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26/11/2020 | FRANCE | N°19-20484

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 26 novembre 2020, 19-20484


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 novembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 905 F-D

Pourvoi n° G 19-20.484

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020

1°/ la société [...] , société à responsabilité limitée,>
2°/ la société [...] , société à responsabilité limitée,

3°/ la société d'exploitation Caisserie de la Billette, société à responsabilité limitée,

ay...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 novembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 905 F-D

Pourvoi n° G 19-20.484

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020

1°/ la société [...] , société à responsabilité limitée,

2°/ la société [...] , société à responsabilité limitée,

3°/ la société d'exploitation Caisserie de la Billette, société à responsabilité limitée,

ayant toutes trois leur siège [...] ,

ont formé le pourvoi n° G 19-20.484 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2019 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre des expropriations), dans le litige les opposant à la Société d'aménagement et d'équipement d'Eure-et-Loire (Saedel), dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Renard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat des sociétés [...] , [...] et Caisserie de la Billette, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la Société d'aménagement et d'équipement d'Eure-et-Loire, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Renard, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. L'arrêt attaqué (Versailles, 7 mai 2019) fixe les indemnités dues aux sociétés [...] et [...] par suite de l'expropriation, au profit de la Société d'aménagement et d'équipement d'Eure et Loir (la Saedel), de parcelles appartenant à la société [...] et exploitées par les sociétés [...] et Caisserie de la Billette.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième et cinquième branches, et le troisième moyen, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Énoncé du moyen

3. Les sociétés [...] , [...] et Caisserie de la Billette font grief à l'arrêt d'allouer à la société [...] , à titre d'indemnité pour perte de revenus, la seule somme de 47 947 euros, alors :

« 3°/ qu'en relevant « qu'il ressort de la pièce n° 4 produite par les appelantes que si un contrat de location-gérance a bien été conclu en novembre 2001 entre les deux sociétés en cause, il n'a pas fait l'objet d'un renouvellement contrairement au contrat de bail commercial, de sorte que seul ce dernier sera retenu », quand le contrat de location-gérance produit par la société [...] prévoit, au sujet de la « durée de la location-gérance », que « la présente location-gérance est consentie du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2002. A l'échéance les parties pourront renouveler expressément le contrat. Si le locataire gérant est maintenu dans les lieux, la location-gérance sera tacitement reconduite pour une nouvelle durée de un an », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le contrat de location-gérance n'avait pas été tacitement reconduit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation, ensemble l'articles 1101 du code civil ;

4°/ que lorsqu'il existe une contestation sérieuse sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants et toutes les fois qu'il s'élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l'indemnité et à l'application des articles L. 242-1 à L. 242-7, L. 322-12, L. 423-2 et L. 423-3, le juge fixe, indépendamment de ces contestations et difficultés, autant d'indemnités alternatives qu'il y a d'hypothèses envisageables et renvoie les parties à se pourvoir devant qui de droit ; qu'en considérant que le contrat de location-gérance de fonds de commerce qui était invoqué, en sus du contrat de bail commercial, ne pouvait pas être retenu et que la seule activité justifiée de la société [...] était celle de bailleur des murs, cependant que la contestation émise sur ce point posait à tout le moins une contestation sérieuse, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse étrangère à la fixation du montant de l'indemnité, a violé l'article L. 311-8 du code de l'expropriation. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel a relevé qu'un contrat de location-gérance avait été conclu en novembre 2001 entre la société [...] et la société [...] .

5. Procédant à la recherche prétendument omise et appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, elle a retenu que ce contrat n'avait pas fait l'objet d'un renouvellement, contrairement au contrat de bail commercial.

6. Elle a pu en déduire, sans trancher de contestation sérieuse, que la seule activité justifiée de la société [...] était celle de bailleur des murs.

7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés [...] , [...] et Caisserie de la billette aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour les sociétés [...] , [...] et Caisserie de la Billette

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société Caisserie de la Billette irrecevable en ses demandes d'indemnisation ;

Aux motifs :

Sur la recevabilité des demandes formées par les sociétés [...] et Caisserie de la billette :

Que l'article L.311-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (ancien article L.13-2) dispose que : 'Le propriétaire et l'usufruitier sont tenus d'appeler et de faire connaître à l'expropriant, dans le délai d'un mois, les fermiers, les locataires, les personnes qui ont des droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage et celles qui peuvent réclamer des servitudes' ;

Que l'article R.311-1 du même code (ancien article R.13-15 al 1) prévoit que ces informations doivent être données à l'expropriant dans le délai d'un mois à compter de la notification par ce dernier à l'exproprié, de l'arrêté portant déclaration d'utilité publique, de l'arrêté de cessibilité ou de l'ordonnance d'expropriation ;

Que faute d'avoir été dénoncées à l'expropriant dans ce délai, ces personnes sont déchues de tout droit à indemnité, sauf si elles établissent que l'expropriant avait connaissance de leur qualité ;

Qu'en l'espèce, les sociétés appelantes font grief au jugement de les avoir déclarées irrecevables en leurs demandes d'indemnités d'éviction après avoir retenu d'une part, que la société [...] ne les avaient pas nommément désignées dans sa lettre du 7 décembre 2012 adressée à la Saedel et d'autre part, qu'elles ne rapportaient pas la preuve que l'expropriante avait connaissance de leur existence comme occupante des lieux objet de l'expropriation ;

Que contrairement à ce que soutiennent les appelantes, les articles L.311-2 et R.311-1 précités impliquent de la part du propriétaire des lieux expropriés, la désignation expresse et nominative de tous leurs occupants puisque l'expropriant est ensuite tenu de leur faire une offre d'indemnisation ;

Qu'en outre, les mots 'les fermiers, les locataires, les personnes qui ont des droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage et celles qui peuvent réclamer des servitudes' renvoient nécessairement aux personnes précisément identifiées qui bénéficient de ces qualités ;

Qu'il n'est pas contesté en l'espèce que la lettre que la société [...] a adressée le 7 décembre 2012 à la Saedel en réponse à la notification par cette dernière le 8 novembre 2012 de l'arrêté de cessibilité, faisait état de la location et de l'occupation des parcelles expropriées par 'nos filiales', sans les désigner nominativement ;

Que toutefois, les appelantes, en réponse aux écritures de l'intimée évoquant les recherches et conjectures auxquelles elle avait dû se livrer postérieurement au délai d'un mois précité pour trouver l'identité de l'une de ces deux sociétés, ont produit une lettre adressée par la société Bois et Emballages le 7 décembre 2012 au conseil de la Saedel, afin de lui donner copie de celle, ci-dessus évoquée, adressée le même jour par la société [...] à la Saedel ;

Que ce document établit que contrairement à ce que prétend l'expropriante, elle a eu connaissance dans le délai d'un mois, de l'identité de l'une des deux sociétés occupant à titre de locataire les parcelles expropriées ; Que le courrier au conseil est en effet suffisant pour admettre que l'information a été donnée à l'expropriante elle même ;

Que cette société sera donc déclarée recevable en ses demandes d'indemnités d'éviction et le jugement infirmé de ce chef ;

Qu'en revanche, s'agissant de la société d'exploitation Caisserie de la Billette, aucun des arguments développés ni aucun des documents versés aux débats n'établit que la Saedel a pu disposer des mêmes informations en ce qui la concerne ;

Que notamment, la notoriété de la présence de cette société et de son activité sur les parcelles, revendiquée par les appelantes, ne résulte d'aucune des pièces produites, étant observé que le seul fait que les activités d'emballage-négoce de palettes de bois- scierie exercées dans les locaux appartenant à la société [...] aient pu être connues de tous dans la commune de Dreux depuis de nombreuses années n'implique pas la connaissance précise des personnes morales présentes sur le site, exploitant ces activités ; Que si M. D... Q... est à l'évidence connu de longue date dans la commune du fait de son activité industrielle et de son activité politique locale, la société Saedel ne pouvait connaître le détail des différentes personnes morales créées et gérées par M. Q... ; Qu'à supposer que la commune et son maire aient eu connaissance de ces éléments d'information, ce qui ne ressort d'aucune des pièces versées au débat, la Saedel étant une entité juridique distincte de la commune, elle ne peut être présumée détenir les mêmes informations ;

Que l'on peut d'ailleurs souligner que les photographies jointes au procès- verbal de transport sur les lieux font apparaître que c'est seulement le nom 'Sté [...]' que l'on peut lire sur les locaux expropriés, ce qui ne peut renseigner précisément sur la présence dans les lieux de plusieurs sociétés et la dénomination de chacune d'elle ;

Que le fait que la Saedel ne se soit pas opposée à l'intervention volontaire de la société litigieuse au cours de la procédure de référé engagée devant la juridiction de droit commun, ne lui a pas ôté le droit de faire valoir, dans le cadre de la présente instance de fixation des indemnités, l'irrecevabilité des demandes de cette société ;

Et aux motifs, éventuellement réputés adoptés du jugement entrepris :

Que la Sarl [...] soutient rapporter la preuve de l'accomplissement des formalités exigées par les articles L 13-2 et R 13-15 alinéa 1° du code de l'expropriation au moyen de sa pièce n° 2 ;

Que pour autant il apparaît à la lecture de ce courrier adressé à Monsieur R... le 7 décembre 2012 qu'il n'est aucunement question de la société Caisserie de la Billette ;

Que par ailleurs force est de constater que les demanderesses ne procèdent que par voie d'affirmation lorsqu'elles soutiennent qu'en tout état de cause la Saedel avait connaissance de l'existence de l'ensemble des sociétés qui occupaient les lieux objet de l'exploitation ;

Alors que lorsqu'il existe une contestation sérieuse sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants et toutes les fois qu'il s'élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l'indemnité et à l'application des articles L 242-1 à L 242-7, L 322-12, L 423-2 et L 423-3, le juge fixe, indépendamment de ces contestations et difficultés, autant d'indemnités alternatives qu'il y a d'hypothèses envisageables et renvoie les parties à se pourvoir devant qui de droit ; qu'en retenant, pour déclarer la société Caisserie de la Billette irrecevable en ses demandes, qu'elle n'avait pas été dénoncée à la Saedel dans le délai d'un mois prévu aux articles L 311-2 et R 311-1 du code de l'expropriation et qu'il n'est pas établi que la Saedel ait eu connaissance de sa qualité de locataire dans ledit délai, cependant que la contestation portant sur le point de savoir si la Saedel avait eu connaissance de la qualité de locataire de la société Caisserie de la Billette, qui excipait de la notoriété de sa présence et de son activité dans les lieux, était sérieuse, la Cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse étrangère à la fixation du montant de l'indemnité, a violé l'article L 311-8 du code de l'expropriation, ensemble les articles L. 311-2 et R. 311-1 du même code.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué de n'avoir alloué à la société [...] , à titre d'indemnité pour perte de revenus, que la somme de 47.947 euros ;

Aux motifs que :

Sur l'indemnité pour perte d'activité :

Que la société [...] demande à ce titre une indemnité de 138 310 € qui correspond à son chiffre d'affaires de l'année 2012, en faisant valoir qu'il exerce dans les lieux une activité de bailleur des murs et de bailleur du fonds de commerce ;

Que cependant c'est à raison que l'expropriante fait valoir que l'expropriée ne produit qu'un seul bilan alors qu'il est d'usage d'en produire au moins trois pour s'assurer de la régularité de l'activité invoquée ;

Qu'elle souligne également à juste titre que la société [...] ne peut à la fois se prétendre bailleur du fonds de commerce au motif qu'il aurait conclu une convention de location gérance avec la société [...] et Emballage et verser aux débats un contrat de bail commercial conclu avec cette même société en novembre 2001 à effet du 1er janvier 2002, renouvelé le 2 janvier 2011 ;

Qu'il ressort de la pièce n° 4 produite par les appelantes, que si un contrat de location gérance a bien été conclu en novembre 2001 entre les deux sociétés en cause, il n'a pas fait l'objet d'un renouvellement contrairement au contrat de bail commercial, de sorte que seul ce dernier sera retenu ;

Qu'il s'ensuit que la seule activité justifiée de la société [...] est celle de bailleur des murs, qui au vu des mentions du bail, génère des loyers d'un montant annuel de 47 947 € ;

Que la société Saedel sera donc condamnée à verser cette somme à la société [...] ;

Alors, d'une part, qu'en énonçant « que c'est à raison que l'expropriante fait valoir que l'expropriée ne produit qu'un seul bilan alors qu'il est d'usage d'en produire au moins trois pour s'assurer de la régularité de l'activité invoquée », la Cour d'appel s'est prononcée à partir d'un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L 321-1 du code de l'expropriation ;

Alors, d'autre part, qu'une même personne peut être à la fois propriétaire des murs dans lesquels est exploité un fonds de commerce et de ce fonds de commerce et les donner l'un et l'autre à bail à un même locataire ; que la conclusion d'un contrat de bail commercial n'est pas exclusive de la conclusion d'un contrat de location-gérance de fonds de commerce avec le même locataire ; qu'en relevant « que (l'expropriante) souligne également à juste titre que la société [...] ne peut à la fois se prétendre bailleur du fonds de commerce au motif qu'il aurait conclu une convention de location-gérance avec la société [...] et Emballage et verser aux débats un contrat de bail commercial conclu avec cette même société en novembre 2001 à effet du 1er janvier 2002, renouvelé le 2 janvier 2011 », la Cour d'appel a violé l'article L 321-1 du code de l'expropriation, ensemble les articles 1101 du code civil, L 144-1 et L 145-1 du code de commerce ;

Alors, de troisième part, qu'en relevant « qu'il ressort de la pièce n° 4 produite par les appelantes que si un contrat de location-gérance a bien été conclu en novembre 2001 entre les deux sociétés en cause, il n'a pas fait l'objet d'un renouvellement contrairement au contrat de bail commercial, de sorte que seul ce dernier sera retenu », quand le contrat de location-gérance produit par la société [...] (sa pièce n° 4) prévoit, au sujet de la « durée de la location-gérance », que « la présente location-gérance est consentie du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2002. A l'échéance les parties pourront renouveler expressément le contrat. Si le locataire gérant est maintenu dans les lieux, la location-gérance sera tacitement reconduite pour une nouvelle durée de un an », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le contrat de location-gérance n'avait pas été tacitement reconduit, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, ensemble l'articles 1101 du code civil ;

Alors, en toute hypothèse, de quatrième part, que lorsqu'il existe une contestation sérieuse sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants et toutes les fois qu'il s'élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l'indemnité et à l'application des articles L 242-1 à L 242-7, L 322-12, L. 423-2 et L 423-3, le juge fixe, indépendamment de ces contestations et difficultés, autant d'indemnités alternatives qu'il y a d'hypothèses envisageables et renvoie les parties à se pourvoir devant qui de droit ; qu'en considérant que le contrat de location-gérance de fonds de commerce qui était invoqué, en sus du contrat de bail commercial, ne pouvait pas être retenu et que la seule activité justifiée de la société [...] était celle de bailleur des murs, cependant que la contestation émise sur ce point posait à tout le moins une contestation sérieuse, la Cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse étrangère à la fixation du montant de l'indemnité, a violé l'article L 311-8 du code de l'expropriation ;

Et alors, enfin, qu'en rejetant la prétention de la société [...] tendant à ce que l'indemnité pour perte d'activité qu'elle sollicitait corresponde à son chiffre d'affaires pour l'année 2012, s'étant élevé à 138.310 euros, motifs pris de ce que le contrat de location-gérance dont elle se prévalait ne pouvant être retenu, « il s'ensuit que la seule activité justifiée de la société [...] est celle de bailleur des murs, qui au vu des mentions du bail, génère des loyers d'un montant annuel de 47 947 € », sans indiquer en quoi l'absence de prise en considération du contrat de location-gérance s'opposait à ce que l'indemnité pour perte d'activité soit calculée à partir de l'entier chiffre d'affaires réalisé par celle-ci, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 321-1 du code de l'expropriation.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué de n'avoir alloué à la société [...] , à titre d'indemnité principale d'éviction, que la somme de 47.497 euros ;

Aux motifs Sur l'indemnité principale d'éviction :

Qu'ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, le droit pour la société [...] à percevoir une indemnité d'éviction résulte de l'existence d'un bail à son profit conclu en 2001 à effet au 1er janvier 2002 et renouvelé en 2011 ;

Que cette société demande au titre de son indemnité d'éviction, une somme de 639 708 € correspondant à une année de chiffre d'affaires et plus précisément à celui qu'elle a réalisé en 2012 ;

Qu'il doit à nouveau être souligné que l'usage en la matière est de produire trois bilans afin d'obtenir une moyenne et éviter ainsi de calculer l'indemnité sur un chiffre d'affaires exceptionnellement haut ou au contraire, bas ;

Que sur cette moyenne est ensuite appliqué un pourcentage, qui diffère selon le secteur commercial ou industriel concerné ;

Qu'en outre, ainsi que le soutient la Saedel, l'indemnité calculée sur le chiffre d'affaires et plus encore sur la totalité de ce chiffre, correspond à la situation de l'exploitant qui perd sa clientèle du fait de l'expropriation et qui lui ouvre droit à la valeur pleine et entière de son fonds de commerce ;

Qu'il n'est pas contesté en l'espèce que la société évincée n'a pas l'intention de cesser son activité et il n'est pas soutenu que son installation sur un autre site va entraîner la perte totale de sa clientèle ;

Qu'en conséquence, sa demande fondée sur la valeur pleine de son fonds de commerce ne peut qu'être rejetée ;

Que la société [...] et Emballages n'ayant pas formé de demandes subsidiaires, la cour ne peut que lui allouer ce que la société expropriante accepte de lui verser, c'est à dire la valeur du droit au bail, soit : 47 947 € ;

Alors, d'une part, qu'en énonçant « qu'il doit à nouveau être souligné que l'usage en la matière est de produire trois bilans afin d'obtenir une moyenne et éviter ainsi de calculer l'indemnité sur un chiffre d'affaires exceptionnellement haut ou au contraire, bas », la Cour d'appel s'est prononcée à partir d'un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L 321-1 du code de l'expropriation ;

Alors, d'autre part, qu'en relevant, après avoir estimé que « sa demande fondée sur la valeur pleine de son fonds de commerce ne peut qu'être rejetée », que « la société [...] et Emballages n'ayant pas formé de demandes subsidiaires, la cour ne peut que lui allouer ce que la société expropriante accepte de lui verser, c'est à dire la valeur du droit au bail, soit : 47 947 € », quand la prétention de la société [...] tendant à voir calculer l'indemnité principale d'éviction à partir de son chiffre d'affaires annuel lui permettait, si elle était rejetée, d'obtenir la somme qui devait, en droit, lui revenir à ce titre, et non celle que l'expropriant acceptait de lui verser, qui ne s'imposait pas aux juges du fond, peu important qu'elle n'ait pas formé de demande subsidiaire à cette fin, la Cour d'appel a violé les articles 4 et 12 du code de procédure civile ;

Et alors, enfin, et en toute hypothèse, qu'en relevant, après avoir estimé que « sa demande fondée sur la valeur pleine de son fonds de commerce ne peut qu'être rejetée », que « la société [...] et Emballages n'ayant pas formé de demandes subsidiaires, la cour ne peut que lui allouer ce que la société expropriante accepte de lui verser, c'est à dire la valeur du droit au bail, soit : 47 947 € », quand elle était tenue d'allouer à la société [...] la somme à laquelle elle pouvait prétendre à titre d'indemnité principale d'éviction, et non celle que l'expropriant acceptait de lui verser, qui ne s'imposait pas aux juges du fond, peu important qu'elle n'ait pas formé de demande subsidiaire à cette fin, la Cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé l'article 4 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-20484
Date de la décision : 26/11/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 07 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 26 nov. 2020, pourvoi n°19-20484


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.20484
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