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09/12/2020 | FRANCE | N°19-15207

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 décembre 2020, 19-15207


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 décembre 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 769 FS-P

Pourvoi n° X 19-15.207

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. P....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 26 septembre 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 DÉCEMBRE 2020

Le Fonds social de l'habitat (FHS), dont le si...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 décembre 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 769 FS-P

Pourvoi n° X 19-15.207

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. P....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 26 septembre 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 DÉCEMBRE 2020

Le Fonds social de l'habitat (FHS), dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° X 19-15.207 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2018 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opposant à M. Y... P..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat du Fonds social de l'habitat, de la SARL Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, avocat de M. P..., l'avis écrit de M. Sudre, avocat général, et l'avis oral de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Darret-Courgeon, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 10 décembre 2018), suivant acte du 21 février 2006, le Fonds social de l'habitat (le prêteur) a consenti à M. P... (l'emprunteur) un prêt destiné à l'acquisition d'un bien immobilier.

2. Le 11 janvier 2017, le prêteur a délivré à celui-ci un commandement aux fins de saisie immobilière sur le fondement d'un jugement du tribunal de première instance de Nouméa du 8 janvier 2013, devenu irrévocable. Invoquant la prescription de l'action du prêteur, l'emprunteur l'a assigné en annulation du commandement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le prêteur fait grief à l'arrêt de dire qu'à la date où il a engagé la procédure de saisie immobilière son action était prescrite et d'annuler en conséquence le commandement du 11 janvier 2017, alors « qu'en Nouvelle-Calédonie, l'exécution des décisions de justice est soumise au délai de prescription de droit commun de cinq ans ; qu'en retenant, pour juger que l'action du prêteur était prescrite, qu'en Nouvelle-Calédonie « la prescription des jugements statuant sur une action en paiement suit le délai de prescription applicable à la créance constatée par le jugement », et qu'en l'espèce, « la prescription de l'action initiale du FSH en recouvrement de sa créance fondée sur un prêt immobilier était soumise au délai biennal de l'article L. 137-2 du code de la consommation », applicable « tant à l'action en vue d'obtenir un titre exécutoire qu'à celle en recouvrement en vertu du titre obtenu », quand l'action en recouvrement exercée par le prêteur à l'encontre de l'emprunteur le 11 janvier 2017, fondée sur une décision de justice datée du 8 janvier 2013, était soumise à un délai de prescription de droit commun de cinq ans qui n'était pas écoulé, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, l'article L. 137-2 du code de la consommation applicable en Nouvelle-Calédonie, ensemble les articles 23 et 25 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 du code civil de Nouvelle-Calédonie et 25, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile :

4. Il résulte de ces textes qu'est exclue en Nouvelle-Calédonie l'application de l'article 23 de la loi du 17 juin 2008 susvisée, instaurant un délai de dix ans pour poursuivre l'exécution de titres exécutoires et qu'en l'absence, sur ce territoire, de délai spécifique au delà duquel un titre exécutoire ne peut plus être mis à exécution, il peut l'être dans le délai de prescription de droit commun, qui est celui des actions personnelles ou mobilières, ramené en Nouvelle-Calédonie de trente ans à cinq ans, et ce, quelle que soit la nature de la créance constatée par le titre exécutoire.

5. Pour déclarer l'action du prêteur prescrite et annuler le commandement aux fins de saisie immobilière, l'arrêt énonce que l'article L. 137-2 du code de la consommation ne distingue pas selon le type d'action, et notamment pas entre les actions en paiement en vue d'obtenir un titre exécutoire et celles en recouvrement en vertu d'un tel titre, que ce texte institue un régime de prescription dérogatoire au droit commun applicable à toutes les actions engagées par un professionnel tendant au paiement des sommes dues pour les biens ou les services qu'il a fournis à un consommateur, que le délai de prescription biennal s'applique tant à l'action en vue d'obtenir un titre exécutoire qu'à celle en recouvrement en vertu du titre obtenu et que l'action du prêteur, fondée sur un jugement du 8 janvier 2013, n'a été engagée que le 11 janvier 2017.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée ;

Condamne M. P... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour Le Fonds social de l'habitat

Le FSH fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit qu'à la date du 11 janvier 2017 à laquelle le FSH avait engagé la procédure de saisie immobilière son action était prescrite, et d'avoir annulé par voie de conséquence le commandement du 11 janvier 2017 afin de saisie immobilière de l'immeuble constituant le lot n°39 du lotissement village de Poro, section Poro, commune de Houailou ;

AUX MOTIFS QU'il est constant que le FSH a consenti à M. P... un prêt immobilier au visa de la loi du 13 juillet 1979 et que, suite au non paiement des échéances, le FSH a saisi le tribunal de première instance de Nouméa, section détachée de Koné, qui, par jugement rendu le 8 janvier 2013, a constaté la déchéance du terme du prêt immobilier et condamné le débiteur au paiement en principal de la somme de 1 009 267 F CFP ; que ce jugement est définitif pour ne pas avoir fait l'objet d'un recours après signification à M. P... par acte d'huissier du 20 février 2013, remis à personne ; que le FSH a fait délivrer à M. P..., suivant acte d'huissier du 11 janvier 2017, un commandement afin de saisie immobilière pour avoir paiement de la somme de 1 279 128 F CFP en principal, intérêts et frais ; que M. P... soutient que l'action du FSH, soumise au délai biennal de l'article L. 137-2 du code de la consommation, est prescrite ; que ce moyen pose le problème de la nature et de la durée de la prescription courant après qu'un jugement a arrêté la prescription initiale ; qu'en application de l'article 2231 du code civil applicable à la Nouvelle-Calédonie "L'interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien." ; que si l'article 23 de la loi du 17 juin 2008 a créé une prescription décennale pour l'exécution des titres exécutoires, prescription qui se substitue à la précédente, cette disposition n'a pas été étendue à la Nouvelle-Calédonie ce dont il découle que, dans ce territoire, la prescription des jugements statuant sur une action en paiement suit le délai de prescription applicable à la créance constatée par le jugement ; qu'en l'espèce la prescription de l'action initiale du FSH en recouvrement de sa créance fondée sur un prêt immobilier était soumise au délai biennal de l'article L. 1372 du code de la consommation, dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie selon laquelle "L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans" ; que la question se pose toutefois de déterminer s'il faut appliquer le délai de prescription de droit commun de 5 ans ou si le délai dérogatoire de l'article L. 137-2 s'applique également à l'action en recouvrement en vertu d'un titre exécutoire ; que la Cour de cassation, dans un avis du 4 juillet 2016, a considéré que l'article L. 137-2 "ne distinguait pas selon le type d'action, et notamment pas entre les actions en paiement en vue d'obtenir un titre exécutoire et celles en recouvrement en vertu d'un tel titre" et que ce texte "instituait un régime de prescription dérogatoire au droit commun, applicable à toutes les actions engagées par un professionnel tendant au paiement des sommes dues pour les biens ou les services qu'il a fournis à un consommateur" ; qu'il en résulte que le délai de prescription biennal s'applique tant à l'action en vue d'obtenir un titre exécutoire qu'à celle en recouvrement en vertu du titre obtenu ; qu'en conséquence, à la date du 11 janvier 2017 à laquelle le FSH a engagé la procédure de saisie immobilière, son action était prescrite ; que, sur infirmation, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, la cour annulera le commandement du 11 janvier 2017 ;

ALORS QU'en Nouvelle-Calédonie, l'exécution des décisions de justice est soumise au délai de prescription de droit commun de cinq ans ; qu'en retenant, pour juger que l'action du FSH était prescrite, qu'en Nouvelle-Calédonie « la prescription des jugements statuant sur une action en paiement suit le délai de prescription applicable à la créance constatée par le jugement », et qu'en l'espèce, « la prescription de l'action initiale du FSH en recouvrement de sa créance fondée sur un prêt immobilier était soumise au délai biennal de l'article L. 137-2 du code de la consommation », applicable « tant à l'action en vue d'obtenir un titre exécutoire qu'à celle en recouvrement en vertu du titre obtenu » (arrêt, p. 5, al. 6 et suiv.), quand l'action en recouvrement exercée par le FSH à l'encontre de M. P... le 11 janvier 2017, fondée sur une décision de justice datée du 8 janvier 2013, était soumise à un délai de prescription de droit commun de cinq ans qui n'était pas écoulé, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, l'article L. 137-2 du code de la consommation applicable en Nouvelle-Calédonie, ensemble les articles 23 et 25 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-15207
Date de la décision : 09/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

OUTRE-MER - Nouvelle-Calédonie - Exécution de titres exécutoires - Prescription - Délai de droit commun

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription décennale - Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile - Article 23 - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Poursuite de l'exécution d'un titre exécutoire en Nouvelle-Calédonie

Il résulte des articles 2224 du code civil de la Nouvelle-Calédonie et 25, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile qu'est exclue en Nouvelle-Calédonie l'application de l'article 23 de la loi du 17 juin 2008 susvisée, instaurant un délai de dix ans pour poursuivre l'exécution de titres exécutoires et qu'en l'absence, sur ce territoire, de délai spécifique au delà duquel un titre exécutoire ne peut plus être mis à exécution, il peut l'être dans le délai de prescription de droit commun, qui est celui des actions personnelles ou mobilières, ramené en Nouvelle-Calédonie de trente ans à cinq ans, et ce, quelle que soit la nature de la créance constatée par le titre exécutoire


Références :

Article 2224 du code civil de la Nouvelle-Calédonie

article 25, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 10 décembre 2018

A rapprocher : 2e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 18-22908, Bull. 2020, (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 déc. 2020, pourvoi n°19-15207, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.15207
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