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02/12/2020 | FRANCE | N°19-17421

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 décembre 2020, 19-17421


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 décembre 2020

Cassation

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1130 F-D

Pourvoi n° D 19-17.421

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 DÉCEMBRE 2020

La société Adrexo, société par actions

simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° D 19-17.421 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2019 par la cour d'appel de G...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 décembre 2020

Cassation

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1130 F-D

Pourvoi n° D 19-17.421

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 DÉCEMBRE 2020

La société Adrexo, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° D 19-17.421 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2019 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. Q... G..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Adrexo, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. G..., après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 12 mars 2019), M. G..., engagé en qualité de distributeur de journaux gratuits et de publicités par la Société de distribution et promotion, devenue Adrexo, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein et en paiement de diverses sommes.

2. Par arrêt du 3 juin 2015 (Soc., 3 juin 2015, pourvoi n° 13-21.671, Bull. 2015, V, n° 113 ), la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 23 mai 2013, mais seulement en ce qu'il dit que le contrat de M. G... à compter du 1er juillet 2005 doit être requalifié en un contrat de travail à temps plein de 169 h, sur la base d'une rémunération au SMIC, et condamne la société Adrexo à payer à M. G... les sommes de 96918 euros à titre de rappel de salaire pour la période de juillet 2005 à mars 2012, 9 692 euros à titre de congés payés afférents, 7 656 euros à titre de rappel de la prime d'ancienneté pour la période de juillet 2005 à février 2013 et 766 euros au titre des congés payés afférents.

3. Pour statuer ainsi, la chambre sociale a énoncé qu'en cas de requalification en contrat à temps complet, la durée de travail en résultant correspond à la durée légale de travail ou, si elle est inférieure, à la durée fixée conventionnellement.

4. Cet arrêt a été signifié le 31 juillet 2015 par la société au salarié. Ce dernier n'a pas saisi la cour d'appel de renvoi dans le délai de quatre mois alors prévu par l'article 1034 du code de procédure civile.

5. Par l'arrêt attaqué, la cour d'appel de Grenoble a déclaré nulles les deux saisies-attribution pratiquées par l'employeur les 3 et 5 avril 2018 sur les comptes bancaires du salarié aux fins de restitution de la somme de 110 890,73 euros versée en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 23 mai 2013 et a ordonné leur mainlevée.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire nulles les saisies-attribution pratiquées au préjudice de M. G... le 3 avril 2018 entre les mains du Crédit mutuel de Montélimar et le 5 avril 2018 entre les mains de la caisse d'épargne Loire Drôme, d'en ordonner la mainlevée et de le condamner à payer au salarié la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour saisie abusive, alors « que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; que la cassation annule donc intégralement le chef du dispositif qu'elle atteint, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que l'arrêt de la Cour de cassation du 3 juin 2015 avait cassé l'arrêt d'appel du 23 mai 2013 en ce qu'il avait dit que le contrat de Q... G... devait être à compter du 1er juillet 2005 requalifié en un contrat de travail à temps plein sur la base d'une rémunération au SMIC, la cour d'appel a relevé qu'il ressortait de la lecture des motifs de l'arrêt du 3 juin 2015 que la cassation n'était pas intervenue sur le principe de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, mais sur la durée de travail retenue par la cour d'appel de Chambéry (169 heures), supérieure à la durée légale ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait du dispositif de l'arrêt de la Cour de cassation du 3 juin 2015 qu'il avait cassé l'arrêt du 23 mai 2013 sur le principe de la requalification du contrat en un contrat de travail à temps plein, de sorte que plus rien ne subsistait de ce chef du dispositif, peu important les motifs de l'arrêt, la cour d'appel a violé les articles 624 et 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a implicitement mais nécessairement retenu que la cassation intervenue portait sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet.

8. Le moyen n'est pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en ses troisième à sixième branches

Enoncé du moyen

9. L'employeur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors :

« 3°/ que la renonciation au bénéfice d'un jugement doit résulter d'actes ou de faits impliquant la volonté non équivoque de renoncer à faire exécuter le jugement ; qu'en l'espèce, pour juger que la société Adrexo avait renoncé à se prévaloir des effets complets de l'arrêt de cassation du 3 juin 2015 et s'était inclinée sur le principe de la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet, la cour d'appel a relevé qu'à compter du 1er décembre 2015, elle avait continué d'employer M. G... sur la base d'un contrat de travail à temps plein au lieu de revenir au temps partiel fixé à l'origine ce qui aurait dû être le cas si la société Adrexo avait entendu se prévaloir des effets complets de l'arrêt de cassation du 3 juin 2015 ; qu'en statuant ainsi, quand les modalités d'exécution du contrat de travail postérieurement au 1er décembre 2015 ne pouvaient caractériser une volonté non équivoque de la société Adrexo de renoncer à se prévaloir de la restitution de rappels de salaire et de primes d'ancienneté qu'elle avait versés au titre de la période de juillet 2005 à février 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble le principe selon lequel la renonciation à un droit ne se présume pas ;

4°/ que la renonciation au bénéfice d'un jugement doit résulter d'actes ou de faits impliquant la volonté non équivoque de renoncer à faire exécuter le jugement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que dès le 31 juillet 2015, la société Adrexo avait fait signifier l'arrêt du 3 juin 2015 à M. G... ; qu'en concluant à une renonciation non équivoque de la société Adrexo à se prévaloir de l'exécution complète de cet arrêt du 3 juin 2015, quand le fait que la société l'ait notifié rapidement au salarié démontrait au contraire la volonté de la société de permettre à cet arrêt de produire ses pleines conséquences juridiques, la cour d'appel a violé l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble le principe selon lequel la renonciation à un droit ne se présume pas ;

5°/ que la renonciation au bénéfice d'un jugement doit résulter d'actes ou de faits impliquant la volonté non équivoque de renoncer à faire exécuter le jugement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Adrexo avait adressé un courrier à M. G... le 3 août 2015 dans lequel elle l'informait qu'elle lui proposait de réaliser un travail hebdomadaire de 35 heures et de lui restituer déjà la somme de 12 656,07 euros qu'il avait lui-même reconnu devant le juge lui devoir, tout en lui précisant que cette proposition était faite ''sans renonciation de notre part aux effets complets de l'arrêt de la Cour de cassation'' ; qu'en concluant à une renonciation non équivoque de la société Adrexo à se prévaloir de l'exécution de cet arrêt du 3 juin 2015, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que la société Adrexo avait expressément informé M. G... qu'elle ne renonçait pas aux effets complets de l'arrêt de la Cour de cassation, a violé l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble le principe selon lequel la renonciation à un droit ne se présume pas ;

6°/ en toute hypothèse, que la renonciation au bénéfice d'un jugement doit résulter d'actes ou de faits impliquant la volonté non équivoque de renoncer à faire exécuter le jugement ; qu'en l'espèce, pour conclure que les saisies-attribution n'avaient aucun fondement, la cour d'appel a relevé que la société Adrexo s'était inclinée ''sur le principe de la requalification'' du contrat à temps partiel en contrat à temps complet ; qu'en statuant ainsi, sans constater que la société Adrexo avait aussi renoncé aux condamnations aux rappels de salaire, de prime d'ancienneté et de congés payés prononcées par l'arrêt d'appel du 23 mai 2013, quand les saisies-attribution en litige avaient été pratiquées en restitution des sommes versées en application de ces chefs de condamnation, distincts du chef du dispositif qui posait le principe de la requalification en temps plein, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution et du principe selon lequel la renonciation à un droit ne se présume pas. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1103 du code civil :

10. La renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes de son titulaire manifestant sans équivoque la volonté de renoncer.

11. Pour déclarer nulles les saisies-attribution pratiquées par l'employeur et en ordonner la mainlevée, la cour d'appel a retenu qu'à l'expiration du délai de forclusion pour saisir la cour d'appel de renvoi, soit le 1er décembre 2015, la société avait continué à employer le salarié à temps plein sur une base de 35 heures hebdomadaires, sans user de la faculté qui lui était ouverte par l'arrêt de cassation de revenir à l'état antérieur d'un contrat de travail à temps partiel et que de la sorte, elle s'était inclinée sur le principe de la requalification du contrat de travail en un contrat à temps plein et avait de façon non équivoque renoncé à se prévaloir des effets complets de l'arrêt de cassation.

12. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une renonciation non équivoque de la société à se prévaloir du bénéfice de l'arrêt de cassation du 3 juin 2015 et donc à le faire exécuter en ce qu'il avait fait naître un droit à restitution de la somme versée en exécution de la décision cassée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. G... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Adrexo

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit nulles les saisies-attribution pratiquées au préjudice de M. Q... G... le 3 avril 2018 entre les mains du Crédit Mutuel de Montélimar et le 5 avril 2018 entre les mains de la Caisse d'Epargne Loire Drôme, d'en AVOIR ordonné la mainlevée et d'AVOIR condamné la société Adrexo à payer à M. G... la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour saisie abusive ;

AUX MOTIFS QUE I. – ainsi que l'a indiqué le juge de l'exécution, la solution du litige nécessite d'en apprécier la portée, ce qui sera fait dans un premier temps ; qu'il importe pour ce faire de rappeler la chronologie et le contenu des décisions rendues ; (1) que par jugement du 25 mars 2006 le conseil de prud'hommes de Montélimar a notamment : - Débouté Q... G... de sa demande de rappels de salaire et de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral ; - Condamné la société Adrexo à lui verser les sommes de 2.071,86 euros de rappel de prime d'ancienneté, 207,19 euros au titre des congés payés afférents et 150 euros à titre de dommages-intérêts pour omission de visite médicale ; - Dit que les intérêts sur ces sommes seront dus à compter du 25 mars 2004 ; - Condamné la société Adrexo à délivrer à Q... G... les bulletins de paie rectifiés dans les deux mois de la notification du jugement, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard ; - Condamné la société Adrexo à payer à Q... G... la somme de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que Q... G... a relevé appel ; qu'il sollicitait devant la cour le paiement de la somme de 86.462,66 euros à titre de rappel de salaire sur la base d'un contrat de travail à temps plein pour la période allant du 31 août 1999 au 31 avril 2007 ; (2) que par arrêt du 23 janvier 2008, la cour d'appel de Grenoble a notamment : - Confirmé le jugement en ce qu'il a débouté Q... G... de sa demande au titre d'un préjudice moral ; - Confirmé le jugement en ses dispositions relatives aux dommages-intérêts pour omission de la visite médicale obligatoire (150 euros) et aux frais irrépétibles (900 euros) ; - L'infirmant pour le surplus, condamné la société Adrexo à verser à Q... G... la somme de 61.615,05 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er septembre 1999 au 30 juin 2005 et celle de 6.151,50 euros au titre des congés payés afférents ; que dans son arrêt, la cour a calculé le rappel de salaire pour la période de septembre 1999 à juin 2005 uniquement et ce, sur la base d'un contrat de travail à temps plein ; (3) que sur le pourvoi formé par Q... G..., la Cour de cassation a le 13 mai 2009 cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Grenoble mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de rappel de salaire sur la base de 169 heures mensuelles à compter du mois de juillet 2005 et de rappel d'une prime d'ancienneté jusqu'au 1er juillet 2005 ; que la Cour de cassation a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Chambéry ; que par l'effet de la cassation partielle, les points concernant le rappel de salaires pour la période 1999/2005, les dommages-intérêts pour omission de la visite médicale et les frais irrépétibles ont été définitivement tranchés ; (4) que par arrêt du 23 mai 2013, la cour d'appel de Chambéry a notamment : - Confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Montélimar en ses dispositions relatives à la prime d'ancienneté ; - Infirmant le jugement pour le surplus, condamné la société Adrexo à payer à Q... G... les sommes suivantes : 500 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut d'information sur la convention collective de la publicité et assimilés, 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de la convention collective, 96.918 euros au titre des rappels de salaires pour la période de juillet 2005 à mars 2012 et 9.692 euros au titre des congés payés y afférents, 7.656 euros au titre du rappel de la prime d'ancienneté pour la période de juillet 2005 à février 2013 et 766 euros au titre des congés payés afférents, 5.000 euros à titre d'occupation du domicile privé à des fins professionnelles, 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ; qu'en exécution de cet arrêt, la société Adrexo a adressé à Q... G... deux chèques pour un montant total de 92.476,65 euros le 4 juillet 2013 et un chèque de 5.160,95 euros au titre des intérêts de retard le 9 août 2013 ; (5) que par arrêt du 3 juin 2015, la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 23 mai 2013, mais seulement en ce qu'il a dit que le contrat de Q... G... à compter du 1er juillet 2005 doit être requalifié en un contrat de travail à temps plein sur la base d'une rémunération au SMIC et en ce qu'il a condamné la société Adrexo au paiement des sommes de 96.918 euros au titre des rappels de salaires pour la période de juillet 2005 à mars 2012, 9.692 euros au titre des congés payés afférents et 7.656 euros au titre du rappel de la prime d'ancienneté pour la période de juillet 2005 à février 2013 et 766 euros au titre des congés payés afférents ; que la Cour de cassation a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon ; qu'il ressort de la lecture des motifs de l'arrêt du 3 juin 2015 que la cassation n'est pas intervenue sur le principe de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, mais sur la durée de travail retenue par la cour d'appel de Chambéry (169 heures), supérieure à la durée légale ; que quelle que soit la motivation qui a conduit la Cour de cassation à casser partiellement l'arrêt du 9 août 2013 [sic], il est incontestable que les dispositions de cet arrêt sont mises à néant en ce qui concerne les rappels de salaire pour la période juillet 2005/mars 2012 et le rappel de la prime d'ancienneté pour la période juillet 2005/février 2013, les points définitivement tranchés à ce stade de la procédure étant les dommages-intérêts (500 euros x 2) et l'indemnité pour occupation du domicile ; que le 31 juillet 2015, la société Adrexo a fait signifier l'arrêt du 3 juin 2015 à Q... G... ; II – Aucune des parties n'ayant saisi la cour de renvoi dans le délai de quatre mois prévu par l'article 1034 du code de procédure civile dans sa rédaction alors en vigueur, la solution du litige nécessite de rechercher dans un second temps, si la société Adrexo n'a pas en définitive accepté les limites de l'arrêt de la Cour de cassation ; que dès la signification de l'arrêt de cassation, la société Adrexo a le 3 août 2015 adressé à Q... G... un courrier lui proposant de réaliser un travail hebdomadaire de 35 heures (ce qui correspond à un emploi à temps plein) et lui demandant de restituer la somme de 12.656,074 euros nets, correspondant à la différence entre un horaire de 39 heures par semaine et un horaire de 35 heures ; que la société Adrexo a précisé dans ce courrier que cette proposition était faite « sans renonciation de notre part aux effets complets de l'arrêt de la Cour de cassation » ; qu'en l'état des réserves exprimées, ce courrier ne peut être analysé comme la renonciation de la société Adrexo à se prévaloir des effets de la cassation, celle-ci se plaçant au mois d'août 2015 dans une position d'attente ; qu'il n'est pas contesté qu'à compter du 1er décembre 2015, date à laquelle les parties étaient forcloses pour saisir la cour d'appel de renvoi, la société Adrexo a continué d'employer Q... G... sur la base d'un contrat de travail à temps plein ; qu'elle l'a fait pendant 16 mois, soit jusqu'au 1er avril 2017, date à laquelle le salarié a fait valoir ses droits à la retraite ; que si la société Adrexo avait entendu se prévaloir des effets complets de l'arrêt du 3 juin 2015, elle aurait, dès le 1er décembre 2015, imposé à Q... G..., de revenir au temps partiel fixé à l'origine ; qu'en ne le faisant pas, elle a de façon non équivoque renoncé à se prévaloir des effets complets de l'arrêt de cassation, s'inclinant sur le principe de la requalification ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à solliciter la restitution de la totalité des sommes versées à Q... G... en exécution de l'arrêt du 23 mai 2013 ; que les saisies-attribution pratiquées à hauteur de la somme de 110.890,73 euros n'ont aucun fondement et qu'il convient d'en ordonner mainlevée ; que les jugements déférés seront infirmés en toutes leurs dispositions ; qu'il sera donné acte à Q... G... de son offre de restitution de la somme de 12.656,07 euros ; qu'en pratiquant une saisie-attribution à hauteur de la somme de 110.890,73 euros, alors qu'à compter du mois de décembre 2015, elle avait accepté le principe de la requalification du contrat de travail à temps plein pour la période postérieure au mois de juillet 2005, la société Adrexo a agi de manière abusive ; qu'elle a ce faisant causé à Q... G... un préjudice qui sera réparé par la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts ;

1) ALORS QUE la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; que la cassation annule donc intégralement le chef du dispositif qu'elle atteint, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que l'arrêt de la Cour de cassation du 3 juin 2015 avait cassé l'arrêt d'appel du 23 mai 2013 en ce qu'il avait dit que le contrat de Q... G... devait être à compter du 1er juillet 2005 requalifié en un contrat de travail à temps plein sur la base d'une rémunération au SMIC, la cour d'appel a relevé qu'il ressortait de la lecture des motifs de l'arrêt du 3 juin 2015 que la cassation n'était pas intervenue sur le principe de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, mais sur la durée de travail retenue par la cour d'appel de Chambéry (169 heures), supérieure à la durée légale ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait du dispositif de l'arrêt de la Cour de cassation du 3 juin 2015 qu'il avait cassé l'arrêt du 23 mai 2013 sur le principe de la requalification du contrat en un contrat de travail à temps plein, de sorte que plus rien ne subsistait de ce chef du dispositif, peu important les motifs de l'arrêt, la cour d'appel a violé les articles 624 et 625 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE l'absence de saisine de la cour d'appel de renvoi dans le délai prévu par l'article 1034 du code de procédure civile conférant force de chose jugée au jugement rendu en premier ressort, c'est la partie qui a succombé en première instance qui a intérêt à saisir la juridiction de renvoi afin de faire infirmer ce jugement ; qu'il ne peut donc en aucune façon être inféré du fait que la partie qui a obtenu la cassation de l'arrêt d'appel et qui était la partie gagnante en première instance n'ait pas saisi la cour d'appel de renvoi qu'elle pourrait avoir renoncé à se prévaloir des effets de l'arrêt de cassation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a toutefois estimé que puisqu'aucune des parties n'avait saisi la cour d'appel de renvoi dans le délai de quatre mois, il fallait rechercher si la société Adrexo n'avait pas en définitive renoncé à se prévaloir des effets complets de l'arrêt de cassation ; qu'en statuant ainsi, quand la société Adrexo était bénéficiaire de l'arrêt de cassation et avait intérêt à ce que le jugement de premier ressort passe en force de chose jugée, de sorte qu'il ne pouvait être déduit du fait qu'elle n'avait pas saisi la cour d'appel de renvoi qu'elle pouvait avoir renoncé à se prévaloir des effets complets de l'arrêt de cassation, la cour d'appel a violé les articles 624, 625 et 1034 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE la renonciation au bénéfice d'un jugement doit résulter d'actes ou de faits impliquant la volonté non équivoque de renoncer à faire exécuter le jugement ; qu'en l'espèce, pour juger que la société Adrexo avait renoncé à se prévaloir des effets complets de l'arrêt de cassation du 3 juin 2015 et s'était inclinée sur le principe de la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet, la cour d'appel a relevé qu'à compter du 1er décembre 2015, elle avait continué d'employer M. G... sur la base d'un contrat de travail à temps plein au lieu de revenir au temps partiel fixé à l'origine ce qui aurait dû être le cas si la société Adrexo avait entendu se prévaloir des effets complets de l'arrêt de cassation du 3 juin 2015 ; qu'en statuant ainsi, quand les modalités d'exécution du contrat de travail postérieurement au 1er décembre 2015 ne pouvaient caractériser une volonté non équivoque de la société Adrexo de renoncer à se prévaloir de la restitution de rappels de salaire et de primes d'ancienneté qu'elle avait versés au titre de la période de juillet 2005 à février 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble le principe selon lequel la renonciation à un droit ne se présume pas ;

4) ALORS QUE la renonciation au bénéfice d'un jugement doit résulter d'actes ou de faits impliquant la volonté non équivoque de renoncer à faire exécuter le jugement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que dès le 31 juillet 2015, la société Adrexo avait fait signifier l'arrêt du 3 juin 2015 à M. G... ; qu'en concluant à une renonciation non équivoque de la société Adrexo à se prévaloir de l'exécution complète de cet arrêt du 3 juin 2015, quand le fait que la société l'ait notifié rapidement au salarié démontrait au contraire la volonté de la société de permettre à cet arrêt de produire ses pleines conséquences juridiques, la cour d'appel a violé l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble le principe selon lequel la renonciation à un droit ne se présume pas ;

5) ALORS QUE la renonciation au bénéfice d'un jugement doit résulter d'actes ou de faits impliquant la volonté non équivoque de renoncer à faire exécuter le jugement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Adrexo avait adressé un courrier à M. G... le 3 août 2015 dans lequel elle l'informait qu'elle lui proposait de réaliser un travail hebdomadaire de 35 heures et de lui restituer déjà la somme de 12.656,07 euros qu'il avait lui-même reconnu devant le juge lui devoir, tout en lui précisant que cette proposition était faite « sans renonciation de notre part aux effets complets de l'arrêt de la Cour de cassation » ; qu'en concluant à une renonciation non équivoque de la société Adrexo à se prévaloir de l'exécution de cet arrêt du 3 juin 2015, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que la société Adrexo avait expressément informé M. G... qu'elle ne renonçait pas aux effets complets de l'arrêt de la Cour de cassation, a violé l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble le principe selon lequel la renonciation à un droit ne se présume pas ;

6) ALORS, en toute hypothèse, QUE la renonciation au bénéfice d'un jugement doit résulter d'actes ou de faits impliquant la volonté non équivoque de renoncer à faire exécuter le jugement ; qu'en l'espèce, pour conclure que les saisies-attribution n'avaient aucun fondement, la cour d'appel a relevé que la société Adrexo s'était inclinée « sur le principe de la requalification » du contrat à temps partiel en contrat à temps complet ; qu'en statuant ainsi, sans constater que la société Adrexo avait aussi renoncé aux condamnations aux rappels de salaire, de prime d'ancienneté et de congés payés prononcées par l'arrêt d'appel du 23 mai 2013, quand les saisies-attribution en litige avaient été pratiquées en restitution des sommes versées en application de ces chefs de condamnation, distincts du chef du dispositif qui posait le principe de la requalification en temps plein, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution et du principe selon lequel la renonciation à un droit ne se présume pas.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-17421
Date de la décision : 02/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 12 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 déc. 2020, pourvoi n°19-17421


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.17421
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