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02/12/2020 | FRANCE | N°18-81490;19-87429

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 décembre 2020, 18-81490 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Z1987429 F-D
Y1881490 F-D

N° 2411

SM12
2 DÉCEMBRE 2020

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 2 DÉCEMBRE 2020

M. Q... T... a formé des pourvois :

- contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 1er février 2018,

qui, dans la procédure suivie contre lui pour blanchiment du produit d'un trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs, a prono...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Z1987429 F-D
Y1881490 F-D

N° 2411

SM12
2 DÉCEMBRE 2020

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 2 DÉCEMBRE 2020

M. Q... T... a formé des pourvois :

- contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 1er février 2018, qui, dans la procédure suivie contre lui pour blanchiment du produit d'un trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;

- contre l'arrêt de la chambre correctionnelle de la même cour, en date du 13 juin 2019, qui, pour les infractions susvisées, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement, à une amende de 50 000 euros, et a ordonné une mesure de confiscation.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Q... T..., et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 20 mars 2014, les services de police ont été informés de l'existence d'une organisation ayant pour objet un trafic international de stupéfiants, assurant l'importation d'importantes quantités de résine de cannabis du Maroc, notamment vers l'Est de la France.

3. Les surveillances effectuées dans le cadre de l'information ont permis d'établir la présence, à trois reprises, de M. T... aux cotés de deux autres personnes identifiées, en train de collecter des fonds.

4. L'un d'entre eux, interpellé en possession de 522 520 euros, détenait à son domicile en Allemagne des comptes détaillés pour les années 2013 à 2016 qui ont révélé la collecte de plus de 60 millions d'euros, dont une partie sur le territoire français.

5. M. T... a été arrêté le 13 mars 2017. La somme de 381 790 euros a été saisie à son domicile, ainsi que 40 g de cannabis.

6. Il a soutenu que ces fonds provenaient d'un commerce de véhicules et de montres et nié toute implication dans les faits poursuivis.

7. Les juges du premier degré ont condamné M. T... à cinq ans d'emprisonnement en décernant mandat d'arrêt, à 50 000 euros d'amende, et ont ordonné une mesure de confiscation. M. T... et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premiers et deuxième moyens, pris contre l'arrêt du 1er février 2018

8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le troisième moyen pris contre l'arrêt du 13 juin 2019

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. Q... T... coupable de blanchiment de trafic de stupéfiants et de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation de cette même infraction, alors :

« 1°/ que des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ; que la récupération de fonds illicites auprès d'un ou plusieurs tiers est indispensable à leur blanchiment ultérieur et constitue donc un fait indissociable de cette infraction ; que la cour d'appel a retenu que M. T... avait participé à des opérations de dissimulation des profits d'un trafic de stupéfiants en remettant des espèces résultant de ce trafic à des collecteurs ; qu'en le condamnant ensuite pour association de malfaiteurs parce qu'il se serait concerté préalablement à l'exécution de ces remises de fonds en les récupérant avant ces rencontres auprès de débiteurs, la cour d'appel a violé le principe ne bis in idem ;

2°/ que l'association de malfaiteurs suppose une entente préalable entre plusieurs personnes en vue de commettre un crime ou un délit ; qu'en retenant, pour condamner M. T... de ce chef, qu'il avait pris des précautions lors de ses rendez-vous avec les collecteurs d'argent sale en s'y rendant avec un véhicule loué par un tiers, sans s'expliquer sur le groupement ou l'entente qui aurait existé entre lui et ce tiers ni même s'assurer que ce dernier aurait eu connaissance des agissements supposés de M. T..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 450-1 du code pénal ;

3°/ qu'en retenant une association de malfaiteurs dans le fait, pour M. T..., d'avoir pris des précautions lors de ses rendez-vous avec les collecteurs d'argent sale, matérialisés par de brefs et discrets contacts avec eux, circonstances impropres à établir sa participation à un groupe ou à une entente en vue de la préparation du délit de blanchiment reproché, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 450-1 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 450-1 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, et le principe ne bis in idem :

10. Selon le premier de ces textes, constitue une association de malfaiteurs, une entente établie en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes ou délits, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels.

11. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

12. Par ailleurs, des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes.

13. Pour confirmer le jugement du tribunal correctionnel, l'arrêt attaqué relève d'abord en substance que les sommes et la feuille de comptes saisies à son domicile ainsi que les trois contacts successifs avec d'importants collecteurs de fonds du réseau, établissent que le prévenu a participé à des opérations tendant à la dissimulation de profits qu'il savait tirés du trafic de stupéfiants, en remettant d'importantes sommes d'argent.

14. Les juges retiennent ensuite une concertation préalable à l'exécution des opérations de remises des fonds aux collecteurs, résultant de la récupération antérieure à chaque rencontre avec ces derniers de sommes conséquentes auprès des débiteurs, M. T... s'étant doté d'une machine permettant de compter les billets.

15. Ils retiennent encore les précautions prises par le prévenu lors des rendez-vous avec les collecteurs du réseau, notamment le déplacement à l'aide d'un véhicule loué par un tiers et le caractère très bref et discret des contacts avec ceux-ci.

16. Ils en concluent que c'est dès lors à juste titre que le tribunal correctionnel a retenu la culpabilité de M. T... du chef des deux délits pour lesquels il a été renvoyé devant lui, perpétrés entre janvier 2016 et le 14 mars 2017, date de son interpellation.

17. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

18. En premier lieu, les juges n'ont pas, pour dire établi le délit d'association de malfaiteurs, visé des faits distincts de ceux retenus pour caractériser le délit de blanchiment, alors que les deux infractions concernent le même réseau, au cours de la même période.

19. En second lieu, ils n'ont pas justifié en quoi les précautions prises par le prévenu à l'occasion des contacts qu'il a eus avec ses comparses caractérisent une entente préalable à la commission d'une infraction.

20. La cassation est en conséquence encourue de ce chef.

Et sur le quatrième moyen pris contre l'arrêt du 13 juin 2019

Enoncé du moyen

21. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation des scellés, alors « qu'hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine ; qu'il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu ; qu'en se bornant à ordonner la confiscation de tous les scellés concernant les personnes mises en cause et condamnées, sans préciser la nature des biens concernés ni le fondement d'une telle mesure, la cour d'appel n'a pas mis en mesure la Cour de cassation de s'assurer que les exigences de motivation rappelées ci-dessus ont été respectées, n'a pas justifié sa décision et a par suite violé les articles 131-21 et 132-1 du code pénal et 485, 512 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 132-1 du code pénal et 485, 512 et 593 du code de procédure pénale :

22. Il se déduit de ces textes qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle.

23. Hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine.

24. Il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu.

25. Pour confirmer la mesure de confiscation ordonnée par le tribunal correctionnel, qui n'a assorti sa décision à cet égard d'aucune motivation, l'arrêt attaqué énonce que le jugement sera confirmé sur la peine en ce qu'il a ordonné la confiscation des scellés.

26. En prononçant ainsi, sans préciser la nature, l'origine des biens confisqués et le fondement de la mesure, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

27. Dès lors, la cassation est également encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE NON ADMIS le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, susvisé, en date du 1er février 2018 ;

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Colmar, susvisé, en date du 13 juin 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux décembre deux mille vingt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-81490;19-87429
Date de la décision : 02/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 13 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 déc. 2020, pourvoi n°18-81490;19-87429


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.81490
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