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12/11/2020 | FRANCE | N°19-21495

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 novembre 2020, 19-21495


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 novembre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1224 F-P+B+I

Pourvoi n° H 19-21.495

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. T....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 juin 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020

M. E... T..., domicilié [...] , a formé le p...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 novembre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1224 F-P+B+I

Pourvoi n° H 19-21.495

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. T....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 juin 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020

M. E... T..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° H 19-21.495 contre le jugement rendu le 21 novembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Toulouse, dans le litige l'opposant à la caisse d'allocations familiales des Pyrénées-Atlantiques, dont le siège est [...] , venant aux droits de la caisse d'allocations familiales du Pays Basques et du Seignanx,

défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. T..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'allocations familiales des Pyrénées-Atlantiques, après débats en l'audience publique du 30 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Toulouse, 21 novembre 2018) rendu en dernier ressort, par courrier du 18 janvier 2016, la caisse d'allocations familiales du Pays Basque et du Seignanx, devenue la caisse d'allocations familiales des Pyrénées-Atlantique (la caisse), a notifié à M. T... (l'allocataire) une pénalité de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale.

2. A la suite d'un recours gracieux auprès du directeur de la caisse, l'allocataire a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'allocataire fait grief au jugement de le débouter de son recours, alors « que la décision infligeant une pénalité en raison de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations faites pour le service de prestations doit être précédée d'un courrier invitant l'intéressé à présenter ses observations sur la sanction envisagée et doit être motivée ; que M. T... faisait valoir qu'il n'avait jamais reçu la lettre du 23 septembre 2015 à laquelle se référait la décision du 18 janvier 2016, laquelle ne comportait aucun motif et demandait l'annulation de cette décision lui infligeant une pénalité de 1 500 euros pour fraude ; qu'en statuant comme il l'a fait pour passer outre aux irrégularités formelles de la décision du 18 janvier 2016, cependant qu'un débat contradictoire et la motivation de la décision constituaient des garanties essentielles dont la méconnaissance devait être sanctionnée par la nullité de la décision infligeant la pénalité, le tribunal a violé l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 114-17, I du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, applicable à la date de la notification de la pénalité financière en litige :

4. Il appartient à la juridiction du contentieux de la sécurité sociale de se prononcer sur le moyen, soulevé devant elle, tiré d'une irrégularité de la procédure suivie pour l'application des pénalités prévues par ce texte.

5. Pour débouter l'allocataire de son recours, ayant relevé qu'il appartient à la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale de se prononcer sur le litige dont elle est saisie, peu important les éventuelles irrégularités affectant les décisions de l'organisme, le jugement retient que l'argumentation de l'allocataire est inopérante dès lors qu'il a la possibilité de contester la pénalité dans son principe et son montant devant le tribunal.

6. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que l'allocataire contestait la régularité de la procédure, le tribunal a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 21 novembre 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Toulouse ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Toulouse. ;

Condamne la caisse d'allocations familiales des Pyrénées-Atlantiques aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. T...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté monsieur E... T... de son recours en annulation de la décision du directeur de la CAF du Pays-Basque et du Seignanx du 18 janvier 2016, d'avoir validé la pénalité litigieuse, d'avoir condamné monsieur T... à payer, en deniers ou quittances, à la CAF des Pyrénées-Atlantiques, la somme de 1.500 euros, d'avoir condamné monsieur T... au paiement des frais de justice exposés ou à engager par la Caisse d'allocations familiales des Pyrénées-Atlantiques pour parvenir à l'exécution du présent jugement ;

Aux motifs que, sur la motivation de la décision du 18 janvier 2016, il appartient à la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale de se prononcer sur le litige dont elle est saisie, peu important les éventuelles irrégularités affectant les décisions de l'organisme ; l'argumentation de M. T... est donc inopérante dès lors qu'il a la possibilité de contester la pénalité dans son principe et son montant devant le tribunal ;

1°) Alors que la décision infligeant une pénalité en raison de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations faites pour le service de prestations doit être précédée d'un courrier invitant l'intéressé à présenter ses observations sur la sanction envisagée et doit être motivée ; que monsieur T... faisait valoir qu'il n'avait jamais reçu la lettre du 23 septembre 2015 à laquelle se référait la décision du 18 janvier 2016, laquelle ne comportait aucun motif et demandait l'annulation de cette décision lui infligeant une pénalité de 1.500 euros pour fraude ; qu'en statuant comme il l'a fait pour passer outre aux irrégularités formelles de la décision du 18 janvier 2016'', cependant qu'un débat contradictoire et la motivation de la décision constituaient des garanties essentielles dont la méconnaissance devait être sanctionnée par la nullité de la décision infligeant la pénalité, le tribunal a violé l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale ;

2°) Alors qu'à supposer que le tribunal puisse substituer sa décision à celle de la Caisse d'allocations familiales, il devait alors appliquer les dispositions de l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, applicable au 1er janvier 2018, qui donnent au directeur de l'organisme le pouvoir de prononcer soit une pénalité administrative soit un simple avertissement ; qu'en citant l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale, dans sa réaction antérieure à la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, qui visait uniquement la pénalité, sans se référer à l'avertissement, le tribunal n'a pas exercé l'option qui lui était offerte et a violé l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté monsieur E... T... de son recours en annulation de la décision du directeur de la CAF du Pays-Basque et du Seignanx du 18 janvier 2016, d'avoir validé la pénalité litigieuse, d'avoir condamné monsieur T... à payer, en deniers ou quittances, à la CAF des Pyrénées-Atlantiques, la somme de 1.500 euros, d'avoir condamné monsieur T... au paiement des frais de justice exposés ou à engager par la CAF des Pyrénées-Atlantiques pour parvenir à l'exécution du présent jugement ;

Aux motifs que, sur la pénalité, l'article L.114-17 du code de la sécurité sociale prévoit que peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales, au titre de toute prestation servie par l'organisme concerné : 1° l'inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations ; 2° L'absence de déclaration d'un changement dans la situation justifiant le service des prestations ; 3° l'exercice d'un travail dissimulé, constaté dans les conditions prévues à l'article L. 114-15, par le bénéficiaire de prestations versées sous conditions de ressources ou de cessation d'activité ; 4° les agissements visant à obtenir ou à tenter de faire obtenir le versement indu de prestations servies par un organisme mentionné au premier alinéa, même sans en être le bénéficiaire ; 5° les actions ou omissions ayant pour objet de faire obstacle ou de se soustraire aux opérations de contrôle exercées, en application de l'article L. 114-10 du présent code et de l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par les agents mentionnés au présent article, visant à refuser l'accès à une information formellement sollicitée, à ne pas répondre ou à apporter une réponse fausse, incomplète ou abusivement tardive à toute demande de pièce justificative, d'information, d'accès à une information, ou à une convocation, émanant des organismes chargés de la gestion des prestations familiales et des prestations d'assurance vieillesse, dès lors que la demande est nécessaire à l'exercice du contrôle ou de l'enquête ; ainsi, le caractère frauduleux d'une omission dans les déclarations de l'allocataire n'est pas exigé pour notifier une pénalité ; en l'espèce, M. T... a effectué une demande de RSA le 4 juin 2013 ; il déclarait à cette occasion être logé gratuitement chez une amie, n'avoir aucune activité professionnelle depuis 2005 et n'avoir perçu aucune ressource durant les mois de mars, avril et mai 2013 ; le formulaire de demande permettait de renseigner la rubrique « autre ressources : location de biens immobiliers, revenus de capitaux placés, etc... » ; il ne cochait pas non plus la case indiquant « vous êtes propriétaire d'un terrain, d'une maison ou d'un logement qui n'est pas loué, autre que votre résidence principale » ; le formulaire indiquait de joindre le derniers avis de taxe d'habitation ou de taxe foncière pour les propriétaires d'un terrain ou logement non loué autre que l'habitation principale ; le 3 septembre 2013, M. T... remplissait en ligne une déclaration de ressources pour les mois de juin, juillet et août 2013 ; il indiquait à nouveau n'avoir perçu aucune ressource, n'avoir aucun argent placé ni aucun local ou terrain non loué ; M. T... réitérait ces mêmes déclarations trimestriellement jusqu'au 5 mars 2015 ; or, il n'est pas contesté que M. T... est en réalité propriétaire de quatre biens immobiliers ; il importe peu que deux de ces biens soient en indivision avec son ex-épouse, laquelle bénéficie de leur entière gestion, dès lors que M. T... a bien omis de déclarer qu'il était propriétaire d'un local ou d'un logement non loué ; par ailleurs, il est également constant que M. T... est détenteur de trois contrats d'assurance-vie, dont deux depuis le 1er avril 1992, et dont le capital atteint la somme de 740.345 euros ; ainsi, la pénalité est justifiée donc son principe et dans son montant ; elle sera validée et M. T... sera condamné à payer à ce titre la somme de 1 500 euros à la CAF des Pyrénées-Atlantiques ;

1°) Alors que le juge du contentieux général de la sécurité sociale, lorsqu'il est saisi d'un recours contre une pénalité financière doit, tout d'abord vérifier la matérialité, la qualification et la gravité des faits reprochés à l'allocataire et ensuite apprécier l'adéquation du montant de la pénalité à l'importance de l'infraction commise ; que si les termes de l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, ne prévoit pas l'élément intentionnel comme un élément constitutif de la fraude, il doit à tout le moins être pris en compte pour la fixation du quantum de la sanction ; que monsieur T... faisait valoir que les biens immobiliers étaient en propriété indivise avec son épouse qui en avait obtenu la jouissance exclusive dans le cadre de la procédure de divorce, de sorte qu'il n'en tirait aucun profit, que les contrats d'assurance-vie avaient tous été rachetés pour être affectés au paiement partiel de ses dettes qui étaient d'un montant supérieur, que sa situation de surendettement avait été reconnue et la procédure déclarée recevable et qu'un jugement du tribunal administratif de Pau avait annulé la décision du président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques mettant fin à ses droits de percevoir le RSA, décision fondée précisément sur les biens immobiliers non déclarés, en considérant que ceux-ci ne pouvaient pas être pris en compte comme générant des revenus pour l'intéressé ; que le tribunal s'est borné à énoncer, pour retenir que la pénalité de 1.500 euros était justifiée dans son principe et son montant, que monsieur T... avait omis de déclarer qu'il était propriétaire de certains biens immobiliers et détenteurs de contrats d'assurance-vie, sans tenir compte des circonstances de l'espèce établissant que monsieur T... était de bonne foi, sa déclaration n'ayant eu ni pour objet ni pour effet d'obtenir une prestation indue, dès lors qu'il ne tirait aucune ressource ni avantage en nature des éléments omis qui étaient indisponibles, ce qui justifiait à tout le moins une diminution du quantum de la sanction ; qu'en statuant ainsi, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale ;

2°) Alors qu'à supposer que le tribunal puisse substituer sa décision à celle de la CAF, il devait alors appliquer l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, applicable le 12 août 2018, qui exclut le prononcé d'une sanction pécuniaire lorsque les manquements ont été commis de bonne foi ; qu'en énonçant que le caractère frauduleux d'une omission dans les déclarations de l'allocataire n'était pas exigé pour notifier une pénalité, cependant que l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, exclut le prononcé d'une pénalité financière à l'égard de manquements commis sans intention de frauder, par erreur ou oubli, le tribunal a violé ce texte.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-21495
Date de la décision : 12/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE - Prestations - Infraction - Pénalité - Procédure - Irrégularité - Office du juge

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX - Contentieux général - Pénalité - Recours gracieux - Procédure - Irrégularité - Office du juge

Il appartient à la juridiction du contentieux de la sécurité sociale de se prononcer sur le moyen, soulevé devant elle, tiré d'une irrégularité de la procédure suivie pour l'application des pénalités prévues par l'article L. 114-17, I, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015


Références :

article L. 114-17, I, du code de la sécurité sociale

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Garonne, 21 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 nov. 2020, pourvoi n°19-21495, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 13/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.21495
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