LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 novembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 895 F-D
Pourvoi n° S 18-25.180
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020
La société immobilière Grand Hainaut, dont le siège est [...] , devenue société du Hainaut, a formé le pourvoi n° S 18-25.180 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige l'opposant à la société Cabre, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de Me Occhipinti, avocat de la société du Hainaut, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Cabre, et après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 27 septembre 2018), la société du Hainaut, devenue société immobilière Grand Hainaut, maître de l'ouvrage, a confié à la société Cabre des travaux d'isolation thermique de cent onze logements suivant un marché à forfait pour la tranche ferme et un prix actualisable pour les tranches conditionnelles.
2. La société du Hainaut a formé opposition à une ordonnance d'injonction de payer, qui l'avait condamnée à payer à la société Cabre les sommes dues au titre de l'actualisation du prix des tranches conditionnelles de travaux.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société immobilière Grand Hainaut fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Cabre une somme au titre de l'actualisation du prix, alors :
« 1°/ que le décompte général définitif, tel que défini par la norme AFNOR NF P 03-001, est établi par le maître d'oeuvre à partir du mémoire définitif envoyé par l'entrepreneur et est notifié par le maître de l'ouvrage à ce dernier ; qu'en ne recherchant pas si l'envoi par la société Cabre d'un document intitulé expressément « décompte général définitif », puis la signature postérieure d'un avenant concernant des travaux supplémentaires, et enfin l'acceptation par la société du Hainaut de l'existence de sa dette dans la limite de ces sommes ne marquait pas l'existence d'un accord entre les parties, lequel excluait que les prétendues situations envoyées postérieurement par la société Cabre puissent être prises en considération dans la fixation du prix, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que l'article 3-8-2 du CCAP stipule : « Tranche ferme non actualisable, pour les trois tranches conditionnelles, si la date d'effet de l'ordre de service prescrivant le commencement des travaux est postérieure de plus de 120 jours à la date limite fixée pour la remise de l'acte d'engagement ou à la date effective de remise dudit acte dans le cas de marché négocié, il est procédé pour tous les corps d'état à l'actualisation des prix par application de la formule suivante » ; que l'article 3-8-3 du CCAP stipule que « pour l'application des dispositions de l'article 3-8-2, la date d'effet de l'ordre de service de commercer les travaux s'entend de la date d'ouverture du chantier fixée pour l'ordre de service général » ; que la date d'ouverture du chantier correspond nécessairement au démarrage des travaux ; qu'en estimant que l'ordre de service général était celui émis pour chaque tranche conditionnelle, quand il ne pouvait être que celui émis au début du chantier soit lors de la mise en oeuvre de la tranche ferme, la cour d'appel a dénaturé lesdits articles, en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les éléments de la cause. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel a souverainement retenu que le document que l'entreprise avait adressé le 29 octobre 2014, avant réception, au maître d'oeuvre, visant deux tranches de travaux, ne pouvait pas constituer, en dépit de sa dénomination, un "décompte général définitif" et que les parties avaient ultérieurement signé un avenant qui ne concernait que des travaux supplémentaires, faisant ainsi ressortir que cet accord ne portait pas sur le solde du marché et que les "situations" adressées par l'entreprise au maître d'oeuvre le 16 février 2015, qui récapitulaient l'ensemble des sommes dues, après réception, pour les trois tranches de travaux, avec actualisation, constituaient le mémoire définitif de l'entreprise.
5. Ayant relevé que l'article 1-1-2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) stipulait que chaque tranche formait un ensemble cohérent et parfaitement défini et que le maître de l'ouvrage devait notifier à l'entrepreneur, avec copie au maître d'oeuvre, le début de chaque tranche avec le délai d'exécution y afférent, la cour d'appel, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, rendue nécessaire par l'ambiguïté des termes du CCAP, a pu retenir que la date d'ouverture du chantier fixée par l'ordre de service général, visé à l'article 3-8-3 de ce document, laquelle déterminait l'application de la clause d'actualisation du prix, était, non pas l'ordre de service de commencement des travaux de la tranche ferme, mais l'ordre de service émis pour chaque tranche conditionnelle.
6. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société du Hainaut aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société du Hainaut et la condamne à payer à la société Cabre la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour la société du Hainaut
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société du Hainaut à régler à la société Cabre la somme de 89 995,38 €
AUX MOTIFS PROPRES QUE phase ultime de l'exécution contractuelle, le décompte général du marché récapitule l'ensemble des éléments actifs et passifs résultant des obligations des cocontractants. Son solde détermine ainsi la situation créancière ou débitrice de l'entrepreneur à l'égard du maître de l'ouvrage. Le décompte général constitue un tout unique et indivisible de sorte qu'aucune obligation contractuelle ne saurait produire des effets financiers entre les parties en dehors de ce compte terminal et exclusif. À l'issue des travaux, l'entrepreneur doit établir un mémoire définitif comprenant l'intégralité des sommes qu'il estime lui être dû en application du marché. Pour les marchés soumis à la norme Afnor, ce mémoire définitif doit être établi dans un délai de soixante jours (norme Afnor NF P. 03-001, art. 19-5-1). Passé ce délai, le maître d'ouvrage peut, après mise en demeure infructueuse, le faire rédiger par le maître d'oeuvre aux frais de l'entrepreneur. Par la suite, ce mémoire définitif fait l'objet d'une même vérification par le maître d'oeuvre que les états de situation. Le maître d'oeuvre établit un décompte définitif qu'il transmet au maître d'ouvrage. Ce dernier le notifie alors à l'entrepreneur dans un délai de soixante jours à compter de la réception du mémoire définitif par le maître d'oeuvre, ou si le mémoire définitif a été établi par ce maître d'oeuvre, en cas de carence de l'entrepreneur, dans un délai de six mois à compter de la réception des travaux. L'entrepreneur dispose alors, en vertu de l'article 19-6-3 de la norme Afnor, de trente jours pour présenter, par écrit, ses observations éventuelles au maître d'oeuvre et au maître de l'ouvrage. Son silence vaut acceptation tacite. En cas de remarques de l'entrepreneur, le maître d'ouvrage dispose, à son tour, de trente jours pour prendre position. Son silence vaut également acceptation. La contestation par l'entrepreneur du décompte définitif qui lui a été notifié n'a d'ailleurs pas pour effet de repousser le moment concret du paiement. En toute hypothèse, en effet, le maître d'ouvrage doit payer les sommes qui découlent du décompte définitif notifié dans un délai de trente jours (norme Afnor NF P. 03-001, art. 20.4.1) à compter de la notification du décompte général). Il est donc primordial au regard de l'ensemble des principes ci-dessus rappelés et au vu de l'emploi par les parties des termes sans distinction pour les différents documents qu'ils se sont adressés, de qualifier lesdits documents, sans s'arrêter à la dénomination éventuellement choisie par les parties mais en fonction de la réalité qu'ils recouvrent. Au vu de la Norme NF 01-003 dont se prévaut la SA Hainaut elle-même qui définit le décompte général comme "le décompte établi par le maître d'oeuvre qui fixe le montant du règlement" en fonction du mémoire définitif (article 19-6-1) lequel est établi à compter d'un délai à date de la réception ou de la résiliation (article 19-5-1), le document du 29 octobre 2014, adressé, avant toute réception des travaux, laquelle est intervenue le 1er décembre 2014, par l'entrepreneur lui-même au maître d'oeuvre, concernant les tranches 5 et 6, et non réalisé par le maître d'oeuvre lui-même à partir des mémoires définitifs transmis par l'entrepreneur, ne peut recevoir la qualification de décompte général définitif au sens des dispositions du CCAP/CCAG, quand bien même la société Cabre l'aurait par erreur intitulé ainsi, s'agissant dès lors d'un décompte provisoire. Aucun décompte général définitif n'a été effectué par le maître d'oeuvre, lequel s'est contenté de transférer au maître d'ouvrage les documents intitulés "situations" par la société Cabre, adressés le 16 février 2015. L'étude de ces documents permet de constater toutefois qu'il ne peut s'agir, comme l'ont justement noté les premiers juges, que de mémoires définitifs, puisqu'ils reprennent les sommes que l'entrepreneur estime lui être dû pour les tranches 2, 3 et 4, après réception des travaux, l'actualisation des travaux et sont signés par le maître d'oeuvre lequel les a fait parvenir au maître de l'ouvrage. La SA Hainaut ne peut pas plus raisonnablement opposer à la société Cabre la signature d'un avenant en date du 21 janvier 2015 qu'elle qualifie de "solde de marché" renforçant le caractère intangible des sommes réclamées et du décompte général, alors même qu'une simple lecture de l'exposé de cet avenant permet de constater qu'il s'agit de la rémunération pour des "Travaux supplémentaires et modificatifs, à la demande du maître d'ouvrage, et suivant détail établi par la maîtrise d'oeuvre". Le décompte définitif général, qui se devait de prendre en compte ces modifications, ne pouvait dès lors être intervenu antérieurement. Le moyen de la société Hainaut relatif à l'absence de mise en demeure par l'entrepreneur du maître de l'ouvrage, conformément à l'article 19-6-2 ne peut qu'être disqualifié en simple argument, à supposer d'ailleurs que cette mise en demeure ne soit pas suffisante pour répondre aux conditions de l'article précité, la SA Hainaut ne tirant aucune conséquence juridique de l'omission de cette formalité, laquelle de toute façon ne rend pas irrecevable la demande en paiement mais conduirait uniquement à offrir au maître d'ouvrage la possibilité de contester les montants visés par l'entrepreneur dans son mémoire au stade de l'action en justice. En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la fin de non-recevoir opposée par la société SA Hainaut, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation. Les premiers juges ayant toutefois omis de reprendre expressément ce chef dans leur dispositif, il sera statué par le présent arrêt en ajoutant à la décision déférée. Le tribunal, saisi suite à l'opposition formée par la SA Hainaut à injonction de payer, conformément aux dispositions de l'article 1420 du code de procédure civile, se devait de constater la mise à néant de l'ordonnance d'injonction de payer, et de statuer à nouveau, sans que la SA Hainaut ne puisse tenter de tirer argument du terme impropre d'infirmation de l'ordonnance, utilisé par la juridiction de première instance. La décision doit donc être confirmée en ce qu'elle a reçu l'opposition et dit que la présente décision se substituait à l'ordonnance, en statuant à nouveau, étant précisé que l'ordonnance d'injonction de payer sera mise à néant et non infirmée. En vertu des dispositions de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. Aux termes des dispositions de l'article 1156 ancien du code civil, on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes. L'article 1157 ancien précise que lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, l'on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun, l'article 1161 ancien stipulant que toutes les clauses des conventions s'interprétant les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier. L'article 1793 du code civil prévoit que lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire. Il ne peut y avoir forfait que si le prix constitue un engagement irrévocable des parties. La conclusion d'un marché forfaitaire n'est pas incompatible avec une clause de révision du prix dès lors, du moins, que cette clause aboutit elle-même à un calcul précis et définitif de la révision, ni avec une actualisation contractuelle du prix, dès lors que celle-ci est très précisément envisagée par le contrat. Si les parties discutent de la compatibilité des clauses relatives à l'actualisation des prix et à la révision du prix avec un marché à forfait, aucune ne remet en cause la qualification de marché à forfait pour la présente opération, la cour ne pouvant que constater que ce point ne fait donc pas partie des termes du litige. En l'espèce, le contrat n° 2010/334 signé entre les parties le 19 novembre 2010 se définit comme un "Marché forfaitaire non actualisable et non révisable pour la tranche ferme, Actualisable et non révisable pour les tranches conditions". Les clauses du contrat précisent expressément le caractère ferme de la première phase de travaux, les suivantes étant définies comme conditionnelles, et n'ouvrant droit à "aucun dédommagement pour l'entrepreneur dans le cas où une tranche conditionnelle ne pourrait se réaliser". L'article 3-1-1 du cahier des clauses administratives particulières stipule que "le marché est passé à prix forfaitaire global... hormis l'accord des parties contractantes pour la modification du prix par voie d'avenant au présentant marché, le prix ne peut varier qu'aux conditions fixées au présent CCAP, notamment pour cause de variation économique". Cependant, l'article 3-8-2 définit précisément la formule d'actualisation des prix contractuellement acceptée par les parties, applicable aux trois tranches conditionnelles. Ainsi, il s'ensuit que si la première tranche de travaux, définie comme la tranche ferme, est non révisable non actualisable dans le cadre d'un marché à forfait pur, les parties ont expressément soumis les tranches fermes à un régime différent permettant l'actualisation des prix. Contrairement à ce que laisse sous-entendre, dans ses écritures, la SA Hainaut, cette soumission a un tel mécanisme d'actualisation n'était pas soumis à un accord préalable du maître d'ouvrage, étant expressément envisagé pour les tranches conditionnelles dans le contrat, sous réserve que ces conditions d'application soient réunies, et n'a aucunement été remis en cause par la conclusion de l'avenant du 21 janvier 2015, lequel a modifié le marché en raison de travaux supplémentaires et modificatifs, tout en précisant formellement que les autres clauses du marché initial ne sont pas modifiées. Quant aux conditions de mise en oeuvre de ce mécanisme d'actualisation, la cour retient que : - selon l'article 1-1-2, "les prestations visées à l'article 1-1 font l'objet d'une tranche ferme et de trois tranches conditionnelles, savoir : tranche ferme en 2010 : réhabilitation de 29 logements individuels, tranche conditionnelle en 2011 réhabilitation de 30 logements individuels, tranche conditionnelle en 2012, réhabilitation de 3" logements individuels, tranche conditionnelle en 2013 réhabilitation de 19 logements individuels. - le même article précise que "chaque tranche forme un ensemble cohérent et parfaitement défini. Le maître d'ouvrage notifie à l'entrepreneur, avec copie au maître d'oeuvre, le début de chaque tranche avec le délai d'exécution y afférant.... - l'article 3-8-2 prévoit l'actualisation des prix, ainsi envisagée : Tranche ferme non actualisable, pour les trois tranches conditionnelles, si la date d'effet de l'ordre de service prescrivant le commencement des travaux est postérieure de plus de 120 jours à la date limite fixée pour la remise de l'acte d'engagement ou à la date effective de remise dudit acte dans le cas de marché négocié, il est procédé pour tous les corps d'état à l'actualisation des prix par application de la formule suivante. - l'article 3-8-3 du CCAP stipule que "pour l'application des dispositions de l'article 3-8-2, la date d'effet de l'ordre de service de commercer les travaux s'entend de la date d'ouverture du chantier fixée pour l'ordre de service général", Le terme même d'ordre de service général ne peut s'entendre, au vu de l'économie du contrat et de la commune intention des parties que comme l'ordre de service émis pour chaque tranche, et notamment pour chacune des tranches conditionnelles, lesquelles comme l'ont justement noté les premiers juges, qui ne sauraient se voir reprocher une quelconque dénaturation du contrat, sont expressément envisagées par les parties comme des "ensembles cohérents et parfaitement définis", et donc des chantiers autonomes conformément aux dispositions de l'article 1-2-2 du cahier des clauses administratives particulières. Retenir l'ordre de service de commencement des travaux de la tranche ferme priverait la disposition d'actualisation ci-dessus souscrite d'un commun accord par les parties pour les seules tranches conditionnelles de toute réalité. Seule prévue pour ces dernières tranches, l'actualisation vise à lisser l'effet du décalage dans le temps lié à l'exécution successive sur plusieurs années des travaux prévus par tranches initialement conclues, sur des bases économiques que les parties ne pouvaient qu'ignorer lors de la souscription du contrat, sans que puisse être légitimement soutenu par la SA Hainaut qu'il appartenait à la société Cabre en 2010 de prendre en compte cet effet du temps dans la fixation de ces prix en 2010 pour les tranches conditionnelles, dont les travaux ont été réalisés sur plus de 4 années. Ainsi, c'est à juste titre que les premiers juges ont fait application des dispositions précitées de l'article 3-8-2 dès lors que l'ordre de service de la tranche ferme a été donné le 22 novembre 2010 et ceux pour les tranches conditionnelles le 11 octobre 2011, soit plus de 120 jours pour ces trois derniers ordres de service après la remise de l'acte d'engagement le 2 octobre 2010. Aucune critique n'étant portée sur le montant arrêté pour les tranches conditionnelles après application de la formule d'actualisation, et après déduction du versement partiel de 57 825,05 euros TTC intervenus sur les 143 820,43 euros dus, il convient de confirmer la condamnation de la SA Hainaut à payer à la société Cabre le solde du marché soit la somme de 85 995,38 euros ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le décompte général et définitif a pour vocation de clore l'exécution juridique et financière du marché, qu'il fixe les droits à paiement des parties, détermine le droit à intérêts moratoires et le point de départ du délai de contestation ; le décompte général définitif doit revêtir un certain formalisme prévu dans la norme NFP 03-001 selon lequel, dans les 60 jours de la réception des travaux, l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre le mémoire définitif des sommes qu'il estime lui être dues en application du marché, puis le maître d'oeuvre examine le mémoire définitif, établit le décompte définitif et il remet ce décompte au maître de l'ouvrage, puis le maître de l'ouvrage notifie à l'entrepreneur ce décompte dans un délai de 45 jours à dater de la réception du mémoire définitif par le maître d'oeuvre ; le 29 octobre 2014, la société Cabre a fait parvenir à la SA du Hainaut deux documents intitulés « décompte général et définitif » concernant les tranches 3 et 4 ; que ces documents ont été établis par l'entrepreneur avant la réception des travaux ; que ces documents ne peuvent être qualifiés de décompte général et définitif puisqu'ils ne respectent pas le formalisme de la norme NFP 03-001 ; le 16 février 2015, la société Cabre fait parvenir au maître d'oeuvre des documents intitulés situation ; que ces documents concernent les tranches 2, 3 et 4 et qu'ils font état des sommes que l'entrepreneur estime lui être dues ; qu'en outre, le maître d'oeuvre a signé et fait parvenir ces documents au maître de l'ouvrage ; que ces documents peuvent être qualifiés de mémoire définitif ; que le maître d'oeuvre a signé ces documents ; qu'il les a envoyés au maître d'ouvrage ; que ce dernier aurait dû notifier le décompte à la société Cabre dans un délai de 45 jours à compter du 16 février 2015 ; que la SA du Hainaut ne les a pas notifiés ; que l'article 19.6.2 de la norme NFP 03-00 Istipule Le maître de l'ouvrage notifie à l'entrepreneur ce décompte définitif dans un délai de 45 jours à dater de la réception du mémoire définitif par le maître d'oeuvre, Si le décompte n'est pas notifié dans ce délai, le maître de l'ouvrage est réputé avoir accepté le mémoire définitif remis au maître d'oeuvre après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours » ; que la société Cabre a, par acte extra-judiciaire en date du 19 mai 2015, mis en demeure la SA du Hainaut de lui payer les sommes correspondantes à son mémoire définitif ; que, par courrier en date du 29 mai 2015, la SA du Hainaut répond à cette mise en demeure et demande la production de nouvelles factures , que l'alinéa 2 de l'article 19.6.2 ne précise pas l'objet de la mise en demeure ; que la mise en demeure peut donc avoir pour objet aussi bien la production du décompte général et définitif que le règlement des sommes dues ; que l'alinéa 3 de l'article 19.6.2 de la norme NF 03-001 stipule la mise en demeure est adressée par l'entrepreneur au maître d'ouvrage avec copie au maître d'oeuvre » ; que la copie au maître d'oeuvre a seulement pour objet d'attirer l'attention de ce dernier sur les problèmes rencontrés par l'entrepreneur quant à la notification du décompte général et définitif et au règlement du chantier ; que, suite à un courrier en date du 17 juin 2015 envoyé par la SA du Hainaut, les parties se sont rencontrées le 30 juin 2015 ; que le maître d'oeuvre était présent à cette réunion ; qu'en conséquence, la présence du maître d'oeuvre prouve qu'il a eu connaissance du litige né entre l'entrepreneur et le maître d'ouvrage ; que le tribunal constate que cette présence a pour effet de palier à l'absence d'envoi de la copie de la mise en demeure au maître d'oeuvre ; que le tribunal constate qu'il y a eu respect des dispositions de l'article 19.6.2 ; qu'en conséquence, il y a eu établissement d'un décompte général et définitif accepté par la SA du Hainaut ; les règles établies par la norme AFNOR ne peuvent prévaloir sur les dispositions de l'article 1793 du code civil , que l'article 1793 du code civil dispose Lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire » ; qu'un marché ne peut être considéré comme conclu à forfait que si le travail a été déterminé de façon certaine, d'après un plan et un devis convenu entre les parties, sans possibilité pour le maître de l'ouvrage d'y apporter des modifications ou additions ; que le contrat n° 2010/334 signé entre les parties le 19 novembre 2010 intitulé « MARCHE FORFAITAIRE NON ACTUALISABLE et NON REVISABLE pour la tranche ferme ACTUALISABLE et NON REVISABLE pour les tranches conditionnelles » stipule dans son article 1.2.2 Tranches Les prestations visées à l'article 1,1 ci avant font l'objet d'une tranche ferme et de 3 tranches conditionnelles, savoir : I Dans le cas où une tranche conditionnelle ne pourrait se réaliser, il n'est prévu aucun dédommagement pour l'entrepreneur ; que cet alinéa est repris dans l'article 3.3 du même contrat ; Attendu que l'article 3.1.1 du cahier des clauses administratives particulières stipule « Le marché est passé à prix forfaitaire et global [.. ,I Hormis l'accord des parties contractantes pour la modification du prix par voie d'avenant au présent marché, le prix ne peut varier qu'aux conditions fixées au présent CCAP, notamment pour cause de variation économique (art.3.8) ; que l'article 3.8.2 stipule « Tranche ferme : non actualisable. Pour les 3 tranches conditionnelles : Si la date d'effet de l'ordre de service prescrivant le commencement des travaux est postérieure de plus de 120 jours à la date limite fixée pour la remise de l'acte d'engagement ou à la date effective de remise dudit acte dans le cas de marché négocié, il est procédé pour tous les corps d'état à l'actualisation du prix par application de la formule suivante I. . J » ; que cet article a été repris intégralement sur une page annexe signée de toutes les parties ; qu'en conséquence, il n'est pas contestable que les parties ont voulu soumettre le prix des tranches conditionnelles à une variation économique ; que l'article 1793 du code civil ne peut s'appliquer qu'à la tranche ferme ; que le tribunal constate que le prix des tranches conditionnelles est actualisable ; Sur l'application de l'actualisation : par avenant en date du 21 janvier 2015 les parties ont modifié le montant du marché passant de 1.239.598,06 € HT à 1.195.696 , 18 € HT ; que cet avenant a seulement pour objet de modifier le marché no 2010/334 en constatant les travaux supplémentaires et modificatifs ; que toutes les autres clauses du marché no 2010/334 ne sont pas modifiées ; que le cahier des clauses administratives particulières qui fixe les règles d'actualisation n'a pas été modifié par cet avenant ; que l'article du C.C.A.P stipule « Pour l'application des dispositions de l'article 3.8.2 la date d'effet de l'ordre de service de commencer les travaux s'entend de la date d'ouverture du chantier fixée par l'ordre de service général » ; que l'article 1.2.2. du marché no 2010/334 stipule « Les prestations visées à l'article 1.1 ci-avant font l'objet d'une tranche ferme et de 3 tranches conditionnelles, savoir est précisé que chaque tranche forme un ensemble cohérent et parfaitement défini. Le maître de l'ouvrage notifie à l'entrepreneur, avec copie au maître d'oeuvre, le début de chaque tranche avec le délai d'exécution y afférent » ; qu'il n'est pas contesté que la remise de l'offre de prix a été faite le 2 septembre 2010 ; que la lecture de ces différents articles démontre la volonté des parties de dissocier chaque tranche et de rendre l'exécution de chaque tranche autonome les unes vis-à-vis des autres ; que chaque tranche forme un chantier à part entière que l'ordre de service de la tranche ferme a été donné le 22 novembre 2010 ; que pour les tranches conditionnelles le maître de l'ouvrage a établi 3 ordres de service le 11 octobre 2011, soit plus de 120 jours après la remise de l'acte d'engagement le 2 octobre 2010 qu'en conséquence, les dispositions prévues par les parties sur l'actualisation du prix du marché doivent s'appliquer ;
1°) - ALORS QUE le décompte général définitif, tel que défini par la norme AFNOR NF P 03-001, est établi par le maître d'oeuvre à partir du mémoire définitif envoyé par l'entrepreneur et est notifié par le maître de l'ouvrage à ce dernier ; qu'en ne recherchant pas si l'envoi par la société Cabre d'un document intitulé expressément « décompte général définitif », puis la signature postérieure d'un avenant concernant des travaux supplémentaires, et enfin l'acceptation par la société du Hainaut de l'existence de sa dette dans la limite de ces sommes ne marquait pas l'existence d'un accord entre les parties, lequel excluait que les prétendues situations envoyées postérieurement par la société Cabre puissent être prises en considération dans la fixation du prix, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
2°) - ALORS QUE l'article 3-8-2 du CCAP stipule : « Tranche ferme non actualisable, pour les trois tranches conditionnelles, si la date d'effet de l'ordre de service prescrivant le commencement des travaux est postérieure de plus de 120 jours à la date limite fixée pour la remise de l'acte d'engagement ou à la date effective de remise dudit acte dans le cas de marché négocié, il est procédé pour tous les corps d'état à l'actualisation des prix par application de la formule suivante » ; que l'article 3-8-3 du CCAP stipule que « pour l'application des dispositions de l'article 3-8-2, la date d'effet de l'ordre de service de commercer les travaux s'entend de la date d'ouverture du chantier fixée pour l'ordre de service général » ; que la date d'ouverture du chantier correspond nécessairement au démarrage des travaux ; qu'en estimant que l'ordre de service général était celui émis pour chaque tranche conditionnelle, quand il ne pouvait être que celui émis au début du chantier soit lors de la mise en oeuvre de la tranche ferme, la cour d'appel a dénaturé lesdits articles, en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les éléments de la cause.