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19/11/2020 | FRANCE | N°19-10408

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 novembre 2020, 19-10408


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 novembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 878 F-D

Pourvoi n° F 19-10.408

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 NOVEMBRE 2020

M. W... F..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° F 19-10.40

8 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2018 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant à M. C... F..., domicilié [...] ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 novembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 878 F-D

Pourvoi n° F 19-10.408

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 NOVEMBRE 2020

M. W... F..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° F 19-10.408 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2018 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant à M. C... F..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. W... F..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. C... F..., et après débats en l'audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 4 octobre 2018), rendu en référé sur renvoi après cassation (3ème Civ., 5 octobre 2017, pourvoi n°16-16.467), par acte du 14 octobre 1977, L... et V... F... ont donné solidairement à bail à leurs fils, W... et C..., une propriété agricole comportant des bâtiments et des terres.

2. Un arrêt du 17 juin 2014 ordonnant le partage de la succession des bailleurs a attribué préférentiellement divers immeubles à M. W... F....

3. Par acte du 14 août 2015, M. C... F... a saisi en référé le tribunal paritaire des baux ruraux en réintégration de la jouissance locative des parcelles et hangars devenus propriété de M. W... F....

4. Celui-ci a demandé reconventionnellement l'évacuation des troupeaux et matériels entreposés par son frère.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. M. W... F... fait grief à l'arrêt de lui enjoindre sous astreinte de laisser à son frère la jouissance de parcelles agricoles et d'enlever tout matériel se trouvant dans les hangars, alors :

« 1°/ que si le bailleur est obligé de faire jouir le preneur de la chose louée, le preneur cotitulaire d'un bail qui est bénéficiaire de l'attribution préférentielle de la chose louée n'en devient propriétaire exclusif qu'au jour du partage définitif, de sorte que le bien demeure indivis jusqu'à ce jour ; que jusqu'au jour du partage définitif, le copreneur bénéficiaire de l'attribution préférentielle conserve donc son droit au bail ; qu'en jugeant que l'attribution préférentielle décidée par la cour d'appel de Grenoble dans son arrêt du 17 juin 2014 dont bénéficie M. W... F... sur les terres qu'il exploite a éteint son droit au bail sur ces parcelles, tandis que le droit au bail de son frère C... aurait persisté, de sorte que ce dernier en aurait la disposition privative et exclusive, et par conséquent qu'aucune contestation sérieuse ne s'opposerait à ce qu'il poursuive la revendication d'un droit exclusif d'exploitation sur les biens litigieux, la cour d'appel a violé l'article 834, alinéa 1er, du code civil, ensemble l'article 894, alinéa 2, du code de procédure civile ;

2°/ que, subsidiairement, la confusion éteint la créance et ses accessoires, sous réserve des droits acquis par ou contre des tiers, de sorte qu'elle n'éteint pas d'une manière absolue le droit qu'elle concerne et laisse au titulaire de celui-ci la faculté de l'opposer encore aux tiers qui voudraient porter atteinte à des droits par lui définitivement acquis ; qu'ainsi, le preneur d'un bail rural devenu propriétaire des terres qui en font l'objet, doit pouvoir opposer son droit au maintien dans les lieux et à l'exploitation de ces terres en cas de conflit avec son copreneur ; qu'en jugeant à l'inverse, que M. C... F... a la disposition privative et exclusive du bail rural litigieux, et par conséquent, qu'aucune contestation sérieuse ne s'oppose à ce qu'il poursuive le revendication d'un droit exclusif d'exploitation sur les terres qui en font l'objet, quand en réalité, M. W... F... pouvait parfaitement lui opposer son maintien dans les lieux et l'exploitation concurrente de ces terres, en sa qualité d'ancien preneur dont les droits acquis ne se sont pas éteints du fait de la confusion avec sa qualité de propriétaire des terres, la cour d'appel a violé les articles 1300 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et 1719 du même code, ensemble l'article 894, alinéa 2, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, ayant soutenu, dans ses conclusions d'appel, qu'il avait obtenu la pleine propriété des immeubles et que le bail qui les grevait était éteint, de sorte qu'il avait seul vocation à exploiter ceux-ci, M. W... F... n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures.

8. En second lieu, ayant retenu, à bon droit, que l'attribution préférentielle entraînait, d'une part, la disparition du bail du chef de son bénéficiaire devenu propriétaire des biens, d'autre part, en l'absence de résiliation, la poursuite de ce bail par le copreneur restant, la cour d'appel a pu en déduire qu'aucune contestation sérieuse ne s'opposait à la mesure de réintégration sollicitée par M. C... F..., exploitant en titre.

9. Le moyen, irrecevable pour partie, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. W... F... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. W... F... et le condamne à payer à M. C... F... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. W... F...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance rendue le 24 septembre 2015 par le président du tribunal paritaire des baux ruraux de Valence et d'avoir enjoint à M. W... F... de laisser à son frère M. C... F... la jouissance paisible des parcelles agricoles bâties et non bâties cadastrées section [...] et [...], lieudit [...] et section [...] et [...] lieudit [...], commune de [...] (26), section [...] , [...] et [...] lieudit [...] et [...] lieudit [...], commune de [...] (26) et section [...] lieudit [...] et [...] , [...] et [...], lieudit [...], commune de [...] (26), et notamment d'enlever tout matériel se trouvant dans les hangars donnés à bail, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant cinq mois à l'issue d'un délai de trois mois suivant sa signification ;

Aux motifs que, « il résulte des éléments de la cause que suite aux décès de son père survenu le [...] et de sa mère le [...], monsieur W... F..., s'est vu attribuer à titre préférentiel, parmi les terres agricoles objet du bail rural consenti par leurs parents à W... et C... F... suivant acte notarié du 14 octobre 1977, les parcelles cadastrées :

- section [...] et [...], lieudit [...] et section [...] et [...] lieudit [...], commune de [...] (26),
- section [...], [...] et [...] lieudit [...] et n° [...] lieudit [...], commune de [...] (26),
- section [...] lieudit [...] et [...], [...] et [...], lieudit [...], commune de [...] (26).

W... et C... F... étaient preneurs solidaires dans le cadre du bail rural du 14 octobre 1977, mais en application des dispositions de l'article 1300 du code civil disposant que lorsque les qualités de créancier et de débiteur se réunissent dans la même personne, il se fait une confusion de droit qui éteint les deux créances, l'attribution préférentielle, dont a bénéficié monsieur W... F... par arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 17 juin 2014, a éteint son droit au bail sur les parcelles dont il est ainsi devenu propriétaire, tandis que le droit au bail de son frère C... a persisté.

Ainsi, par l'effet de l'attribution préférentielle, monsieur W... F... est devenu le propriétaire et le bailleur des parcelles sus énumérées objet du bail à ferme de 1977 et monsieur C... F..., le seul preneur, or le bail rural dont continue à bénéficier ce dernier n'a pas été résilié et ce, quelque soit la situation de fait résultant de la mésentente entre les deux frères, l'exploitation exclusive par monsieur W... F... qui en est découlé par le non-paiement du fermage par monsieur C... F... qui ne prenait plus part à l'exploitation.

Le tribunal paritaire des baux ruraux saisi au fond a, d'ailleurs, ainsi que cela était inéluctable, dit, par jugement du 15 mai 2017, que monsieur C... F... est titulaire d'un bail rural sur les parcelles appartenant à son frère monsieur W... F... cadastrées section [...] et [...], lieudit [...] et section [...] et [...] lieudit [...] et [...] lieudit [...], commune de [...] (26), section [...] lieudit [...] et [...] , [...] et [...], lieudit [...], commune de [...] (26).

Or le droit au bail à fermage, sauf clause contraire du contrat non invoquée en l'espèce et ne ressortant pas du contrat produit, confère au preneur la disposition privative et exclusive des biens donnés à bail.

Aucune contestation sérieuse ne s'oppose donc à ce que monsieur C... F... poursuive la revendication de son droit exclusif d'exploitation des terres et bâtiments que son frère W... F... lui donne à bail » ;

Alors, d'une part, que si le bailleur est obligé de faire jouir le preneur de la chose louée, le preneur cotitulaire d'un bail qui est bénéficiaire de l'attribution préférentielle de la chose louée n'en devient propriétaire exclusif qu'au jour du partage définitif, de sorte que le bien demeure indivis jusqu'à ce jour ; que jusqu'au jour du partage définitif, le copreneur bénéficiaire de l'attribution préférentielle conserve donc son droit au bail ; qu'en jugeant que l'attribution préférentielle décidée par la cour d'appel de Grenoble dans son arrêt du 17 juin 2014 dont bénéficie M. W... F... sur les terres qu'il exploite a éteint son droit au bail sur ces parcelles, tandis que le droit au bail de son frère C... aurait persisté, de sorte que ce dernier en aurait la disposition privative et exclusive, et par conséquent qu'aucune contestation sérieuse ne s'opposerait à ce qu'il poursuive la revendication d'un droit exclusif d'exploitation sur les biens litigieux, la cour d'appel a violé l'article 834, alinéa 1er, du code civil, ensemble l'article 894, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, que subsidiairement, la confusion éteint la créance et ses accessoires, sous réserve des droits acquis par ou contre des tiers, de sorte qu'elle n'éteint pas d'une manière absolue le droit qu'elle concerne et laisse au titulaire de celui-ci la faculté de l'opposer encore aux tiers qui voudraient porter atteinte à des droits par lui définitivement acquis ; qu'ainsi, le preneur d'un bail rural devenu propriétaire des terres qui en font l'objet, doit pouvoir opposer son droit au maintien dans les lieux et à l'exploitation de ces terres en cas de conflit avec son copreneur ; qu'en jugeant à l'inverse, que M. C... F... a la disposition privative et exclusive du bail rural litigieux, et par conséquent, qu'aucune contestation sérieuse ne s'oppose à ce qu'il poursuive le revendication d'un droit exclusif d'exploitation sur les terres qui en font l'objet, quand en réalité, M. W... F... pouvait parfaitement lui opposer son maintien dans les lieux et l'exploitation concurrente de ces terres, en sa qualité d'ancien preneur dont les droits acquis ne se sont pas éteints du fait de la confusion avec sa qualité de propriétaire des terres, la cour d'appel a violé les articles 1300 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et 1719 du même code, ensemble l'article 894, alinéa 2, du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-10408
Date de la décision : 19/11/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 04 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 nov. 2020, pourvoi n°19-10408


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.10408
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