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26/11/2020 | FRANCE | N°19-11501

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 26 novembre 2020, 19-11501


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 novembre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1281 F-P+B+I

Pourvoi n° U 19-11.501

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020

La société Mecelec composites, société anonyme, dont le

siège est 3 rue des Condamines, 07300 Mauves, a formé le pourvoi n° U 19-11.501 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2018 par la cour d'appel de Nîm...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 novembre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1281 F-P+B+I

Pourvoi n° U 19-11.501

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020

La société Mecelec composites, société anonyme, dont le siège est 3 rue des Condamines, 07300 Mauves, a formé le pourvoi n° U 19-11.501 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2018 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre, section A), dans le litige l'opposant à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est 313 terrasses de l'Arche, 92727 Nanterre cedex, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Mecelec composites, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 25 octobre 2018), le 1er janvier 1994, la société Mecelec composites (la société Mecelec) a souscrit auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance de responsabilité civile d'une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction, couvrant notamment la faute inexcusable de l'employeur et garantissant à ce titre le remboursement des sommes dont ce dernier serait redevable à l'assurance maladie.

2. En novembre 2006, F... E..., salarié de la société Mecelec depuis 1972 et atteint d'un cancer du poumon qu'il imputait à son exposition à l'amiante, a été déclaré en maladie professionnelle. Il est décédé le 27 juin 2007.

3. Ses ayants droit ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, lequel a, par jugement du 12 mars 2009, confirmé le 29 avril 2010, reconnu la faute inexcusable de l'employeur.

4. La caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme a adressé à la société Mecelec une réclamation au titre du recouvrement de sa créance constituée des rentes et indemnités versées à F... E... et à ses ayants droit.

5. L'assureur a refusé sa garantie à la société Mecelec en raison d'une clause introduite dans le contrat lors du renouvellement intervenu le 1er janvier 1998 et excluant de la garantie « les responsabilités découlant de la fabrication, de la commercialisation, de la mise en oeuvre de produits comportant de l'amiante », cette clause ayant été réécrite par un avenant du 1er juin 2003 excluant désormais les « dommages de toute nature causés par l'amiante ».

6. La société Mecelec a assigné l'assureur en garantie.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

7. La société Mecelec fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes dirigées contre l'assureur et de la condamner à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ; que la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ne contient aucune disposition quant à son éventuelle rétroactivité et ne saurait régir les effets passés d'un contrat en cours lors de son entrée en vigueur ; qu'il en résulte que, pour ces contrats, la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ne s'applique qu'aux sinistres, c'est-à-dire aux faits dommageables, postérieurs à son entrée en vigueur, et que, pour les sinistres antérieurs, la garantie de l'assureur est nécessairement déterminée par la date du fait dommageable ; que, dès lors, en estimant que devait s'appliquer, quelle que soit la date du fait générateur, le contrat souscrit auprès de la compagnie Axa France IARD dans la version de ses conditions générales et particulières en vigueur au jour de la réclamation des consorts E... fondée sur la faute inexcusable de la société Mecelec, c'est-à-dire de la reprise d'instance du 9 avril 2008, la cour d'appel a violé l'article 80 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, ainsi que l'article 2 du code civil et les articles 1131 et 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2 du code civil et l'article 80, IV, de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 :

8. Selon le premier de ces textes, la loi ne produit effet que pour l'avenir. Il en résulte qu'en l'absence de disposition transitoire contraire prévue par le second, lorsque le sinistre en cause, caractérisé par le fait dommageable en raison duquel la responsabilité de l'assuré est recherchée, est survenu avant l'entrée en vigueur, le 3 novembre 2003, de la loi susvisée, les dispositions de son article 80, qui prévoient notamment que la garantie peut, à certaines conditions, être déclenchée par la réclamation, ne s'appliquent pas et la garantie est déclenchée par le fait dommageable.

9. Pour débouter la société Mecelec de ses demandes, l'arrêt, après avoir relevé que le contrat souscrit en 1994 était en base réclamation, retient que s'il était jugé antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 que le versement de primes durant la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait générateur survenu pendant cette période, toute clause contraire étant réputée non écrite, la loi nouvelle s'applique aux garanties prenant effet postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, du fait de la souscription d'un nouveau contrat ou de la reconduction de garanties des contrats en cours, de sorte que tous les contrats souscrits ou renouvelés postérieurement à cette date peuvent être en base réclamation dans les conditions nouvelles prescrites par les articles L. 124-5 et suivants du code des assurances.

10. L'arrêt ajoute que le contrat du 1er janvier 2003, complété par son avenant du 1er juin 2003 ayant exclu de la garantie « les dommages de toute nature causés par l'amiante », s'est trouvé renouvelé par tacite reconduction au 1er janvier 2004 et était à compter de cette date conforme aux dispositions légales en ce qu'il était en base réclamation, de même que tous les renouvellements ou avenants ultérieurs, et il en déduit que la société Mecelec n'est pas fondée à soutenir qu'il y aurait application rétroactive d'une exclusion de garantie alors que celle-ci est devenue, avec le consentement des deux parties, applicable à tout sinistre déclaré postérieurement à cette date quelle que soit la date du fait générateur.

11. L'arrêt retient enfin que selon les stipulations des conditions générales dans leur version applicable au 1er janvier 2004, la garantie s'applique aux dommages survenus postérieurement à la date de prise d'effet du contrat, le dommage s'entendant, s'agissant de la faute inexcusable de l'employeur, de l'engagement de la responsabilité de ce dernier au titre de cette faute, soit en l'espèce le 9 avril 2008, date de la reprise de l'instance par les ayants droit du salarié devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, et qu'en conséquence, c'est le contrat dans sa version en vigueur à cette dernière date qui fait la loi des parties.

12. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la garantie « faute inexcusable de l'employeur » avait couvert les dommages causés par l'amiante jusqu'à l'introduction d'une clause excluant ceux-ci lors du renouvellement du contrat le 1er janvier 1998, ce dont il résultait que le fait dommageable, constitué par l'exposition du salarié à l'amiante, était susceptible de déclencher cette garantie s'il était survenu avant cette dernière date, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Axa France IARD et la condamne à payer à la société Mecelec composites la somme de 3 000 euros ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dépositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Mecelec composites

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré et, statuant à nouveau, d'AVOIR débouté la société Mécelec Composites de ses demandes dirigées contre la société Axa France Iard et d'AVOIR condamné celle-ci à verser à celle-là une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU'il est constant que le contrat souscrit en 1994 est en base réclamation comme ses renouvellements et avenants successifs ; que s'il était jugé antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi 2003-706 du 1er août 2003 que le versement de primes durant la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait générateur survenu pendant cette période, toute clause contraire étant réputée non écrite, il sera relevé en tout état de cause que la loi nouvelle s'applique aux garanties prenant effet postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, du fait de la souscription d'un nouveau contrat ou de la reconduction de garantie des contrats en cours, soit après le 1er novembre 2003 (article 80 de la loi) ; qu'il en résulte que tous les contrats souscrits ou renouvelés postérieurement à cette date peuvent être en base réclamation dans les conditions nouvelles imposées par les articles L 124-5 et suivants du code des assurances, de sorte que le contrat du 1er janvier 2003, ensemble son avenant du 1er juin 2003, lequel excluait de la garantie « les dommages de toute nature causés par l'amiante », qui s'est trouvé renouvelé par tacite reconduction au 1er janvier 2004, était à compter de cette date conforme aux dispositions légales en ce qu'il était en base réclamation ; qu'il en est de même de tous les renouvellements ou avenants ultérieurs ; que les stipulations des conditions générales, qui figurent dans le Titre IV « Modalités d'application de la garantie » (paragraphe « Durée des garanties ») dans leur version applicable au 1er janvier 2004, précisent que la garantie s'applique aux dommages survenus postérieurement à la date de prise d'effet du contrat, le dommage s'entendant, s'agissant de la garantie faute inexcusable de l'employeur, de l'engagement de la responsabilité de ce dernier au titre de la faute inexcusable, soit en l'espèce comme cela résulte des énonciations du jugement du TASS, le 9 avril 2008, date de reprise de l'instance par les ayants droit du salarié en cause, faute de toute indication sur la date de l'assignation initiale point sur lequel au demeurant les parties ne sont pas contraires ; que c'est donc le contrat dans la version de ses conditions générales et particulières en vigueur à cette dernière date qui fait la loi des parties, soit la version 460 462 A (en pièce n°8 de l'assureur), laquelle précise en point 6.2 que la garantie est déclenchée par la réclamation et vise dans un chapitre consacré aux « Exclusions générales » en point 4.9 « les dommages de toute nature causés par l'amiante et par le plomb » ; que la société Mécelec fait cependant valoir que cette exclusion de garantie ne serait pas applicable à la garantie en litige, propre à la faute inexcusable de l'employeur, laquelle serait autonome, ce que paraît avoir retenu le premier juge ; que le chapitre II des conditions générales relatif aux dispositions particulières au titre desquelles figure la garantie pour faute inexcusable, définie ainsi qu'il suit « lorsque la garantie de l'assuré est engagée en qualité d'employeur en raison d'un accident du travail ou d'une maladie atteignant un de ses préposés et résultant de la faute inexcusable de l'assuré [...] l'assureur garantit le remboursement des sommes dont il est redevable à l'égard de la CPAM [..] » est précédé d'un paragraphe introductif, commun à l'ensemble des dispositions particulières, en caractères gras ainsi rédigé « Sous réserve de l'application des termes, limites et exclusions des présentes conditions générales auxquelles il n'est pas expressément dérogé, les dispositions particulières qui suivent font partie intégrante de la garantie », d'où il ressort clairement, que sauf dérogation expresse figurant aux dispositions particulières, les limites et exclusions de garanties qui font l'objet d'un chapitre distinct (chapitre IV) avaient vocation à s'appliquer ; que le point 4.9 des exclusions générales visent précisément « les dommages de toute nature causés par l'amiante » ; que la garantie « faute inexcusable » n'énonçant aucune dérogation expresse à cette exclusion de garantie générale, le moyen pris de l'autonomie de la garantie « faute inexcusable » qui la ferait échapper à l'exclusion de garantie sera rejeté ; que la société Mécelec soutient subsidiairement, dans cette hypothèse, que cette exclusion n'aurait pas vocation à s'appliquer dans la mesure où le dommage à raison duquel elle sollicite sa garantie n'a pas été causé par l'amiante mais par l'engagement de sa responsabilité au titre de la faute inexcusable ; qu'il résulte des décisions de justice produites que la responsabilité de la société Mécelec a bien été retenue pour faute inexcusable à raison de l'exposition de son salarié à l'amiante ; qu'il en ressort que le dommage personnel qu'elle invoque a bien été causé par l'amiante au sens du contrat, qu'il s'agisse du recours de la CPAM à son encontre du chef des rentes et indemnités servies de ce chef par la CPAM au salarié et à ses ayants-droit ou de la prise en charge des majorations de cotisations qui a résulté pour elle de la qualification de faute inexcusable qu'a caractérisé l'exposition de M. E... à l'amiante ; que la ociété Mécelec soutient encore qu'ayant versé des primes à son assureur à raison de la période au cours de laquelle son salarié s'est trouvé exposé à l'amiante, Axa France Iard ne saurait lui opposer cette clause d'exclusion de garantie, laquelle doit être regardée comme non écrite ; qu'il résulte des motifs initiaux de cette décision, qu'à compter du renouvellement du contrat intervenu postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003, il était loisible à l'assureur de proposer un contrat en base réclamation, que tel a été le cas des contrats renouvelés à compter du 1er janvier 2004, qui ont été acceptés par la société Mécelec, étant observé que depuis l'avenant aux conditions particulières du contrat, signé par elle, du 1er juin 2003, les dommages de toute nature causés par l'amiante étaient exclus, cette exclusion n'ayant jamais été remise en cause ultérieurement, et ayant même été consacrée dans les conditions générales de l'assureur à compter du 1er janvier 2008, de sorte qu'en l'état d'un contrat renouvelé qui constitue la loi des parties, le moyen tendant à faire regarder que ladite clause d'exclusion comme non écrite sera rejeté ; que la société Mécelec soutient enfin que la clause litigieuse est illicite au regard des exigences de l'article L 113-1 du code des assurances suivant lequel il ne peut avoir d'exclusion que formelle et limitée ; que le premier juge a surabondamment fait droit à ce moyen que la cour cependant écartera ; qu'il résulte en effet des pièces au débat que les conditions générales de la police de 2008 sont très claires, et exclusives d'interprétation, qu'il est précisé, s'agissant de la garantie particulière « faute inexcusable » que, sauf dérogation expresse, en l'espèce inexistante, les clauses d'exclusions générales lui sont applicables, que la clause d'exclusion litigieuse en point 4.9 du chapitre IV vise certes « les dommages de toute nature causés par l'amiante et le plomb » mais qu'elle est formelle en ce qu'elle est explicite et univoque (« les dommages de toute nature ») et limitée en ce qu'elle ne vise que l'amiante et le plomb ; qu'il ne sera relevé que surabondamment que la société Mécelec avait accepté depuis l'avenant signé le 1er juin 2003 l'exclusion de garantie dans de mêmes termes (« sont exclus de la garantie les dommages de toute nature causés par l'amiante ») alors portés en caractères majuscules et en gras en point 1 de l'avenant, ne pouvant à cette date et depuis lors ignorer que cette clause d'exclusion avait précisément pour objet de délivrer les assureurs, compte tenu de l'état des connaissances sur la dangerosité de l'amiante, de la couverture d'un risque alors identifié mais dont les effets peuvent se révéler à très long terme, lié aux conséquences d'une exposition, notamment des salariés, à l'amiante ; et que dès lors que le contrat a été renouvelé à compter du 1er janvier 2004 dans ces termes et en base réclamation, la société Mécelec n'est pas fondée à soutenir qu'il y aurait application rétroactive d'une exclusion de garantie, alors que celle-ci devenait, du consentement des deux parties, applicable à tout sinistre déclaré postérieurement à cette date quelle que soit la date du fait générateur ; qu'à ces motifs le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions et la société Mécelec déboutée de ses demandes ;

1°) ALORS QUE la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ; que la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ne contient aucune disposition quant à son éventuelle rétroactivité et ne saurait régir les garanties des contrats d'assurance de responsabilité expirées avant son entrée en vigueur, lesquels couvrent, par conséquence, tous les dommages qui trouvent leur origine dans un fait générateur survenu pendant la période d'effet de la garantie, cette garantie étant la contrepartie nécessaire du versement des primes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté tout d'abord que M. F... E..., salarié de la société Mécelec depuis 1972 atteint d'un cancer du poumon imputé à l'exposition à l'amiante, avait été déclaré en maladie professionnelle en novembre 2006, ensuite, que la société Mécelec avait souscrit le 1er janvier 1994 auprès de la société Axa France Iard un contrat d'assurance de responsabilité civile d'une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction, couvrant notamment la faute inexcusable de l'employeur, et, enfin, qu'une clause excluant de la garantie « les responsabilités découlant de la fabrication, de la commercialisation, de la mise en oeuvre de produits comportant de l'amiante » avait été introduite lors du renouvellement intervenu le 1er janvier 1998 et réécrite par un avenant du 1er juin 2003, afin d'exclure de la garantie « les dommages de toute nature causé par l'amiante », ce dont il résultait que la garantie initiale des dommages causés par l'amiante était expirée avant l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003 ; que dès lors, en estimant que devait s'appliquer, quelle que soit la date du fait générateur, le contrat souscrit auprès la compagnie Axa France Iard dans la version de ses conditions générales et particulières en vigueur au jour de la réclamation des consorts E... fondée sur la faute inexcusable de la société Mécelec, c'est-à-dire de la reprise d'instance du 9 avril 2008, et non le contrat dans sa version initiale de 1994, la cour d'appel a violé l'article 80 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, ainsi que l'article 2 du code civil et les articles 1131 et 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°) ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ; que la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ne contient aucune disposition quant à son éventuelle rétroactivité et ne saurait régir les effets passés d'un contrat en cours lors de son entrée en vigueur ; qu'il en résulte que, pour ces contrats, la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ne s'applique qu'aux sinistres, c'est-à-dire aux faits dommageables, postérieurs à son entrée en vigueur, et que, pour les sinistres antérieurs, la garantie de l'assureur est nécessairement déterminée par la date du fait dommageable ; que, dès lors, en estimant que devait s'appliquer, quelle que soit la date du fait générateur, le contrat souscrit auprès la compagnie Axa France Iard dans la version de ses conditions générales et particulières en vigueur au jour de la réclamation des consorts E... fondée sur la faute inexcusable de la société Mécelec, c'est-à-dire de la reprise d'instance du 9 avril 2008, la cour d'appel a violé l'article 80 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, ainsi que l'article 2 du code civil et les articles 1131 et 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016

3°) ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, les exclusions de garantie, qui doivent être formelles et limitées, ne peuvent vider le contrat de l'essentiel de son objet ; que les juges du fond amenés à se prononcer sur le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion, doivent préciser l'étendue de la garantie subsistant après application de l'ensemble des clauses d'exclusion contenues dans le contrat ; que, dès lors, en se bornant à relever que la clause excluant de la garantie de la faute inexcusable « les dommages de toute nature causés par l'amiante et le plomb » était formelle en ce qu'elle était explicite et univoque et limitée en ce qu'elle ne visait que l'amiante et le plomb, sans déterminer l'étendue de la garantie subsistant après application de l'exclusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-11501
Date de la décision : 26/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

ASSURANCE RESPONSABILITE - Garantie - Conditions - Réclamation du tiers lésé - Loi n° 2003-706 du 1er août 2003 - Application dans le temps

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Assurance responsabilité - Loi n° 2003-706 du 1er août 2003 - Dispositions relatives aux clauses dite de réclamation - Sinistre antérieur à son entrée en vigueur (non)

Selon l'article 2 du code civil, la loi ne produit effet que pour l'avenir. Il en résulte qu'en l'absence de disposition transitoire contraire prévue par l'article 80, IV, de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, lorsque le sinistre en cause, caractérisé par le fait dommageable en raison duquel la responsabilité de l'assuré est recherchée, est survenu avant l'entrée en vigueur, le 3 novembre 2003, de la loi précitée, les dispositions de son article 80, qui prévoient notamment que la garantie peut, à certaines conditions, être déclenchée par la réclamation, ne s'appliquent pas et la garantie est déclenchée par le fait dommageable


Références :

article 2 du code civil

article 80, IV, de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003.

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 25 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 26 nov. 2020, pourvoi n°19-11501, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.11501
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