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09/12/2020 | FRANCE | N°19-14232

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 décembre 2020, 19-14232


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 décembre 2020

Cassation

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 765 F-D

Pourvoi n° N 19-14.232

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 DÉCEMBRE 2020

1°/ la

société Sodiaal international, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société 3A Groupe, dont le siège est...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 décembre 2020

Cassation

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 765 F-D

Pourvoi n° N 19-14.232

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 DÉCEMBRE 2020

1°/ la société Sodiaal international, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société 3A Groupe, dont le siège est [...] ,

2°/ la société Bonilait protéines, société anonyme, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° N 19-14.232 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2019 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige les opposant à la société Investissement et conseil, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat des sociétés Sodiaal international et Bonilait protéines, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Investissement et conseil, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 janvier 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 6 décembre 2017, pourvoi n° 16-12.804), le 2 octobre 2009, la société Investissement et conseil, spécialisée dans le conseil aux entreprises, et la société 3A Groupe, opérant dans le secteur coopératif du lait, ont conclu une convention d'économies de charges, portant sur les postes assurances et frais bancaires, et une convention d'économie de coûts sociaux. Par un avenant du 28 janvier 2010, cette dernière convention a été étendue à une filiale du groupe, la société Bonilait protéines. Ces conventions, conclues pour une durée de vingt-quatre mois, renouvelable par tacite reconduction pour une période d'un an, stipulaient une obligation de coopération de la part de la société 3A Groupe et prévoyaient que les honoraires de la société Investissement et conseil seraient fixés à 50 % des économies obtenues pendant une période de vingt-quatre mois. Le 27 septembre 2011, la société 3A Groupe a résilié les deux conventions. Les 4 et 5 juillet 2013, la société Investissement et conseil a assigné la société 3A Groupe, aux droits de laquelle vient la société Sodiaal international, et la société Bonilait protéines en paiement de ses factures.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. Les sociétés Sodiaal international et Bonilait protéines font grief à l'arrêt de condamner la société 3A Groupe à payer à la société Investissement et conseil les honoraires de 194 078,85 euros au titre des économies sur les coûts de cotisation prévoyance-santé et 205 358,27 euros au titre des économies sur les primes assurances dommages aux biens et pertes d'exploitation, avec intérêts de retard, alors « qu'il appartient à celui qui poursuit le paiement de prouver l'existence de l'obligation de payer dont il réclame l'exécution, et donc qu'en l'espèce, pour condamner les exposantes aux sommes correspondant aux "économies prévisionnelles" demandées par la partie adverse, la cour d'appel a retenu qu'il appartenait à la société 3A Groupe, débitrice de l'obligation de paiement, de supporter la charge de la preuve des économies qu'elle a effectivement réalisées pour que puisse être déterminé le prix dû ; que ce faisant, la cour d'appel a opéré un renversement de la charge de la preuve en violation de l'article 1315, devenu 1353, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315, alinéa 1, devenu 1353, alinéa 1, du code civil :

3. Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

4. Pour condamner la société 3A groupe à payer à la société Investissement et conseil diverses sommes à titre d'honoraires, l'arrêt retient que si, d'après les clauses contractuelles litigieuses, les honoraires doivent être déterminés au regard des économies effectivement réalisées par la société 3A Groupe et non d'après les économies prévisionnelles escomptées au vu des préconisations de la société Investissement et conseil, la charge de la preuve des économies effectivement réalisées incombe, néanmoins, à la société 3A Groupe. Elle relève encore que, faute pour cette dernière de rapporter cette preuve, les honoraires dus à la société Investissement et conseil doivent être déterminés au regard des économies prévisionnelles sur lesquelles les parties s'étaient accordées.

5. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait à la société Investissement et conseil de prouver le montant des honoraires dont elle réclamait le paiement et, ainsi, d'établir le montant des économies effectivement réalisées par la société 3A Groupe permettant le calcul des honoraires, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Investissement et conseil aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Investissement et conseil et la condamne à payer aux sociétés Sodiaal international et Bonilait protéines la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour les sociétés Sodiaal international et Bonilait protéines.

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société 3A groupe, aux droits de laquelle vient la Société Sodiaal International, à payer à la société Investissement et conseil les honoraires de 194 078,85 euros au titre des économies sur les coûts de cotisation prévoyance-santé et 205 358,27 euros au titre des économies sur les primes assurances dommages aux biens et pertes d'exploitation, avec intérêt au taux de 1% par mois de retard appliqué aux sommes mises en paiement à compter des dates des facturations émises par la société la société Investissement et conseil ;

AUX MOTIFS QUE « 1. Sur la détermination des économies pour l'établissement des Honoraires ; Considérant que si la société 3A Groupe est bien fondée à déduire des articles 3-1 et 3-2 des conventions que les honoraires doivent être déterminés d'après les économies effectivement réalisées, et non d'après les économies prévisionnelles établies d'après les préconisations de la société Investissement et conseil, la société 3A Groupe supporte toutefois la charge de la preuve des économies qu'elle a effectivement réalisées, sur la base, d'une part, de leur enregistrement comptable et d'autre part, d'après les préconisations de société Investissement et conseil à l'exclusion d'initiatives de substitution ainsi que cela résulte de l'article 2-1-3, alinéa 5 de la convention selon lequel "Pendant toute la durée de la mission, et jusqu'à la fin des relations contractuelles avec IetC, le client s'interdit toute démarche directe ou indirecte, de quelque nature que ce soit, auprès des fournisseurs, organismes et administrations concernées, sans l'accord préalable d'IetC et ce jusqu'à la remise des conclusions" Considérant que pour contester, en premier lieu, la prétention de la société Investissement et conseil au paiement des honoraires de 161 560,47 euros représentant 50 % du solde des économies de cotisation de prévoyance santé, et de 32 518,38 euros représentant 50 % des économies sur la réserve, la société 3A Groupe se limite, plus de quatre ans après les exercices clos et le début du litige, à opposer avec leur pièces numéros 4, 4-1, 4-2 des valeurs prévisionnelles sur leurs cotisations pour les années 2012 et 2013 qui ne sont pas de nature à établir le montant réel des économies qu'elles ont réalisées ; Qu'ainsi, il convient d'accueillir la détermination des honoraires pour les années 2012 et 2013 d'après les économies prévisionnelles acquises en 2011 sur lesquelles les parties s'étaient accordées le 1er juin 2012, et de condamner la société 3A Groupe à payer la somme de 194 078,85 euros représentant les économies, déduction faite de la somme de 73 168,29 euros déjà versée le 6 août 2012 ; Considérant que pour contester, en second lieu, la prétention de la société Investissement et conseil au paiement de la somme de 205 358,27 euros représentant 50 % des économies réalisées sur les primes assurances dommages aux biens et pertes d'exploitation sur les trois années 2011, 2012 et 2013, et qu'elle prétend fixer sur la base de l'économie de prime de 135 504 euros constatées le 26 février 2010 par le cabinet de courtage LSN, la société 3A Groupe se prévaut d'une part, de l'augmentation des primes d'assurances qu'elle a connue à la suite d'un sinistre intervenu dans l'un de ses établissement le16 mars 2010, d'autre part, des meilleures conditions tarifaires qu'elle a négociée avec un autre courtier en assurances, et affirme, de troisième part, avoir obtenu une diminution des primes à la suite de la mise en oeuvre, de sa propre initiative, d'un nouveau dispositif d'extinction d'incendie automatique dit "sprinklage" ; Qu'au demeurant, il n'est pas démontré que les économies de primes négociées après les préconisations de la société Investissement et conseil ne sont pas acquises malgré la majoration qui a résulté du sinistre, et tandis d'une part, que suivant la stipulation précitée de l'article 2-1-3, alinéa 5 de la convention, la société 3A Groupe n'est pas fondée à opposer les autres sources d'économie qu'elle a pu réaliser par le truchement d'un autre courtier que celui avec lequel les négociations pour leur réduction sont intervenues en exécution de la convention passée avec société Investissement et conseil, et que d'autre part, l'affirmation tenant au changement de dispositif d'extinction d'incendie automatique n'est pas corroborée par l'assureur dans le calcul de la révision du montant de ses primes, il convient d'accueillir la détermination des honoraires pour les années 2011, 2012 et 2013 d'après les économies prévisionnelles sur lesquelles les parties s'étaient accordées le 27 février 2010, et de condamner la société 3A Groupe à payer la somme de 205 358,27 euros représentant les économies, déduction faite de la somme de 37 735,90 euros déjà versée ; Considérant enfin, qu'aux termes de l'article 3-5 des conventions, il est convenu entre les parties "Tout retard de paiement fera courir de plein droit les intérêts de retard calculés sur la base de 1% par mois de retard, de la date d'échéance jusqu'au paiement intégral", de sorte qu'il convient d'assortir ce taux aux sommes mises en paiement à compter des dates des facturations émises par la société Investissement et conseil. 2. Sur les dommages et intérêts, les frais irrépétibles et les dépens Considérant qu'il ne se déduit pas de la procédure, la preuve que la société 3A groupe a résisté avec déloyauté au paiement des honoraires, de sorte qu'il convient de débouter la société Investissement et conseil de sa demande de dommages et intérêts présentée à ce titre ; Considérant qu'en suite de ce qui est discuté ci-dessus, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens , qu'en cause d'appel, la société 3A groupe sera condamnée à payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.;»

ALORS QUE 1°) il appartient à celui qui poursuit le paiement de prouver l'existence de l'obligation de payer dont il réclame l'exécution, et donc qu'en l'espèce, pour condamner les exposantes aux sommes correspondant aux « économies prévisionnelles » demandées par la partie adverse, la Cour d'appel a retenu qu'il appartenait à la société 3A Groupe, débitrice de l'obligation de paiement, de supporter la charge de la preuve des économies qu'elle a effectivement réalisées pour que puisse être déterminé le prix dû ; que ce faisant, la Cour d'appel a opéré un renversement de la charge de la preuve en violation de l'article 1315 (ancien) du code civil, désormais article 1356 du Code civil ;

ALORS QUE 2°) aux termes des articles 3-1 et 3-2 des contrats litigieux, le prix n'était dû qu'en cas d'économies effectivement réalisées grâce aux préconisations du prestataire de service ; que si, malgré des préconisations efficaces, aucune économie n'était réalisée, la sanction en était prévue par l'article 3-4 posant une clause pénales ; qu'en fixant les honoraires dus au regard des « économies prévisionnelles », quand il était constaté que les économies réelles n'étaient pas établies, la Cour d'appel a méconnu les contrats litigieux et violé l'article 1134 (ancien) du code civil, désormais a. 1103 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-14232
Date de la décision : 09/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 08 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 déc. 2020, pourvoi n°19-14232


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Corlay, SCP Marc Lévis

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.14232
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