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09/12/2020 | FRANCE | N°19-12788

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 décembre 2020, 19-12788


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 décembre 2020

Cassation

M. CATHALA, président

Arrêt n° 1187 FS-P+B sur le premier moyen

Pourvoi n° T 19-12.788

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 DÉCEMBRE 2020

La société [...] , société par actions simplifiée, dont

le siège est [...] , a formé le pourvoi n° T 19-12.788 contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2018 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale),...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 décembre 2020

Cassation

M. CATHALA, président

Arrêt n° 1187 FS-P+B sur le premier moyen

Pourvoi n° T 19-12.788

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 DÉCEMBRE 2020

La société [...] , société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° T 19-12.788 contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2018 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. F... P..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [...] , de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. P..., et l'avis de Mme Rémery, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 octobre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Rémery, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 21 décembre 2018), M. P... a été engagé à compter du 6 janvier 2004, en qualité de vendeur, par la société [...] , aux droits de laquelle vient la société [...] .

2. Après avoir été licencié le 29 avril 2014, le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 31 mars 2017 de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires accomplies en 2012 et 2013, pour travail les dimanches en 2012 et 2013, pour repos compensateurs non pris, pour travail du 11 novembre 2013, pour rappel de salaire pour les mois de février 2014 et mars 2014, outre les congés payés afférents sur ces sommes, pour non-respect du repos hebdomadaire pendant les salons du Bourget et de Micropolis entre avril 2012 et jusqu'en 2013, alors « que, selon l'article L. 3245-1 du code du travail tel qu'issu de la loi du 14 janvier 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; que selon l'article 21 V de la loi du 14 juin 2013, les dispositions du nouvel article L. 3245-1 du code du travail s'appliquaient aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que M. P... ayant saisi la juridiction prud'homale le 31 mars 2017, soit plus de trois ans après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, toute créance de salaire antérieure au 31 mars 2014 était prescrite ; qu'en jugeant que seules les créances antérieures au 31 mars 2012 étaient prescrites, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail par refus d'application et l'article 21 V de la loi du 14 juin 2013 par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3245-1 du code du travail et l'article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

4. Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

5. Selon l'article 21 V de la dite loi, les dispositions réduisant à trois ans le délai de prescription de l'action en paiement de salaire s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

6. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'à défaut de saisine de la juridiction prud'homale dans les trois années suivant cette date, les dispositions transitoires ne sont pas applicables en sorte que l'action en paiement de créances de salaire nées sous l'empire de la loi ancienne se trouve prescrite.

7. Pour dire que seules sont prescrites les créances antérieures au 31 mars 2012, l'arrêt, après avoir constaté que la demande couvre la période du 29 avril 2011 à 2014, retient que l'ancienne prescription quinquennale a commencé à courir et que la prescription triennale s'est appliquée à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale ne puisse excéder cinq ans. L'arrêt ajoute que le délai triennal était expiré le 16 juin 2016 tandis que le délai de prescription quinquennale était également expiré au 31 mars 2017.

8. En statuant ainsi, en faisant application des dispositions transitoires issues de la loi du 14 juin 2013, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 31 mars 2017, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire que les créances nées avant le 16 juin 2013 étaient prescrites, a violé le premier des textes susvisés par refus d'application et le second par fausse application.

Sur le cinquième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer nul le licenciement et en conséquence de le condamner à verser au salarié diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, de dommages-intérêts pour préjudice moral, d'indemnité de préavis et des congés payés afférents, alors « que la cassation à intervenir des chefs de dispositif ayant condamné la société [...] à verser au salarié diverses sommes à titre de rappels de salaires pour heures supplémentaires, pour travail les dimanches, congés payés afférents, et pour non prise en compte des repos compensateurs, entraînera par voie de conséquence la cassation des chefs de dispositif ayant dit nul le licenciement et condamné en conséquence la société à verser au salarié une indemnité compensatrice et les congés payés ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement nul et pour préjudice moral, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

10. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, celle des chefs de dispositif visés par le cinquième moyen, relatifs à la nullité du licenciement et à la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail et du préjudice moral, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne M. P... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société [...]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société [...] à verser à M. P... diverses sommes à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires accomplies en 2012 et 2013 et congés payés afférents, pour travail les dimanches en 2012 et 2013 et les congés payés afférents, pour repos compensateurs non pris, pour travail du 11 novembre 2013 et les congés payés afférents, pour rappel de salaire pour les mois de février 2014 et mars 2014 et congés payés afférents, pour non-respect du repos hebdomadaire pendant les salons du Bourget et de Micropolis entre avril 2012 et jusqu'en 2013, outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « L'employeur fait valoir que, suite à une saisine du conseil des prud'hommes le 31 mars 2017, les demandes sont prescrites en application de l'article L. 3245-1 du code du travail pour les créances antérieures au 31 mars 2014, qui fixe le délai de prescription à 3 ans.
Toutefois, ces dispositions sont issues de l'article 21 de la loi 2013-504 du 14 juin 2013 qui précise expressément en son article 5 que les nouvelles dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
En l'espèce, l'ancienne prescription quinquennale a commencé à courir et la prescription triennale s'est appliquée à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale ne puisse excéder cinq ans.
Il en résulte que seules sont prescrites les créances antérieures au 31 mars 2012, puisque pour celles-ci, le délai de prescription triennal était expiré le 16 juin 2016, et le délai de prescription quinquennale était également expiré au 31 mars 2017.
Le salarié s'appuie certes sur les dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail précisant que l'action en paiement ou en répétition du salaire peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat, ce qui, la rupture étant en date du 29 avril 2014, permettrait de solliciter le paiement de la créance à compter du 29 avril 2011.
Ces dispositions ne sauraient toutefois conduire à permettre le paiement des créances comprises entre le 29 avril 2011 et le 31 mars 2012, prescrites à la date de l'introduction de la demande »

ALORS QUE selon l'article L. 3245-1 du code du travail tel qu'issu de la loi du 14 janvier 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; que selon l'article 21 V de la loi du 14 juin 2013, les dispositions du nouvel article L. 3245-1 du code du travail s'appliquaient aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que M. P... ayant saisi la juridiction prud'homale le 31 mars 2017, soit plus de trois ans après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, toute créance de salaire antérieure au 31 mars 2014 était prescrite ; qu'en jugeant que seules les créances antérieures au 31 mars 2012 étaient prescrites, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail par refus d'application et l'article 21 V de la loi du 14 juin 2013 par fausse application.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société [...] à verser à M. P... diverses sommes à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires accomplies en 2012 et 2013 et congés payés afférents, et repos compensateurs non pris, outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « Sur les heures supplémentaires et les repos compensateurs:
Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié. Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. En l'espèce, M. F... P... produit des décomptes détaillés pour le heures supplémentaires qu'il dit avoir effectuées en 2011, 2012 et 2013 et qui correspondent à sa présence sur des salons ou sur des journées "portes ouvertes" ayant eu lieu au Bourget et à Besançon. Sont annexées à ces décomptes les publicités parues dans la presse à l'occasion de ces événements.
Force est de constater que la S.A.S. [...] ne conteste pas la présence de M. F... P... lors de salons, y compris les dimanches, dans la mesure où elle produit des attestations émanant de ses salariés indiquant que l'intéressé bénéficiait d'une pause pour déjeuner.
La Cour observe encore que la S.A.S. [...] ne produit en revanche aucun autre élément de nature à contredire les décomptes effectués par le salarié.
À défaut d'éléments produits par l'employeur, il y a lieu de retenir, dans les limites de la prescription, les calculs détaillés des heures supplémentaires établis par le salarié au titre des portes ouvertes et des expositions ou salons entre avril 2012 et novembre 2013.
De même, il ne saurait être déduit des attestations des salariés produites par l'employeur indiquant que M. F... P... avait une pause méridienne pour se restaurer pendant les salons que ce dernier a bénéficié des repos compensateurs auxquels il avait droit.
Par ailleurs, la S.A.S. [...] se contente d'indiquer qu'ils sont prescrits, ce qui est en grande partie inexact, mais sans contester sérieusement les calculs effectués par le salarié.
Il convient donc de faire droit, dans les limites de la prescription, à la demande relative aux repos compensateurs selon les modalités définies au dispositif de la présente décision »

1/ ALORS QU'il appartient au salarié qui prétend avoir réalisé des heures supplémentaires d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire; que pour contester les décomptes établis par M. P... qui comptabilisait des journées de 9 ou 10 heures au cours des journées portes ouvertes et des salons, la société faisait valoir que le temps de travail d'une journée était de 7 heures, deux heures étant accordées à titre de pause déjeuner (conclusions d'appel p 21) ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'elle produisait des attestations de salariés le confirmant ; qu'en se fondant néanmoins sur les décomptes établis par le salarié pour condamner la société à lui verser un rappel d'heures supplémentaires sur la période comprise entre le 1er avril 2012 et novembre 2013, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2/ ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que M. P... ne formulait pas de demande au titre de repos compensateurs générés par les heures supplémentaires qu'il prétendait avoir réalisées, mais une demande de repos compensateurs générés par des dimanches travaillés ; qu'en condamnant la société [...] à lui verser une somme « au titre de la non prise en compte de repos compensateurs depuis avril 2012 jusqu'à 2013 » après avoir constaté qu'il avait effectué des heures supplémentaires, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société [...] à verser à M. P... diverses sommes à titre de rappel de salaires pour travail les dimanches en 2012 et 2013 et les congés payés afférents, et pour non prise en compte des repos compensateurs, outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile

SANS AUCUN MOTIF

1/ ALORS QUE toute décision de justice doit être motivée ; qu'en allouant à M. P... les sommes qu'il réclamait rapportées à la période comprise entre avril 2012 et 2013 à titre d'indemnité pour travail le dimanche, indemnité de congés payés afférents, et indemnité pour non prise de ses repos compensateurs, sans aucun motif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2/ ALORS subsidiairement QU' à supposer que ces condamnations soient motivées par le constat fait par la cour d'appel de « la présence de M. F... P... lors de salons, y compris les dimanches » (arrêt p. 6, § 2) pour lui accorder des rappels d'heures supplémentaires, la cour d'appel aurait alors alloué à M. P... un double paiement de son temps de travail effectué au cours des dimanches, en lui accordant le paiement à 125 et 150 % des 9 ou 10 heures prétendument effectuées au cours de ces journées à titre d'heures supplémentaires, et le paiement à 200 % de ces mêmes heures prétendument effectuées à titre de dimanches travaillés tel que réclamé par le salarié, en violation des articles L. 3121-22 du code du travail dans sa rédaction alors applicable et de la convention collective du commerce des articles de sport et équipements de loisirs.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société [...] à verser à M. P... diverses sommes à titre de rappel de salaires pour travail du 11 novembre 2013 et les congés payés afférents, pour rappel de salaire pour les mois de février 2014 et mars 2014 et congés payés afférents, et pour non-respect du repos hebdomadaire pendant les salons du Bourget et de Micropolis entre avril 2012 et jusqu'en 2013, outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile

SANS AUCUN MOTIF

ALORS QUE toute décision doit être motivée ; qu'en allouant à M. P... les sommes qu'il réclamait à titre d'indemnité pour travail le 11 novembre 2013 et indemnité de congés payés afférents, de rappels de salaires pour février et mars 2014 et l'indemnité de congés payés afférents, et pour non-respect du repos hebdomadaire pendant les salons du Bourget et de Micropolis entre avril 2012 et jusqu'en 2013, sans aucun motif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nul le licenciement de M. P... et d'AVOIR en conséquence condamné la société [...] à verser à M. P... les sommes de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, 14 420,85 € brut au titre de l'indemnité de préavis et 1442,08 € brut au titre des congés payés afférents, outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions est nulle. L'article L. 1154-1 précise que dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, M. F... P... prétend avoir fait l'objet d'un harcèlement moral, se matérialisant par la réticence de l'entreprise à lui communiquer ses tableaux de commission, l'absence de rémunération des dimanches travaillés ainsi que des heures supplémentaires, et des faits de dénigrement et d'humiliation.
Il convient en premier lieu d'examiner les éléments rapportés par le salarié:
1°) Sur la réticence de l'entreprise à communiquer à M. F... P... ses tableaux de commissions et les erreurs de calcul concernant certaines d'entre elles:
M. F... P... produit en pièces n° 28, 29 et 30 plusieurs courriers électroniques adressés à son employeur lui demandant de lui communiquer le tableau des commissions des mois d'octobre 2012, novembre 2012, décembre 2012, mars 2013, avril 2013 et mai 2013. Il a été constaté en revanche ci-dessus que l'intégralité des commissions dues à M. F... P... lui a été payée.
2° ) Sur les dimanches travaillés et les heures supplémentaires non rémunérées:
Le salarié rappelle que de nombreuses heures supplémentaires sont restées impayées.
3° ) Sur le dénigrement et les humiliations:
M. F... P... explique que la relation avec l'employeur s'est dégradée considérablement à partir de 2012. Il soutient qu'il a alors fait l'objet de remarques désobligeantes en public et que lui ont été confiées des tâches incompatibles avec son contrat de travail.
Il produit une attestation rédigée par un ancien collègue de travail, M. T... A... qui écrit: "Pendant les rapports commerciaux, M. V... H... dénigrait la façon de travailler de M. F... P.... Lors de certaines foires ou portes ouvertes, il lui donnait des tâches telles que laver les 80 camping-cars ainsi que les WC et la salle de bains, ce qui est indigne pour un cadre de la société. M. V... H... m'a dit à plusieurs reprises qu'il souhaitait du sang neuf à la société. À la fin, M. F... P... était fatigué et usé mentalement de leur comportement. Je l'ai même à plusieurs reprises vu se cacher pour pleurer".
Il verse également une attestation rédigée par son frère. Toutefois, ce dernier ne fait que rapporter les doléances du salarié sans rien avoir pu constater personnellement, ne faisant pas partie des effectifs de l'entreprise.
De même, la Cour ne peut tirer aucune conclusion de l'attestation rédigée par M... C... qui est le beau-père de l'intéressé et qui n'a rien pu constater de manière directe puisqu'il ne travaillait pas non plus dans l'entreprise.
Il résulte de ces éléments, pris dans leur ensemble, à savoir les demandes réitérées de communication des tableaux de commissions, les erreurs de calcul de certaines d'entre elles, l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées, notamment les dimanches, et le témoignage de l'ancien collègue de travail du salarié, qu'il existe des faits de nature à établir l'existence d'un harcèlement moral.
Il appartient donc à l'employeur de rapporter la preuve de ce que ces faits sont étrangers à tout harcèlement moral.
1°) Sur la réticence de l'entreprise à communiquer à M. F... P... ses tableaux de commissions:
La S.AS. [...] explique que l'établissement des tableaux de commissions exige de connaître toutes les ventes du mois précédent. Elle indique que les tableaux ne peuvent dès lors être finalisés qu'au moment de l'établissement des fiches de paye, le 5 de chaque mois. Elle en conclut que les réclamations adressées par le salarié le 4 décembre 2012 et le 30 mars 2013 sont prématurées.
Force est toutefois de constater que la S.AS. [...] reconnaît en revanche le retard concernant l'établissement des tableaux de commissions qui faisaient l'objet des autres réclamations de M. F... P.... Elle se contente d'affirmer que ce retard concernait tous les salariés, ce dont elle ne justifie pas. En effet, la Cour observe que sur ce point la S.AS. [...] ne produit aucun témoignage de salariés attestant de ses difficultés à établir dans les temps les tableaux de commissions.
2°) Sur les dimanches travaillés et les heures supplémentaires non rémunérées:
Il a été jugé ci-dessus que l'employeur reste redevable d'heures supplémentaires effectuées pendant les foires et journées portes ouvertes.
3° ) Sur le dénigrement et les humiliations:
La S.AS. [...] conteste avoir demandé à M. F... P... de nettoyer les WC et les salles de bains des véhicules lors des expositions. Elle ne produit toutefois aucune attestation de nature à contredire celle produite par le salarié et rédigée par M. T... A....
De même, la S.AS. [...] ne verse aux débats aucun élément de nature à contredire l'attestation de ce dernier concernant les propos dénigrants qui étaient adressés en public à M. F... P... lors des rapports commerciaux.
En revanche, il est exact, comme le soutient la S.AS. [...] , que le contrat de travail de M. F... P... stipule, en son article 4, qu'il est chargé de l'entretien du gros matériel lors des expositions extérieures. Il en résulte que le salarié ne peut reprocher à l'employeur de lui avoir demandé, lors des salons et expositions, de laver les camping-cars.
Synthèse:
Il résulte des observations ci-dessus que sont constitués les manquements allégués concernant l'absence de communication régulière des tableaux de commissions, l'existence de propos dénigrants à l'encontre du salarié, l'absence injustifiée de paiement des heures supplémentaires effectuées lors des salons et expositions, notamment les dimanches. De même, peut être retenu comme ayant un caractère humiliant l'obligation faite à M. F... P... de nettoyer les WC et les salles de bains des camping-cars, taches qui ne relevaient pas de son contrat travail.
Ces éléments ont conduit à une altération de la santé du salarié, ainsi qu'à la décision d'inaptitude comme en témoignent les divers et nombreux éléments médicaux produits par l'intéressé, et ils doivent donc être qualifiés de harcèlement moral.
III - Sur les conséquences financières du harcèlement moral:
Au regard du préjudice moral subi par M. F... P..., la Cour fixera à la somme de 4 000 € les dommages et intérêts qui lui seront octroyés en réparation.
Le licenciement trouvant son origine dans un harcèlement moral, il est en conséquence nul et le jugement sera infirmé en ce sens.
Au titre du préjudice lié à la perte de son emploi, compte-tenu d'une ancienneté de dix ans et d'un salaire, commissions comprises, de l'ordre de 3200 € brut par mois, il sera alloué à M. F... P... la somme de 20 000 €, étant précisé que l'intéressé a retrouvé du travail dès son licenciement au sein d'une société concurrente créée par un ancien salarié.
Par ailleurs, il sera fait droit à la demande d'indemnité de préavis à hauteur de 14 420,85 € brut, outre 1 442,08 € brut au titre des congés payés, seul le principe mais non le calcul étant contesté par l'employeur »

1/ ALORS QUE la cassation à intervenir des chefs de dispositif ayant condamné la société [...] à verser au salarié diverses sommes à titre de rappels de salaires pour heures supplémentaires, pour travail les dimanches, congés payés afférents, et pour non prise en compte des repos compensateurs, entrainera par voie de conséquence la cassation des chefs de dispositif ayant dit nul le licenciement et condamné en conséquence la société à verser au salarié une indemnité compensatrice et les congés payés ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement nul et pour préjudice moral, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE la société faisait valoir que l'attestation de M. T... A... ne pouvait être retenue dans la mesure où son auteur qui avait quitté la société pour fonder une entreprise concurrente était le nouvel employeur de M. P... qui l'avait embauché dès son licenciement au mois d'avril 2014 (ses conclusions d'appel p 4-6 , 13-14); qu'en se fondant sur l'unique témoignage de M. A... pour retenir que M. P... avait été victime de propos dénigrants adressés en public lors des rapports commerciaux et d'injonctions humiliantes de nettoyer les WC et les salles de bains des camping-cars, sans répondre à ce moyen de nature à priver de toute force probante ledit témoignage, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-12788
Date de la décision : 09/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION - Salaire - Paiement - Prescription - Prescription triennale - Acquisition - Conditions - Détermination - Portée

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription triennale - Article L. 3245-1 du code du travail - Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 - Article 21 V - Dispositions transitoires - Application - Exclusion - Effets - Défaut de saisine de la juridiction prud'homale dans les trois années suivant la date d'entrée en vigueur des dispositions transitoires

Il résulte de la combinaison de l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et de l'article 21 V de cette loi, qu'à défaut de saisine de la juridiction prud'homale dans les trois années suivant le 16 juin 2013, les dispositions transitoires ne sont pas applicables, en sorte que l'action en paiement de créances de salaire nées sous l'empire de la loi ancienne se trouve prescrite


Références :

article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013

article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 21 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 déc. 2020, pourvoi n°19-12788, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.12788
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