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02/12/2020 | FRANCE | N°19-16574

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 décembre 2020, 19-16574


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC. / ELECT

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 décembre 2020

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1147 F-D

Pourvoi n° G 19-16.574

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 DÉCEMBRE 2020

La société Groupe M Service, sociét

é par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° G 19-16.574 contre le jugement rendu le 6 mai 2019 par le t...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC. / ELECT

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 décembre 2020

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1147 F-D

Pourvoi n° G 19-16.574

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 DÉCEMBRE 2020

La société Groupe M Service, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° G 19-16.574 contre le jugement rendu le 6 mai 2019 par le tribunal d'instance de Paris (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. Y... V..., domicilié [...] ,

2°/ à l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Transports, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Groupe M Service, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris, 6 mai 2019), l'Union nationale des syndicats autonomes UNSA Transports a adressé à la société Groupe M Service (la société) le 18 février 2019 un courrier signé de M. X..., secrétaire général de ce syndicat, désignant M. V... en qualité de représentant de section syndicale. La société a saisi le 4 mars 2019 le tribunal d'instance d'une contestation de cette désignation en faisant notamment valoir que ce syndicat ne remplirait pas le critère de transparence financière.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief au jugement de la débouter de sa demande d'annulation de la désignation de M. V... en qualité de représentant de section syndicale de l'UNSA Transports, alors :

« 1°/ que tout syndicat doit, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l'entreprise, satisfaire au critère de transparence financière ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles il n'était pas établi que le syndicat UNSA Transport avait une comptabilité propre, distincte de l'UNSA, ce dont il résultait que le syndicat UNSA Transport ne remplissait pas le critère de transparence financière et n'avait donc pu valablement désigner M. V... comme représentant de section syndicale au sein de la société Groupe M Service, le tribunal a violé les articles L. 2121-1, L. 2141-1 et L. 2142-1-1 du code du travail ;

2°/ que tout syndicat doit, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l'entreprise, satisfaire au critère de transparence financière ; qu'en se fondant sur la circonstance qu'il n'était pas contesté que l'UNSA avait publié ses comptes sur le site de la direction des journaux officiels, que l'UNSA justifiait d'une transparence financière, inopérante pour apprécier la validité de la désignation de M. V... comme représentant de section syndicale par le syndicat UNSA Transport, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2121-1, L. 2141-1 et L. 2142-1-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2121-1, L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du code du travail :

4. Il résulte de ces textes que tout syndicat doit, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l'entreprise, satisfaire au critère de transparence financière.

5. Pour rejeter la demande d'annulation de la désignation, le tribunal énonce qu'il n'est pas contesté que l'UNSA a publié ses comptes sur le site de la direction des journaux officiels et qu'il n'est pas établi par la société que le syndicat UNSA Transports ait une comptabilité propre, distincte de celle de l'UNSA, qui justifie d'une transparence financière.

6. En statuant ainsi, le tribunal a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 6 mai 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris autrement composé ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Groupe M Service

Il est reproché au jugement attaqué d'avoir débouté la société Groupe M Service de sa demande d'annulation de la désignation de M. V... en qualité de représentant de section syndicale de l'Unsa Transport ;

Aux motifs que sur les modalités de la désignation, la société Groupe M service reproche au syndicat de ne pas produire le procès-verbal désignant M. X... en qualité de secrétaire général de l'Unsa Transport ; que le congrès de Reims des 7 et 8 juin 2017 l'a désigné en tant que tel (statut du syndicat Unsa Transport portant la mention et la signature de M. X... en tant que secrétaire général et organigramme d'UNSA désignant M. X... comme secrétaire général) ; que M. X... représentait donc le syndicat qui a désigné M. V... ; que cette désignation est régulière ; que sur la transparence financière, l'article L. 2142-1-1 du code du travail prévoit que « Chaque syndicat qui constitue, conformément à l'article L. 2142-1 une section syndicale au sein de l'entreprise ou de l'établissement d'au moins cinquante salariés peut, s'il n'est pas représentatif dans l'entreprise ou l'établissement, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l'entreprise ou de l'établissement. Le représentant de la section syndicale exerce ses fonctions dans le cadre des dispositions du présent chapitre. Il bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l'exception du pouvoir de négocier des accords collectifs » ; que l'article D. 2135-4 ajoute « les comptes annuels des syndicats professionnels de salariés ou d'employeurs et de leurs unions, et des associations de salariés ou d'employeurs mentionnés à l'article L. 2135-1 dont les ressources au sens de l'article D. 2135-9 sont inférieures à 2 000 euros à la clôture d'un exercice peuvent être établis sous la forme d'un livre mentionnant chronologiquement le montant et l'origine des ressources qu'ils perçoivent et des dépenses qu'ils effectuent, ainsi que les références aux pièces justificatives. Pour les ressources, il distingue les règlements en espèces des autres règlements. Une fois par année civile, un total des ressources et des dépenses est établi » ; que l'article D. 2135-8 précise : « Les syndicats professionnels de salariés ou d'employeurs et leurs unions, et les associations de salariés ou d'employeurs mentionnés à l'article L. 2135-1 dont les ressources au sens de l'article D. 2135-9 sont inférieures à 230 000 euros à la clôture d'un exercice assurent la publicité de leurs comptes et, s'agissant des syndicats professionnels d'employeurs, de leurs unions et des associations d'employeurs qui souhaitent établir leur représentativité sur le fondement du titre V du livre Ier de la deuxième partie du présent code, du rapport du commissaire aux comptes dans un délai de trois mois à compter de leur approbation par l'organe délibérant statutaire soit dans les conditions prévues à l'article D. 2135-7, soit par publication sur leur site internet ou, à défaut de site, en direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. A cette fin, ils transmettent, le cas échéant par voie électronique, leurs comptes accompagnés, s'agissant des syndicats professionnels d'employeurs, de leurs unions et des associations d'employeurs qui souhaitent établir leur représentativité sur le fondement du titre V du livre 1er de la deuxième partie du présent code, du rapport du commissaire aux comptes ou le livre mentionné à l'article D. 2135-4 à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi dans le ressort de laquelle est situé leur siège social. Ces comptes annuels sont librement consultables. Toutefois, les comptes annuels des syndicats professionnels de salariés ou d'employeurs et de leurs unions, et des associations de salariés ou d'employeurs mentionnés à l'article L. 2135-1 dont les ressources, au sens de l'article D. 2135-9, sont inférieures à 23 000 euros à la clôture d'un exercice, ne le sont qu'à la condition que cette consultation ne soit pas susceptible de porter atteinte à la vie privée de leurs membres.
Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi rend anonymes les mentions permettant l'identification des membres avant communication des documents mentionnés au premier alinéa » ; que tout syndicat doit pour pouvoir exercer des prérogatives dans l'entreprise, satisfaire à ce critère de transparence financière, en application des articles L. 2121-1, L. 2141-1 et L. 2141-1-1 du code du travail (Soc. 22 février 2017, n° 16-60123) ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'UNSA a publié ses comptes sur le site de la direction des journaux officiels ; qu'il est soutenu que le syndicat UNSA Transport n'a pas de transparence financière, celle-ci n'existant que pour l'UNSA elle-même ; qu'or il n'est pas établi par la société Groupe M service que le syndicat UNSA Transport ait une comptabilité propre, distincte de l'UNSA, qui justifie d'une transparence financière ; qu'il n'y a pas lieu d'annuler la désignation pour ce motif ; que sur l'existence d'une section syndicale à la date de la désignation, l'article L. 2142-1 du code du travail dispose « Dès lors qu'ils ont plusieurs adhérents dans l'entreprise ou dans l'établissement, chaque syndicat qui y est représentatif, chaque syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ou chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance et est légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise concernée peut constituer au sein de l'entreprise ou de l'établissement une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres conformément à l'article L. 2131-1 » ; que la section syndicale se voit conférer un nouveau rôle clé dans l'implantation des syndicats dans l'entreprise en vertu de la loi du 20 août 2008 ; que l'arrêt Veolia (Soc. 8 juillet 2009, n° 08-60599, bull. V n° 181) fixe le principe suivant lequel la condition de création d'une section syndicale peut être concomitante à la désignation du représentant de la section syndicale ou du représentant de section syndicale ; qu'il n'y a pas eu de changement de la jurisprudence antérieure suivant laquelle la désignation d'un représentant de section syndicale établit par elle-même l'existence d'une section syndicale (Soc. 22 mai 1997, n° 96-60239, Bull. V n° 294) ; que l'arrêt Okaïdi a simplement précisé le régime de la preuve de l'existence d'adhérents (Soc. 8 juillet 2009, n° 09-60011, n° 09-60031 et 09-60032, Bull. V n° 180) ; qu'il y aurait une certaine absurdité à exiger d'un syndicat qui n'a pas encore de représentant dans l'entreprise, qu'il parvienne malgré tout à y recruter des adhérents et à y développer une activité ; qu'il y a également une difficulté à exiger du syndicat la preuve de son activité et de l'existence d'adhérents alors même qu'il ne peut encore offrir à ses militants aucune protection contre les représailles éventuelles de l'employeur ; que ceci explique les solutions pragmatiques adoptées par la chambre sociale ; qu'ainsi pour qu'existe une section syndicale, le syndicat a l'obligation de justifier d'au moins deux adhérents, dont la personne désignée ; que le juge doit pouvoir prendre connaissance du nom de ces adhérents ; que l'UNSA Transport soutient qu'elle disposait au moins de deux adhérents au jour de la désignation de M. V..., en qualité de représentant de section syndicale, à jour de cotisations ; que M. V... était lui-même adhérent du syndicat à jour de sa cotisation et qu'un deuxième salarié était également adhérent ; qu'à la date de la désignation de M. V..., la section syndicale comptait au moins deux membres à jour de leur cotisations ; que l'UNSA Transports a ainsi produit le nom de deux adhérents présents dans l'entreprise le 18 février 2019 à jour de cotisations et prouve l'existence d'une section syndicale ; que sur l'audience insuffisante lors des élections professionnelles (au moins 10 % des suffrages au premier tour des élections de représentants du personnel), le représentant de section syndicale a été créé par la loi du 20 août 2008 pour permettre à un syndicat désireux d'établir sa représentativité dans l'entreprise de disposer d'un représentant pour se faire connaître et préparer les futures élections professionnelles ; que seuls les syndicats non représentatifs peuvent désigner un RSS ; que ce moyen invoqué par la société Groupe M service est contraire aux exigences et à l'esprit de la loi ; que sur l'absence d'affichage au moment de la désignation, la désignation d'un RSS doit être portée à la connaissance de l'employeur par lettre RAR ou lettre contre récépissé (R. 2143-3) mais que ces formalités visent à faciliter la preuve de la désignation, valable dès lors qu'elle a été portée à la connaissance de l'employeur ; que l'affichage dans l'entreprise n'est pas une condition de validité ; que pour toutes ces raisons, la société est déboutée de sa demande d'annulation ;

Alors 1°) que la désignation d'un représentant de section syndicale par le secrétaire général d'un syndicat n'est valable que si le signataire a été nommé à cette fonction conformément aux statuts et que cette désignation entre dans ses pouvoirs ; qu'en retenant que M. X..., secrétaire général du syndicat Unsa Transport, avait valablement représenté le syndicat Unsa Transport pour désigner M. V... comme représentant de section syndicale et que cette désignation était régulière, sans avoir constaté ni que M. X..., signataire en qualité de secrétaire général de cette désignation, avait été nommé à cette fonction conformément aux statuts, ni de surcroît qu'il disposait statutairement du pouvoir de désigner un représentant de section syndicale, le tribunal a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil, ensemble l'article L. 2142-1-1 du code du travail ;

Alors 2°) que tout syndicat doit, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l'entreprise, satisfaire au critère de transparence financière ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles il n'était pas établi que le syndicat UNSA Transport avait une comptabilité propre, distincte de l'UNSA, ce dont il résultait que le syndicat UNSA Transport ne remplissait pas le critère de transparence financière et n'avait donc pu valablement désigner M. V... comme représentant de section syndicale au sein de la société Groupe M Service, le tribunal a violé les articles L. 2121-1, L. 2141-1 et L. 2142-1-1 du code du travail ;

Alors 3°) et en tout état de cause, que tout syndicat doit, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l'entreprise, satisfaire au critère de transparence financière ; qu'en se fondant sur la circonstance qu'il n'était pas contesté que l'UNSA avait publié ses comptes sur le site de la direction des journaux officiels, que l'UNSA justifiait d'une transparence financière, inopérante pour apprécier la validité de la désignation de M. V... comme représentant de section syndicale par le syndicat UNSA Transport, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2121-1, L. 2141-1 et L. 2142-1-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-16574
Date de la décision : 02/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Paris, 06 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 déc. 2020, pourvoi n°19-16574


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.16574
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