LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 novembre 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1230 F-P+B+I
Pourvoi n° K 19-17.749
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020
La caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° K 19-17.749 contre le jugement rendu le 4 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Toulon (pôle social), dans le litige l'opposant à M. L... X..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Toulon, 4 avril 2019), rendu en dernier ressort, à la suite d'un contrôle, M. X... (l'assuré), bénéficiaire de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c), s'est vu notifier par la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme (la caisse) un indu correspondant à des prestations versées pour la période du 1er décembre 2015 au 22 juin 2016, ainsi qu'une pénalité financière d'un montant de 3 500 euros.
2. L'assuré a contesté la pénalité devant une juridiction de sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief au jugement d'annuler l'indu et de la débouter de sa demande en paiement, alors :
« 1°/ que la notion de faux est caractérisée par toute altération de la vérité sur toute pièce justificative, ordonnance, feuille de soins ou autre support de facturation, attestation ou certificat de déclaration d'accident du travail ou de trajet, sous forme écrite ou électronique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de permettre l'obtention de l'avantage ou de la prestation en cause ; d'où il suit qu'en affirmant que la seule omission de déclarer des ressources n'est pas constitutive d'une fraude, le tribunal de grande instance viole les articles L. 114-17-1 et R. 147-11 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que la notion de faux est caractérisée par toute altération de la vérité sur toute pièce justificative, ordonnance, feuille de soins ou autre support de facturation, attestation ou certificat de déclaration d'accident du travail ou de trajet, sous forme écrite ou électronique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de permettre l'obtention de l'avantage ou de la prestation en cause ; que ne tire dès lors pas les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 114-17-1 et R. 147-11 du code de la sécurité sociale, le tribunal de grande instance qui écarte la fraude de M. X... après avoir pourtant constaté que celui-ci ne contestait pas avoir commis une fausse déclaration de ressources par l'omission de ressources sur ladite déclaration que le contrôle de ses comptes bancaires avait fait apparaître. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 114-17-1, I, 1°, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 applicable au litige, le directeur d'un organisme local d'assurance maladie peut infliger une pénalité financière aux bénéficiaires des régimes obligatoires des assurances maladie, maternité, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles, de la protection complémentaire en matière de santé mentionnée à l'article L. 861-1, de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé mentionnée à l'article L. 863-1 ou de l'aide médicale de l'Etat mentionnée au premier alinéa de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles.
Selon les V et VII du même texte, la pénalité doit, sauf cas de fraude établie dans des cas définis par voie réglementaire, être prononcée après l'avis de la commission composée et constituée au sein du conseil ou du conseil d'administration de l'organisme local d'assurance maladie (la commission des pénalités).
6. Selon l'article R. 147-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, peuvent faire l'objet de pénalités les personnes susmentionnées notamment lorsque, dans le but d'obtenir, de faire obtenir ou de majorer un droit aux prestations d'assurance maladie, d'invalidité, d'accident de travail, de maternité, de maladie professionnelle ou de décès ou un droit à la protection complémentaire en matière de santé, à l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé ou à l'aide médicale de l'Etat, elles fournissent de fausses déclarations relatives à l'état civil, la résidence, la qualité d'assuré ou d'ayant droit, les ressources.
7. Selon l'article R. 147-11, 1°, du même code, dans sa rédaction applicable au litige, sont qualifiés de fraude les faits commis, dans le but d'obtenir le bénéfice d'une prestation injustifiée au préjudice d'un organisme d'assurance maladie, ou au préjudice d'un organisme mentionné à l'article L. 861-4 s'agissant de la protection complémentaire en matière de santé, lorsqu'a été constaté l'établissement ou l'usage de faux, la notion de faux étant caractérisée par toute altération de la vérité sur toute pièce justificative, ordonnance, feuille de soins ou autre support de facturation, attestation ou certificat, déclaration d'accident du travail ou de trajet, sous forme écrite ou électronique.
8. Il résulte de la combinaison de ces textes que, pour être constitutive d'une fraude au sens du troisième, la fausse déclaration mentionnée au deuxième doit être précédée, accompagnée ou suivie de la production d'un document faux ou falsifié aux fins d'établir la preuve de faits corroborant la fausse déclaration.
9. Ayant constaté que l'assuré ne conteste pas que le contrôle de ses comptes bancaires fait apparaître une fausse déclaration de ses ressources à l'origine de l'ouverture d'un droit à la CMU-c à compter du 1er décembre 2015, le jugement retient que la seule omission de déclarer des ressources n'est pas constitutive d'une fraude. Il en déduit que la procédure, hors cas de fraude, prévoyant l'avis préalable de la commission des pénalités de l'organisme n'a pas été respecté, de sorte que s'agissant d'une formalité substantielle, dont l'objet est d'apprécier les fautes et pondérer le montant, la pénalité financière doit être annulée.
10. De ces constatations, faisant ressortir que la fausse déclaration n'avait été précédée, accompagnée ou suivie de l'établissement ou de l'usage d'aucun document faux ou falsifié, le tribunal en a exactement déduit que les faits commis par l'assuré n'étaient pas constitutifs d'une fraude au sens de l'article R. 147-11 du code de la sécurité sociale, de sorte que l'avis de la commission des pénalités aurait dû être préalablement recueilli.
11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Drôme
MOYEN D'ANNULATION
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR prononcé la nullité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme en date du 12 octobre 2016 et de l'AVOIR déboutée de sa demande en paiement au titre d'une pénalité financière ;
EN MENTIONNANT QUE le Pôle social du tribunal de grande instance était réuni en audience publique au Palais de justice de Toulon le jeudi 14 février 2019 :
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
« Monsieur M..., Président du Pôle Social,
M. T..., Greffier
Madame G..., membre assesseur représentant les travailleurs salariés du régime général »,
ET QUE « le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, a statué en ces termes ».
ET QUE « le Tribunal, statuant seul en l'absence de l'un des Conseillers, après débats en audience publique, par jugement mis à la disposition des parties » ;
ALORS QU' en l'état de telles mentions, d'où il résulte que, lors de l'audience, le tribunal était seulement composé de deux magistrats, mais qu'il a statué seul en l'absence de l'un des conseillers, ce dont il résultait que le tribunal aurait été composé d'un président et de plusieurs conseillers, ce qui ne permet pas en toute hypothèse de savoir qui a délibéré de l'affaire et si le principe de l'imparité a été respecté, si bien que le jugement ne satisfait pas aux exigences des articles 447 et 454 du code de procédure civile et encourt l'annulation en application de l'article 458, al. 1er du même code.
MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR prononcé la nullité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme en date du 12 octobre 2016 et de l'AVOIR déboutée de sa demande en paiement au titre d'une pénalité financière.
AUX MOTIFS QUE Monsieur L... X... ne conteste pas que le contrôle de ses comptes bancaires fait apparaître une fausse déclaration de ses ressources à l'origine de l'ouverture d'un droit à la Couverture Maladie Complémentaire à compter du 1er décembre 2015 ; que cette omission dans la déclaration de ressources est passible de sanctions financières par application des articles L. 114-17-1, R 147-6 et R 147-6-1 du code de la sécurité sociale par l'organisme d'assurance maladie ; qu'il appartient à la juridiction saisie d'un recours contre la pénalité de vérifier la régularité de la procédure suivie pour la prononcer ; que l'article R 147-11 du code de la sécurité sociale qualifie la fraude au sens de l'article L. 114-17-1 VII ; qu'en l'espèce la seule omission de déclarer des ressources n'est donc pas constitutive d'une fraude et la procédure prévue aux articles L. 147-17-1 et R 147-2 du code de la sécurité sociale prévoyant une décision du Directeur après l'avis de la commission des pénalités de l'organisme n'a pas été respecté ; que cette formalité substantielle consistant à prévoir préalablement à une sanction un avis consultatif pour apprécier les fautes et pondérer les pénalités financières fait grief ; que dès lors la décision de la Cpam de la Drôme en date du 12 octobre 2016 notifiant à Monsieur L... X... une pénalité financière doit être annulée ; qu'il convient dès lors de débouter la Cpam de la Drôme de sa demande en paiement au titre d'une pénalité financière qui relève d'une décision préalable de l'organisme de sécurité sociale ;
ALORS DE PREMIERE PART QUE la notion de faux est caractérisée par toute altération de la vérité sur toute pièce justificative, ordonnance, feuille de soins ou autre support de facturation, attestation ou certificat de déclaration d'accident du travail ou de trajet, sous forme écrite ou électronique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de permettre l'obtention de l'avantage ou de la prestation en cause ; d'où il suit qu'en affirmant que la seule omission de déclarer des ressources n'est pas constitutive d'une fraude, le tribunal de grande instance viole les articles L. 114-17-1 et R 147-11 du code de la sécurité sociale ;
ALORS DE SECONDE PART QUE la notion de faux est caractérisée par toute altération de la vérité sur toute pièce justificative, ordonnance, feuille de soins ou autre support de facturation, attestation ou certificat de déclaration d'accident du travail ou de trajet, sous forme écrite ou électronique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de permettre l'obtention de l'avantage ou de la prestation en cause ; que ne tire dès lors pas les conséquences légales de ses constatations en violation des articles L. 114-17-1 et R. 147-11 du code de la sécurité sociale, le tribunal de grande instance qui écarte la fraude de M. X... après avoir pourtant constaté que celui-ci ne contestait pas avoir commis une fausse déclaration de ressources par l'omission de ressources sur ladite déclaration que le contrôle de ses comptes bancaires avait fait apparaître.