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09/12/2020 | FRANCE | N°19-18391

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 décembre 2020, 19-18391


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 décembre 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 784 F-P

Pourvoi n° G 19-18.391

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 DÉCEMBRE 2020

La société Banque populaire Méditerranée, société coopérati

ve de banque populaire, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° G 19-18.391 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-P...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 décembre 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 784 F-P

Pourvoi n° G 19-18.391

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 DÉCEMBRE 2020

La société Banque populaire Méditerranée, société coopérative de banque populaire, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° G 19-18.391 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-7), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. Q... P...,

2°/ à Mme J... V..., épouse P...,

domiciliés tous deux [...],

3°/ à la société BR associés, société civile professionnelle, dont le siège est [...] , en la personne de Mme Y... L... et Mme E... H..., prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Creasun,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Méditerranée, de la SCP Ghestin, avocat de M. et Mme P..., après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 avril 2019), le 29 août 2011, M. et Mme P... (les acquéreurs) ont accepté un devis établi par la société Creasun (le vendeur) portant sur la fourniture et l'installation d'un système de production d'électricité d'origine photovoltaïque au prix de 20 143,56 euros. Le 13 décembre 2011, ils ont souscrit un crédit d'un montant identique auprès de la société Banque populaire provençale et Corse, devenue la société Banque populaire Méditerranée (la banque).

2. Par actes des 13 mai et 3 juin 2016, les acquéreurs, se plaignant d'un défaut de sécurité de leur installation ainsi que de manquements du professionnel aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, ont assigné le vendeur, pris en la personne de son liquidateur judiciaire, et la banque, en annulation et, subsidiairement, en résolution des contrats de vente et de crédit.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt d'annuler le contrat de vente et le contrat de crédit affecté, de la priver de sa créance de restitution du capital emprunté, de la condamner à restituer les sommes perçues des acquéreurs et de fixer à la somme de 20 143,56 euros la créance de ces derniers au passif du vendeur, alors « que le déplacement d'un professionnel au domicile d'un consommateur pour l'étude des lieux et la prise des mesures nécessaires à l'établissement d'une offre de contrat ne constitue pas un démarchage dès lors que cette offre n'a pas été acceptée pendant la visite du professionnel mais ultérieurement, hors de sa présence ; qu'en déclarant que le contrat litigieux avait été conclu à l'issue d'une opération de démarchage, sans constater que le contrat, accepté au domicile des consommateurs, l'avait été en présence du professionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard les articles L. 121-21 et L. 121-23 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 121-21, alinéa 1er, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 :

4. Selon ce texte, est soumis aux articles L. 121-21 à L. 121-33 du code de la consommation quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services.

5. Pour accueillir la demande d'annulation du contrat de vente fondée sur ces dispositions, l'arrêt énonce, d'abord, que le démarchage à domicile est caractérisé par la réception à domicile de propositions commerciales, soit que le vendeur se déplace, soit que le consommateur soit incité à se déplacer pour en bénéficier, à la condition que le lieu ne soit pas un lieu de commerce habituel. Il constate, ensuite, que les acquéreurs ont fait l'objet d'une prospection par téléphone ayant abouti à une prise de rendez-vous, à leur domicile, le 24 août 2011, qu'ils ont ensuite reçu une estimation de la production d'électricité, datée du 26 août 2011, établie par la société Creasun , et qu'ils ont signé, à leur domicile, le 29 août 2011, un devis, de sorte que la relation commerciale entre les parties a débuté par un démarchage à domicile et que le fait qu'il ait existé par la suite des pourparlers entre les parties ne permet pas d'écarter la législation protectrice du démarchage à domicile.

6. En se déterminant ainsi, sans constater que le devis avait été accepté au domicile des consommateurs en présence du professionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne M. et Mme P... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire Méditerranée

Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre la société Creasun et les époux P..., d'avoir prononcé la nullité subséquente du contrat de prêt liant les époux P... et la Banque populaire Provençale et Corse, dénommée Banque populaire Méditerranée, d'avoir dit que la Banque populaire Provençale et Corse, dénommée Banque populaire Méditerranée, était privée de sa créance de restitution du capital emprunté, d'avoir condamné la Banque populaire Provençale et Corse, dénommée Banque populaire Méditerranée, à restituer les sommes perçues des époux P... et d'avoir fixé la créance des époux P... au passif de la société Creasun à la somme de 20 143,56 euros ;

aux motifs que « En application de l'article L. 121-21 du code de la consommation dans sa version applicable à un contrat signé le 29 août 2011, est soumis à la législation sur le démarchage à domicile quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services ; qu'être démarché à domicile signifie donc recevoir des propositions commerciales chez soi, soit que le vendeur se déplace, soit que le consommateur soit incité à se déplacer pour en bénéficier, à la condition que le lieu ne soit pas un lieu de commerce habituel ; qu'il ressort des pièces produites que les époux P... (pièce 8 des appelants) ont fait l'objet d'une prospection par téléphone qui a abouti à une prise de rendez-vous, à leur domicile, le 24 août 2011 ; que par la suite, ils ont reçu à domicile une estimation de la production d'électricité, datée du 26 août 2011, faite par l'entreprise Creasun puis ont signé, le 29 août 2011, un devis accepté le même jour à [...] (leur domicile puisqu'il n'apparait pas que le siège social de l'entreprise était à Saint-Cannat) ; que la relation commerciale qui s'est nouée entre eux et la société Creasun a ainsi débuté par un démarchage à domicile ; que le fait qu'il ait existé par la suite des pourparlers entre les parties ne permet pas d'écarter la législation protectrice du démarchage à domicile ; que l'article L. 212-23 du code de la consommation, alors applicable, liste les mentions que doit comporter le contrat issu d'un démarchage à domicile, à peine de nullité ; que le bon de commande accepté par les époux P..., valant contrat, ne comporte ni l'adresse précise du lieu de conclusion du contrat, ni les conditions d'exécution du contrat (notamment les modalités et le délai de livraison des biens) ni les modalités de paiement ni la faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ni les conditions d'exercice de cette faculté ni, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 ; que ces dispositions légales relèvent de l'ordre public de protection des consommateurs et la nullité pour vice de forme encourue ne peut être couverte que si la partie profane a été préalablement informée, par un professionnel averti, de la nullité du contrat et des risques encourus à l'exécuter ; qu'aucun élément du dossier ne vient démontrer une telle situation ; que le fait que les époux P... aient laissé l'entreprise Creasun réaliser les travaux de pose des panneaux solaires, qu'ils se soient abstenus de toute protestation lors de la livraison et de la pose des matériels et que l'installation ait pu fonctionner un temps, ne suffit pas à établir qu'ils aient agi en connaissance de cause et renoncé à invoquer les vices de forme du contrat de vente ; qu'il convient dès lors de prononcer la nullité du contrat de vente liant la société Creasun à la somme de 20.143,56 € ; que ces derniers seront déboutés de leur demande tendant à voir fixer leur créance au passif de cette société au titre du coût de la dépose du matériel et de la remise en état des « existants » en l'absence de tout chiffrage ; que sur le crédit à la consommation et sur la responsabilité de l'organisme prêteur, s'il est exact que l'offre de crédit ne mentionne pas le nom de la société Creasun et que le bon de commande de cette société n'évoque pas même l'existence d'un crédit pour payer cette prestation, il n'en demeure pas moins que l'offre de prêt stipule que le déblocage des fonds sera effectué sur production des justificatifs relatifs au programme financé (page 10) et que les fonds pourront ainsi être débloqués, soit entre les mains de l'emprunteur (à sa demande), sur production des factures justificatives, soit entre les mains de l'entrepreneur ; que puisque la banque ne pouvait verser les fonds qu'après production de factures de l'entrepreneur, le crédit est un crédit affecté ; qu'en application de l'article L. 311-32 du code de la consommation alors applicable, le contrat de vente étant annulé, il convient de prononcer la nullité subséquente du contrat de prêt ; que des propres écritures de la banque, il ressort qu'elle a été destinatrice du devis du 29 août 2011, accepté le même jour par les époux P..., signé à [...] ; que la banque pouvait facilement constater que [...] n'était pas le siège social de l'entreprise et il lui appartenait de s'interroger sur le fait de savoir comment la relation commerciale entre la société Creasun et les époux P... s'était nouée ; qu'en délivrant les fonds sans avoir vérifié la régularité formelle du contrat financé, alors qu'il apparaissait clairement que le devis accepté (ou bon de commande, valant contrat) ne respectait pas, sur de multiples points, les exigences d'ordre public en matière de démarchage à domicile, la banque a commis une négligence fautive de nature contractuelle qui se rattache à la formation du contrat de vente ; que de ce fait, le prêteur est donc privé de sa créance de restitution du capital ; que le jugement déféré sera infirmé sur ce point » ;

alors que le déplacement d'un professionnel au domicile d'un consommateur pour l'étude des lieux et la prise des mesures nécessaires à l'établissement d'une offre de contrat ne constitue pas un démarchage dès lors que cette offre n'a pas été acceptée pendant la visite du professionnel mais ultérieurement, hors de sa présence ; qu'en déclarant que le contrat litigieux avait été conclu à l'issue d'une opération de démarchage, sans constater que le contrat, accepté au domicile des consommateurs, l'avait été en présence du professionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard les articles L. 121-21 et L. 121-23 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-18391
Date de la décision : 09/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Démarchage et vente à domicile - Qualification

Une cour d'appel prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-21, alinéa 1, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, en faisant application, à un contrat de vente d'un kit photovoltaïque, de la législation du code de la consommation relative au démarchage à domicile, sans constater que le devis avait été accepté au domicile du consommateur en présence du professionnel


Références :

article L. 121-21, alinéa 1, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014.

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 04 avril 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 déc. 2020, pourvoi n°19-18391, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Ghestin

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.18391
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