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16/12/2020 | FRANCE | N°19-11415

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 décembre 2020, 19-11415


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1207 F-D

Pourvoi n° A 19-11.415

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 DÉCEMBRE 2020

M. S... F..., domicilié [...]

, a formé le pourvoi n° A 19-11.415 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (17e chambre B), dans le litig...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1207 F-D

Pourvoi n° A 19-11.415

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 DÉCEMBRE 2020

M. S... F..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° A 19-11.415 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (17e chambre B), dans le litige l'opposant à la société Razel Bec, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Cabinet Colin-Stoclet, avocat de M. F..., de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Razel Bec, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 novembre 2018), M. F..., engagé le 25 mars 2013 en qualité de conducteur de travaux principal par la société Razel-Bec, a été licencié pour insuffisance professionnelle le 19 décembre 2014.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande subsidiaire tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de dommages-intérêts à ce titre, alors « qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur ; qu'il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que le juge doit constater que les faits et griefs invoqués par l'employeur sont matériellement établis et ne peut se fonder sur la seule lettre de licenciement pour considérer que licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'au cas présent, pour juger le licenciement du salarié fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a énoncé, après avoir reproduit les termes de la lettre de licenciement, que ''la lettre de licenciement expose précisément les erreurs reprochées au salarié qui constituent des fautes professionnelles ayant causé un préjudice financier à son employeur et un surcroît de travail pour son supérieur hiérarchique et la lettre de licenciement énonce que celui-ci les a reconnues. Il convient donc de confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Grasse'' ; qu'en se fondant ainsi sur la seule lettre de licenciement, sans vérifier, au regard des éléments versés aux débats par les parties, si les griefs reprochés par l'employeur au salarié étaient matériellement établis, tandis que le salarié en contestait expressément la matérialité dans ses écritures, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve du caractère infondé du licenciement sur le seul salarié, violant les articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1331-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1235-1 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

5. Le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

6. Pour juger le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient, par motifs propres, que la lettre de licenciement expose précisément les erreurs reprochées au salarié et qu'elle énonce que celui-ci les a reconnues et, par motifs adoptés, que le salarié n'a pas suffisamment contesté les griefs qui lui sont opposés dans la lettre de licenciement.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. F... de sa demande subsidiaire tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Razel Bec aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Razel Bec et la condamne à payer à M. F... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Cabinet Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. F...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. F... de ses demandes, et notamment de sa demande principale tendant à dire et juger nul son licenciement et à voir condamner la société Razel-Bec à lui payer la somme de 50.143,98 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le caractère économique du licenciement, aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail « constitue un licenciement économique un licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques caractérisée soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires
» ; qu'en l'espèce, si la société Razel Bec reconnaît qu'elle a connu une baisse d'effectifs entre 2012 et 2014, elle produit les tableaux d'entrées et sorties 2014-2015 qui montrent que les licenciements ne sont pas majoritaires et en tout état de cause, inférieurs au nombre mensuel impliquant la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'elle montre également que le bénéfice et le résultat d'exploitation sont restés largement positifs en 2013 et 2014 ;

Et AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la rupture du contrat de travail, l'article 1134 du code civil dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi » ; que l'article L1222-1 du code du travail dispose que « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi » ; que l'article 6 du code de procédure civile dispose que « A l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder » ; que l'article 9 du code de procédure civile dispose que : « // incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » ; que l'article 1162 du code civil dispose que « Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation. » ; que l'article L1235-1 du code du travail dispose que : « le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie. Si un doute subsiste, il profite au salarié » ; que l'article 12 du Code de Procédure Civile dispose que « Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée [,..] ; » ; qu'en droit jurisprudentiel : dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, la bonne foi est réciproque ; que le contrat doit être exécuté avec loyauté ; que l'insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement; pour que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, il doit être démontré par l'employeur que le fait de ne pas avoir atteint les objectifs résultait d'une insuffisance professionnelle du salarié licencié ; que l'insuffisance de résultat ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement que pour autant que le quota contractuel n'ait jamais été atteint malgré les mises en garde de l'employeur ; qu'en tout état de cause, il importe que les objectifs fixés par l'employeur présentent un caractère réaliste, c'est-à-dire correspondant à des normes sérieuses et raisonnables; que les résultats ne doivent pas trouver leur explication dans une conjoncturel étrangère à l'activité personnelle du salarié, ni dans le choix fait par l'employeur en matière de politique commerciale que quand bien même des résultats médiocres sont imputés à un salarié, ils ne caractérisent pas pour autant une cause réelle et sérieuse de licenciement, alors que cette médiocrité s'était manifesté dans des résultats d'autres salariés remplissant les mêmes fonctions ; que le licenciement pour ce motif n'est pas non plus justifié lorsque la persistance des mauvais résultats d'un établissement n'est pas imputable aux insuffisance du salarié, ce dernier ayant déjà fait ses preuves, mais à la situation particulière du dit établissement placé dans un contexte de concurrence accrue ; que les objectifs, quoi qu'il en soit, doivent être réalistes et raisonnables ; que les reproches liés à l'insuffisance professionnelle du salarié doivent s'inscrire dans la carrière de celui-ci ; qu'une défaillance passagère démentie par le passé professionnel du salarié ne peut donc pas constituer, en elle-même, un motif pour licencier ; que l'allégation d'insuffisance professionnelle doit reposer sur une base sérieuse, objective, circonstanciée et vérifiable ; que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse : lorsqu'un salarié est licencié pour motif économique mais qu'il s'avère que le motif essentiel est inhérent à sa personne (Cass soc 24.04.1990 N° 88-43.555 n° P Bull Civ. N° 181) ; lorsque l'insuffisance professionnelle alléguée n'était pas la véritable cause du licenciement (Cass soc 20.09.2006 N° 04-48.341) ; que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'elle doit reposer sur une cause réelle et sérieuse c'est-à-dire sur des faits vérifiables et suffisamment avérés, et des motifs précis ; qu'en matière de licenciement pour cause réelle et sérieuse, la charge de la preuve repose sur les deux parties ; que les juges vérifient les causes exactes du licenciement ; que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ; qu'en l'espèce, par sa lettre RAR du 19 Décembre 2016, la SAS RAZEL-BEC allègue des motifs, qui selon elle, justifieraient le licenciement pour insuffisance professionnelle de Monsieur F... ; que sur la forme, la lettre de licenciement est recevable en droit et fixe les limites du litige ; que sur le fond, la lettre de licenciement, précise et circonstanciée, est ainsi reportée : (
) ; que pour « prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention », M. F... allègue les trois arguments suivants, selon les dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile : 1) la SAS en ferait aucune démonstration de la réalité des faits mentionnés dans la lettre de licenciement ; 2) le plaignant aurait fait l'objet d'un licenciement économique déguisé hors PSE alors que la SAS se réorganisait qui annule le licenciement selon les dispositions de l'article L. 1235-10 du code du travail qui dispose que « dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul. En cas d'annulation d'une décision de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-2 ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 en raison d'une absence ou d'une insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi mentionnée à l'article L. 1233-61, la procédure de licenciement est nulle ; 3) le plaignant a fait injonction officielle à la SAS de communiquer le registre unique du personnel et les comptes de résultats des années 2013, 2014, 2015 ; que contradictoirement, à l'appui de sa prétention, la société verse au débat les pièces suivantes selon les dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civil : - l'entretien annuel 2014, non daté précisément (pièce 21 du demandeur) ; qu'outre que, l'avenant d'objectifs 2013 n'est pas versé aux débats (l'entretien d'évaluation de 2013 n'étant pas un avenant d'objectifs), le contenu de l'entretien annuel 2014 n'établit pas les faits mentionnés dans la lettre de licenciement ; que le conseil écarte cette pièce ; - les notes manuscrites, non recevables en droit car non identifiée ; que le conseil l'écarte ; - un mail de M. E... daté du 12 novembre 2014, recevable en droit (Art. 202 du CPC) ; qui est une demande d'exploitation sur « un tableau de gestion » mentionnant un résultat net d'octobre inférieur au budget ; que ce mail n'établit pas les faits mentionnés dans la lettre de licenciement ; que le conseil écarte cette pièce ; - deux attestations de messieurs K... et I... ; qu'outre qu'elles sont non conformes aux dispositions de l'article 202 du CPC, il s'agit de jugement de valeur, sans preuve ; que le conseil les écarte ; - deux tableaux « synthèse de gestion du mois » (pièce 13 défendeur) pour octobre et novembre 2014, qui démontrent qu'en effet, le travail de M. F... prenait du retard par rapport aux budgets engagés ; qu'après avoir étudié les pièces des deux parties, le conseil fait les constats suivants : la SAS Razel-Bec ne conteste pas le passé professionnel du plaignant pour le Groupe Vinci, au contraire (cf. CV du Plaignant) ; que par contre, ladite SAS remet en cause les compétences professionnelles du plaignant sur la dernière année uniquement de la relation contractuelle (2014) alors même que Monsieur F... avait reçu une prime exceptionnelle (pièce 4 demandeur) « pour tenir compte de vos objectifs quantitatifs et qualitatifs » (entretien d'évaluation 2013, pièces 6 demandeur) et une augmentation de salaire (pièce 5 demandeur) ; que la SAS n'apporte pas la preuve qu'elle n'a pas procédé à 80 licenciements sur 3 ans à l'agence de GARROS, passant de 180 à 100 salariés en 3 ans de 2012 à 2014 ; que le nombre de personnel relevant de la catégorie de M. F... a chuté de 338 salariés sur 1557 = 21% en 3 exercices ; que toutes catégories confondues, il existe une perte de 483 postes de travail sur 2842 = 17 % en 3 ans d'exercices ; que le total des suppressions d'emploi dépasserait alors la limite de 10 sur 30 jours ; qu'aucun registre du personnel n'est fourni au débat par la SAS pour se dédouaner ; que les perspectives de commandes étaient de 1.052.000 K€ en 2012/2013 alors qu'elles ne sont plus que 921.000 K€ en 2014 et 550.000 K€ en 2014 pour remonter à 1.020.000 K€ (dont 575.000 K€ à réaliser en 2015), source = rapports de gestion 2012/2013/2014 Pièces 17 à 19 demandeur ; que la SAS n'a pas communiqué les comptes de résultats de l'agence de Garros des exercices 2012/2013/2014 ; que Monsieur F... n'a pas été remplacé par un personnel recruté en externe ; que la charge de la preuve reposant sur les deux parties, le plaignant n'a pas suffisamment contesté les deux griefs qui lui sont opposés dans la lettre de licenciement ; que le 2ème grief de la lettre de licenciement (dont la preuve est fournie par le « Tableaux de synthèse de gestions ») constitue néanmoins un motif de licenciement inhérent à la personne de Monsieur F... ; qu'en conséquence, la demande de Monsieur F..., en l'état, ne peut prospérer ;

1°) ALORS QUE constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques caractérisées par une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, ou par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ; que constitue également un licenciement pour motif économique le licenciement d'un salarié résultant d'une suppression de son emploi consécutive à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'existence de difficultés économiques de l'employeur ; que dès lors, la circonstance que le bénéfice et le résultat d'exploitation de l'employeur soit resté largement positif au moment du licenciement n'est pas de nature à écarter l'existence d'un motif économique ; qu'au cas présent, pour écarter le motif économique au licenciement de M. F..., la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « si la société Razel-Bec reconnaît qu'elle a connu une baisse d'effectifs entre 2012 et 2014, elle produit les tableaux d'entrées et sorties 2014-2015 qui montrent que les licenciements ne sont pas majoritaires et en tout état de cause, inférieurs au nombre mensuel impliquant la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Elle montre également que le bénéfice et le résultat d'exploitation sont restés largement positifs en 2013 et 2014 » (arrêt, p. 3 in fine) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter l'existence d'un motif économique au licenciement de M. F..., la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS QUE la circonstance que le bénéfice et le résultat d'exploitation de l'employeur soient restés largement positifs au moment du licenciement n'est pas de nature à écarter l'existence d'un motif économique ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que « la SAS n'apporte pas la preuve qu'elle n'a pas procédé à 80 licenciements sur 3 ans à l'agence de Carros, passant de 180 à 100 salariés en 3 ans de 2012 à 2014. Le nombre de personnel relevant de la catégorie de M. F... a chuté de 338 salariés sur 1557 = 21% en 3 exercices. Toutes catégories confondues, il existe une perte de 483 postes de travail sur 2842 = 17% en 3 ans d'exercices. Le total des suppressions d'emploi dépasserait alors la limite de 10 jours sur 30 jours. Aucun registre du personnel n'est fourni au débat par la SAS pour se dédouaner. Les perspectives de commandes étaient de 1.052.000 K€ en 2012/2013 alors qu'elles ne sont plus que 921.000 K€ en 2014 et 550.000 K€ en 2014 pour remonter à 1.020.000 K€ (dont 575.000 K€ à réaliser en 2015), source = rapports de gestion, 2012/2013/2014. La SAS n'a pas communiqué les comptes de résultats de l'agence des Carros des exercices 2012/2013/2014. M. F... n'a pas été remplacé par un personnel recruté en externe » (jugement, p. 10) ; qu'elle aurait dû déduire de la baisse de commandes significatives et de la suppression du poste de M. F..., qui n'avait pas été remplacé, que le licenciement du salarié avait, en réalité, un motif économique ; qu'en écartant néanmoins ce motif, aux motifs inopérants que le bénéfice et le résultat d'exploitation de la société étaient restés largement positifs en 2013 et 2014, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;

3°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'au cas présent, les tableaux d'entrées et sorties 2014-2015 versés aux débats par l'employeur, distincts du registre du personnel non communiqué, précisaient que onze salariés avaient été licenciés en 2014 mais ne comportaient pas les dates précises de ces licenciements ; qu'il n'était dès lors pas possible de déduire de ces documents que les licenciements effectués par la société Razel-Bec étaient inférieurs au nombre mensuel impliquant la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; que pourtant, pour écarter la nullité du licenciement de M. F... consécutive à l'absence de mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi, obligatoire dans les entreprises d'au moins cinquante salariés alors qu'au moins dix salariés ont été licenciés dans une même période de trente jours, la cour d'appel a énoncé que les tableaux d'entrées et sorties 2014-2015 montraient que les licenciements n'étaient pas majoritaires et en tout état de cause, inférieurs au nombre mensuel impliquant la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi (arrêt, p. 3 in fine) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les tableaux d'entrées et sorties 2014-2015, violant le principe selon lequel le juge ne peux dénaturer les documents de la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(Subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. F... de ses demandes, notamment de sa demande subsidiaire tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à voir condamner la société Razel-Bec à lui payer la somme de 50.143,98 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur l'insuffisance professionnelle, la lettre de licenciement en date du 19 décembre 2014 est ainsi motivée : « Monsieur, par courrier remis en mains propres contre décharge en date du 26 novembre 2014, nous vous demandions de bien vouloir vous présenter au sein de l'agence "Côte d'Azur", service ressources humaines... le lundi 8 décembre 2014 à 14 h afin de vous entretenir avec votre responsable sur une éventuelle mesure de sanction pouvant conduire au licenciement. Vous vous êtes présenté seul à l'entretien. Nous vous avons présenté les faits reprochés qui sont les suivants : Comptes : Lors de la réunion des comptes du mois d'octobre 2014 réalisée le 4 novembre 2014, en présence de Messieurs E..., responsable service gestion et K..., chef de secteur, vous deviez présenter les résultats à fin octobre 2014 et la prévision à fin d'affaire du chantier "les moulins" dont vous avez la responsabilité en votre qualité d conducteur de travaux principal. Des incohérences dans les éléments présentés ayant été détecté par Messieurs E... et K..., il vous a été demandé de vérifier ces derniers et de les présenter de nouveau le lendemain à 11 heures. Le 5 novembre 2014, vous deviez présenter les éléments suivants : - Production méritée - Prévision du niveau de dépenses afin d'affaire. Votre présentation s'est de nouveau révélée incomplète du fait que les mêmes incohérences ont été constatées au niveau de la projection des dépenses du chantier à fin d'affaire. En conséquence, une réunion a été planifiée pour le 20 novembre 2014 afin de vous laisser le temps nécessaire à une analyse fiable de la situation de votre chantier. Le 20 novembre 2014, en présence de H... I..., chef d'agence, vous avez présenté à nouveau une analyse erronée entre les dépenses à fin d'affaire et l'écart à fin octobre 2014. Devant votre incapacité à mettre en cohérence ces deux éléments, le chef d'agence a interrompu la réunion et vous a demandé de représenter des éléments cohérents le 25 novembre 2014 à fin d'évaluer les éventuelles pertes à venir sur le chantier "les moulins". Le 25 novembre 2014, vous êtes allé voir H... I... en lui indiquant que vous n'étiez pas prêt pour présenter une nouvelle analyse. Ces faits dénotent un manque de maitrise du sujet ainsi qu'un non-respect des missions qui vous sont confiés. Ordre de service : le client du chantier "les Moulins" nous a notifié un ordre de service pour reprise des travaux suite à l'arrêt du chantier. Vous deviez répondre à cet ordre de service qui devait comporter un certain nombre de réserves. Ces dernières portaient sur le préjudice subi par le groupement lors de l'interruption des dits travaux. L'évaluation financière du préjudice s'élève de 450Keuros hors taxe "suivant évaluation réalisée et transmise au client". Ces réserves devaient être remises au client 15 jours maximum après sa réception au secrétariat de l'agence le 12 novembre 2014. Donc une réception maximale chez le client le 27 novembre 2014. Après plusieurs relances de votre chef de secteur, vous lui avez transmis le dit courrier pour validation le 21 novembre 2014. La rédaction des réserves par vos soins étant incomplète, votre responsable a repris l'intégralité du document à fin de préserver les intérêts du groupement d'entreprises. Le temps passé à refaire entièrement le document et ensuite la validation par le chef d'agence, nous ont contraints à remettre le pli en mains propres au client car nous nous trouvions hors délai par voie postale. Nous ne pouvions pas prendre un tel risque compte tenu du montant du préjudice. Cette légèreté avec laquelle vous avez traité du sujet qui représente une somme importante est consternante. Lors de l'entretien précité, vous vous êtes exprimés sur les faits que vous reconnaissez. Vous précisez que c'est votre première expérience dans le cadre d'une direction de chantier et que vous n'êtes donc pas rompu à l'exercice. Vos explications ne nous ont pas convaincu, dans la mesure ou précédemment, constatant des faits similaires, votre hiérarchie vous avait alerté et proposé de vous recentrer sur la mission de conducteur de travaux, ce que vous avez refusé. De tels irrégularités au regard de votre poste sont préjudiciables au fonctionnement de l'entreprise et inacceptable pour un conducteur de travaux et, a fortiori en votre qualité de conducteur de travaux principal. Comme précisé par H... I..., un conducteur de travaux principal doit savoir gérer un chantier de taille similaire à celui des Moulins ainsi que deux chantiers moins importants ce qui n'est pas votre cas. Nous vous avons seulement responsabilisé sur un chantier afin de vous permettre de l'appréhender correctement. Dans ce contexte, et compte tenu que les griefs retenus à votre encontre constitue un fait fautif, nous sommes amenés à vous notifier votre licenciement pour le motif réel et sérieux suivant: insuffisances professionnelles ... » ; que la lettre de licenciement expose précisément les erreurs reprochées à S... F... qui constituent des fautes professionnelles ayant causé un préjudice financier à son employeur et un surcroît de travail pour son supérieur hiérarchique et la lettre de licenciement énonce que celui-ci les a reconnues ; qu'il convient donc de confirmer le jugement du Conseil des prud'hommes de Grasse ;

Et AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la rupture du contrat de travail, l'article 1134 du code civil dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi » ; que l'article L1222-1 du code du travail dispose que « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi » ; que l'article 6 du code de procédure civile dispose que « A l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder » ; que l'article 9 du code de procédure civile dispose que : « // incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » ; que l'article 1162 du code civil dispose que « Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation. » ; que l'article L1235-1 du code du travail dispose que : « le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie. Si un doute subsiste, il profite au salarié » ; que l'article 12 du Code de Procédure Civile dispose que « Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée [,..] ; » ; qu'en droit jurisprudentiel : dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, la bonne foi est réciproque ; que le contrat doit être exécuté avec loyauté ; que l'insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement; pour que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, il doit être démontré par l'employeur que le fait de ne pas avoir atteint les objectifs résultait d'une insuffisance professionnelle du salarié licencié ; que l'insuffisance de résultat ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement que pour autant que le quota contractuel n'ait jamais été atteint malgré les mises en garde de l'employeur ; qu'en tout état de cause, il importe que les objectifs fixés par l'employeur présentent un caractère réaliste, c'est-à-dire correspondant à des normes sérieuses et raisonnables; que les résultats ne doivent pas trouver leur explication dans une conjoncturel étrangère à l'activité personnelle du salarié, ni dans le choix fait par l'employeur en matière de politique commerciale que quand bien même des résultats médiocres sont imputés à un salarié, ils ne caractérisent pas pour autant une cause réelle et sérieuse de licenciement, alors que cette médiocrité s'était manifesté dans des résultats d'autres salariés remplissant les mêmes fonctions ; que le licenciement pour ce motif n'est pas non plus justifié lorsque la persistance des mauvais résultats d'un établissement n'est pas imputable aux insuffisance du salarié, ce dernier ayant déjà fait ses preuves, mais à la situation particulière du dit établissement placé dans un contexte de concurrence accrue ; que les objectifs, quoi qu'il en soit, doivent être réalistes et raisonnables ; que les reproches liés à l'insuffisance professionnelle du salarié doivent s'inscrire dans la carrière de celui-ci ; qu'une défaillance passagère démentie par le passé professionnel du salarié ne peut donc pas constituer, en elle-même, un motif pour licencier ; que l'allégation d'insuffisance professionnelle doit reposer sur une base sérieuse, objective, circonstanciée et vérifiable ; que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse : lorsqu'un salarié est licencié pour motif économique mais qu'il s'avère que le motif essentiel est inhérent à sa personne (Cass soc 24.04.1990 N° 88-43.555 n° P Bull Civ. N° 181) ; lorsque l'insuffisance professionnelle alléguée n'était pas la véritable cause du licenciement (Cass soc 20.09.2006 N° 04-48.341) ; que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'elle doit reposer sur une cause réelle et sérieuse c'est-à-dire sur des faits vérifiables et suffisamment avérés, et des motifs précis ; qu'en matière de licenciement pour cause réelle et sérieuse, la charge de la preuve repose sur les deux parties ; que les juges vérifient les causes exactes du licenciement ; que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ; qu'en l'espèce, par sa lettre RAR du 19 Décembre 2016, la SAS RAZEL-BEC allègue des motifs, qui selon elle, justifieraient le licenciement pour insuffisance professionnelle de Monsieur F... ; que sur la forme, la lettre de licenciement est recevable en droit et fixe les limites du litige ; que sur le fond, la lettre de licenciement, précise et circonstanciée, est ainsi reportée : (
) ; que pour « prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention », M. F... allègue les trois arguments suivants, selon les dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile : 1) la SAS en ferait aucune démonstration de la réalité des faits mentionnés dans la lettre de licenciement ; 2) le plaignant aurait fait l'objet d'un licenciement économique déguisé hors PSE alors que la SAS se réorganisait qui annule le licenciement selon les dispositions de l'article L. 1235-10 du code du travail qui dispose que « dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul. En cas d'annulation d'une décision de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-2 ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 en raison d'une absence ou d'une insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi mentionnée à l'article L. 1233-61, la procédure de licenciement est nulle ; 3) le plaignant a fait injonction officielle à la SAS de communiquer le registre unique du personnel et les comptes de résultats des années 2013, 2014, 2015 ; (
) que la SAS n'apporte pas la preuve qu'elle n'a pas procédé à 80 licenciements sur 3 ans à l'agence de GARROS, passant de 180 à 100 salariés en 3 ans de 2012 à 2014 ; que le nombre de personnel relevant de la catégorie de M. F... a chuté de 338 salariés sur 1557 = 21% en 3 exercices ; que toutes catégories confondues, il existe une perte de 483 postes de travail sur 2842 = 17 % en 3 ans d'exercices ; que le total des suppressions d'emploi dépasserait alors la limite de 10 sur 30 jours ; qu'aucun registre du personnel n'est fourni au débat par la SAS pour se dédouaner ; que les perspectives de commandes étaient de 1.052.000 K€ en 2012/2013 alors qu'elles ne sont plus que 921.000 K€ en 2014 et 550.000 K€ en 2014 pour remonter à 1.020.000 K€ (dont 575.000 K€ à réaliser en 2015), source = rapports de gestion 2012/2013/2014 Pièces 17 à 19 demandeur ; que la SAS n'a pas communiqué les comptes de résultats de l'agence de Garros des exercices 2012/2013/2014 ; que Monsieur F... n'a pas été remplacé par un personnel recruté en externe ; que la charge de la preuve reposant sur les deux parties, le plaignant n'a pas suffisamment contesté les deux griefs qui lui sont opposés dans la lettre de licenciement ; que le 2ème grief de la lettre de licenciement (dont la preuve est fournie par le « Tableaux de synthèse de gestions ») constitue néanmoins un motif de licenciement inhérent à la personne de Monsieur F... ; qu'en conséquence, la demande de Monsieur F..., en l'état, ne peut prospérer ;

1°) ALORS QUE l'insuffisance professionnelle, sauf mauvaise volonté délibérée ou abstention volontaire du salarié, ne constitue pas une faute ; que lorsque le licenciement prononcé par l'employeur pour insuffisance professionnelle est qualifié de disciplinaire par les juges du fond, ces derniers doivent alors constater la mauvaise volonté délibérée ou l'abstention volontaire du salarié faute de quoi le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que le licenciement de M. F... avait une nature disciplinaire puisqu'il a énoncé que les erreurs reprochés au salarié dans la lettre de licenciement constituaient « des fautes professionnelles » (arrêt, p. 5) ; qu'en jugeant cependant que le licenciement, qui avait un motif disciplinaire, était fondé sur une cause réelle et sérieuse, sans constater que les erreurs reprochées à M. F... procédaient d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1331-1 du code du travail ;

2°) ALORS QU'il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur ; qu'il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que le juge doit constater que les faits et griefs invoqués par l'employeur sont matériellement établis et ne peut se fonder sur la seule lettre de licenciement pour considérer que licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'au cas présent, pour juger le licenciement de M. F... fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a énoncé, après avoir reproduit les termes de la lettre de licenciement, que « la lettre de licenciement expose précisément les erreurs reprochées à S... F... qui constituent des fautes professionnelles ayant causé un préjudice financier à son employeur et un surcroît de travail pour son supérieur hiérarchique et la lettre de licenciement énonce que celui-ci les a reconnues. Il convient donc de confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Grasse » (arrêt, p. 5) ; qu'en se fondant ainsi sur la seule lettre de licenciement, sans vérifier, au regard des éléments versés aux débats par les parties, si les griefs reprochés par l'employeur au salarié étaient matériellement établis, tandis que M. F... en contestait expressément la matérialité dans ses écritures, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve du caractère infondé du licenciement sur le seul salarié, violant les articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1331-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que les tableaux « synthèse de gestion du mois » pour octobre et novembre 2014 ne comportaient aucune indication relative à un quelconque retard de M. F... dans son travail par rapport aux budgets engagés mais mentionnaient uniquement des indications manuscrites portant sur des modifications et corrections à apporter aux tableaux (cf. prod.) ; qu'en jugeant pourtant que ces deux tableaux démontraient « qu'en effet, le travail de M. F... prenait du retard par rapport aux budgets engagés », la cour d'appel a dénaturé les tableaux susvisés, violant le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ;

4°) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que les juges du fond ne peuvent se fonder sur un grief qui n'a pas été invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement, notamment lorsque ce dernier a été qualifié de disciplinaire par les juges ; qu'au cas présent, la cour d'appel a reproduit la lettre de licenciement d'où il résulte que deux griefs étaient reprochés à M. F... : une analyse incorrecte des dépenses sur le chantier « Les Moulins » et des incohérences dans les comptes de ce chantier (premier grief) ainsi que la rédaction incomplète et tardive d'une lettre de réserves en réponse à un ordre de service d'un client (second grief) (arrêt, p. 4) ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que le grief relatif à un « retard » du travail du salarié « par rapport aux budgets engagés », seul grief matériellement établi selon les juges, ne figurait pas dans la lettre de licenciement ; qu'en jugeant néanmoins que ce dernier était fondé tandis que le grief retenu par les juges du fond ne figurait pas dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1331-1 du code du travail ;

5°) ALORS QUE ne peut être considéré comme fautif ou relevant d'une insuffisance professionnelle des reproches liés à la mauvaise exécution d'une tâche qui ne relevait pas des fonctions du salarié ; qu'au cas présent, M. F... faisait expressément valoir dans ses écritures, avec offre de preuve, que les griefs qui lui étaient reprochés dans la lettre de licenciement ne relevaient pas de sa qualification contractuelle de conducteur de travaux principal, position B2 de la classification conventionnelle applicable ; qu'en effet, les questions relatives à la comptabilité du chantier et l'évaluation financière d'un préjudice relevait de la qualification C, 2ème échelon, qualification dont ne bénéficiait pas M. F... (concl, p. 11 et 12) ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si les griefs formulés à l'encontre de M. F... relevaient de sa qualification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du code du travail ;

6°) ALORS QU'en tout état de cause, les juges doivent tenir compte de l'évolution de carrière du salarié et des éventuelles augmentations de salaire ou primes dont il a pu bénéficier juste avant son licenciement afin d'apprécier le caractère réelle et sérieux de ce dernier ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que l'entretien annuel 2014, non daté précisément, n'établissait pas les faits mentionnés dans la lettre de licenciement et devait être écarté ; que les notes manuscrites, non recevables en droit car non identifiées, devaient être écartées ; que le mail de M. E... daté du 12 novembre 2014 n'établissait pas les faits mentionnés dans la lettre de licenciement ; que les attestations de Messieurs K... et I... étaient des jugements de valeur, sans preuve, qui devaient être écartées ; que seul les « tableaux de synthèse de gestion du mois » pour octobre et novembre 2014 ont été retenus comme démontrant que « le travail de M. F... prenait du retard par rapport aux budgets engagés » (jugement, p. 9 in fine) ; que la cour d'appel a encore constaté que l'employeur ne contestait pas le passé professionnel de M. F..., la société Razel-Bec ne se plaignant que sur la dernière année de la relation contractuelle (2014) alors même que M. F... avait reçu une prime exceptionnelle pour tenir compte de ses objectifs quantitatifs et qualitatifs ainsi qu'une augmentation de salaire (jugement, p. 10 § 1) ; que la cour d'appel aurait donc dû déduire de ces constatations que le licenciement de M. F... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, seul le grief relatif à un « retard du travail du salarié par rapport aux budgets engagés » ayant été retenu ; qu'au regard de la carrière du salarié et notamment de ses augmentations de salaire récentes et de la prime exceptionnelle qu'il venait de recevoir, le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. F... n'apparaissait pas fondé ; qu'en jugeant néanmoins que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse aux motifs que le salarié n'avait pas « suffisamment contesté les deux griefs qui lui sont opposés dans la lettre de licenciement » et que « le deuxième grief de la lettre de licenciement (dont la preuve est fournie par le « tableau de synthèse de gestions » constitue néanmoins un motif de licenciement inhérent à la personne de M. F... » (jugement, p. 10), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant l'article L. 1235-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-11415
Date de la décision : 16/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 29 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 déc. 2020, pourvoi n°19-11415


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Cabinet Colin - Stoclet, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.11415
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