La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/12/2020 | FRANCE | N°19-23692

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 03 décembre 2020, 19-23692


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 décembre 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 924 F-D

Pourvoi n° V 19-23.692

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 DÉCEMBRE 2020

1°/ Mme M... S..., épouse J..., domiciliée [...] ,

°/ la société J...-S..., exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° V 19-23.692 contre l'arrêt ren...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 décembre 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 924 F-D

Pourvoi n° V 19-23.692

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 DÉCEMBRE 2020

1°/ Mme M... S..., épouse J..., domiciliée [...] ,

2°/ la société J...-S..., exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° V 19-23.692 contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2019 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige les opposant à M. H... J..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme S... et de la société J...-S..., de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. J..., après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 10 juillet 2019), par acte du 22 août 2011, M. et Mme J..., ainsi que Mme W..., ont consenti à l'exploitation agricole à responsabilité limitée J...-S... (l'EARL), dont Mme J... est la gérante, un bail rural à long terme, d'une durée de 18 ans à compter du 1er décembre 2010, portant sur plusieurs parcelles de vignes.

2. Les parcelles, objet du bail sont, pour l'essentiel, des biens propres respectivement de M. J... et de Mme J..., certaines étant sous l'usufruit de Mme W.... L'une d'entre elles est un bien commun de M. et Mme J.... Ceux-ci se sont séparés en 2012.

3. Par lettre du 13 juin 2014, M. J... a adressé à Mme J...-S... et à l'EARL une mise en demeure de payer les fermages.

4. Par déclaration du 3 septembre 2014, Mme J...-S... et l'EARL J...-S... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation de cet acte.

5. M. J... a demandé reconventionnellement le paiement des fermages arréragés et la résiliation du bail.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. Mme J...-S... et l'EARL font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation de la mise en demeure et de condamner l'EARL à payer une somme, alors « que, lorsque l'obligation est solidaire entre plusieurs créanciers, le paiement fait à l'un d'eux libère le débiteur encore que le bénéfice de l'obligation soit partageable et divisible entre les divers créanciers ; qu'en condamnant l'EARL J...-S..., preneur à bail, à payer à M. J... la somme de 25 232,20 euros au titre des fermages impayés d'août 2012 à mars 2016, au motif qu'elle ne pouvait imputer en leur totalité à M. J... les virements effectués au profit de M. et Mme J..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si le bail ne prévoyait pas une solidarité entre les bailleurs, de sorte que les paiements effectués sur le compte joint de M. et Mme J... des 5 décembre 2012, 5 mars 2013 et 5 juin 2013, libéraient complètement l'EARL J...-S... de sa dette de fermage pour ces échéances tant envers l'un que l'autre des cobailleurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1197 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1197 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

7. Aux termes de ce texte, l'obligation est solidaire entre plusieurs créanciers lorsque le titre donne expressément à chacun d'eux le droit de demander le paiement du total de la créance, et que le paiement fait à l'un d'eux libère le débiteur, encore que le bénéfice de l'obligation soit partageable et divisible entre les divers créanciers.

8. Pour condamner l'EARL à payer une certaine somme, l'arrêt retient que les virements effectués au nom de M. et Mme J... ne peuvent être imputés en leur totalité à M. J... lui-même dès lors que les sommes dues n'ont été calculées que sur la base des parcelles qu'il détient en propre et pour la moitié concernant celles constituant des biens communs.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le bail ne prévoyait pas une solidarité entre les bailleurs, de sorte que les virements du montant des fermages effectués sur le compte joint de M. et Mme J... jusqu'à la dénonciation de celui-ci auprès de la banque dépositaire avaient libéré l'EARL de sa dette envers l'un et l'autre des propriétaires de parcelles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne M. J... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme S... et la société J...-S....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté l'Earl J...-S... et Mme M... S... épouse J... de leur demande d'annulation de la mise en demeure du 13 juin 2014 et d'AVOIR condamné l'Earl J...-S... à payer à M. H... J... la somme de 25.232,20 euros au titre des fermages impayés d'août 2012 à mars 2016 ;

AUX MOTIFS QUE - Sur les fermages : les premiers juges ont validé la mise en demeure de payer les fermages en date du 13 juin 2014 - délivrée pour la somme de 186 722 euros sur la période comprise entre août 2012 et le 5 juin 2014 - et ont condamné l'Earl J...-S... à payer à M. H... J... la somme de 92 452,83 euros au titre des fermages impayés d'août 2012 à mars 2016 ; que les appelantes demandent à la cour d'infirmer ces dispositions au motif que l'Earl J...-S... a réglé la totalité des fermages envers M. H... J... tandis que ce dernier sollicite la confirmation du jugement du chef de la condamnation au paiement des fermages ; que l'Earl J...-S... reproche à raison aux premiers juges d'avoir calculé les fermages sur la base d'une superficie de 1 ha 86 a 31 ca alors même qu'au vu de l'acte notarié en date du 22 août 2011, les droits que M. H... J... détient sur les parcelles données à bail sont de : - 1 ha 18 a 16 ca au titre des parcelles qui lui sont propres sur la commune de [...], - 13 a 77 ca correspondant à la moitié des biens communs sur les communes de [...] et [...], soit une superficie totale de 1 ha 31 a 93 ca ; que c'est à tort qu' à titre subsidiaire, M. H... J... entend voir ajouter à cette superficie celle de 30 a 59 ca alors que de telles parcelles ne sont pas reprises au bail susvisé ; que les appelantes font encore valoir à raison que c'est à tort que pour le calcul des sommes dues, le tribunal a retenu une moyenne pour le prix annuel du kilogramme de raisins alors qu'en application du contrat, le "prix du kilogramme retenu pour le calcul du fermage sera le cours moyen du raisin pour la commune concernée, constaté par arrêté préfectoral" ; qu'il ressort par ailleurs des factures produites, conformes aux termes du bail, que les échéances étaient payables le 5 des mois de décembre, mars, juin et septembre ; que sur la base de ces éléments, d'un fermage de 2 500 kilogrammes de raisin appellation champagne à l'hectare et du prix du kilogramme de raisin pour les années et les parcelles concernées tel qu'il résulte des arrêtés préfectoraux produits aux débats, les appelantes ont exactement calculé que l'Earl J...-S... aurait dû payer entre septembre 2012 et mars 2016 la somme de 65 897,58 euros à laquelle il convient toutefois d'ajouter celle de 1 437,90 euros ((4 142,19 euros + 171,52 euros )/3 mois), correspondant au mois d'août 2012 visée dans la période réclamée, soit la somme de 67 335,48 euros ;

Que les appelantes prétendent que l'Earl J...-S... aurait réglé une somme de 68 304,04 euros de sorte qu'elle ne serait plus redevable d'aucun fermage ; qu'elles produisent aux débats des relevés de compte sur lesquels des virements web figurent au sujet desquels le conseil de l'intimé avait réclamé le 4 février 2016 auprès du conseil de Mme M... S... et de l'Earl J...-S... les pièces justifiant du destinataire de ces virements, demande à laquelle il n'était pas donné suite. M. H... J... soutient que dans ces conditions, il n'est pas établi qu'il a perçu les fermages correspondant à l'exploitation de ses biens propres et de sa partie indivise des biens communs ; que toutefois, l'examen des relevés de compte produits permet d'identifier les destinataires des virements ; qu'il s'agit soit de M. et Mme J..., soit de M. H... J... ; qu'il convient donc d'imputer sur les sommes dues, les sommes réglées sur la période en cause à M. H... J..., au titre des parcelles objets du bail du 22 août 2011. En effet, au vu des factures qui sont par ailleurs produites, il apparaît que les appelantes ont imputé à tort des règlements effectués par M. H... J... dans le cadre d'un autre bail, celui du 30 mars 2012 ; que les versements qui apparaissent au nom de M. H... J... sur les relevés de compte de l'Earl S... doivent donc être retenus, après déduction des versements effectués au titre du bail du 30 mars 2012, soit les sommes de : - 4 877,92 euros (5 586,68 euros repris sur le virement du 5 décembre 2014 - 708,76 euros repris sur la pièce n°8 des appelantes au titre de l'acte du 30 mars 2012), - 14 264,50 euros (17 097,19 euros repris sur le virement du 5 décembre 2014 - 2 832,69 euros repris sur la pièce n°7 des appelantes au titre de l'acte du 30 mars 2012), - 4 876,91 euros virés le 5 mars 2015, - 5 163,91 euros virés le 5 mars 2015 ; que ne doivent donc pas être retenues les sommes de 708,75 euros virée le 5 mars 2015 au titre du bail du 30 mars 2012 et de 750,47 euros virée le même jour au titre du même bail ; que s'agissant ensuite des virements effectués au nom de M. et Mme J..., c'est à tort que l'Earl J...-S... entend les voir imputer en leur totalité à M. H... J... alors que les sommes dues n'ont été calculées que sur la base des parcelles qu'il détient en propre et pour la moitié des biens communs ; qu'il convient par ailleurs d'écarter toutes les imputations faites par les appelantes au nom des époux J... au titre de l'acte du 30 mars 2012, soit le virement du 5 mars 2013 (1 349,82 euros) et celui du 5 juin 2013 (1 349,82 euros) ; que les appelantes ne sont pas davantage fondées à déduire de la somme réclamée tous les autres règlements effectués au profit des époux J... et, à titre subsidiaire, la moitié de celles-ci alors que les versements ne doivent être imputés qu'à hauteur des échéances dues à M. H... J... (puisque les fermages ont été calculés à partir de ses droits dans les parcelles louées), soit la somme de 4 306,68 euros au titre de l'échéance du mois de décembre 2012 (17 050,41 euros + 176,32 euros / 4), celle de 4 306,68 euros au titre de l'échéance du mois de mars 2013 et celle de 4 306,68 euros au titre de l'échéance du mois de juin 2013 ; que le total des sommes versées à M. H... J... s'élève donc à la somme de 42 103,28 euros ; que l'Earl J...-S... est dès lors redevable de la somme de 25 232,20 euros (67 335,48 euros - 42 103,28 euros), qu'elle doit être condamnée à payer à M. H... J... ;

ET AUX MOTIFS QUE les appelantes doivent être déboutées de leur demande d'annulation de la mise en demeure du 13 juin 2014, alors même qu'il s'agit d'un acte conservatoire que l'indivisaire peut faire seul et qu'à cette date, l'Earl J...-S... était débitrice de fermages ;

1) ALORS QUE la convention de compte joint, qui permet à chacun des titulaires du compte de disposer de la totalité du solde, emporte solidarité entre les titulaires ; que dès lors, le paiement de fermages fait par le preneur sur le compte joint de ses cobailleurs le libère pour la totalité de la créance à l'égard de chacun d'entre eux ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que les paiements de l'Earl J...-S... au titre des fermages étaient effectués sur un compte joint ouvert au nom de M. et Mme J... (cf. concl. de Mme J... et de l'Earl J...-S..., p. 8 et concl. de M. J..., p. 6) ; qu'en condamnant l'Earl J...-S..., preneur à bail, à payer à M. J... la somme de 25.232,20 euros au titre des fermages impayés d'août 2012 à mars 2016, au motif qu'elle ne pouvait imputer en leur totalité à M. J... les virements effectués au profit de M. et Mme J..., quand les paiements effectués sur le compte joint les 5 décembre 2012, 5 mars 2013 et 5 juin 2013, libéraient complètement l'Earl J...-S... de sa dette de fermage pour ces échéances tant envers l'un que l'autre des bailleurs, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1197 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2) ALORS QUE lorsque l'obligation est solidaire entre plusieurs créanciers, le paiement fait à l'un d'eux libère le débiteur encore que le bénéfice de l'obligation soit partageable et divisible entre les divers créanciers ; qu'en condamnant l'Earl J...-S..., preneur à bail, à payer à M. J... la somme de 25.232,20 euros au titre des fermages impayés d'août 2012 à mars 2016, au motif qu'elle ne pouvait imputer en leur totalité à M. J... les virements effectués au profit de M. et Mme J..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si le bail ne prévoyait pas une solidarité entre les bailleurs, de sorte que les paiements effectués sur le compte joint de M. et Mme J... des 5 décembre 2012, 5 mars 2013 et 5 juin 2013, libéraient complètement l'Earl J...-S... de sa dette de fermage pour ces échéances tant envers l'un que l'autre des cobailleurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1197 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-23692
Date de la décision : 03/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 10 juillet 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 03 déc. 2020, pourvoi n°19-23692


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.23692
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award