LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 novembre 2020
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 1154 FS-P+B
Pourvoi n° C 19-19.996
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 NOVEMBRE 2020
1°/ le syndicat Fédération des employés et cadres de la CGT Force ouvrière, dont le siège est [...] ,
2°/ le syndicat CGT Force ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise, dont le siège est [...] ,
3°/ le syndicat Commerce indépendant démocratique, dont le siège est [...] ,
ont formé le pourvoi n° C 19-19.996 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2019 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige les opposant à la société Meubles Ikea France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat du syndicat Fédération des employés et cadres de la CGT Force ouvrière, du syndicat CGT Force ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise et du syndicat Commerce indépendant démocratique, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Meubles Ikea France, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M.Huglo, conseiller doyen, M.Rinuy, Mmes Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, MM. Joly, Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 mars 2019), statuant en référé, le syndicat Fédération des employés et cadres de la CGT Force ouvrière a mis en demeure, le 6 avril 2018, la société Ikea, d'ouvrir des négociations pour mettre en place des salles d'allaitement dans les établissements employant plus de cent salariées.
2. Contestant le refus de l'employeur de faire droit à cette demande, le syndicat Fédération des employés et cadres de la CGT Force ouvrière, le syndicat CGT Force ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise et le syndicat Commerce indépendant démocratique (les syndicats) ont saisi le président du tribunal de grande instance statuant en référé pour qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre en place des salles d'allaitement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième et sixième branches, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et cinquième branches
Enoncé du moyen
4. Les syndicats font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :
« 1°/ que constitue un trouble manifestement illicite ainsi qu'un dommage imminent le fait, pour un employeur tenu en application de l'article L. 1225-32 du code du travail d'installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l'allaitement lorsqu'il emploie plus de cent salariées, de méconnaître cette obligation malgré les demandes réitérées des représentants du personnel ; qu'en constatant que la société Ikea ne contestait pas avoir atteint l'effectif minimum de cent salariées dans certains de ses établissement y rendant applicables les dispositions relatives à l'installation de salles d'allaitement et en jugeant néanmoins que l'absence de mise en place de ces salles ne constituait ni un trouble manifestement illicite ni un dommage imminent, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1225-32 et R. 1227-6 du code du travail ;
2°/ que constitue un trouble manifestement illicite ainsi qu'un dommage imminent, le fait, pour un employeur tenu en application de l'article L. 1225-32 du code du travail d'installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l'allaitement lorsqu'il emploie plus de cent salariées, de méconnaître cette obligation malgré les demandes réitérées des représentants du personnel ; qu'en constatant que la société Ikea ne contestait pas avoir atteint l'effectif minimum de cent salariées dans certains de ses établissement y rendant applicables les dispositions relatives à l'installation de salles d'allaitement et en jugeant néanmoins que l'absence de mise en place de ces salles ne constituait ni un trouble manifestement illicite ni un dommage imminent, aux motifs inopérants que la fédération des services CFDT, la CFE CGC SNEC, la CGT Fédération du commerce, de la distribution et des services et la FEC CGT FO avaient conclu avec la société Ikea un accord d'entreprise du 20 avril 2017 relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, pour une période du 20 avril 2017 au 19 avril 2020, mettant en place dans chaque établissement un local permettant aux salariées de titrer leur lait une heure par jour, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1225-32 et R. 1227-6 du code du travail ;
5°/ que constitue un trouble manifestement illicite ainsi qu'un dommage imminent, le fait, pour un employeur tenu en application de l'article L. 1225-32 du code du travail d'installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l'allaitement lorsqu'il emploie plus de cent salariées, de méconnaître cette obligation malgré les demandes réitérées des représentants du personnel ; qu'en constatant que la société Ikea ne contestait pas avoir atteint l'effectif minimum de cent salariées dans certains de ses établissement y rendant applicables les dispositions relatives à l'installation de salles d'allaitement et en jugeant néanmoins que l'absence de mise en place de ces salles ne constituait ni un trouble manifestement illicite ni un dommage imminent, aux motifs inopérants que les syndicats parties à l'accord du 20 avril 2017 mettant en place des locaux tire-lait dans l'ensemble des établissements avant avril 2020 auraient, en signant cet accord, acté du caractère satisfactoire, sur la période visée, des engagements pris par l'entreprise, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1225-32 et R. 1227-6 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article L. 1225-32 du code du travail, tout employeur employant plus de cent salariées peut être mis en demeure d'installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l'allaitement.
6. Cette mise en demeure émane des agents de contrôle de l'inspection du travail dans les conditions prévues par l'article R. 4721-5 du code du travail.
7. La cour d'appel relève que la mise en demeure d'avoir à installer une salle d'allaitement émanait d'une organisation syndicale, que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a été saisie de la question de l'absence de salles d'allaitement au sein de l'entreprise Ikea, et qu'il n' a pas été n'a pas donné suite à cette demande.
8. L'employeur n'a donc pas été mis en demeure, au sens de l'article L. 1225-32 visé ci-dessus, d'installer des locaux dédiés à l'allaitement.
9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, après avis donné aux parties, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
10. Les syndicats font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à la condamnation de la société Ikea à leur verser une certaine somme à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice portée à l'intérêt collectif de la profession du fait de l'absence de mise en place du local d'allaitement pour la période antérieure à l'assignation, alors « que la cassation à intervenir sur l'une ou l'autre des branches du premier moyen de cassation emportera par voie de conséquence et en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif ayant confirmé l'ordonnance du 14 août 2018 du tribunal de grande instance de Versailles en ce qu'elle avait dit n'y avoir lieu à référé et rejeté la demande tendant à la condamnation de la société Ikea à verser au syndicat CGT Force ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise et à la Fédération des employés et cadres du commerce de la CGT Force ouvrière la somme de 20 000 euros pour chacun des vingt-neuf établissements dont l'effectif excède le seuil de cent salariées, à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession du fait de l'absence de mise en place du local d'allaitement pour la période antérieur à l'assignation, soit 580 000 euros. »
Réponse de la Cour
11. Le rejet du premier moyen rend sans objet le second moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le syndicat Fédération des employés et cadres de la CGT Force ouvrière, le syndicat CGT Force ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise et le syndicat Commerce indépendant démocratique aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour le syndicat Fédération des employés et cadres de la CGT Force ouvrière, le syndicat CGT Force ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise et le syndicat Commerce indépendant démocratique
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé et rejeté le surplus des demandes en ce comprises celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte du principe de l'égalité professionnelle entre les femmes et hommes et de la lutte contre les discriminations, affirmés tant au niveau national, notamment par les articles L. 1225-32 et L. 4152-1 du code du travail français, qu'au niveau international par l'article 3 de la convention n° 156 de l'Organisation internationale du travail (OIT), ratifiée par la France le 16 mars 1989, et la recommandation n° 165 de l'OIT sur les travailleurs ayant des responsabilité familiales, que l'adoption et la mise en oeuvre dans les organisations publiques comme privées de mesures appropriées à la protection des femmes salariées allaitantes s'inscrivent dans la promotion des droits des travailleuses et participent en conséquence à l'ordre public social ; qu'en conséquence, l'action introduite par les syndicats sur le fondement de la défense de l'intérêt collectif des salariées de l'entreprise Ikea aux fins d'obtenir la mise en place de salles d'allaitement est recevable du seul fait que cette demande, peu important son bien-fondé à hauteur de référé, repose sur la violation alléguée d'une règle d'ordre public social destinée à promouvoir l'égalité professionnelle des femmes et des hommes notamment par la protection des travailleuses allaitantes, et peu important le fait qu'une de ces organisations, en l'occurrence le syndicat CGT-Force Ouvrière des Employés et Cadres du Commerce du Val d'Oise a pour objet statutaire la défense des intérêts collectifs et individuels des travailleurs du commerce qui exercent en toute ou partie de leur activité dans le Val d'Oise habitent dès lors qu'il est constant que la mesure sollicitée au niveau national a vocation à bénéficier aux salariées de l'entreprise travaillant dans les établissements dudit département ou y demeurant ; qu'il s'en déduit qu'il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'irrecevabilité tirée du défaut d'intérêt à agir de la Fédération des Employés et Cadres du Commerce de la CGT Force Ouvrière et du syndicat Commerce indépendant et démocratique et de l'infirmer en ce qu'elle a dit irrecevables les demandes du syndicat CGT Force Ouvrière des employés et cadres du commerce du Val d'Oise comme excédant le champ de ce département ; qu'au principal, sur les demandes de mise en place de salles d'allaitement par la société Ikea et de provision subséquentes (
) ;
Que les appelants, le syndicat CGT-Force Ouvrière des Employés et Cadres du Commerce du Val d'Oise, la Fédération des Employés et Cadres du Commerce de la CGT Force Ouvrière et le syndicat Commerce indépendant et démocratique, fondent expressément et exclusivement leur demande de mise en place de salles d'allaitement sur l'article 809, alinéa 1, du code de procédure civile , afin de faire cesser le trouble manifestement illicite et de prévenir le dommage imminent allégués ; que la cour rappelle qu'aux termes de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, la juridiction des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit ; qu'il s'ensuit que, pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle le premier juge a statué et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage, d'un préjudice ou la méconnaissance d'un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines ; qu'un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés ; que la constatation de l'imminence du dommage suffit à caractériser l'urgence afin d'en éviter les effets ; qu'en l'espèce, les syndicats demandeurs à l'action se prévalent de la violation manifeste par la société Ikea des dispositions protectrices de l'article L.4152-1 du code du travail qui institue des mesures de protection au profit des femmes allaitantes, à leur retour de maternité et plus particulièrement de l'article L.1225-32 qui prévoit que, sous la condition d'atteindre un effectif minimum de 100 salariées, l'employeur peut être mis en demeure de mettre en place des locaux d'allaitement dans ou à proximité de l'établissement, de l''article R .1227-6 du même code, qui précise notamment que la méconnaissance de cette obligation constitue une contravention et des articles R. 4152-13 et suivants, qui fixent les modalités de la mise en oeuvre du local dédié à l'allaitement, notamment sa superficie minimale, les restrictions à son emplacement, sa hauteur et son équipement obligatoire ; que la société Ikea, qui ne conteste pas avoir atteint l'effectif minimum de salariés dans certains de ses établissements, y rendant applicables les dispositions relatives à l'installation des salles d'allaitement, se prévaut en premier lieu le défaut d'autorité de la part des syndicats à mettre en demeure l'entreprise, en application de l'article L. 1225-32 sus visé, l'absence de mise en demeure par l'administration du travail, seule habilitée à la délivrer, caractérisant, selon elle, une « contestation sérieuse » de la demande des syndicats ; qu'outre le fait que l'absence de contestation sérieuse n'est pas requise aux termes de l'article 809, alinéa 1, du code civil, seul fondement visé par les demandeurs à la présente action, la cour relève qu'il ne résulte ni de la lettre ni de l'esprit de l'article L. 1225-32 du code du travail que la mise en demeure requise émane de la seule autorité administrative telle que la médecine du travail ou l'inspection du travail, ou plus largement d'une autorité publique ;
Que dès lors est inopérant le moyen tiré de l'impossibilité pour les syndicats, qui représentent les intérêts collectifs de la profession et disposent de la possibilité de présenter, à cette fin, des revendications, collectives comme individuelles des salariés, de mettre en demeure la société Ikea afin qu'elle respecte son obligation d'installation des salles d'allaitement ; qu'en ce qui concerne le trouble manifestement illicite allégué et le dommage imminent qu'il conviendrait de faire cesser, la cour relève que, s'il est établi que la société Ikea n'a pas installé, en l'état, dans ses établissements de salles d'allaitement, la Fédération des services CFDT, la CFE CGC SNEC, la CGT Fédération du commerce, de la distribution et des services, et la FEC CGT FO ont récemment conclu avec la société un accord d'entreprise en date du 20 avril 2017 « relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes » , pour une période courant du 20 avril 2017 au 19 avril 2020 ; qu'aux termes de cet accord collectif et de son avenant n° 1, la société Ikea s'est engagée à prendre diverses mesures de lutte contre la discrimination en matière d'emploi et de profession et à promouvoir une réelle égalité de traitement, notamment par l'adoption de dispositions protectrices des femmes en retour de congé maternité - échange formel organisé au retour dudit congé entre le « manager » et la salariée/ suivi, au besoin, par une formation individualisée ayant pour objet la mise à jour des connaissances/ congés et temps de pause supplémentaires, rémunérés, accordés à la salariée durant sa grossesse/suppression de la modulation pendant la période de grossesse/égalité de rémunération pour les salariés de retour de congé parental d'éducation/revalorisation de leur salaire et d'une prise en compte de la durée totale du congé pour la détermination des avantages liés à l'ancienneté - et plus particulièrement la « mise en place, dans chaque établissement, d'un local permettant aux salariées de tirer leur lait » ; que chaque salariée bénéficie, en application de l'accord collectif (article 15) d'une heure par jour travaillé pour tirer son lait et ce temps de pause, rémunéré pendant les six premiers mois suivant l'accouchement ; que l''accord collectif précise que ce local, qui permet de garantir l'intimité des salariées ( notamment grâce à une pancarte en interdisant l'accès quand le local est en cours d'utilisation), est pourvu de fauteuils confortables, d'un réfrigérateur, de prises de courant et d'un point d'eau. ; que l'intimée indique, sans être utilement contestée sur ces points, qu'elle a déjà mis en place ces locaux « pour tirer le lait » dans certains de ses établissements et rappelle qu'elle s'est, « en tout état de cause, engagée à ce que l'ensemble de ses établissements soient dotés de ces locaux avant avril 2020 », date du terme prévu à l'application de l'accord collectif du 20 avril 2017 ;
Que s'il est constant que ces locaux ne sont pas les salles d'allaitement, objet du présent litige et que le consensus trouvé quant à leur mise en place n'est pas exclusif d'autres revendications, il résulte néanmoins de ces éléments d'information et de l'accord collectif conclu par quatre organisations syndicales représentatives, dont un des syndicats appelants, que n'est pas caractérisé, à la date à laquelle le premier juge a statué, en août 2018, et avec l'évidence requise en référé, le caractère manifeste du trouble allégué ou l'imminence d'un dommage, certain quoique futur, à ladite date, soit durant la période d'application de l'accord du 20 avril 2017 et la mise en oeuvre de mesures de nature à promouvoir l'égalité professionnelle des hommes et des femmes notamment par la protection effective des salariées en retour de congé maternité et l'installation d'un local leur permettant de tirer leur lait, étant relevé que les syndicats, parties au présent accord, en le signant, ont acté du caractère satisfactoire, sur la période visée, des engagements ainsi pris par l'entreprise et qu'est prévue en outre la réalisation d'une étude sur l'année 2018 concernant les différents dispositifs de gardes d'enfants en crèche d'entreprise, pour une éventuelle mise en oeuvre début 2019 ; que la cour relève qu'en tout état de cause, les demandes, objet du présent litige, ne se fondent que sur l'obligation de mettre en place les salles d'allaitement prévues par les textes existants, et non sur la mise en place d'un mode de garde dans l'entreprise, aucun texte légal ou conventionnel ne fixant, en l'état, d'obligation à cette fin à la société Ikea France ; qu'enfin, corrobore l'absence d'évidence du trouble et de l'imminence du dommage allégués le fait que la Direccte et le ministère des Droits de la femme successivement saisis, par lettres du 15 mars 2013 de la question de l'absence de salles d'allaitement au sein de l'entreprise Ikea France, demandant notamment à la Dirrecte de « procéder à la mise en demeure prévue par l'article R.4721-5 du code du travail afin qu'elle se mette en conformité avec le texte précité dans les meilleurs délais pour son établissement de Franconville", n'ont pas donné suite à ces courriers, à la date à laquelle le premier juge a statué, tout comme à celle du présent arrêt ; qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations et énonciations qu'il convient de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit, à bon droit, n'y avoir lieu à référé sur les demandes d'injonction à la société Ikea de mettre en place, sous astreinte, une salle d'allaitement pour chacun de ses établissements atteignant un effectif de 100 salariées, d'assurer que la salle d'allaitement soit tenue conformément aux dispositions réglementaires en vigueur et de justifier, sous astreinte, de la mise en oeuvre de la salle d'allaitement dans son établissement de Nice dans le cadre de son projet d'ouverture ; que pour les motifs sus retenus et en conséquence de la contestation sérieuse en découlant, au sens de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile quant à l'existence d'un préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession du fait de l'absence de mise en place du local d'allaitement pour la période antérieure à l'assignation, il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision à valoir sur la réparation dudit préjudice ;
ET, AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES, QU'aux termes de l'article 809 du Code de Procédure Civile, le Président du Tribunal de Grande Instance peut, « même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite » ; et« dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable » , « accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire » ; que les demandeurs invoquent les dispositions de l'article R. 4743-2 du code du travail, la convention n° 156 et la recommandation n° 165 de l'OIT ; que selon l'article L .1225-32 du code du travail : « Tout employeur employant plus de cent salariées peut être mis en demeure d'installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l'allaitement » ; que l'article R. 4743-2 du même code prévoit que le fait de méconnaître les dispositions des articles... ainsi qu'à l'allaitement, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, prononcée autant de fois qu'il y a de salariés concernés par l'infraction ; que le texte ne définit pas l'autorité habilitée à délivrer la mise en demeure prévue par l'article L .1225-32 du code du travail ; que la défenderesse soutient que cette mise en demeure ne peut émaner que de l'inspection du travail ou de la médecine du travail, et non d'un syndicat et qu'alors qu'elle s'est engagée à mettre en place des salles tire-lait, l'installation de salles d'allaitement ne présente qu'un intérêt réduit en l'absence de mode de garde à proximité de l'entreprise ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, l'obligation de la défenderesse est sérieusement contestable et les demandeurs ne démontrent l'existence ni d'un dommage imminent ni d'un trouble manifestement illicite ; qu'il n'y a pas lieu à référé sur les demandes d'injonction et de provision ; que l'équité et la situation économique des parties ne commandent pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile ; que les demandeurs, qui succombent, seront condamnés aux dépens ;
1°) ALORS QUE constitue un trouble manifestement illicite ainsi qu'un dommage imminent le fait, pour un employeur tenu en application de l'article L. 1225-32 du code du travail d'installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l'allaitement lorsqu'il emploie plus de cent salariées, de méconnaître cette obligation malgré les demandes réitérées des représentants du personnel ; qu'en constatant que la société IKEA ne contestait pas avoir atteint l'effectif minimum de cent salariées dans certains de ses établissement y rendant applicables les dispositions relatives à l'installation de salles d'allaitement et en jugeant néanmoins que l'absence de mise en place de ces salles ne constituait ni un trouble manifestement illicite ni un dommage imminent, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1225-32 et R. 1227-6 du code du travail ;
2°) ALORS QUE constitue un trouble manifestement illicite ainsi qu'un dommage imminent, le fait, pour un employeur tenu en application de l'article L. 1225-32 du code du travail d'installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l'allaitement lorsqu'il emploie plus de cent salariées, de méconnaître cette obligation malgré les demandes réitérées des représentants du personnel ; qu'en constatant que la société IKEA ne contestait pas avoir atteint l'effectif minimum de cent salariées dans certains de ses établissement y rendant applicables les dispositions relatives à l'installation de salles d'allaitement et en jugeant néanmoins que l'absence de mise en place de ces salles ne constituait ni un trouble manifestement illicite ni un dommage imminent, aux motifs inopérants que la fédération des services CFDT, la CFE CGC SNEC, la CGT Fédération du commerce, de la distribution et des services et la FEC CGT FO avaient conclu avec la société IKEA un accord d'entreprise du 20 avril 2017 relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, pour une période du 20 avril 2017 au 19 avril 2020, mettant en place dans chaque établissement un local permettant aux salariées de titrer leur lait une heure par jour, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1225-32 et R. 1227-6 du code du travail ;
3°) ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel délaissées (cf. p. 14 à 23, productions), les syndicats exposants faisaient valoir que la mise en place d'un local tire-lait ne pouvait avoir pour effet d'exonérer l'employeur de son obligation de mettre en place la salle d'allaitement prévue par l'article L. 1223-32 du code du travail, que la salle tire-lait était une simple salle où la mère tirait son lait pour le conserver et le donner au terme de sa période de travail, une fois revenue à son domicile, au biberon à son enfant et qu'elle ne permettait donc pas d'allaiter son enfant directement dans une salle dédiée à cet effet et permettant à la mère de nourrir son enfant à proximité de son lieu de travail en fonction de ses besoins, que la salle d'allaitement supposait que les enfants soient accueillis par du personnel qualifié en nombre suffisant au sein de l'entreprise pour permette à leur mère de venir donner le sein, que plusieurs salariées s'étaient plaintes de n'avoir pu tirer leur lait dans des conditions décentes et de ne pas avoir pu le conserver en vue de nourrir leurs enfants, que la société Ikea avait refusé de mettre en place un réfrigérateur pour conserver le lait, que le local de tire-lait était simplement utile aux femmes qui ne souhaitaient pas allaiter au sein de l'entreprise et que sa mise en place n'était nullement exclusive de celle de la salle d'allaitement, que l'absence de mise en oeuvre de la salle d'allaitement obligeait les femmes concernées à choisir entre maintenir l'allaitement ou reprendre leur emploi, que la salle d'allaitement s'adressait aux femmes souhaitant allaiter leur enfant directement au sein de l'établissement ou à proximité afin justement de ne pas tirer leur lait pour le donner au biberon, que la salle de tire-lait ne venait d'être mise en place que dans 7 magasins uniquement et que si la société IKEA prévoyait l'implantation de tels locaux d'ici à 2020, elle devrait déjà disposer dans au moins 32 de ses 35 établissements des locaux d'allaitement prévus par la réglementation ; qu'en déboutant les exposants de leurs demandes, sans avoir répondu à ces chefs pertinents de leurs conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en déboutant les syndicats exposant de leurs demandes, sans se prononcer sur le courrier de démission de Mme Q... du 27 juillet 2018 (cf. pièce n°15, productions) dans lequel elle précisait : « « Je vous rappelle que je n'avais pas pu allaiter comme je le souhaitais mon premier enfant, faute par IKEA de mettre en place les commodités pour me permettre de poursuivre l'allaitement sur mon lieu de travail. À cette époque, le service des ressources humaines avait refusé que je puisse même tirer mon lait pour le conserver, malgré ma proposition de mettre en place un réfrigérateur. La seule solution qui avait été évoquée par l'entreprise était que j'arrête l'allaitement ou que je demande un congé parental. Il n'était pas question de pouvoir davantage allaiter sur place. (..). Pour ne pas devoir revivre cette situation, j'ai donc été amenée à prendre un congé parental pour me permettre de poursuivre l'allaitement, l'économie réalisée sur le coût de garde rendant cet effort supportable au détriment de ma carrière professionnelle. (...) J'adresse une copie de ma lettre aux représentants du personnel pour qu'ils puissent se saisir de cette situation afin qu'elle ne puisse se reproduire avec d'autres salariées » et qui démontrait que la salariée n'avait pu allaiter son enfant alors que l'employeur était tenu, en application de l'article L. 1225-32 du code du travail, de mettre en place des salles d'allaitement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE constitue un trouble manifestement illicite ainsi qu'un dommage imminent, le fait, pour un employeur tenu en application de l'article L. 1225-32 du code du travail d'installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l'allaitement lorsqu'il emploie plus de cent salariées, de méconnaître cette obligation malgré les demandes réitérées des représentants du personnel ; qu'en constatant que la société IKEA ne contestait pas avoir atteint l'effectif minimum de cent salariées dans certains de ses établissement y rendant applicables les dispositions relatives à l'installation de salles d'allaitement et en jugeant néanmoins que l'absence de mise en place de ces salles ne constituait ni un trouble manifestement illicite ni un dommage imminent, aux motifs inopérants que les syndicats parties à l'accord du 20 avril 2017 mettant en place des locaux tire-lait dans l'ensemble des établissements avant avril 2020 auraient, en signant cet accord, acté du caractère satisfactoire, sur la période visée, des engagements pris par l'entreprise, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1225-32 et R. 1227-6 du code du travail ;
6°) ALORS QUE constitue un trouble manifestement illicite et/ou un dommage imminent, le fait, pour un employeur tenu en application de l'article L. 1225-32 du code du travail d'installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l'allaitement lorsqu'il emploie plus de cent salariées, de méconnaitre cette obligation malgré les demandes réitérées des représentants du personnel ; qu'en constatant que la société IKEA ne contestait pas avoir atteint l'effectif minimum de salariées dans certains de ses établissement y rendant applicables les dispositions relatives à l'installation de salles d'allaitement et en jugeant néanmoins que l'absence de mise en place de ces salles ne constituait ni un trouble manifestement illicite ni un dommage imminent, aux motifs inopérants que la Direccte et le ministère des droits de la femme successivement saisis, par lettres du 15 mars 2013 de la question de l'absence de salles d'allaitement au sein de l'entreprise IKEA France et demandant notamment à la Direccte de « procéder à la mise en demeure prévue par l'article R. 4721-5 du code du travail afin qu'elle (la société IKEA) se mette en conformité avec le texte précité dans les meilleurs délais pour son établissement de Franconville » n'avaient pas donné suite à ces courriers à la date à laquelle le premier juge avait statué tout comme à celle du présent arrêt, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1225-32 et R. 1227-6 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé et rejeté la demande tendant à la condamnation de la société IKEA à verser au syndicat CGT Force Ouvrière des employés et cadres du commerce du val d'Oise et à la fédération des employés et cadres du commerce de la CGT Force Ouvrière la somme de 20.000 euros pour chacun des 29 établissements dont l'effectif excède le seuil de 100 salariées, à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession du fait de l'absence de mise en place du local d'allaitement pour la période antérieur à l'assignation, soit 580.000 euros ;
AUX MOTIFS QUE pour les motifs sus retenus et en conséquence de la contestation sérieuse en découlant, au sens de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile quant à l'existence d'un préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession du fait de l'absence de mise en place du local d'allaitement pour la période antérieure à l'assignation, il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision à valoir sur la réparation dudit préjudice, soit 580 000 euros ;
ALORS QUE la cassation à intervenir sur l'une ou l'autre des branches du premier moyen de cassation emportera par voie de conséquence et en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif ayant confirmé l'ordonnance du 14 août 2018 du tribunal de grande instance de Versailles en ce qu'elle avait dit n'y avoir lieu à référé et rejeté la demande tendant à la condamnation de la société IKEA à verser au syndicat CGT Force Ouvrière des employés et cadres du commerce du val d'Oise et à la fédération des employés et cadres du commerce de la CGT Force Ouvrière la somme de 20.000 euros pour chacun des 29 établissements dont l'effectif excède le seuil de 100 salariées, à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession du fait de l'absence de mise en place du local d'allaitement pour la période antérieur à l'assignation, soit 580.000 euros.