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12/11/2020 | FRANCE | N°19-15173

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 novembre 2020, 19-15173


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 novembre 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1022 F-D

Pourvoi n° K 19-15.173

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 NOVEMBRE 2020

M. L... C..., domicilié [...] ,

a formé le pourvoi n° K 19-15.173 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2018 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'oppo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 novembre 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1022 F-D

Pourvoi n° K 19-15.173

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 NOVEMBRE 2020

M. L... C..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° K 19-15.173 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2018 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Bureau d'études Dumay, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. C..., de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Bureau d'études Dumay, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 12 décembre 2018), M. C... a été engagé à compter du 15 avril 2008 par la société Bureau d'études Dumay en qualité d'assistant technique puis en dernier lieu de chargé d'études, catégorie cadre de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils dite Syntec du 15 décembre 1987.

2. Par avenants du 21 mai 2013 et du 6 janvier 2014, les parties ont prévu une convention de forfait annuel en jours.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de son licenciement intervenu le 7 mars 2016 et de demandes de rappel d'heures supplémentaires.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche, dont l'examen est préalable

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, alors « que le salarié qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre ; que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires ; qu'en considérant, après avoir constaté la nullité de convention de forfait en jours, que le non-paiement des heures supplémentaires n'était pas établi dès lors que le salarié avait perçu une rémunération supérieure au salaire minimum conventionnel, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-22 et L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article L. 3171-4 du même code :

5. Selon le premier de ces textes, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.

6. Selon le second, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

7. Il résulte de ces textes que le salarié qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail et que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires.

8. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires résultant de la nullité de la convention de forfait en jours, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que la rémunération versée, largement supérieure au minimum conventionnel, n'a pas eu pour effet de payer ce faible solde d'heures, en ce compris la majoration, compte tenu du taux horaire pratiqué par l'entreprise pour les mêmes fonctions.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. C... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt rendu le 12 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société Bureau d'études Dumay aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Bureau d'études Dumay et la condamne à payer à M. C... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. C...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. C... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires ;

AUX MOTIFS QUE la convention de forfait en jours liant les parties est nulle ; qu'en conséquence, le paiement d'heures supplémentaires peut être recherché, ce qui, comme le souligne toutefois exactement l'employeur, n'implique pas de régler celles qui l'ont été ; que les demandes de M. C... ne sont pas dépourvues d'une certaine ambiguïté puisqu'il ne dit pas clairement quelle est la durée hebdomadaire de travail au-delà de laquelle il estime avoir travaillé ; qu'il se déduit de ses entretiens avec l'employeur des 14 janvier 2015 et 10 février 2016 et de ses conclusions devant la cour, dont l'ambiguïté nécessite une interprétation, que l'appelant revendique, en réalité, une durée de travail hebdomadaire de 42 heures pour un paiement à concurrence de 39 heures ; que cette durée de travail apparaît compatible avec ce qui ressort de l'examen de ses agendas de 2013 à 2016 par lesquels il étaye sa demande au sens de l'article L. 3171-4 du code du travail puisque ces documents sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre ; que c'est donc pour une durée supplémentaire de travail de 3 heures par semaine, au-delà, selon le salarié, de seulement 39 heures payées, que celui-ci formule, en fait, ses prétentions ; qu'or, comme le prétend à juste titre l'employeur, le non-paiement de ces heures supplémentaires n'est pas établi ; qu'ainsi, à titre d'illustration, la rémunération minimale conventionnelle brute pour un agent de maîtrise, position 3.1, coefficient 400, s'élevait en 2017 aux termes de l'avenant n° 44 du 30 mars 2017 à la somme de 2 019,80 euros pour une durée hebdomadaire de 35 heures de travail ; qu'or, pour la période d'octobre à décembre 2013, l'appelant, qui, occupant alors cette qualification, revendique 48 heures non réglées, aperçu un salaire brut de 2 580 euros ; qu'il n'est pas établi qu'une telle rémunération, versée en contrepartie de la convention de forfait, n'a pas eu pour effet de payer le travail supplémentaire qu'il revendique, en ce compris la majoration, compte tenu, par exemple, du taux horaire pratiqué par l'entreprise pour les mêmes fonctions ; que cette défaillance dans l'administration de la preuve est éclairante pour les années suivantes ; qu'ainsi, toujours à titre d'illustration, le salaire minimum conventionnel brut pour un cadre, position 2.1, coefficient 115, s'élevait en 2017 aux termes du même avenant à la somme de 2 358,65 euros pour une durée hebdomadaire de 35 heures de travail ; qu'or, pour l'année 2014, le salaire brut de M. C..., qui avait accédé à cette qualification, était de 2 826,16 euros ; qu'il résulte de la fiche annexée au compte rendu d'entretien du 14 janvier 2015 signé du salarié que ce dernier a, en 2014, travaillé 217 jours, soit 31 semaines, ce qui permet une revendication seulement de 93 heures supplémentaires (31 x 3), et non de 208 heures comme il le réclame ; qu'il résulte de la même fiche que M. C... a bénéficié de 8 jours non travaillés supplémentaires et payés, soit, en se basant sur la durée légale de 7 heures journalières, un solde de 37 heures (93 - [8 x 7]) ; que, dans ces conditions, il n'est là encore pas démontré qu'une telle rémunération, largement supérieure au minimum conventionnel et versée en contrepartie de la convention de forfait, n'a pas eu pour effet de payer ce faible solde d'heures, en ce compris la majoration, compte tenu, par exemple, du taux horaire pratiqué par l'entreprise pour les mêmes fonctions ; que le même raisonnement doit être suivi pour l'année 2015 ; que, comme le souligne à cet égard, et avec pertinence, l'employeur, l'accord d'entreprise du 19 décembre 2014 prévoyait, en son article 3, que "chaque salarié soumis à une convention de forfait en jours sur l'année percevra [it] une rémunération annuelle au moins égale à 10 % du minimum conventionnel de sa catégorie. Tous les éléments de salaire versés (salaires de base, prime, commission, etc.) seront pris en compte dans l'appréciation de cette garantie" ; qu'en l'espèce, cet accord aurait dû conférer au salarié une rémunération annuelle brute de 31 126 euros (2.358,65 euros x 110 %) alors qu'il a perçu une somme supérieure à 36 000 euros, étant souligné que, sur 31 semaines travaillées, il faut également déduire 9 jours travaillés et payés, soit un solde susceptible d'être revendiqué de 30 heures (93 -[7 x 9]) ; qu'il n'est pas établi qu'une telle rémunération, servie pour une durée de travail supérieure à la durée légale, n'a pas eu pour effet de payer ce faible solde d'heures ; que le raisonnement et les conclusions sont les mêmes pour l'année 2016 ;

ALORS, 1°), QU'il appartient à l'employeur d'établir qu'il s'est libéré de son obligation de payer le salaire ; qu'en considérant que le non-paiement des heures supplémentaires n'était pas établi, la cour d'appel, qui a renversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;

ALORS, 2°) et subsidiairement, QUE le salarié qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre ; que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires ; qu'en considérant, après avoir constaté la nullité de convention de forfait en jours, que le non-paiement des heures supplémentaires n'était pas établi dès lors que le salarié avait perçu une rémunération supérieure au salaire minimum conventionnel, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-22 et L. 3171-4 du code du travail ;

ALORS, 3°) et en tout état de cause, QUE 217 jours travaillés au cours d'une année correspondent, en comptant deux jours de congés hebdomadaires, à 43,4 semaines de travail ; qu'en considérant, pour apprécier le nombre d'heures supplémentaires revendiquées et retenir que le non-paiement de ces heures n'était pas établi, que le salarié avait travaillé 217 jours en 2014 et 2015 et donc 31 semaines seulement, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-15173
Date de la décision : 12/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 12 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 nov. 2020, pourvoi n°19-15173


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.15173
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