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18/11/2020 | FRANCE | N°19-16132

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 novembre 2020, 19-16132


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 novembre 2020

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 694 F-D

Pourvoi n° C 19-16.132

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme B... T....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 22 octobre 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUP

LE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 NOVEMBRE 2020

Mme M... T..., épouse C..., ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 novembre 2020

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 694 F-D

Pourvoi n° C 19-16.132

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme B... T....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 22 octobre 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 NOVEMBRE 2020

Mme M... T..., épouse C..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° C 19-16.132 contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2019 par la cour d'appel de Reims (1re chambre civile, section II), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme B... T..., épouse C..., domiciliée [...] ,

2°/ à Mme V... T..., domiciliée [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme M... T..., de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme B... T..., après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 11 janvier 2019), W... F... et son époux, A... T..., sont respectivement décédés les [...] et [...], laissant pour leur succéder leurs trois enfants, V..., B... et M....

2. Mme B... T... a assigné ses deux soeurs en partage et en paiement d'une créance de salaire différé.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. Mme M... T... fait grief à l'arrêt de dire que Mme B... T... est créancière de la succession de son père, au titre de salaires différés, pour une période allant du 1er mars 1969 au 21 septembre 1973, alors « que celui qui sollicite le bénéfice d'une créance de salaire différé doit justifier qu'il n'a reçu aucune contrepartie pour sa collaboration à l'exploitation ; que, pour dire que Mme B... T... aurait été créancière de la succession de son père, au titre de salaires différés, pour une période allant du 1er mars 1969 au 21 septembre 1973, la cour d'appel se borne à relever l'existence d'une participation de sa part à l'exploitation agricole familiale ; qu'en statuant ainsi, sans constater l'absence de rémunération de Mme B... T..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-13 du code rural. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Mme B... T... conteste la recevabilité du moyen comme étant nouveau, mélangé de fait et de droit. Elle soutient que Mme M... T..., qui se bornait, devant la cour d'appel, à contester la réalité de son travail effectué au sein de l'exploitation agricole de son père, n'a pas fait valoir, à titre subsidiaire, qu'à supposer que sa soeur ait bien oeuvré en tant qu'aide familiale, elle aurait reçu une contrepartie à ce titre.

6. Cependant, s'agissant d'une condition d'application de l'article L. 321-13 du code rural et de la pêche maritime, les juges du fond étaient tenus de rechercher si Mme B... T... n'avait pas reçu de rémunération pendant la période durant laquelle elle avait collaboré à l'exploitation agricole de son père. Il s'en déduit que le moyen tiré de l'absence de recherche de cet élément de fait peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 321-13 du code rural et de la pêche maritime :

8. Selon ce texte, les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers.

9. Pour accueillir la demande de salaire différé de Mme B... T..., l'arrêt retient que celle-ci a travaillé au sein de l'exploitation agricole de son père comme aide familiale du 1er mars 1969 au 21 septembre 1973.

10. En se déterminant ainsi, sans constater, comme il le lui incombait, l‘absence corrélative de rémunération de celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que Mme B... T... est créancière de la succession de son père au titre de salaires différés, pour une période allant du 1er mars 1969 au 21 septembre 1973, l'arrêt rendu le 11 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims autrement composée ;

Condamne Mme B... T... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour Mme M... T...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable comme prescrite la demande formée par Madame M... T... au titre de sa créance de salaire différé ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « pour déclarer irrecevables comme prescrites les demandes présentées à ce titre, le premier juge a retenu que la prescription de l'action en reconnaissance du bénéfice d'un contrat de travail différé courait à compter de l'ouverture de la succession, que le règlement de la succession n'interrompait pas la prescription et que le fait que l'une et l'autre de ces créances aient été déclarées dans le cadre de la déclaration fiscale de succession était sans effet s'agissant d'une « simple formalité administrative à caractère fiscal » ; de la sorte, le premier juge a rejeté l'argumentation des demanderesses qui soutenaient que la déclaration de succession signée de Mme B... T... valait reconnaissance de dette et interrompait la prescription. Il a constaté que, celles-ci n'ayant formulé pour la première fois à titre reconventionnel leur demande de créance de salaire différé que par des écritures notifiées le 1er février 2016, ces demandes étaient irrecevables comme prescrites par application de la prescription quinquennale ; Mmes V... et M... T..., appelantes, contestent cette décision au motif que la déclaration de succession « comporte des éléments engageant B... (article 1362) et manifeste son consentement aux obligations qui en découlent (article 1367) » ; c'est à juste titre que le premier juge a déclaré les demandes de Mmes V... et M... T... irrecevables comme prescrites dès lors que la signature d'une déclaration de succession par leur soeur, en qualité de coindivisaire, ne vaut pas à elle seule reconnaissance du bien-fondé de la dette de salaire différé, dette qui en toute hypothèse constitue une dette successorale et non pas une dette propre à Mme B... T... ; il n'est produit aucun autre document permettant d'établir une reconnaissance quelconque par Mme T... du bien-fondé de la créance de salaire différé soutenue par ses soeurs ; la cour observe au contraire que la déclaration de succession reprend au passif les trois créances de salaire différé revendiquées par chacune des trois soeurs, que cette déclaration de succession a été enregistrée par les services fiscaux le 6 juillet 2011, qu'elle a été déposée dans un contexte très conflictuel, une lettre du notaire chargé de la succession en date du 28 janvier 2011 adressée à Mme B... T... rappelant les nombreux points litigieux opposant les parties et l'importance du passif résultant des trois demandes de salaire différé représentant ensemble plus de 260.000 euros ; dans ce courrier, le notaire propose d'organiser une réunion entre les parties intéressées en précisant « je n'entends donc nullement assister au même pugilat que lors de l'ouverture de ce dossier » ; les éléments produits montrent en effet que, à l'occasion d'une précédente réunion, une plainte pour des faits de violence avait été déposée par B... T... à l'égard de sa soeur M... à l'occasion d'une réunion chez le notaire le 5 juillet 2010 ; il ne saurait ainsi résulter de la seule signature de la déclaration de succession une reconnaissance quelconque des créances de salaire différé invoquées ; le jugement sera confirmé de ce chef » (arrêt pp. 3 et 4) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « il est établi que la prescription de l'action en demande du bénéfice d'un contrat de travail différé court à compter de l'ouverture de la succession, la circonstance que le règlement de succession soit en cours n'interrompt pas la prescription ; en outre il est à préciser que la preuve d'une obligation ne peut résulter à elle seule d'une déclaration de succession dans la mesure où celle-ci ne constitue qu'une simple formalité administrative à caractère fiscal ; dès lors la signature par Madame B... T... de ladite déclaration comportant au passif de la succession les sommes réclamées par les défenderesses au titre de leurs créances de salaires différées, ne peut être assimilée ni à une reconnaissance de dette, ni à un engagement de payer ; le délai ouvert à Madame V... T... divorcée L... et Madame M... T... épouse C... pour former leur demande expirait donc, conformément aux dispositions légales susmentionnées, le 5 juin 2015 soit antérieurement à la présente demande présentée pour la première fois à titre reconventionnel aux termes de leurs écritures notifiées le 1er février 2016 ; par conséquence, il convient de déclarer la demande formée par Madame V... T... divorcée L... et Madame M... T... épouse C... au titre de leur créance de salaire différé irrecevable car prescrite » (jugement, p. 6) ;

ALORS QUE 1°) la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; que la cour d'appel constate que Madame B... T... a signé, en qualité de coïndivisaire, la déclaration de succession reprenant au passif, notamment, la créance de salaire différé de Madame M... T... (arrêt, p. 3) ; que, pour néanmoins dénier tout effet interruptif à cette déclaration, la cour d'appel a affirmé que ce document constituait une simple formalité administrative à caractère fiscal ; qu'en statuant ainsi, quand la signature par Madame B... T... de cette déclaration reprenant, au passif de la succession, la créance de salaire différé de Madame M... T..., valait reconnaissance explicite du droit de sa soeur et interrompait le délai de prescription, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil ;

ALORS QUE 2°) la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; que, pour dénier tout effet interruptif à la déclaration de succession signée par Madame B... T..., reprenant au passif, notamment, la créance de salaire différé de Madame M... T..., la cour d'appel retient que cette créance est en toute hypothèse une dette successorale, et non une dette propre de Madame B... T... ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que Madame B... T... avait signé cette déclaration « en qualité de coïndivisaire », ce dont il résultait que, les deux autres coïndivisaires ne contestant pas la créance de salaire différé de Madame M... T..., ni la recevabilité de son action en paiement, ce document caractérisait bien une reconnaissance de dette de l'indivision successorale, opposable à Madame B... T... en sa qualité d'indivisaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a ainsi violé l'article 2240 du code civil ;

ALORS QUE 3°) la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; que, pour dénier tout effet interruptif à la déclaration de succession signée par Madame B... T..., reprenant au passif, notamment, la créance de salaire différé de Madame M... T..., la cour d'appel énonce enfin que la signature de cette déclaration ne pouvait valoir reconnaissance de dette, dès lors que la déclaration enregistrée par les services fiscaux le 6 juillet 2001 avait été déposée dans un contexte très conflictuel, et qu'une lettre du notaire chargé de la succession, datée du 28 janvier 2011, rappelait les points litigieux opposant les parties et l'importance du passif résultant de leurs demandes de salaire différé ; qu'en statuant ainsi, quand le caractère conflictuel du règlement de la succession n'était pas de nature à affecter la validité et l'effet interruptif de prescription de la reconnaissance explicite par Madame B... T... de la créance de sa soeur, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil,

ALORS QUE 4°) la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; que, pour dénier tout effet interruptif à la déclaration de succession signée par Madame B... T..., reprenant au passif, notamment, la créance de salaire différé de Madame M... T..., la cour d'appel énonce enfin que la signature de cette déclaration ne pouvait valoir reconnaissance de dette, dès lors que la déclaration enregistrée par les services fiscaux le 6 juillet 2001 avait été déposée dans un contexte très conflictuel, et qu'une lettre du notaire chargé de la succession, datée du 28 janvier 2011, rappelait les points litigieux opposant les parties et l'importance du passif résultant de leurs demandes de salaire différé ; qu'en statuant ainsi, quand cette lettre du notaire antérieure de plusieurs mois à la signature, par Madame B... T..., de la déclaration de succession mentionnant la créance de salaire différé de Madame M... T..., n'était pas de nature à affecter la validité et l'effet interruptif de prescription de la reconnaissance explicite par Madame B... T... de la créance de sa soeur, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Madame B... T... était créancière de la succession de son père, au titre de salaires différés, pour une période allant du 1er mars 1969 au 21 septembre 1973 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « le premier juge a retenu l'existence de cette créance pour la période du 1er mars 1969 au 21 septembre 1973. Mme T... demandait la reconnaissance de cette créance jusqu'au 31 août 1982. Le premier juge a indiqué que Mme T... produisait un document manuscrit en date du 27 janvier 2008 établi en présence de deux témoins par lequel M. A... T... certifie que sa fille B... avait travaillé sur l'exploitation agricole dès l'âge de 16 ans de 1965 à août 1982 et produisait également deux déclarations sur l'honneur destinée à la MSA contresignées par deux témoins ; il a noté que les défenderesses produisaient quant à elles des attestations notamment de l'un des témoins aux déclarations MSA déclarant n'avoir jamais signé le document du 27 janvier 2008 ni celui du 21 juin 2010. Un autre témoin ayant contresigné la déclaration auprès de la MSA indique que le document visait la période de 1967 à 1972 et non pas 1967 à 1982 et le premier juge a noté que l'une des deux déclarations sur l'honneur adressées à la MSA faisait apparaître que le chiffre 8 avait été substitué au chiffre 7 ; deux autres attestations contredisaient par ailleurs les attestations produites par Mme B... T... ; en définitive, le premier juge pour faire droit à sa demande s'est fondé sur le relevé de compte et la reconstitution de carrière établis par la MSA faisant apparaître qu'elle avait travaillé dans 1'exp1oitation agricole de son père en tant qu'aide familiale du 1er mars 1969 au 21 septembre 1973 ; les appelantes font valoir que le seul relevé de la MSA ne saurait faire la preuve du travail sur l'exploitation alors que les attestations qu'ils produisent sont en sens contraire ; les indications du relevé MSA sont corroborées en l'espèce, par d'autres éléments dès lors qu'il est produit l'original d'un document écrit et signé de la main de M. A... T... en date du 27 janvier 2008 indiquant explicitement déclarer sur l'honneur que sa fille B... avait travaillé sur l'exploitation agricole de l'âge de 14 ans de 1965 à août 1982 ; les intimées indiquent dans leurs conclusions qu'elles n'auraient pas reçu communication de l'original de ce document ; toutefois, elles n'ont introduit devant la cour, pas plus que devant le premier juge, aucune procédure incidente de nature à obtenir la communication de l'original du document qui figure au nombre des pièces produites ; l'examen de ce document ne fait apparaître aucun élément de nature à permettre de douter de son authenticité ; il est contresigné par M. Q... U... en tant que premier témoin et par un second témoin, dont le nom n'est pas indiqué et dont la signature est redoublée ; la cour observe à ce titre que, contrairement à ce qu'a noté le premier juge, l'attestation de M. H... P... en date du 26 janvier 2017 indique que celui-ci conteste sa signature des documents « numéro deux, numéro trois et numéro 22 » à savoir, dans la numérotation des pièces de Mme B... T..., les deux attestations d'activité non salariée agricole établies sur formulaire de la MSA et la reproduction photocopiée d'une autre attestation de M. T... en date du 27 janvier 2008 faisant apparaître en tant que premier témoin M. H... P... et en tant que second témoin M. E... U... ; C'est effectivement ce document numéro 22 qui n'a été produit qu'en photocopie et dont la valeur probante ne saurait être valablement retenue dès lors qu'il n'est pas expliqué dans quelles conditions il a été obtenu de l'un et l'autre des témoins qui contestent leur signature ; toutefois, abstraction faite des deux attestations MSA au titre desquelles M. P... conteste ainsi sa signature et compte tenu du fait que, manifestement, l'une de ces attestations fait apparaître une surcharge s'agissant de la période visée soit 1967 à 1972, le 7 de 1972 ayant été remplacé par un 8, il n'en reste pas moins que l'attestation rédigée par M. A... T..., produite en original, n'est pas utilement contestée ; par ailleurs, si M. K... J..., fils de Mme B... T..., indique n'avoir jamais vu sa mère travailler sur l'exploitation de son grand-père, il sera observé qu'il est né le [...] ; cette indication, rapprochée du relevé de carrière MSA qui fait apparaître Mme T... en tant qu'aide familiale du 1er mars 1969 au 21 septembre 1973 ainsi que des autres attestations produites par Mme B... T..., a justement conduit le premier juge à reconnaître le bien-fondé de la créance de salaire différé pour la période du 1er mars 1969, date de sa majorité, au 21 septembre 1973, mettant ainsi en cohérence les différents éléments de preuve produits au caractère parfois contradictoire ; le jugement sera confirmé de ce chef sans qu'il y ait lieu à condamnation à paiement des intimées s'agissant d'une créance sur la succession » (arrêt pp. 4 et 5) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « en l'espèce, Madame B... T... épouse C... sollicite le bénéfice d'une créance de salaire différé pour une période de 1967 à 1982 mais plafonnée conformément à l'article L. 321-13 du code rural à dix années pour avoir travaillé en tant qu'aidant familial sur l'exploitation de son père, Monsieur A... T... ; il est établi que Monsieur A... T..., qui était de son vivant exploitant agricole, est décédé à SEDAN (08) le [...] ; Madame B... T... épouse C... produit l'original d'un document manuscrit en date du 27 janvier 2008 établi en présence de deux témoins, dont Monsieur H... P..., dans lequel Monsieur A... T... certifie que sa fille B... a travaillé sur l'exploitation agricole dès l'âge de 16 ans de 1965 à août 1982 ; elle produit également une déclaration sur l'honneur destinée à la MSA contresignés par deux témoins, Monsieur H... P... et Monsieur E... U... en date du 21 juin 2010 dans lequel il est indiqué que Madame B... T... a exercé une activité en qualité d'aide familiale au sein de l'exploitation de Monsieur A... T... de 1967 à 1982 ; cette déclaration sur l`honneur est corroborée par une attestation de Monsieur I... D... en date du 22 avril 2017 ; Madame B... T... verse en outre aux débats une attestation de Madame G... J..., sa fille, en date du 14 novembre 2016 et une attestation non datée de Madame V... X... indiquant sans précision de périodes que la demanderesse a travaillé au sein de l'exploitation agricole ; au soutien de leurs prétentions, les défenderesses produisent des attestations qui viennent contredire les pièces versées au débat par la demanderesse ; en particulier, elles produisent une attestation de Monsieur H... P... en date du 26 janvier 2017 qui apparait en qualité de témoin ayant contresigné le document manuscrit daté du 27 janvier 2008 et qui déclare ne jamais avoir signé ledit document de même que la déclaration sur l'honneur datée du 21 juin 2010 adressée à la MSA par B... T... épouse C... ; elles produisent en outre une attestation de Monsieur E... U... qui déclare « avoir rempli une attestation de MSA pour Madame B... T... pour une période de 1967 à 1972 » et non de 1967 à 1982 ; il appert en outre que sur l'une des deux déclarations sur l'honneur adressées à la MSA le « 8 » de 1982 est surcharge ; enfin les défenderesses produisent deux attestations de Monsieur K... J... en date des 21 et 29 septembre 2016, le fils de Madame B... T..., qui viennent contredire l'attestation de Madame G... J... datée du 14 novembre 2016 en ce sens qu'il déclare qu'il n'a jamais vu sa mère travaillé au sein de l'exploitation agricole lorsqu'il se rendait chez ses grands-parents à la sortie de l'école primaire ; le caractère contradictoire des éléments ainsi produits par les parties n'est pas susceptible de remettre en cause le relevé de compte et la reconstitution de carrière établis par la MSA quant au fait que Mme B... T... a travaillé au sein de l'exploitation agricole du défunt comme aide familiale, du 1er mars 1969 au 21 septembre 1973 ; en conséquence, Madame B... T... épouse C... remplit les conditions légales pour être reconnue créancière de la succession de son père Monsieur A... T... d'une créance de salaires différés pour la période allant du 1er mars 1969 au 21 septembre 1973, soit une période de 3 ans, 6 mois et 21 jours qui sera calculée selon la formule de l'article L. 321-13 du code rural et de la pêche maritime au jour du partage consécutif au décès de l'exploitant » (jugement, pp. 6 et 7) ;

ALORS QUE celui qui sollicite le bénéfice d'une créance de salaire différé doit justifier qu'il n'a reçu aucune contrepartie pour sa collaboration à l'exploitation ; que, pour dire que Madame B... T... aurait été créancière de la succession de son père, au titre de salaires différés, pour une période allant du 1er mars 1969 au 21 septembre 1973, la cour d'appel se borne à relever l'existence d'une participation de sa part à l'exploitation agricole familiale ; qu'en statuant ainsi, sans constater l'absence de rémunération de Madame B... T..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-13 du code rural.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-16132
Date de la décision : 18/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 11 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 18 nov. 2020, pourvoi n°19-16132


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.16132
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