LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 novembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 809 F-D
Pourvoi n° A 19-21.558
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020
M. M... B..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° A 19-21.558 contre l'arrêt rendu le 25 juin 2019 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. D... V..., domicilié [...] ,
2°/ à la commune d'Artix représentée par son maire, domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. B..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. V... et de de la commune d'Artix, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 25 juin 2019), M. B... est propriétaire d'un tènement immobilier qu'il a divisé en quatre parcelles, cadastrées [...] , [...], [...], [...].
2. Ayant projeté d'édifier deux maisons sur les parcelles [...] et [...], un certificat d'urbanisme négatif lui a été délivré par la commune d'Artix (la commune) en raison de l'absence d'accès de ces parcelles à la voie publique.
3. Soutenant que cet accès ne pouvait s'effectuer que par la parcelle [...] , appartenant à la commune, sur laquelle M. V..., propriétaire du fonds contigu [...] , avait construit illicitement un abri de jardin, M. B... les a assignés en libération de l'accès à cette parcelle et en dommages et intérêts.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
M. B... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/ que le propriétaire d'un fonds a qualité pour former toute demande de nature à rétablir l'accès à sa parcelle, dont il soutient qu'il a été illégalement privé par un tiers ; qu'en l'espèce, M. B... demandait la condamnation de M. V... à libérer la parcelle cadastrée [...] appartenant à la commune d'Artix, sur laquelle l'intéressé avait illégalement édifié un abri de jardin, empêchant de ce fait l'accès de l'exposant à ses parcelles [...] et [...] depuis la [...] ; que M. B... avait qualité pour former cette demande ; que dès lors, en jugeant que l'exposant n'avait pas qualité pour demander la libération de la parcelle [...] par un éventuel occupant sans droit ni titre, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;
2°/ que le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, M. B... faisait valoir qu'il ne disposait en l'état d'aucune issue sur la voie publique pour desservir le lot à bâtir qu'il entendait créer sur ses parcelles [...] et [...], comme l'établissait le certificat d'urbanisme négatif du 29 décembre 2014 délivré par la commune d'Artix ; que dès lors, en jugeant que M. B... ne pouvait se prévaloir d'un droit de passage pour cause d'enclave, aux motifs inopérants que l'enclavement était le résultat de la division de fonds non enclavés par le propriétaire, que l'enclave ne résultait pas d'une vente, échange, partage ou autre convention, mais du fait du propriétaire ayant procédé au partage cadastral et à la division des fonds sans s'assurer des conditions d'accessibilité, et sans rechercher si M. B... n'était pas fondé à se prévaloir d'un droit de passage pour cause d'enclave à raison du lot à bâtir qu'il entendait créer sur les parcelles concernées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du code civil ;
3°/ qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si les bâtiments susceptibles d'être construits sur les parcelles [...] et [...] ne se situeraient pas nécessairement en partie haute du terrain concerné, de sorte qu'il résultait du document de la société Les maisons de Saint-Germain, selon lequel « le profil du terrain ne permet pas d'accéder à la partie haute du terrain » depuis la [...] et la [...], qu'aucun accès au fonds litigieux depuis ces rues situées en contrebas, via les parcelles [...] et [...], n'était possible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du code civil ;
4°/ qu'en se bornant à relever qu'une construction avait été élevée sur la parcelle [...] , pour en déduire que le passage ne pouvait être fixé sur cette parcelle, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance que ladite construction ait été édifiée en toute illégalité par M. V..., ne faisait pas de cette parcelle l'endroit le moins dommageable pour fixer l'assiette de la servitude de passage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 682 et 683 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. En premier lieu, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que M. B... ne justifiait d'aucun titre pour traverser la parcelle [...] et que seule la commune, qui en était propriétaire, avait qualité pour demander la libération de cette parcelle par un occupant sans droit ni titre.
5. Elle en a exactement déduit que la demande de libération de la parcelle [...] était irrecevable.
6. En second lieu, ayant retenu que les parcelles [...] et [...], issues de la division de son fonds par M. B..., disposaient d'un accès à la voie publique et que les documents produits par le constructeur ne prouvaient pas l'impossibilité de créer, au travers de celles-ci, un accès au profit des parcelles [...] et [...], dès lors qu'il était uniquement spécifié que le profil du terrain ne permettait pas d'accéder à la partie haute de celui-ci, la cour d'appel a souverainement déduit, de ces seuls motifs, que l'état d'enclave n'était pas démontré, de sorte que la demande tendant à le voir constater devait être rejetée.
7. La cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. B... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. B... et le condamne à payer à la commune d'Artix et à M. V... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. B...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait rejeté l'intégralité des demandes de M. B... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la demande de libération de la parcelle section [...] , en application des dispositions de l'article 31 du code de procédure civile « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit à agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, pour défendre un intérêt déterminé » ; que l'article 1166 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du février 2016 afférent à l'action oblique est inapplicable en l'espèce, M. B... n'étant pas créancier de la commune d'Artix, l'application de l'article 1166 étant subordonnée à l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible ; que M. B... soutient que la parcelle [...] est un chemin communal d'accès or, il ne rapporte pas la preuve que cette parcelle ait fait l'objet d'une décision de classement en voie communale, ce qui au demeurant, l'aurait intégrée dans le domaine public de la commune ; qu'au surplus, M. B... ne conteste pas que la parcelle [...] fait partie du domaine privé de la commune d'Artix de sorte que celle-ci, en sa qualité de propriétaire, a seule qualité pour demander la libération des lieux par un éventuel occupant sans droit ni titre ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a relevé que M. B... n'est pas recevable en sa demande de libération de l'accès de cette parcelle par M. D... V... ; que sur la demande de constater l'état d'enclave, M. B... a procédé à la division de ses parcelles cadastrées section [...] et [...] d'une superficie totale de 2 696 m2, désormais cadastrées section [...] , [...], [...], [...] ; qu'il n'est pas contesté que les parcelles initiales avaient un accès direct sur la voie publique, précisément la [...], ce qui est toujours le cas des parcelles [...] et [...] ; que le souhait de M. B... est d'établir un accès aux parcelles [...] et [...] par [...] ; que cette division, ne résulte ni d'une vente, ni d'un échange ni de tout autre contrat ; qu'en ces hypothèses, en application des dispositions de l'article 684 du code civil, le passage ne pourrait être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes ; que ce n'est que dans les cas où un passage ne pourrait être établi sur les fonds divisés que l'article 682 serait applicable et le passage devrait être alors pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique, tout en étant fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé ; qu'or il est constant, en l'espèce, qu'une construction a été édifiée sur la parcelle [...] ; que par ailleurs, les seuls documents émanant de la société maison de Saint-Germain ne prouvent pas qu'aucun accès ne puisse être réalisé aux dites parcelles à partir de la [...] ou de la [...], dès lors qu'il est uniquement spécifié que le profil du terrain ne permet pas d'accéder à la partie haute de ceux-ci, de sorte que l'état d'enclave n'est pas démontré ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé de ce chef » ;
ET AUX MOTIFS, à les supposer adoptés, QUE « M. B... sollicite la condamnation de la mairie d'Artix à libérer l'accès de la voie communale en raison de l'édification par M. V... d'un abri de jardin ; qu'au soutien de cette demande, il invoque les dispositions relatives au droit de passage ; qu'or, d'une part, seul le propriétaire d'une parcelle a qualité pour demander la libération des lieux ; que M. B... n'est en aucun cas propriétaire de la parcelle [...] qui fait partie du domaine privé de la commune d'Artix qui en a la libre disposition, de sorte que sa demande n'est pas recevable ; que d'autre part, les dispositions relatives à l'état d'enclave ne peuvent trouver application à l'espèce ; qu'en effet, il résulte des dispositions de l'article 682 du code civil que « le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner » ; que selon l'article 684 du code civil, « si l'enclave résulte de la division d'un fonds, par suite d'une vente, d'un échange ou de toute autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes. Toutefois, dans les cas où un passage ne pourrait être établi sur les fonds divisés, l'article 682 serait applicable » ; qu'il résulte de ces textes, et de la jurisprudence établie en la matière, que les juges disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si un fonds est ou non enclavé ; qu'il est constant, en outre, que le propriétaire qui a lui-même obstrué l'issue donnant l'accès à la voie publique ne peut se prévaloir d'un droit de passage pour cause d'enclave ; qu'or, en l'espèce, il résulte des éléments de la cause que l'enclavement affectant les parcelles [...] et [...] , et pour lesquelles M. B... demande la mise en place d'un droit de passage (?), ne résulte d'aucune vente, échange, partage ou autre convention mais résulte bien du fait du propriétaire qui a procédé lui-même au partage cadastral, à la division des fonds sans s'assurer des conditions d'accessibilité ; qu'en effet, l'enclavement n'est que le résultat de la division de fonds non enclavés ([...] et [...] ) par le propriétaire, les parcelles [...] à [...] constituant un fonds unique, ainsi qu'en atteste le courrier envoyé par le maire le 3 juin 2015 au conseil de M. B... ; qu'en outre et à titre surabondant, selon l'article 683 du code civil, « le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique. Néanmoins, il doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé » ; qu'or, il résulte du plan cadastral que l'utilisation de la parcelle [...] impliquerait la destruction d'une construction existante et que c'est donc le passage le plus dommageable ; que la preuve du caractère dommageable de la mise en place d'un droit de passage sur les parcelles [...] et [...] n'est pas rapportée, aucune pièce pertinente n'étant versée au dossier, les observations du constructeur ne permettant pas d'aboutir à telle conclusion ; qu'en conséquence, l'ensemble des demandes de M. B..., tant à l'encontre de la mairie d'Artix que de M. D... V... seront rejetées » ;
1°) ALORS QUE le propriétaire d'un fonds a qualité pour former toute demande de nature à rétablir l'accès à sa parcelle, dont il soutient qu'il a été illégalement privé par un tiers ; qu'en l'espèce, M. B... demandait la condamnation de M. V... à libérer la parcelle cadastrée [...] appartenant à la commune d'Artix, sur laquelle l'intéressé avait illégalement édifié un abri de jardin, empêchant de ce fait l'accès de l'exposant à ses parcelles [...] et [...] depuis la [...] (conclusions d'appel de l'exposant ; arrêt attaqué, p. 3) ; que M. B... avait qualité pour former cette demande ; que dès lors, en jugeant que l'exposant n'avait pas qualité pour demander la libération de la parcelle [...] par un éventuel occupant sans droit ni titre (arrêt attaqué, p. 4 ; jugement, p. 3), la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;
2°) ALORS, en tout état de cause, QUE le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, M. B... faisait valoir qu'il ne disposait en l'état d'aucune issue sur la voie publique pour desservir le lot à bâtir qu'il entendait créer sur ses parcelles [...] et [...], comme l'établissait le certificat d'urbanisme négatif du 29 décembre 2014 délivré par la commune d'Artix (conclusions d'appel, p. 2, et p. 4 à 6) ; que dès lors, en jugeant que M. B... ne pouvait se prévaloir d'un droit de passage pour cause d'enclave, aux motifs inopérants que l'enclavement était le résultat de la division de fonds non enclavés par le propriétaire, que l'enclave ne résultait pas d'une vente, échange, partage ou autre convention, mais du fait du propriétaire ayant procédé au partage cadastral et à la division des fonds sans s'assurer des conditions d'accessibilité, et sans rechercher si M. B... n'était pas fondé à se prévaloir d'un droit de passage pour cause d'enclave à raison du lot à bâtir qu'il entendait créer sur les parcelles concernées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du code civil ;
3°) ALORS, de troisième part, QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée (conclusions d'appel, p. 4), si les bâtiments susceptibles d'être construits sur les parcelles [...] et [...] ne se situeraient pas nécessairement en partie haute du terrain concerné, de sorte qu'il résultait du document de la société Les maisons de Saint-Germain, selon lequel « le profil du terrain ne permet pas d'accéder à la partie haute du terrain » depuis la [...] et la [...] (production n° 5), qu'aucun accès au fonds litigieux depuis ces rues situées en contrebas, via les parcelles [...] et [...], n'était possible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du code civil ;
4°) ET ALORS, de quatrième part, QU'en se bornant à relever qu'une construction avait été élevée sur la parcelle [...] , pour en déduire que le passage ne pouvait être fixé sur cette parcelle (arrêt attaqué, p. 4 dernier § ; jugement entrepris, p. 4), sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance que ladite construction ait été édifié en toute illégalité par M. V..., ne faisait pas de cette parcelle l'endroit le moins dommageable pour fixer l'assiette de la servitude de passage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 682 et 683 du code civil.