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12/11/2020 | FRANCE | N°19-21276

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 novembre 2020, 19-21276


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 novembre 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 834 F-D

Pourvoi n° U 19-21.276

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020

Mme V... O..., épouse Y..., domiciliée [...] , a fo

rmé le pourvoi n° U 19-21.276 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant à ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 novembre 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 834 F-D

Pourvoi n° U 19-21.276

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020

Mme V... O..., épouse Y..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° U 19-21.276 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Tradinvest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mme Y..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Tradinvest, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 mai 2019), Mme Y... a délivré à la société Tradinvest, preneuse à bail commercial, un commandement de payer visant la clause résolutoire. Après avoir obtenu une ordonnance d'injonction de payer, à laquelle la preneuse a fait opposition, elle a demandé au tribunal la constatation de la résiliation du bail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, alors « que le juge ne peut relever d'office un moyen sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant, pour débouter Mme Y... de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire, que le total restant dû par la SARL Tradinvest tel que figurant sur la « Quittance de loyer » à hauteur de 17 768 euros ne correspond pas à la différence entre les sommes portées en débit et en crédit du preneur qui s'élèvent respectivement à 51 243 euros et 48 925 euros, soit un solde débiteur de 2 318 euros, pour ensuite retenir que la discordance entre le solde réclamé dans le commandement de payer et celui qui ressort de la différence entre les sommes portées en débit et en crédit ne pouvait pas être ignorée de Mme Y..., que le commandement n'a donc pas été délivré de bonne foi, et qu'il doit par conséquent être privé d'effet, sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations, les privant notamment de la possibilité de discuter de cette discordance entre la somme réclamée et la différence entre les sommes portées en débit et en crédit dans la quittance de loyer annexée au commandement de payer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

3. Selon ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

4. Pour rejeter la demande de la bailleresse en constatation de la résiliation du bail, l'arrêt retient que le caractère manifestement erroné du décompte annexé au commandement, que ne pouvait pas ignorer la bailleresse qui l'a établi, a pour conséquence de priver d'effet ce commandement qui n'a pu être délivré de bonne foi.

5. En statuant ainsi, sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

6. Selon ce texte, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

7. La cassation sur le premier moyen entraîne l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt en ce qu'il rejette les demandes de Mme Y... en paiement d'une indemnité d'occupation et de dommages et intérêts, et en ce qu'il la condamne à rembourser à la société Tradinvest les provisions sur charges pour la période 2015 et 2016 et à lui restituer le dépôt de garantie, dès lors que ces chefs de dispositif se trouvent dans un lien de dépendance nécessaire avec celui relatif à l'acquisition de la clause résolutoire.

8. En revanche, elle n'entraîne pas la cassation de l'arrêt en ce qu'il rejette la demande de la bailleresse en paiement des loyers et charges, ainsi que des intérêts contractuels arrêtés au 31 décembre 2016, dès lors que ces chefs de dispositif ne se trouvent dans un lien de dépendance nécessaire avec celui relatif à l'acquisition de la clause résolutoire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de Mme Y... en prononcé de la résiliation du bail et a rejeté sa demande en paiement des loyers et charges actualisée en cause d'appel ainsi que des intérêts contractuels arrêtés au 31 décembre 2016, l'arrêt rendu le 15 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Tradinvest aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Tradinvest et la condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Y... de sa demande en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail du 6 avril 2010 la liant à la SARL Tradinvest ;

Aux motifs que « L'appelante expose que le commandement de payer qu'elle a fait délivrer après de nombreuses relances vise bien la clause résolutoire contrairement à ce qu'a retenu le jugement de première instance ; qu'aucun paiement n'est intervenu dans le délai d'un mois de sorte que les conditions de l'acquisition de la clause résolutoire sont réunies.

L'intimée réplique que les provisions sur charges ne sont pas justifiées pas plus que la taxe foncière réclamée et que la bailleresse ne rapporte pas la preuve de la créance invoquée faisant valoir que le pointage des sommes portées au crédit et au débit des décomptes révèle que les décomptes sont erronés.

La cour relève que, contrairement à ce qui a été retenu par le jugement entrepris, le commandement de payer délivré le 16 mai 2014 par acte d'huissier à la société Tradinvest, produit en pièce 2 par l'appelante, vise expressément la clause résolutoire du bail qui y est annexée, ce qui est d'ailleurs admis en cause d'appel par l'intimée dans ses écritures page 5.

Le commandement porte sur une somme en principal à régler de 17 768 euros et comprend en annexe une "quittance de loyer" portant mention des sommes portées au crédit et au débit de la locataire visant la période du 1er février 2013 à mai 2014 inclus sur laquelle figure un total à régler de 17 768 euros.

Contrairement à ce que prétend l'intimée, il a été justifié par la bailleresse de la régularisation des charges de l'année 2013, bien que celle-ci ne soit pas visée dans le commandement, la régularisation ayant été faite postérieurement le 20 juin 2014 et prise en compte dans le cadre des décomptes postérieurs. L'appelante a en outre produit les comptes de la copropriété pour le lot donné à bail. Les provisions de l'année 2013 sont donc justifiées.

Toutefois le total restant dû par la société Tradinvest tel que figurant sur la "quittance de loyer" à hauteur de 17 768 euros ne correspond pas à la différence entre les sommes portées en débit et en crédit de la locataire, sans qu'aucune explication n'ait été fournie dans les écritures de Mme O... Y... sur cette discordance. En effet le total des sommes portées au débit est de 51 243 euros et le total des sommes portées au crédit est de 48 925 euros, soit un solde débiteur de 2 318 euros et non de 17 768 euros.

Si par lettre de son Conseil en date du 4 juillet 2014, la société Tradinvest ne contestait pas être redevable des loyers de janvier à mai 2014, le caractère manifestement erroné du décompte affectant le solde et la différence substantielle entre le solde réclamé dans le commandement et celui qui ressort de la différence entre les sommes portées sur le décompte en débit et en crédit que ne pouvait pas ignorer la bailleresse qui a établi ce décompte a pour conséquence de le priver d'effet, le commandement n'ayant pu être dans ces conditions particulières délivré de bonne foi.

Dans ces conditions, il convient de débouter Mme O... Y... de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire de sorte que le jugement de première instance qui a débouté Mme O... Y... de cette demande ainsi que de celle formée au titre de l'indemnité d'occupation sera confirmé » ;

1/ Alors, d'une part, que le juge ne peut relever d'office un moyen sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant, pour débouter Mme Y... de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire, que le total restant dû par la SARL Tradinvest tel que figurant sur la « Quittance de loyer » à hauteur de 17 768 euros ne correspond pas à la différence entre les sommes portées en débit et en crédit du preneur qui s'élèvent respectivement à 51 243 euros et 48 925 euros, soit un solde débiteur de 2 318 euros, pour ensuite retenir que la discordance entre le solde réclamé dans le commandement de payer et celui qui ressort de la différence entre les sommes portées en débit et en crédit ne pouvait pas être ignorée de Mme Y..., que le commandement n'a donc pas été délivré de bonne foi, et qu'il doit par conséquent être privé d'effet, sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations, les privant notamment de la possibilité de discuter de cette discordance entre la somme réclamée et la différence entre les sommes portées en débit et en crédit dans la quittance de loyer annexée au commandement de payer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2/ Alors, d'autre part, que, sauf mauvaise foi, la mise en oeuvre régulière d'une clause résolutoire entraîne, s'il n'a pas été mis fin dans le délai au manquement contractuel invoqué à son appui, la résiliation du bail ; que la bonne foi est toujours présumée, et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver ; qu'en relevant, pour débouter Mme Y... de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire, que le total restant dû par la SARL Tradinvest tel que figurant sur la « Quittance de loyer » à hauteur de 17 768 euros ne correspond pas à la différence entre les sommes portées en débit et en crédit du preneur qui s'élèvent respectivement à 51 243 euros et 48 925 euros, soit un solde débiteur de 2 318 euros, pour ensuite retenir que la discordance entre le solde réclamé dans le commandement de payer et celui qui ressort de la différence entre les sommes portées sur le décompte en débit et en crédit ne pouvait pas être ignorée de Mme Y..., que le commandement n'a donc pas été délivré de bonne foi, et qu'il doit par conséquent être privé d'effet, sans constater la mauvaise foi de Mme Y... qui a, tout au plus, commis une simple erreur de calcul, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-41 du code de commerce ;

3/ Alors, subsidiairement, que, sauf mauvaise foi, la mise en oeuvre régulière d'une clause résolutoire entraîne, s'il n'a pas été mis fin dans le délai au manquement contractuel invoqué à son appui, la résiliation du bail ; qu'en relevant, pour débouter Mme Y... de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire, que le total restant dû par la SARL Tradinvest tel que figurant sur la « Quittance de loyer » à hauteur de 17 768 euros ne correspond pas à la différence entre les sommes portées en débit et en crédit du preneur qui s'élèvent respectivement à 51 243 euros et 48 925 euros, soit un solde débiteur de 2 318 euros, pour ensuite retenir que la discordance entre le solde réclamé dans le commandement de payer et celui qui ressort de la différence entre les sommes portées sur le décompte en débit et en crédit ne pouvait pas être ignorée de Mme Y..., que le commandement n'a donc pas été délivré de bonne foi, et qu'il doit par conséquent être privé d'effet, quand le fait de commettre une simple erreur de calcul sans la dissimuler à son preneur ne peut caractériser la mauvaise foi du bailleur, la cour d'appel a violé l'article L. 145-41 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Y... de sa demande en paiement de la somme de 33 081,61 euros au titre des loyers, charges et taxes, suivant décompte arrêté au mois d'octobre 2015, débouté Mme Y... de sa demande en dommages-intérêts, dit n'y avoir lieu à condamnation de la SARL Tradinvest au paiement d'une indemnité d'occupation, condamné Mme Y... à rembourser à la SARL Tradinvest les provisions pour charges appelées à hauteur de 120 euros/mois du 1er janvier 2015 et jusqu'au 1er avril 2016, débouté Mme Y... de sa demande en paiement actualisée en cause d'appel au titre des loyers, charges et frais divers et de sa demande en paiement au titre des intérêts contractuels arrêtés au 31 décembre 2016, et condamné Mme Y... à restituer à la SARL Tradinvest la somme de 7 275 euros au titre du dépôt de garantie ;

Aux motifs propres que « Sur la demande en paiement :

Mme O... Y... fait valoir qu'elle a produit les justificatifs des sommes restant dues par la locataire au mois d'avril 2016 ; qu'elle a procédé à une révision annuelle du loyer en application du bail et fait application des pénalités contractuellement dues. Elle précise que le loyer du mois d'avril 2016 est dû, la locataire n'ayant pas restitué l'ensemble des clés lors de son départ à l'issue du congé.

La société Tradinvest fait valoir que les décomptes sont faux, la différence entre les sommes réclamées et celles réglées laissant apparaître un solde créditeur à son bénéfice et non celui qui lui est réclamé ; que la bailleresse ne rapporte la preuve ni du principe, ni du quantum de sa créance. Elle ajoute que la révision des loyers a été faite sur la base d'un indice erroné ; que les charges et les taxes réclamées ne sont ni justifiées, ni régularisées. Enfin elle conteste devoir le loyer d'avril 2016 alors qu'elle a quitté les lieux le 31 mars 2016.

La cour relève que la bailleresse demande la somme actualisée en cause d'appel de 42 469,78 euros tant, au titre des loyers, charges, taxes et divers frais si le bail n'était pas résilié, qu'au titre de l'indemnité d'occupation qu'elle demande de voir fixer au montant du loyer dû mensuellement en principal avec indexation, outre les charges, taxes et frais, jusqu'à complète et totale libération des lieux au mois d'avril 2016.

Il est mentionné sur le dernier décompte produit en pièce 63 par la bailleresse et arrêté au 1er avril 2016 (incluant le mois d'avril 2016) que le total restant à régler par la locataire est de 42 469,78 euros.

Toutefois le total restant dû par la société Tradinvest tel que figurant sur le décompte à hauteur de 42 469,78 euros ne correspond pas à la différence entre les sommes portées au débit et au crédit de la locataire. En effet le total des sommes mentionnées au débit est de 88 733,16 euros et le total des sommes mentionnées au crédit est de 114 846,38 euros, soit un solde créditeur au bénéfice de la locataire.

Aucune explication sur cette incohérence n'a été apportée dans les écritures par Mme O... Y... alors que la société Tradinvest fait état dans ses conclusions de cette situation qui se retrouve également dans le document intitulé "quittance de loyer" (pièce 56 de l'appelante) arrêtée au 31 octobre 2015 et reprenant le détail du débit et crédit depuis le mois de février 2013.

Dans ces conditions, dès lors que les sommes mentionnées dans le décompte arrêté au 1er avril 20 16 font apparaître un solde créditeur au bénéfice de la société Tradinvest et non un solde débiteur, Mme O... Y... ne rapporte pas la preuve de sa créance, que ce soit au titre des loyers, charges et taxes ou d'une indemnité d'occupation équivalente.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, Mme O... Y... sera donc déboutée de sa demande en paiement au titre des loyers, charges, taxes et divers frais/indemnités d'occupation actualisée en cause d'appel et de sa demande subséquente en paiement au titre des intérêts contractuels arrêtés au 31 décembre 2016.

Sur la résiliation du bail :

L'appelante sollicite la résiliation du bail aux torts du preneur invoquant le défaut de paiement des loyers et charges et elle conteste qu'il aurait été convenu entre les parties une éventuelle compensation entre les loyers et une commission d'agent immobilier que la locataire prétend qu'elle aurait dû percevoir de l'époux de l'appelante à propos de la vente d'un bien immobilier. Elle invoque également le fait que la société Tradinvest a effectué des travaux dans les lieux loués sans son autorisation en violation des clauses du bail, à savoir la démolition de cloisons et qu'elle a modifié la couleur de la façade du local sans son autorisation, ni celle du syndicat des copropriétaires ou des services de l'urbanisme. Enfin elle demande que la résiliation soit prononcée à la date du "mois" d'avril 2016 au motif que la locataire n'a pas remis la totalité des clés lors de son départ.

La société locataire fait valoir que la bailleresse ne rapporte pas la preuve de sa créance. Elle ajoute que le paiement des loyers a été suspendu courant 2013 en raison d'une compensation qui devait intervenir entre sa commission en tant qu'agent immobilier et les loyers dans le cadre du projet d'acquisition d'un bien immobilier par l'époux de la bailleresse, qu'en raison de l'échec de ce projet, elle a dû s'acquitter de l'arriéré des loyers dans des délais rapides. Sur les travaux, la société Tradinvest expose avoir bénéficié d'une franchise de loyer afin de les effectuer ; que la cloison dont il lui est reproché la suppression était en fait une cloison amovible qu'elle avait fait installer conformément aux stipulations contractuelles ; qu'elle a repeint la devanture conformément à son obligation d'entretien.

À titre liminaire, la cour constate que le jugement entrepris a acté le fait qu'à l'audience du 13 avril 2016 les parties avaient convenu du fait que la société locataire avait quitté les lieux le 31 mars 2016. Si la bailleresse fait état dans un courrier en date du 1er avril 2016 de ce que la totalité des clés ne lui aurait pas été remise lors du constat de sortie établi par Me T... de la SCP [...], ce constat de sortie n'est pas versé aux débats par les parties, ni visé dans leurs pièces. Dans ces conditions, la bailleresse qui ne justifie pas que les clés ne lui aient pas été remises le 31 mars 2016 est mal fondée à prétendre en appel que le bail se serait poursuivi au-delà de cette restitution des lieux.

La cour relève qu'aux termes du bail, le loyer est payable mensuellement d'avance le premier jour de chaque mois et la provision pour charges de 150 euros, réajustable chaque année, est exigible en même temps que le loyer.

Il n'est pas contesté par la locataire que les loyers et charges n'ont pas été réglés à leur terme au moins pendant plusieurs mois courant 2013 et début 2014.

S'il résulte des échanges entre l'époux de Mme O... Y... et la société Tradinvest que ceux-ci ont bien été en relation concernant l'achat d'un bien immobilier appartenant à M. P..., il n'en ressort pas que Mme O... Y... ou son époux agissant en son nom aurait donné son accord quant à une éventuelle suspension des loyers dus par la locataire le temps qu'une transaction intervienne, ni d'une éventuelle compensation en cas de réalisation de la vente du bien dépendant de la succession P.... Cet argument est donc inopérant.

Toutefois, dès lors qu'au vu des développements sus-visés, Mme O... Y... n'est pas en mesure de prouver qu'elle détient une créance de loyers, charges, taxes et divers frais à l'encontre de la société Tradinvest ; que les décomptes présentent des incohérences entre les sommes mentionnées en crédit et en débit et le solde restant dû réclamé à la locataire, le retard dans le paiement des loyers et charges n'est pas suffisant pour justifier la résiliation du bail courant avril 2016, étant observé que la société Tradinvest a en tout état de cause donné congé à l'expiration de la seconde période triennale du bail.

Le bail stipule que le preneur s'engage à ne faire aucune démolition, construction de quelque nature que ce soit sans le consentement du bailleur ; que le preneur bénéficie d'une franchise de loyers pour lui permettre de réaliser ses travaux et que les cloisons ou aménagements décoratifs éventuels devront être fixés sur vérins de façon à permettre leur démontage sans dégradation des murs sols et plafond.

Le constat d'huissier établi le 1er avril 2015 par Me G... huissier de justice de la SCP Z... A..., G... et F... de manière contradictoire à la demande de la bailleresse ne démontre pas que la locataire aurait supprimé un cloisonnement existant avant son entrée dans les lieux sans son accord, les traces figurant au sol dans la première partie proche de la façade vitrée de la 1ère pièce n'étant pas suffisantes sur ce point pour démontrer qu'aurait été supprimé un cloisonnement maçonné et non une cloison amovible partielle, ou un aménagement, qui aurait été monté puis démonté par la locataire conformément au bail, étant relevé que le plan annexé au bail ne mentionne en tout état de cause pas de cloison correspondant aux traces au sol relevées par l'huissier. La société locataire a également fait établir le 1er avril 2015 par Me H..., en présence de la bailleresse et de Me G... huissier de justice mandaté par cette dernière, un constat d'huissier dont il ressort que les cloisons existantes sont des cloisons mobiles légères. Il s'ensuit que ce grief n'est pas constitué.

Il résulte des constats d'huissier du 1er avril 2015 établis à la demande de chacune des parties que la peinture de la devanture des locaux donnés à bail est gris clair, la bailleresse exposant que la devanture était précédemment de couleur bleue, ce qui n'est pas discuté.

Si aux termes du bail la locataire est tenue d'entretenir la devanture, il n'est pas spécifié qu'elle doit obtenir l'accord exprès de la bailleresse pour repeindre la devanture, ni en changer la couleur. Le bail prévoit toutefois qu'elle doit se conformer aux lois et règlements en vigueur.

À supposer que le changement de couleur de la peinture de la devanture du local commercial puisse être considéré comme une modification de l'aspect extérieur de l'immeuble nécessitant l'accord de la copropriété comme l'indique la bailleresse, il n'est pas prétendu que le syndic de copropriété se serait plaint d'une violation du règlement de copropriété, ni qu'il aurait sollicité une remise en état antérieur et il n'est pas démontré que le règlement de copropriété, qui n'est pas produit, imposerait le cas échéant une couleur précise de la devanture du local commercial.

Enfin à supposer qu'une autorisation d'urbanisme aurait dû être délivrée s'agissant selon la bailleresse, qui n'apporte pas davantage de précision, d'un périmètre historique protégé, aucune infraction n'a été relevée par les services de la ville de Paris et la bailleresse ne démontre pas que la couleur ne serait pas conforme à une éventuelle réglementation parisienne sur ce point.

Dans ces conditions, au vu de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas rapporté la preuve de violations suffisamment graves concernant le paiement des loyers et charges et la peinture de la devanture susceptibles d'entraîner la résiliation judiciaire du bail aux torts de la société Tradinvest.

Le jugement de première instance qui a débouté la bailleresse de sa demande de résiliation judiciaire du bail sera donc confirmé.

Sur les charges :

L'intimée fait valoir qu'en l'absence de régularisation des provisions sur charges, celles-ci doivent lui être remboursées, ce qui est contesté par l'appelante.

La cour rappelle que le bail prévoit une provision pour charges de 150 euros/mois, réajustable chaque année. Il n'est pas précisé la date à laquelle cette régularisation doit intervenir.

Il a été procédé pour les années 2010 à 2014 à une régularisation des charges afférentes à l'immeuble, régularisation précisant les charges réglées et les charges appelées (hors taxes foncières) et les comptes de copropriété sont joints. En revanche pour les années 2015 et 2016, il n'est pas justifié de la régularisation des charges.

Par conséquent, Mme O... Y... devra rembourser à la société Tradinvest le montant des provisions pour charges qu'elle a appelées au titre des années 2015 et 2016 (jusqu'en avril 2016). Au vu des pièces produites, les provisions pour charges ont été appelées à hauteur de 120 euros/mois en 2015 et en 2016.

Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef

Sur la restitution du dépôt de garantie :

L'intimée réclame la restitution du dépôt de garantie d'un montant de 7 275 euros, ce à quoi s'oppose l'appelante.

L'article 6 du contrat de bail stipule qu'il est versé un dépôt de garantie d'un montant de 7 275 euros à titre de garantie de l'exécution des clauses et conditions du bail et des loyers, charges et toutes réparations éventuelles en fin de bail, dépôt de garantie qui sera remboursé au preneur en fin de location, déduction faite des sommes dont il serait débiteur.

Selon l'article 11, en cas de résiliation du bail, le montant du dépôt de garantie restera acquis au preneur sans préjudice de tous autres dus ou dommages et intérêts en réparation résultant du préjudice résultant des agissements du preneur et de la résiliation.

Le bail n'étant pas résilié mais ayant pris fin par l'effet du congé délivré par la société Tradinvest, les dispositions de l'article Il ne sont pas applicables.

Il n'a pas été versé aux débats de constat d'huissier de sortie des lieux et il ressort des constats d'huissier établis le 1er avril 2015 par chacune des parties, un an avant le départ des locaux de la société Tradinvest, que les locaux étaient à cette date en bon état. Au demeurant la bailleresse n'a produit aucun devis correspondant à des travaux de remise en état suite au départ de la société Tradinvest et elle ne démontre pas détenir une créance de loyers, charges et taxes à l'encontre de celle-ci à la date de la fin du bail.

Par conséquent Mme O... Y... devra restituer le dépôt de garantie » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que « Sur la résiliation judiciaire du bail :

À titre subsidiaire, Mme V... O... Y... demande au tribunal de prononcer la résiliation judiciaire du bail, à la date du jugement à intervenir, compte tenu du défaut de paiement de ses loyers par la SARL Tradinvest.

La SARL Tradinvest conteste la créance de loyer dont se prévaut la bailleresse et soutient qu'elle était à jour de ses loyers à la date d'effet du congé délivré par elle.

L'article 1184 du code civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016 dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Conformément à l'article L. 145-4 du code de commerce, la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans.

Toutefois, le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire.

L'article L. 145-9 du même code dispose que par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement.

En l'espèce, si Mme V... O... Y... sollicite, aux termes de ses dernières conclusions, le prononcé de la résiliation judiciaire du bail "sur le fondement de l'article 1184 du code civil, dès le prononcé du jugement à intervenir", il est constant et il ressort des pièces produites au débat que, par acte extrajudiciaire en date du 30 septembre 2015, la SARL Tradinvest a délivré congé à effet du 31 mars 2016, et qu'elle a quitté les locaux litigieux à cette date, un état des lieux de sortie ayant été établi par huissier de justice le 1er avril 2016.

Le bail a ainsi pris fin le 31 mars 2016. Dès lors, la demande de résiliation judiciaire à la date de la présente décision, soit au 10 mai 2017, apparaît infondée et sera rejetée. Mme V... O... Y... sera également déboutée de ses demandes subséquentes tendant à l'expulsion de la SARL Tradinvest des locaux litigieux ainsi qu'à la condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation.

Sur la demande en paiement de la somme de 33.081,61 euros :

Mme V... O... Y... sollicite la condamnation de la SARL Tradinvest au paiement de la somme de 33.081,61 euros au titre des loyers, charges et taxes dus au mois d'octobre 2015, incluant les frais et intérêts.

La SARL Tradinvest conteste être débitrice de cette somme et soutient que Mme V... O... Y... ne justifie pas du montant de la créance de loyers et charges dont elle se prévaut.

Au soutien de sa demande, Mme V... O... Y... produit un document intitulé "Quittance de loyer - période du 01.10.2015 au 31.10.2015", reproduisant le compte de la société locataire pour la période courant du 1er février 2013 au 5 octobre 2015, laissant apparaître un solde débiteur de 33.081,61 euros en faveur de la bailleresse.

Ce décompte, qui fait apparaître un montant variable de loyer dont il n'est pas établi qu'il ait été révisé, des intérêts dont il n'est pas justifié, ainsi que des frais d'huissier de justice, ne permet pas au tribunal d'apprécier le bien-fondé de la demande en paiement formée par Mme V... O... Y..., d'autant que les décomptes et quittances de loyers, contestés par la SARL Tradinvest, ne sont pas produits sur l'ensemble de la durée du contrat litigieux.

En conséquence, faute pour Mme V... O... Y... de justifier du bien-fondé de sa demande et d'établir la créance dont elle

Sur la demande en dommages-intérêts :

Mme V... O... Y... sollicite, enfin, la condamnation de la SARL TRADINVEST au paiement d'une indemnité, à titre de dommages-intérêts complémentaires, équivalente au montant des loyers qui auraient dû être réglés par le preneur à compter de la libération des lieux à intervenir et jusqu'à la fin de la deuxième période triennale, soit, en l'espèce, jusqu'au 31 mars 2016.

Le tribunal comprend de cette demande qu'elle est en lien avec la demande en résiliation judiciaire du bail.

Outre que cette demande n'est pas chiffrée, Mme V... O... Y... ayant été déboutée de sa demande en résiliation judiciaire du bail, ainsi que de sa demande en paiement des loyers, elle ne pourra, en l'absence de faute établie à l'encontre de la SARL Tradinvest, qu'être déboutée de sa demande en dommages-intérêts » ;

Alors que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen, en ce que la cour d'appel a débouté Mme Y... de sa demande en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail du 6 avril 2010 la liant à la SARL Tradinvest, s'étendra, par voie de conséquence, aux chefs par lesquels la cour d'appel a débouté Mme Y... de sa demande en paiement de la somme de 33 081,61 euros au titre des loyers, charges et taxes, suivant décompte arrêté au mois d'octobre 2015, débouté Mme Y... de sa demande en dommages-intérêts, dit n'y avoir lieu à condamnation de la SARL Tradinvest au paiement d'une indemnité d'occupation, condamné Mme Y... à rembourser à la SARL Tradinvest les provisions pour charges appelées à hauteur de 120 euros/mois du 1er janvier 2015 et jusqu'au 1er avril 2016, débouté Mme Y... de sa demande en paiement actualisée en cause d'appel au titre des loyers, charges et frais divers et de sa demande en paiement au titre des intérêts contractuels arrêtés au 31 décembre 2016, et condamné Mme Y... à restituer à la SARL Tradinvest la somme de 7 275 euros au titre du dépôt de garantie, en application de l'article 624 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-21276
Date de la décision : 12/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 nov. 2020, pourvoi n°19-21276


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.21276
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