LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 19-83.619 FS-P+B+I
N° 2601
SM12
16 DÉCEMBRE 2020
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 16 DÉCEMBRE 2020
CASSATION sur le pourvoi formé par Mme J... P... contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 24 janvier 2019, qui, pour menace de destruction dangereuse pour les personnes, envois réitérés de messages malveillants et outrage, l'a condamnée à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire et des observations complémentaires en demande et un mémoire en défense ont été produits.
Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme J... P..., les observations de Me Le Prado, avocat de M. X... V..., et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 novembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Slove, Sudre, Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mmes Carbonaro, Barbé, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Sur la plainte initiale déposée par M. X... V..., le 27 mai 2017, Mme J... P... épouse U..., sa belle-mère, a été poursuivie et citée à comparaître des chefs de menace de destruction dangereuse pour les personnes et envois réitérés de messages malveillants commis courant février 2017. Sur une seconde plainte, Mme P... a été citée pour outrage à personne chargée d'une mission de service public, commis le 2 juin 2017 sur la même victime, professeur des écoles.
3. Mme P... a bénéficié d'un régime de curatelle ordonné par le juge de paix du district du Lavaux (Suisse), mesure levée par celui-ci, le 28 avril 2017.
4. Par jugement en date du 16 novembre 2017, le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains, joignant les deux procédures, a déclaré la prévenue coupable des faits qui lui étaient reprochés, l'a condamnée à une peine d'emprisonnement de quatre mois, et a prononcé sur les intérêts civils.
5. Mme P... a relevé appel principal de ce jugement le 22 novembre 2017, et le ministère public appel incident le 23 novembre 2017.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité et d'avoir condamné la demanderesse au pourvoi à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pour une durée de deux ans, alors « que le majeur protégé au moment des faits doit être soumis avant tout jugement au fond à une expertise médicale afin d'évaluer sa responsabilité pénale ; qu'en s'abstenant d'ordonner une telle expertise médicale quand elle relevait pourtant que la demanderesse au pourvoi était sous curatelle pendant l'essentiel de la période visée à la prévention, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a méconnu l'article 122-1 du code pénal, l'article 706-115, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 706-115 du code de procédure pénale :
7. Il résulte de ce texte que toute personne majeure bénéficiant d'une mesure de protection juridique faisant l'objet de poursuites pénales doit être soumise avant tout jugement au fond à une expertise médicale afin d'évaluer sa responsabilité pénale au moment des faits.
8. Le défaut d'expertise porte une atteinte substantielle aux droits de la personne poursuivie bénéficiant d'une mesure de protection juridique à l'époque des faits, en ce qu'il ne lui permet pas d'être jugée conformément à son degré de responsabilité pénale.
9. En déclarant la prévenue coupable et en prononçant une peine à son encontre, sans avoir préalablement ordonné une mesure d'expertise afin de déterminer son degré de discernement au moment des faits, alors qu'elle avait bénéficié d'une mesure de protection juridique sur une partie de la période visée à la prévention, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé.
10. La cassation est donc encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 24 janvier 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize décembre deux mille vingt.