LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 novembre 2020
Annulation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1234 F-D
Pourvoi n° V 19-14.308
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 NOVEMBRE 2020
La société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-14.308 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2019 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à M. W... X..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société [...], de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. X..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 octobre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 janvier 2019), la société [...] a interjeté appel le 11 mai 2018 d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à M. X....
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
2. La société [...] fait grief à l'arrêt d'être rendu par des magistrats délibérant en nombre pair et de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle constaté la caducité de la déclaration d'appel, alors « que les arrêts des cours d'appel sont rendus, à peine de nullité, par des magistrats délibérant en nombre impair ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué (p.1) que la cour d'appel était composée, lors des débats, en application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, par Mme P..., président de chambre chargé d'instruire l'affaire, et que ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de Mme P..., président de chambre, et de Mme R..., conseiller, qui en ont délibéré ; qu'en délibérant à seulement deux magistrats alors que, sauf disposition particulière, les juges statuent en nombre impair et que la formation de jugement de la cour d'appel se compose d'un président et de plusieurs conseillers, la cour d'appel a violé les articles L.121-2 et L.312-2 du code de l'organisation judiciaire. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire :
3. Aux termes du texte susvisé, sauf disposition particulière, les juges statuent en nombre impair.
4. L'arrêt attaqué mentionne que pour délibérer, la cour d'appel était composée de Mme P..., président de chambre, et de Mme R..., conseiller.
5. Par cette inobservation de l'imparité révélée postérieurement aux débats, l'arrêt encourt la nullité.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société [...]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRÊT ATTAQUE, rendu par des magistrats délibérant en nombre pair, d'avoir confirmé l'ordonnance déférée en ce qu'elle constaté la caducité de la déclaration d'appel de la SARL [...] ;
AUX MOTIFS QUE en application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 janvier 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme P..., Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme P..., Président de chambre
Mme R..., Conseiller
Qui en ont délibéré ;
ALORS QUE les arrêts des cours d'appel sont rendus, à peine de nullité, par des magistrats délibérant en nombre impair ; Qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué (p.1) que la cour d'appel était composée, lors des débats, en application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, par Madame P..., président de chambre chargé d'instruire l'affaire, et que ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de Madame P..., président de chambre, et de Madame R..., conseiller, qui en ont délibéré ;
Qu'en délibérant à seulement deux magistrats alors que, sauf disposition particulière, les juges statuent en nombre impair et que la formation de jugement de la cour d'appel se compose d'un président et de plusieurs conseillers, la cour d'appel a violé les articles L.121-2 et L.312-2 du code de l'organisation judiciaire.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE d'avoir confirmé l'ordonnance déférée en ce qu'elle a constaté la caducité de la déclaration d'appel de la SARL [...] ;
AUX MOTIFS QUE :
« L'ordonnance déférée a pertinemment énoncé les textes régissant la matière puis constaté que l'appelante et demanderesse au déféré n'avait pas électroniquement transmis ses conclusions d'appel, ce qui lui faisait encourir la caducité de son appel, en sorte que la cour adopte cette motivation ;
Qu'au contraire de ce que soutient la demanderesse, la circonstance qu'elle avait transmis électroniquement les conclusions dans le dossier de référé sursis à exécution de l'exécution provisoire, qui n'est pas le dossier se rapportant à l'appel présentement formé, ne pallie pas sa carence ;
Qu'il n'y a là aucun formalisme excessif limitant l'accès au juge et, quand bien même les écritures transmises dans un autre dossier n°18/68, qui n'est pas celui se rapportant à l'appel, lui 18/2089, portaient la mention « conclusions d'appel fond », il n'y incombait pas à la cour de les rattacher à une autre procédure que celle visée par l'appelante au titre de laquelle elles ont été reçues sans émission d'un avis de refus ou de rejet ;
(
) Que ces constatations suffisent à commander la confirmation de l'ordonnance querellée. » ;
ALORS QUE les dispositions de l'article 908 du code de procédure civile doivent être interprétées à la lumière de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Qu'elles ne doivent pas empêcher, par un formalisme excessif, un justiciable de se prévaloir d'une voie de recours disponible en refusant que la cour d'appel puisse suppléer, en rattachant les conclusions au fond déposées et signifiées par l'appelant dans les formes prescrites à la bonne procédure en corrigeant l'erreur de plume commise par l'appelant lors de la transmission de ses conclusions d'appel par voie électronique, que le système automatisé n'a pu déceler dans la mesure où le numéro RG erroné n'en était pas moins relatif à une procédure également pendante ; Qu'en jugeant qu'il n'y avait aucun formalisme excessif limitant l'accès au juge car il ne lui incombait pas de rattacher les conclusions au fond déposées par erreur dans un autre dossier à une autre procédure que celle visée par l'appelante au titre de laquelle elles ont été reçues sans émission d'un avis de refus ou de rejet, la cour d'appel a violé l'article 908 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.