05-17.975, Bull. 2007, Ass. Plén., n° 8).

8. Dès lors, en conformité avec cette jurisprudence, il y a lieu de déclarer le pourvoi recevable en application de l'article 621 du code de procédure civile, l'ordonnance qui constate la déchéance du premier pourvoi étant postérieure à la déclaration du second pourvoi.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Vu l'article 468 du code civil :

9. Il résulte de ce texte que le majeur en curatelle ne peut introduire une action en justice ou y défendre sans l'assistance du curateur.

10. L'arrêt prononce l'annulation de l'acte de donation et ordonne l'expulsion des consorts E..., alors que M. A... E... avait été placé sous curatelle par jugement du 1er juillet 2013 et qu'il ne résulte d'aucune des mentions de l'arrêt ni d'aucune des pièces de la procédure que son curateur, M. George-Marie E..., ait été appelé à l'instance en cette qualité afin de l'assister.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée.

Condamne Mme W..., les consorts EF..., R..., L...,
YH..., D..., MM..., E..., Q..., C..., Y..., BM..., I... et NF... V..., et Mme P... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Alain Bénabent , avocat aux Conseils, pour les consorts E....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les fins de nonrecevoir tirées de la prescription et de l'autorité de la chose jugée, constaté la nullité de l'acte de donation dressé le 29 mars 2010 par Maître BN... KI... entre Messieurs A... E... d'une part, et JM... et GM... E... d'autre part et d'avoir, par conséquent, ordonné l'expulsion de Messieurs JM... et GM... E... et de tous occupants de leur chef et de tous leurs biens, avec le concours de la force publique en cas de besoin, des parcelles cadastrées [...] et 206 situées à Saint Paul L'Hermitage Les Hautes [...], dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte.

AUX MOTIFS QUE « sur la prescription : qu'aux termes de l'article 2224 du code civil, "les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer" ;

qu'en l'espèce, l'acte de donation litigieux dont la nullité est réclamée a été dressé le 29 mars 2010 mais n'a été publié et enregistré à la Conservation des hypothèques que le 19 mars 2010 ;

que c'est donc au plus tôt cette dernière date qui a pu utilement faire courir le délai ; qu'or, l'action des consorts V... ayant été diligentée le 15 avril 2015, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'elle ne se heurtait à aucune prescription ;

qu'il sera d'ailleurs relevé que, lors de l'instance ayant opposé les consorts V... à Monsieur A... E... et abouti au jugement du 4 avril 2012 enjoignant à ce dernier sous astreinte de quitter les parcelles cadastrées section [...] et [...] situées à l'Hermitage les Hauts, il n'a jamais été porté à la connaissance des demandeurs la donation du 29 mars 2010 et pas davantage lors de l'instance devant le juge de l'Exécution du Tribunal de Grande instance de Saint-Denis en liquidation de l'astreinte ayant abouti à un jugement du 26 juin 2014 ;

que ce n'est en effet que par courrier du 24 décembre 2014 que l'huissier chargé d'effectuer une saisie-vente a informé le conseil des consorts V... que Monsieur A... E... avait donné à ses deux fils les parcelles cadastrées [...] et [...] (ancienne parcelle [...] )
suivant acte de donation du 29 mars 2010 ;

sur l'autorité de la chose jugée: que l'article 1351 du code civil dispose que "l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ;

qu'en l'espèce, l'action des consorts V... diligentée contre Monsieur A... E... uniquement et ayant abouti au jugement du 4 avril 2012 consistait en une revendication de la propriété des parcelles cadastrées section [...] et [...] situées à L'HERMITAGE LES HAUTS, alors que la présente action diligentée tant à l'égard de Monsieur A... E... en qualité de donateur qu'à l'égard de ses enfants Monsieur JM... E... et Monsieur GM... E... en leur qualité de donataires tend à voir annuler un acte de donation du 29 mars 2010 portant sur les parcelles cadastrées [...] et [...] (ancienne parcelle [...] ), la demande d'expulsion n'étant qu'un accessoire de la demande principale »

sur la nullité de l'acte de donation : que l'article 544 du code civil dispose que "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements"

qu'il s'en évince que nul ne peut transmettre plus de droits qu'il n'a ;

qu'en l'espèce, les consorts V... sont les légitimes propriétaires des parcelles cadastrées [...] et [...] (anciennes parcelle [...] ) en vertu du jugement du 4 avril 2012 contre lequel Monsieur JM... E... et Monsieur GM... E... n'ont pas formé tierce opposition ;

qu'or, l'acte de donation du 29 mars 2010 gratifiant les fils de Monsieur A... E... se fonde sur un acte de notoriété acquisitive du 27 juin 2008 dont la validité a été déniée par le jugement du 4 avril 2012 qui a consacré les droits de propriétaires des consorts V... sur la parcelle [...] ;

qu'il convient de constater qu'au-delà de leur titre fondé sur un acte de notoriété acquisitive du 27 juin 2008 invalidé, Monsieur JM... E... et Monsieur GM... E... ne disent pas en quoi ils pourraient être considérés comme les légitimes propriétaires de la parcelle en cause ;

que même si les premiers juges ont improprement parlé de fraude puisque la donation de 2010 a précédé le jugement de 2012, il conviendra de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé la donation litigieuse » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

que selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai prefix, la chose jugée ;

l'article 2224 du code civil prévoit que "les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;

qu'il est exact que l'acte de donation litigieux dont la nullité est réclamée a été dressé le 29 mars 2010 ;

qu'il résulte néanmoins des débats que les consorts V... n'en avait pas connaissance lors des précédentes procédures diligentées le 13 septembre 2011 devant le tribunal de grande instance de saint Denis et devant le juge de l'exécution le 16 mai 2014 ;

qu'il est au contraire justifié que l'existence de cette donation n'a été découverte qu'en décembre 2014 lors d'une tentative d'exécution forcée (procédure de saisie vente) menée par la SCP Boghen ;

qu'en tout état de cause, l'acte de donation n'a été publié et enregistré à la conservation des Hypothèques que le 19 avril 2010, de sorte qu'il n'était opposable aux tiers et que les demandeurs n'étaient susceptibles d'en avoir connaissance qu'à compter de cette date ;

que leur action ayant été diligentée le 15 avril 2015, soit dans le délai légal de cinq années, elle ne se heurte à aucune prescription et sera déclarée recevable ;

sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée :

que l'article 480 du code de procédure civile dispose que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4 ;

que l'article 1351 du code civil dispose également que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ;

qu'en l'occurrence, les défendeurs arguent de l'existence de telles circonstances pour fonder leur demande de rejet, considérant que l'expulsion a déjà été ordonnée par le tribunal de grande instance en 2012 ;

que néanmoins, le litige n'opposait pas strictement les mêmes parties puisque Messieurs JM... et GM... E... n'étaient pas appelés à cette instance ;

que d'autre part, il ne concernait aucunement le même objet dès lors qu'il s'agissait alors de contester un acte de prescription acquisitive dressé par notaire le 27 juin 2008 alors que la présente instance repose sur la contestation de la validité d'une donation-partage établie le 29 mars 2010 dont il n'a à aucun moment été question lors de l'instance de 2012 ;

que dans ces conditions, et faute d'établir une triple identité d'objet, de cause et de parties, les consorts E... seront déboutés de ce moyen ;

sur la nullité de la donation du 29 mars 2010 :

qu'en application des dispositions des articles 893 et 894 du code civil, la donation consiste essentiellement dans l'aliénation gratuite que le disposant fait de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d'une autre personne ;

qu'il ne peut donc céder plus de droits que ce dont il dispose :

qu'en l'espèce, Monsieur A... E... a, par acte notarié du 29 mars 2010, cédé à ses deux enfants JM... et GM... E... la pleine propriété des parcelles situées à [...] à l'Hermitage les Hauts cadastrées [...] et [...], provenant de la division de la parcelle cadastrée [...] d'une contenance de 7a et [...].

qu'or, il résulte du jugement non contestée du 4 avril 2012, ayant force de chose jugée, que le donateur n'était pas propriétaire de ladite parcelle [...] , contrairement à ce qu'il revendiquait ;

qu'en effet, le tribunal a pu constater que les consorts V... sont quant à eux les véritables propriétaires indivis de la parcelle [...] en vertu d'un acte notarié de partage du 27 octobre 1947 aux termes duquel leur grand-mère YQ... E..., veuve de NH... V... est devenue propriétaire du quatrième lot formant les parcelles [...] et [...] ;

qu'il a également relevé que les consorts V... ont justifié par la production de différents éléments que Monsieur A... E... n'a jamais occupé le bien en qualité de propriétaire mais de détenteur à titre précaire, de sorte qu'il ne peut se prévaloir d'aucune prescription acquisitive ;

que l'acte de notoriété acquisitive du 27 juin 2008, sur la base duquel la donation litigieuse a été dressée, est ainsi caduc et ne confère aucun droit à Monsieur E... A..., lequel était alors occupant sans droit ni titre au moment de la donation litigieuse ;

qu'il s'ensuit que Monsieur A... E... ne disposait d'aucun droit sur la parcelle et qu'il a effectué l'acte de donation en fraude des droits des requérants ;

que ces derniers [sont] donc ainsi fondés à en réclamer la nullité ;

que d'autre part, bien que les défendeurs ne revendiquent pas dans leurs écritures une prescription acquisitive à leur profit, il convient d'observer qu'ils ne justifient pas d'une possession à titre de propriétaire, continue et ininterrompue, pendant au moins dix années à compter du titre du 29 mars 2010 ;

qu'en outre, ils ne tirent aucun droit à ce titre de leur auteur dont il a déjà été jugé qu'il ne pouvait se prévaloir d'une telle prescription ;

qu'occupants sans droit ni titre, Messieurs JM... et GM... E... devront donc quitter les lieux dans les conditions du présent dispositif, sous peine d'en être expulsés et sous astreinte de 100 euros par jour de retard » ;

ALORS QU'un majeur en curatelle ne peut, sans l'assistance de son curateur, défendre à une action en justice ; qu'en l'espèce, Monsieur A... E... a été placé sous le régime de la curatelle renforcée par jugement du 1er juillet 2013, son fils, Monsieur GM... VF... E... étant nommé curateur ; qu'il ne résulte pourtant ni des mentions de l'arrêt, ni des pièces de la procédure intentée par les consorts V... à l'encontre notamment de Monsieur A... E..., que celui-ci ait été assisté pour se défendre de son curateur, Monsieur GM... VF... E..., lequel n'était en la cause qu'à titre personnel en sa qualité de propriétaire de la parcelle revendiquée; qu'en faisant droit aux demandes des consorts V... notamment formées à l'encontre de Monsieur A... E..., sans constater que celui-ci avait été assisté par son curateur pour se défendre, la cour d'appel a violé l'article 468, 3e alinéa, du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir constaté la nullité de l'acte de donation dressé le 29 mars 2010 par Maître BN... KI... entre Messieurs A... E... d'une part, et JM... et GM... E... d'autre part et d'avoir, par conséquent, ordonné l'expulsion de Messieurs JM... et GM... E... et de tous occupants de leur chef et de tous leurs biens, avec le concours de la force publique en cas de besoin, des parcelles cadastrées [...] et 206 situées à Saint Paul L'Hermitage Les Hautes [...], dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte.

AUX MOTIFS QUE « sur la nullité de l'acte de donation : que l'article 544 du code civil dispose que "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements"

qu'il s'en évince que nul ne peut transmettre plus de droits qu'il n'a ;

qu'en l'espèce, les consorts V... sont les légitimes propriétaires des parcelles cadastrées [...] et [...] (anciennes parcelle [...] )
en vertu du jugement du 4 avril 2012 contre lequel Monsieur JM... E... et Monsieur GM... E... n'ont pas formé tierce opposition ;

qu'or, l'acte de donation du 29 mars 2010 gratifiant les fils de Monsieur A... E... se fonde sur un acte de notoriété acquisitive du 27 juin 2008 dont la validité a été déniée par le jugement du 4 avril 2012 qui a consacré les droits de propriétaires des consorts V... sur la parcelle [...] ;

qu'il convient de constater qu'au-delà de leur titre fondé sur un acte de notoriété acquisitive du 27 juin 2008 invalidé, Monsieur JM... E... et Monsieur GM... E... ne disent pas en quoi ils pourraient être considérés comme les légitimes propriétaires de la parcelle en cause ;

que même si les premiers juges ont improprement parlé de fraude puisque la donation de 2010 a précédé le jugement de 2012, il conviendra de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé la donation litigieuse » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : sur la nullité de la donation du 29 mars 2010 :

qu'en application des dispositions des articles 893 et 894 du code civil, la donation consiste essentiellement dans l'aliénation gratuite que le disposant fait de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d'une autre personne ;

qu'il ne peut donc céder plus de droits que ce dont il dispose :

qu'en l'espèce, Monsieur A... E... a, par acte notarié du 29 mars 2010, cédé à ses deux enfants JM... et GM... E... la pleine propriété des parcelles situées à [...] à l'Hermitage les Hauts cadastrées [...] et [...], provenant de la division de la parcelle cadastrée [...] d'une contenance de 7a et [...].

qu'or, il résulte du jugement non contestée du 4 avril 2012, ayant force de chose jugée, que le donateur n'était pas propriétaire de ladite parcelle [...] , contrairement à ce qu'il revendiquait ;

qu'en effet, le tribunal a pu constater que les consorts V... sont quant à eux les véritables propriétaires indivis de la parcelle [...] en vertu d'un acte notarié de partage du 27 octobre 1947 aux termes duquel leur grand-mère YQ... E..., veuve de NH... V... est devenue propriétaire du quatrième lot formant les parcelles [...] et [...] ;

qu'il a également relevé que les consorts V... ont justifié par la production de différents éléments que Monsieur A... E... n'a jamais occupé le bien en qualité de propriétaire mais de détenteur à titre précaire, de sorte qu'il ne peut se prévaloir d'aucune prescription acquisitive ;

que l'acte de notoriété acquisitive du 27 juin 2008, sur la base duquel la donation litigieuse a été dressée, est ainsi caduc et ne confère aucun droit à Monsieur E... A..., lequel était alors occupant sans droit ni titre au moment de la donation litigieuse ;

qu'il s'ensuit que Monsieur A... E... ne disposait d'aucun droit sur la parcelle et qu'il a effectué l'acte de donation en fraude des droits des requérants ;

que ces derniers [sont] donc ainsi fondés à en réclamer la nullité ;

que d'autre part, bien que les défendeurs ne revendiquent pas dans leurs écritures une prescription acquisitive à leur profit, il convient d'observer qu'ils ne justifient pas d'une possession à titre de propriétaire, continue et ininterrompue, pendant au moins dix années à compter du titre du 29 mars 2010 ;

qu'en outre, ils ne tirent aucun droit à ce titre de leur auteur dont il a déjà été jugé qu'il ne pouvait se prévaloir d'une telle prescription ;

qu'occupants sans droit ni titre, Messieurs JM... et GM... E... devront donc quitter les lieux dans les conditions du présent dispositif, sous peine d'en être expulsés et sous astreinte de 100 euros par jour de retard » ;

1°/ ALORS QUE l'autorité de la chose jugée attachée à un jugement ne peut être opposée qu'aux parties à l'instance y ayant donné lieu; qu'en l'espèce, l'instance ayant donné lieu au jugement rendu le 4 avril 2012 par le tribunal de grande instance de Saint Denis de la Réunion opposait les consorts V... à Monsieur A... E... uniquement ; que pourtant, pour constater la nullité de la donation consentie par Monsieur A... E... à ses deux fils sur les parcelles litigieuses et ordonner leur expulsion sous astreinte, la cour d'appel a cru pouvoir retenir que « les consorts V... sont les légitimes propriétaires des parcelles cadastrées [...] et [...] (ancienne parcelle [...] ) en vertu du jugement du 4 avril 2012 contre lequel Monsieur JM... E... et Monsieur GM... E... n'ont pas formé tierce opposition » (v. arrêt attaqué p. 8, § 4); qu'en opposant ainsi à Messieurs JM... E... et GM... E... l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 4 avril 2012, cependant que ceux-ci n'étaient pas parties à l'instance y ayant donné lieu, la cour d'appel a violé l'article 1351 [devenu 1355] du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article 480 du code de procédure civile.

2°/ ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'un titre de propriété constitue une simple présomption de la qualité de propriétaire, que le juge est libre de retenir ou d'écarter ; qu'en l'espèce, le jugement rendu le 4 avril 2012 par le tribunal de grande instance de Saint Denis de la Réunion se bornait, dans son dispositif, à « constater le titre de propriété [des consorts V...] du 27 octobre 1947 » sur les deux parcelles litigieuses (v. production n°4, p. 5, § 1), sans aucunement déterminer qui en était le véritable propriétaire; que pourtant, pour constater la nullité la donation consentie par Monsieur A... E... à ses deux fils sur ces parcelles, la cour d'appel a cru pouvoir retenir que: « les consorts V... sont les légitimes propriétaires des parcelles cadastrées [...] et [...] (ancienne parcelle [...] ) en vertu du jugement du 4 avril 2012 » (v. arrêt attaqué p. 8, § 4) ; qu'en opposant ainsi à Monsieur A... E... une prétendue autorité de la chose jugée attachée au jugement du 4 avril 2012, cependant qu'en l'état de son dispositif, ce jugement n'avait aucunement déterminé qui était le propriétaire des parcelles litigieuses, la cour d'appel a violé l'article 1351 [devenu 1355] du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article 480 du code de procédure civile.

3°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la donation de la chose d'autrui est inopposable au véritable propriétaire ; que celui-ci dispose donc d'une action en revendication de la chose à l'égard du détenteur sans droit, mais ne peut agir en nullité de la donation consentie; qu'en l'espèce, la cour d'appel a cru pouvoir faire droit à l'action des consorts V... en nullité de la donation consentie par Monsieur A... E... le 29 mars 2010, au motif que : « les consorts V... sont les légitimes propriétaires des parcelles cadastrées [...] et [...] (ancienne parcelle [...] ) » (v. arrêt attaqué p. 8, § 4) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'article 894 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-24228
Date de la décision : 17/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

CASSATION - Pourvoi - Second pourvoi formé contre le même arrêt par le même demandeur - Déchéance du premier pourvoi - Recevabilité du second pourvoi formé avant l'ordonnance constatant la déchéance

CASSATION - Pourvoi - Pourvois successifs - Règle "pourvoi sur pourvoi ne vaut" - Exclusion - Cas

Le pourvoi formé après celui dirigé contre la même décision et les mêmes parties est recevable en application de l'article 621 du code de procédure civile si l'ordonnance constatant la déchéance du premier pourvoi est postérieure à la déclaration du second pourvoi


Références :

article 621 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 27 avril 2018

2e Civ., 27 juin 2019, pourvoi n° 17-28111, Bull. 2019, (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 17 déc. 2020, pourvoi n°18-24228, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.24228
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