LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° C 19-87.961 F-D
N° 2610
CK
16 DÉCEMBRE 2020
IRRECEVABILITÉ
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 16 DÉCEMBRE 2020
M. O... S... a formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France, chambre correctionnelle, en date du 14 novembre 2019, qui, pour infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et corruption active, l'a condamné à huit ans d'emprisonnement, à l'interdiction définitive de gérer et a ordonné une mesure de confiscation.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Carbonaro, conseiller référendaire, les observations de Me Bouthors, avocat de M. O... S..., et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 novembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Carbonaro, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 23 juin 2016, la police judiciaire a été destinataire d'une information relative à l'existence d'un trafic de stupéfiants entre Fort-de-France et Orly.
3. Une information judiciaire a été ouverte contre personne non dénommée, le 26 juillet 2016, des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et contrebande de marchandise prohibée. Le 26 août 2016, le magistrat instructeur a été supplétivement saisi des infractions de corruption active et passive et association de malfaiteurs. Cette information a été jointe à une autre, ouverte des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants. M. O... S... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et corruption active.
4. Les juges du premier degré ont déclaré M. S... coupable de ces infractions après l'avoir relaxé pour une période des faits, l'ont condamné à huit ans d'emprisonnement, 200 000 euros d'amende, à l'interdiction définitive de gérer et ont ordonné une mesure de confiscation. M. S... et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen de la recevabilité des pourvois
5. L'avocat du demandeur ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait le 19 novembre 2019, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, M. S... était irrecevable à se pourvoir à nouveau le 21 novembre contre la même décision par déclaration au greffe de l'établissement pénitentiaire.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen est pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à ladite Convention, des articles L. 5132-7, L. 5132-8, R. 5132-74 et R. 5132-77 du code de la santé publique, des articles 132-71, 222-37, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-49, 222-50, 222-51, 433-1, 433-22, 433-23 et 450-1 du code pénal, de l'article préliminaire du code de procédure pénale, des articles 591 à 593 du code de procédure pénale.
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné pénalement M. S... du chef d'association de malfaiteurs en vue de la préparation de délits pour lesquels il a également été retenu coupable alors « qu'en vertu du principe ne bis in idem, un même fait ne peut faire l'objet de plusieurs poursuites sous couvert de qualifications différentes ; que viole ce principe la cour qui retient la culpabilité du requérant du chef d'association de malfaiteurs pour des faits par ailleurs poursuivis du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants et de corruption ; qu'en condamnant le requérant à raison des mêmes faits tout à la fois pour la préparation d'un délit et pour le délit réalisé, la cour a violé le principe susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu le principe ne bis in idem :
9. Des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes.
10. Pour déclarer le prévenu coupable d'infractions à la législation sur les stupéfiants, l'arrêt attaqué énonce que M. S... est décrit par trois protagonistes le mettant en cause, comme le recruteur de passeurs et du policier et le logisticien du réseau.
11. Pour le déclarer coupable du délit de corruption, les juges retiennent que ce délit résulte du recrutement fin 2013, début 2014, de ce policier afin de faciliter les passages de bagages transportés par les passeurs et contenant de la drogue à l'aéroport de la Martinique vers la métropole jusqu'en 2016, alors que ce fonctionnaire de police connaissait de graves difficultés financières suite à des dettes de jeu et qu'il était rémunéré aux passages des valises de cocaïne.
12. Les juges, pour déclarer le prévenu coupable d'association de malfaiteurs, décrivent la pluralité des transports de drogue par voie aérienne depuis la Martinique couplée au recrutement de passeurs, en échange de transports de fonds provenant du trafic de cocaïne depuis la métropole, une distribution des rôles avec le recruteur, le logisticien, le passeur devenant collecteur à son retour en Martinique, les croisements des protagonistes lors des vols explicités précisément par l'information, ou la concomitance des vols des passeurs et intermédiaires, les mises en scène en salle d'embarquement avec l'achat d'un vrai cubitainer de rhum en duty free et la substitution d'un cubitainer contenant la drogue au cubitainer contenant réellement du rhum, le passeur embarquant sur un vol à destination de la métropole, l'autre prenant un vol pour la Guadeloupe, la complicité d'un policier de la police de l'air et des frontières recruté par le prévenu, chargé d'ouvrir les passages en zone douane aux passeurs et au membre du réseau qui remet la valise contenant la drogue en salle d'embarquement, et la concordance entre les vols des passeurs et ses horaires de travail, les lieux de rencontre identiques en métropole pour la remise de la drogue, notamment l'hôtel Kyriad d'Athis-Mons, et la station essence d'Orly pour la remise des fonds, les contacts préalables entre les protagonistes du trafic avant les trajets et à l'arrivée avec les membres du réseau chargés de réceptionner la drogue.
13. Ils en déduisent que l'entente préalablement établie au sein de l'équipe gravitant autour de M. S... montre une organisation structurée et efficace constituant une association de malfaiteurs et que le trafic de stupéfiants, tout comme le délit de corruption, sont ainsi parfaitement établis.
14. En prononçant ainsi, sans retenir des faits constitutifs du délit d'association de malfaiteurs distincts de ceux retenus pour caractériser ceux d'infractions à la législation sur les stupéfiants et de corruption, alors que les trois délits concernent le même réseau, au cours de la même période, la cour a méconnu le principe sus-énoncé.
15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le dernier moyen proposé, la Cour :
Sur le pourvoi formé par M. O... S... :
Le DECLARE irrecevable ;
Sur le pourvoi formé par l'avocat de M. O... S... :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 14 novembre 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Fort-de-France et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize décembre deux mille vingt.