LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 novembre 2020
Cassation partielle
sans renvoi
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1252 F-D
Pourvoi n° R 19-15.385
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 NOVEMBRE 2020
La société Financière Antilles Guyane, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 19-15.385 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme R... K..., domiciliée [...] ,
2°/ à Mme X... S..., domiciliée [...] ,
3°/ à M. Q... S..., domicilié [...] ,
4°/ à M. F... S..., domicilié [...] ,
5°/ à la société Le Rotabas, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Financière Antilles Guyane, de la SCP Ghestin, avocat de Mmes K... et S... et MM. Q... et F... S... et de la société Le Rotabas, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 octobre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 26 novembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 20 avril 2017, pourvoi n° 16-12.605), la société Le Rotabas, Mme K..., Mme S... et MM. Q... et F... S..., cautions solidaires d'un prêt consenti à la société Le Rotabas par la société Financière Antilles Guyane, la SOFIAG (la banque), ont fait assigner, par acte du 4 juillet 2013, fait assigner cette dernière devant un juge de l'exécution en annulation du commandement de payer à fin de saisie-vente, qu'elle leur avait fait délivrer, et en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de la condamner à payer à la société Le Rotabas et à ses cautions la somme de 1 000 euros en réparation de la procédure abusive, alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motif ; qu'en condamnant la SOFIAG à payer une indemnité au titre d'une procédure abusive après avoir exclu dans ses motifs le caractère abusif de la procédure engagée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
4. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les
motifs équivaut à un défaut de motifs.
5. Pour condamner la banque au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la procédure abusive, l'arrêt retient que les cautions ne démontrent pas le caractère malveillant de la procédure engagée par la banque, qui excéderait le droit de chacun de faire valoir ses droits en justice.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux
exigences du texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux paragraphes 4 et 5, qu'au vu des productions, il y a lieu de constater que les cautions ne démontrent pas le caractère malveillant de la procédure engagée par la banque, qui excéderait le droit de chacun de faire valoir ses droits en justice. Il convient en conséquence de débouter la société Le Rotabas, Mme K..., Mme S..., MM. Q... et F... S... de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne la société Financière Antilles Guyane à payer à la société Le Rotabas, Mme K..., Mme S..., MM. Q... et F... S... la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la procédure abusive subie, l'arrêt rendu le 26 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Statuant à nouveau,
Déboute la société Le Rotabas, Mme K..., Mme S..., MM. Q... et F... S... de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Condamne la société Le Rotabas, Mme K..., Mme S..., MM. Q... et F... S... aux dépens de l'instance devant la Cour de cassation et condamne la société Financière Antilles Guyane aux dépens de l'instance d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes devant la Cour de cassation et condamne la société Financière Antilles Guyane à payer à la société Le Rotabas, à Mme K..., à Mme S..., à M. Q... S... et à M. F... S..., la somme de 1 000 euros, chacun, au titre de l'instance d'appel.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Financière Antilles Guyane
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé l'annulation du commandement de payer aux fins de saisie vente pratiqué le 12 juin 2013 à la demande de la Sofiag et délivré à la société Le Rotabas et ses cautions, Mmes K... R... et S... X..., MM. S... Q... et F..., dit que le commandement de payer ne pourra recevoir effet et d'avoir condamné la Sofiag à payer à la société Le Rotabas et à ses cautions, la somme de 1000 euros en réparation de la procédure abusive subie ;
AUX MOTIFS QUE sur la validité contestée de la mesure d'exécution forcée, la société Sofiag a fait signifier les 11, 18 et 24 juin 2013, à la SARL Le Rotabas et à ses cautions, un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour parvenir au recouvrement forcé de la somme de 623 447,86 euros, en vertu d'un acte notarié du 29 juin 1982 constatant un prêt professionnel à long terme d'un montant initial de 1 892 000 F (288 433,54€) accordé pour le financement de travaux d'extension d'une activité hôtelière de tourisme.
Sur la prescription de la créance visée dans commandement de payer, la prescription applicable se détermine par référence à la nature de l'obligation sur laquelle l'action est fondée ; Que l'action de la Sofiag, en remboursement d'un prêt professionnel souscrit par la société commerciale, SARL Le Rotabas pour les besoins de son activité commerciale d'exploitation d'un ensemble hôtelier et restaurant, est soumise la prescription commerciale de l'article L. 110-4 du Code de commerce d'un délai de dix ans résultant de sa version antérieure à la loi du 17 juin 2008 ; Que comme l'a relevé le premier juge, la prescription de l'action de la Sofiag a été interrompue jusqu'en avril 2002, date du dernier versement opéré par l'emprunteur au titre du remboursement du prêt ; Qu'un nouveau délai de prescription de dix ans a commencé à courir pour expirer en avril 2012 ; Attendu en application de l'article 2241 du code civil, que seule une demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ; Que toutefois la demande en justice nécessaire à interrompre la prescription doit répondre à la double condition, d'émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et être dirigée contre celui-là même qui est en train de prescrire ; Que la demande en référé introduite le 15 novembre 2004 par la société Le Rotabas tendant à la désignation d'un expert chargé, de déterminer les sommes dont elle restait éventuellement redevable à l'égard de la Sofiag au titre de quatre prêts souscrits auprès d'elle, dont le prêt constaté par l'acte authentique du 29 juin 1982, n'est pas interruptive de prescription dès lors qu'elle n'émane pas de la Sofiag ayant qualité pour exercer l'action en remboursement du prêt menacée par la prescription ; Que si les conclusions reconventionnelles déposées par la Sofiag dans le cadre de la procédure orale en référé, peuvent valoir demandes en justice interruptives de prescription, encore eût-il été nécessaire pour produire l'effet escompté, que celles-ci soient de nature à individualiser les créances dont elle entendait interrompre la prescription, autrement qu'en sollicitant du juge des référés de constater que « sa créance » ne faisait l'objet d'aucune contestation sérieuse et de lui allouer le bénéfice d'une provision de 325 559 euros sur le montant définitif de « sa créance ». Attendu en conséquence, qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté qu'aucun acte interruptif de prescription de la créance constaté par l'acte authentique du 29 avril 1982 n'était intervenu antérieurement au 29 avril 2012 et que le commandement de payer aux fins de saisie-vente fondé sur une créance prescrite était nul.
1°- ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, la société Le Rotabas et les cautions ne soutenaient pas que les conclusions reconventionnelles du 2 mai 2005 n'individualiseraient pas la créance au titre de laquelle le paiement d'une provision était demandée ; qu'en soulevant ce moyen d'office sans inviter les parties à s'en expliquer, la Cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°- ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que dans ses conclusions du 2 mai 2005, la Sofiag précisait expressément (p. 4 et 5) qu'elle avait consenti à la société Le Rotabas un prêt n° 0316801 de 1.892.000 euros par acte authentique du 29 juin 1982 et que la société Rotabas « reste toujours redevable de la somme de 325.359,88 euros pour le prêt n° [...] » ; qu'elle demandait en conséquence dans le dispositif de ces conclusions, le paiement d'une somme de 325.559,88 euros à titre de provision sur le montant définitif de sa créance, laquelle était ainsi clairement individualisée comme étant la créance issue du prêt n° [...] consenti par acte notarié du 29 juin 1982 ; qu'en énonçant que la Sofiag n'aurait pas individualisé dans ces conclusions, la créance dont elle entendait interrompre la prescription, la Cour d'appel les a dénaturées en violation du principe susvisé ;
3°- ALORS QUE les conclusions du 2 mai 2005 par lesquelles la Sofiag demandait la condamnation de la société Rotabas à lui payer une provision de 325.559,88 euros sur le montant définitif de sa créance résultant du contrat de prêt notarié n° 0316801 du 29 juin 1982 constituaient une demande en justice de nature à interrompre avant le 29 avril 2012, la prescription de la créance constatée par l'acte authentique du 29 avril 1982 ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en toute ses dispositions et partant d'avoir condamné la Sofiag à payer à la société Le Rorabas et ses cautions, la somme de 1000 euros en réparation de la procédure abusive subie ;
AUX MOTIFS QUE la société Le Rotabas et les consorts K...-S... sollicitent l'octroi de dommages-intérêts pour procédure abusive sans démontrer le caractère malveillant de la procédure engagée par la Sofiag, qui excéderait le droit de chacun de faire valoir ses droit en justice ;
ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motif ; qu'en condamnant la Sofiag à payer une indemnité au titre d'une procédure abusive après avoir exclu dans ses motifs le caractère abusif de la procédure engagée, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Le greffier de chambre