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05/11/2020 | FRANCE | N°19-22085

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 05 novembre 2020, 19-22085


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 novembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 796 F-D

Pourvoi n° Y 19-22.085

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020

La société Free infrastructure, société par actions simplifiée,

dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-22.085 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), d...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 novembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 796 F-D

Pourvoi n° Y 19-22.085

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020

La société Free infrastructure, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-22.085 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Crédit mutuel Factoring, société anonyme, dont le siège est [...] anciennement dénommée CM-CIC Factor, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Free infrastructure, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Crédit mutuel Factoring, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 mai 2019), la société Free infrastructure a confié à la société Nouveau groupe d'ingénierie (la société NGI), depuis lors en liquidation judiciaire, la conception, la maîtrise d'oeuvre et la réalisation de réseaux en fibre optique sur le territoire national.

2. En exécution d'un contrat d'affacturage, la société NGI a délivré à la société Factocic, désormais dénommée CM-CIC factor, diverses quittances subrogatives correspondant à cinq factures à recouvrer sur la société Free infrastructure pour un montant global de 390 928,25 euros.

3. La société CM-CIC factor a assigné la société Free infrastructure en paiement des factures cédées, laquelle lui a opposé le paiement direct intervenu au profit de sous-traitants de la société NGI à hauteur de la somme de 287 179,29 euros.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

5. La société Free infrastructure fait grief à l'arrêt de la condamner à payer le montant des créances cédées, alors :

« 1°/ que, d'une part, les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes du litige, lesquels sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, en relevant que la société Free infrastructure sollicitait la compensation des factures réclamées par le factor avec les sommes qu'elle prétendait lui être dues par l'entrepreneur principal, lorsque celle-ci se bornait à soutenir que les paiements réalisés au bénéfice des sous-traitants étaient opposables au factor, la cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 6 du code de procédure civile ;

2°/ que, d'autre part, en tout état de cause, les sommes acquittées par le maître d'ouvrage sur le fondement de l'action directe viennent s'imputer sur la créance que détient l'entrepreneur principal à l'encontre du maître d'ouvrage ; qu'en l'espèce, en refusant de déduire de la somme réclamée par la société CM-CIC facor les paiements réalisés par la société Free infrastructure au bénéfice des sous-traitants, dont elle constatait pourtant qu'ils étaient « opposables au cessionnaire », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles 12 et 13 de la loi du 31 décembre 1975 ;

3°/ que, de troisième part, tout jugement doit être motivé et qu'un motif inopérant équivaut à un défaut de motif ; qu'en recherchant le solde des factures restant supposément dues à l'entrepreneur principal par la société Free infrastructure, lorsque la seule question à trancher par l'arrêt consistait à déterminer si les paiements effectués au bénéfice des sous-traitants pouvaient venir réduire le montant des créances supposément dues à l'affactureur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel, saisie d'une demande de la société Free infrastructure tendant à ce que les sommes payées aux sous-traitants ayant exercé l'action directe soient déduites de la créance que lui opposait la société CM-CIC factor et tenue de restituer aux faits leur véritable qualification, a, sans modifier l'objet du litige, recherché si le maître de l'ouvrage était fondé à se prévaloir contre le subrogé de la compensation de dettes connexes.

7. Ayant constaté, par motifs adoptés, que la société Free infrastructure ne soutenait pas que les paiements de sommes aux sous-traitants correspondaient aux factures cédées par l'entreprise principale au créancier subrogé, elle en a exactement déduit qu'elle n'était fondée à opposer à la société CM-CIC factor la compensation de dettes connexes que si les sommes qu'elle restait devoir à l'entreprise principale étaient inférieures à celles qu'elle avait réglées aux sous-traitants, faisant ainsi ressortir que l'exception de compensation de dettes connexes s'appréciait, en ce cas, globalement en considération des créances réciproques du maître de l'ouvrage et de l'entreprise principale relatives à l'entier marché.

8. Ayant relevé, par motifs adoptés, qu'un état dressé par « l'administrateur provisoire » de l'entreprise principale indiquait que la société Free infrastructure restait devoir à cette dernière à la fin du mois d'avril 2011, déduction faite des factures cédées à CM-CIC factor, un solde de marché de 273 935,21 euros et que le liquidateur judiciaire de la société NGI lui réclamait, dans une instance en cours et déduction faite des factures cédées à CM-CIC factor, paiement d'une somme supérieure 430 000 euros au titre de factures impayées et de retenues de garanties à libérer, elle a souverainement retenu que la société Free infrastructure n'établissait pas que sa dette à l'égard de l'entreprise principale fût inférieure aux sommes qu'elle avait réglées aux sous-traitants et en a exactement déduit qu'elle n'était pas fondée à opposer au créancier subrogé, au titre de la compensation de dettes connexes, les paiements intervenus au profit de ceux-ci.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Free infrastructure aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Free infrastructure.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions et, partant, d'avoir condamné la société FREE INFRASTRUCTURE à payer à la société CM-CIC FACTOR la somme de 390.928,25 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2012 ;

Aux motifs propres que « Sur la compensation Considérant que pour prétendre opérer compensation entre les sommes qu'elle prétend lui être dues par NSI et la créance du factor, Free doit justifier d'une déclaration au passif de la liquidation ;

Qu'en l'espèce, elle ne la produit pas tandis que CM-CIC soutient, sans être contredit, que la somme réglée à la société ABX Eléctro Solutions n'a pas été déclarée de sorte que la compensation ne pourrait intervenir qu'à hauteur de 270 859,63 €, montant versé à AB Vidéocom, sous réserve que le solde restant dû sur le marché soit inférieur à ce montant ;

Sur le solde restant dû

Considérant qu'outre les factures mobilisées, par CM-CIC mais également par BPI France Financement (d'un montant de 233 237,26 € pour celles afférentes au contrat du 1er décembre 2009 selon le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris), que Free ne soutient pas avoir réglées -autrement que par la compensation précitée- et que le mandataire judiciaire a exclu de sa demande, selon ses dernières écritures, dans le cadre de la procédure en paiement qu'il a initiée devant le tribunal de commerce de Paris, la société NSI se prétend créancière, au titre du contrat du 1er décembre 2009 de la somme principale de 77 942,27 € ainsi que d'une retenue de garantie de 364 359,74 € ;

Considérant que selon les conclusions du liquidateur, la somme de 77 942,27 € correspondrait, à quatre factures de montants respectifs de 72 859,52 € (1) 178,43 € (2), 2 531 € (3), 2 373,32 € (4) :

Que Free précise que les factures 2, 3 et 4 seraient réglées mais ne communique aucun élément permettant de le démontrer ;

Qu'elle soutient que la facture 1 ne serait pas due s'agissant d'un chantier qui n'a jamais démarré précisant encore que la facture serait intitulée « Avance sur travaux » ;

Qu'elle ne justifie cependant pas de ces assertions, s'abstenant même de communiquer cette dernière facture ;

Et considérant que si elle soutient à bon droit que la retenue de garantie concerne en réalité tant le contrat de 2009 que le contrat de 2010, il lui appartenait, dès lors qu'il lui incombe de démontrer l'impossibilité de faire payer par son prestataire les 270 859,63 € versés aux sous-traitants par compensation avec le solde restant dû sur le marché considéré, de distinguer les demandes formulées par le tableau du liquidateur qu'elle produit en pièce 40, document particulièrement clair qui établit, par sites d'intervention, qu'une retenue de garantie d'au moins 5% a été prélevée sur un certain nombre de factures et qu'elle ne peut opposer au factor, pour s'opposer au règlement demandé, sa propre carence ;

Considérant qu'elle ne peut davantage soutenir que le contrat de 2009, qui prévoyait une garantie sous forme d'un cautionnement bancaire, a été effectivement appliqué, alors qu'elle ne démontre pas sa mise en oeuvre tandis que le mandataire judiciaire a constaté un moins perçu de 5% -ou plus- sur un certain nombre de factures et que le contrat de 2010 prévoyait uniquement une possibilité de substitution à la retenue de garantie d'un cautionnement bancaire, opportunité que les parties n'ont manifestement pas retenue ;

Considérant enfin que Free évoque une déclaration de créance de 770 742,52 € au passif de NSI mais qu'il résulte du jugement déféré -la décision n'étant pas communiquée en cause d'appel- que le juge commissaire ne l'a pas admise, ce qui ne lui permet pas de s'en prévaloir ;

Considérant en conséquence que Free ne peut s'opposer à l'action subrogatoire régulièrement engagée par CM-CIC lequel justifie avoir réglé les factures cédées en créditant le compte courant de l'adhérent des montants correspondants ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que « Sur la régularité et l'opposabilité des subrogations établies au profit de CM-CIC FACTOR,

Attendu que FREE INFRASTRUCTURE fait grief à CM-CIC FACTOR de ne pas avoir réellement financé les deux factures n°10-138 et 11-137 d'une valeur totale de 142 567,30 euros annexées à la quittance subrogative du 29 mai 2011, dite deuxième subrogation ; mais que l'achat de ces factures a été matérialisé par une écriture du 9 mai 2011 de crédit en compte courant au compte ouvert au nom de NGI dans les livres de CM-CIC FACTOR, ainsi qu'il résulte des pièces versées aux débats, et qu'une telle inscription vaut paiement ; que le fait que le mémo jour ait été comptabilisé un avoir de 138 891,16 euros ne signifie pas que cet avoir, au demeurant d'un montant différent, constitue la contrepartie de cette opération d'achat: qu'à cet égard le fait que ces opérations portent le même numéro de référence est sans signification dans la mesure où il apparait que toutes les opérations d'une même journée portent le même numéro de référence et qu'il a été démontré par la note en délibéré du 21 mars que les avoirs objet de cette écriture, sont sans rapport avec les factures visées par l'inscription en compte précédente relative aux achats de la deuxième subrogation contestée ; qu'il en résulte que CM-CIC FACTOR apporte la preuve du financement de ces factures et que le grief qui lui est fait est sans fondement,

Attendu que, bien qu'elle ne paraisse plus en tirer de conséquence directe, il sera également répondu à l'argumentation de FREE INFRASTRUCTURE critiquant le fait que les créances nées aient pu être cédées en totalité à BPI puis, pour ce qui concerne certaines factures, faire l'objet de subrogations au facteur CM-CIC FACTOR ; que si cette situation a pu entraîner des hésitations, elle n'en est pas moins régulière et courante et que, concrètement, il n'est pas démontré que FREE INFRASTRUCTURE ait été invitée à régler une même facture à BPI et à CM-CIC FACTOR ; que d'ailleurs les débats ont établi qu'il n'y avait aucune concurrence entre BPI et CM-CIC FACTOR au titre des factures objet des litiges dont le tribunal est saisi, qui sont différentes,

Qu'en définitive le tribunal écarte comme non fondés les moyens de FREE INFRASTRUCTURE tendant à voir déclarer irrégulières ou Inopposables les délégations de créances revendiquées par CM-CIC FACTOR à son encontre, Sur la compensation avec une créance sur NGI au titre du marché du 1er décembre 2009

Attendu que FREE INFRASTRUCTURE prétend pouvoir valablement opposer aux cessionnaires des créances détenues par NGI, la compensation avec les créances qu'elle détiendrait sur NGI au titre des avances sur travaux prévues par le même marché et non remboursées qui s'élèveraient à la somme de 770 742,52 euros,

Attendu qu'effectivement l'article 16.2. 5 des conditions générales de ce marché prévoit pour chaque commande supérieure à 50 000 euros, le versement par le maître d'ouvrage d'une avance remboursable égale à 15 % de la commande, avance remboursable en une seule fois dès que les paiements atteignent au moins 15 % de cette commande,

Attendu toutefois que FREE INFRASTRUCTURE ne démontre pas l'existence de cette créance de 770 742,52 euros, ni son quantum,

Attendu qu'elle n'apporte aucune justification sur les paiements faits et les paiements reçus au titre de ces avances et invoque seulement sa déclaration de créances au passif de NGI à ce titre pour ce montant de 770 742,52 euros, en se contentant d'arguer du fait que cette créance aurait été actée et reconnue par le juge-commissaire dans une décision du 29 mai 2012 reprise dans une ordonnance du 10 août 2012 (pièce n°5) ; tandis que CM-CIC FACTOR conteste à la fois l'existence de la créance et une compensation à elle opposable,

Attendu que l'examen de cette décision du juge-commissaire, bien loin de conforter la réalité de cette créance alléguée, montre que c'est une décision de non admission ; que le motif évoqué que cette créance « a été compensée avec les sommes qui étaient dues par votre cliente à la société NGI », ne constitue pas la preuve de l'existence de cette créance qui, à tout le moins et selon les termes de cette décision, aurait déjà été compensée ; qu'elle ne précise en rien les conditions de cette compensation et notamment pas la nature des créances avec lesquelles elles auraient été compensées, ni les dates de ces compensations, tous éléments qui seraient indispensables pour apprécier si cette créance, à la supposer encore existante, pourrait être une nouvelle fois opposée aux établissements cessionnaires,

Attendu qu'il apparait également que le quantum de 770 742,52 euros allégué ne peut correspondre aux avances prévues par les stipulations contractuelles invoquées, que le marché en cause du 1er décembre 2009 s'élevait à 3 371 863,63 euros TTC, que les avances de 15 % n'ont pu être calculées que sur le montant hors taxes de 2 809 885 euros et donc ne peuvent excéder 421 482 075 euros ; mais qu'elle ont été nécessairement très inférieures puisqu'en début du contrat-cadre, les commandes passées ne pouvaient correspondre à la totalité de ce contrat et que certaines ont dû être remboursées,

Attendu que ces analyses et observations conduisent le tribunal à retenir que la société FREE INFRASTRUCTURE n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'une créance sur NGI à hauteur de 770 742,52 euros susceptible d'être opposée aux demandes de règlement de factures formulées par CM-CIC FACTOR et à ne pas retenir cette exception de compensation,

Sur l'imputabilité des règlements de créances incidentes à soustraitants

Attendu que FREE INFRASTRUCTURE, maître d'ouvrage, prétend opposer des paiements faits à des sous-traitants de NGI dans le cadre de leur action directe, le premier ayant été effectué les 5 et 6 octobre 2011 à hauteur d'une somme de 270 859,63 euros à VIDEO COM, et le second l'ayant été à ABX ELECTRO SOLUTIONS à hauteur de 16 319,66 euros en vertu d'un accord transactionnel conclu en avril 2012 ; que ces deux règlements sont postérieurs aux dates précitées des 2 mars et 9 mai 2011 et n'ont été opposés que très tardivement au cours de la présente procédure, respectivement par conclusions des 31 octobre 2014 et 18 septembre 2015 ; mais que, s'agissant de paiements directs à un sous- traitant, cela ne saurait suffire à les rendre inopposables au cessionnaire, même si ses droits sont antérieurs, compte tenu des droits reconnus aux sous-traitants par la loi du 31 décembre 1975 comme de l'interdiction faite de céder la part sous-traitée d'un marché,

Attendu qu'il appartient au débiteur cédé qui revendique cette exception de démontrer en premier lieu la réalité des droits détenus par les bénéficiaires des paiements opposés au cessionnaire, au regard de cette loi de 1975,

Attendu que les pièces versées au dossier et les débats ont permis d'établir :

- que VIDEO COM était bien un sous-traitant de NGI au titre du marché du 1er décembre 2009 (le marché au titre duquel ont été Omises les factures cédées à CM-CIC FACTOR) ainsi qu'il résulte du courrier de demande de paiement de son avocat du 1er juillet 2011, du contrat de sous-traitance du 9 avril 2010 (pièce 11) qui réfère en son article 1 à ce premier marché, de l'attestation émise le 27 juin 2011 par NGI que ces sommes sont bien dues ; que c'est donc à tort que CM-CIC FACTOR a contesté les paiements faits en conséquence à hauteur de 270 859,63 euros les 5 et 6 octobre 2011,

- que ABX ELECTROLUX était bien également un sous-traitant de NGI au titre du même marché du 1er décembre 2009, ainsi qu'il résulte du contrat de sous-traitance du 15 décembre 2010 (pièce n°125) et qu'il est bien démontré que les paiements à hauteur de 16 319,66 euros ont été faits suite à une assignation du 20 octobre 2011 et en exécution d'un accord transactionnel des 7 et 13 avril 2012, et ont été effectivement réglés puisqu'un désistement d'instance et d'action a été constaté ; que c'est donc à tort que CM-C1C FACTOR a contesté l'existence de ces paiements,

- que ces paiements s'élèvent au total à la somme de 287 179,29 euros,

Attendu qu'en sa qualité de maître de l'ouvrage, FREE INFRASTRUCTURE devait régler les sommes réclamées par ces soustraitants dès lors qu'elle était encore, au jour des demandes de paiement, débitrice d'une somme égale ou supérieure au titre du marché en cause vis-à-vis, ou de NGI, ou de ses cessionnaires de créances puisque les cessionnaires, n'ayant à cet égard pas plus de droits que le débiteur cédé, peuvent se voir opposer de tels paiements directs sous certaines conditions,

Attendu qu'en effet le maître d'ouvrage ne peut imputer au cessionnaire tout ou partie des sommes réglées à un sous-traitant de son entreprise contractante que si les sommes qu'il reste lui devoir sont, dans le cadre du même marché, inférieures aux sommes réclamées par les sous-traitants et que s'il démontre que, en réglant les deux, il paierait plus qu'il ne reste devoir à l'entreprise directement contractante ; que cette corrélation entre les sommes restant dues par le mare d'ouvrage avec les paiements directs ne se fait pas, contrairement à ce qui est soutenu par CM-CIC FACTOR, facture par facture, mais globalement au titre d'un même marché,

Attendu que les demandes de paiement de CM-CIC FACTOR ne portent que sur cinq factures à hauteur de 390 928,25 euros, que ces créances ne correspondent donc pas à l'ensemble des créances de NGI sur FREE INFRASTRUCTURE au titre de ce même marché ; que dès lors, pour pouvoir prétendre imputer ces paiements directs à CM-CIC FACTOR, FREE INFRASTRUCTURE doit démontrer qu'elle n'a pas pu imputer ces paiements sur les sommes qu'elle restait devoir ou qu'elle a ultérieurement dues au titre du même marché,

Attendu qu'au cas particulier, FREE INFRASTRUCTURE, pour pouvoir opposer aux demandes de CM-CIC FACTOR ces deux demandes de paiement des sous-traitants, doit en fait seulement démontrer un risque de double paiement et que, les 25 juillet 2011 et ou 20 octobre 2011 ou ultérieurement, elle ne s'est pas trouvée débitrice, vis-à-vis de NGI, de sommes suffisantes pour couvrir tout, ou le cas échéant partie, des sommes réclamées par ces deux soustraitants, et ce, sans prendre en considération celles qu'elle devait à un autre cessionnaire, BPI FRANCE FINANCEMENT, en vertu d'un bordereau de cession du 23 février 2011, puisque, les droits de cette dernière étant antérieurs aux délégations de paiement de CM-CIC FACTOR, cet établissement le primait,

Attendu que FREE INFRASTRUCTURE ne fait pas cette démonstration et ne tente même pas de le faire ; alors cependant que FREE INFRASTRUCTURE n'a pas pu dans les discussions évoquées aux débats, qu'elle a eu avec les organes de la procédure pour faire le compte des sommes dues réciproquement, ne pas faire état des demandes de paiements qu'elle avait reçues dans le cadre de l'action directe pour faire valoir son droit à imputation ; qu'il est d'ailleurs établi que le règlement à VIDEO COM s'est fait au vu et au su de NGI, alors en redressement judiciaire, qui a délivré le 27 juin 2011 une attestation validant ce paiement direct ; que FREE INFRASTRUCTURE aurait aussi pu, s'il y avait lieu, faire valoir dans la présente instance les raisons pour lesquelles elle n'aurait pas pu, dans les discussion initiales puis dans la procédure qui l'oppose encore à NGI devant ce tribunal notamment à ce sujet, faire valoir son droit d'imputer sur les factures restant dues au titre de ce marché les paiements à elle réclamés par les sous-traitants dans le cadre de leur droit à action directe ; que force est de reconnaître qu'elle ne le fait pas,

Attendu qu'au contraire les éléments versés aux débats par CM-CIC FACTOR, qui n'a pourtant pas la charge de la preuve, font fortement présumer que, contrairement à ce qu'elle prétend en invoquant tardivement dans la présente instance, respectivement en 2014 et en 2015 ces paiements directs, FREE INFRASTRUCTURE les a imputés dès l'origine sur des sommes par elle dues, ou a pu ensuite faire reconnaitre son droit, ou aurait simplement pu le faire ; qu'à cet égard CM-CIC FACTOR verse aux débats :

- les conclusions des organes de la procédure NGI du 15 octobre 2014 (pièce 13) selon lesquelles, après déduction des factures dont les paiements sont réclamés par CM-CIC FACTOR et BPI FRANCE FINANCEMENT et qu'ils renoncent à réclamer (et donc présumés devoir être réglées par FREE INFRASTRUCTURE sans discussion), il resterait alors encore due à la liquidation NGI la somme de 77 942,27 euros au litre de factures "non contestées" émises dans le cadre du marché du 1er décembre 2009 (factures n°11-035, 11-158, 11-159 et 11-160), outre la somme de 364 359,74 euros (somme non ventilée entre les différents marchés) au titre des retenus de garanties dont la non libération ne serait pas justifiée,

- un état établi par l'administrateur provisoire et adressé à FREE INFRASTRUCTURE le 8 août 2011 selon lequel cette entreprise restait devoir à fin avril 2011 au titre de factures impayées la somme de 651 028,71 euros HT, dont à déduire 5 factures à régler à CM- CIC FACTOR ou BPIFRANCE FINANCEMENT pour une somme totale de 377 093,50 euros (factures 11-044 ,11-046, 11-049 cédées le 2 mars 2011 au CM-CIC FACTOR pour 248 360,27 euros et 11-101 et 11-102 cédées à BPIFRANCE FINANCEMENT pour 128 733 euros), soit un solde de 273 935,21 euros encore dû sensiblement égal aux sommes réclamées par les sous-traitants : que cet état vise aussi la facture 035 de 72 659,12 euros toujours non réglée le 15 octobre 2014 mais pas les factures ultérieures visées aux conclusions précitées de la liquidation NGI du 15 octobre 2014,

Attendu qu'il apparait ainsi que FREE INFRASTRUCTURE a tenté d'opposer deux fois les mêmes règlements, en opposant à NGI les paiements à faire aux cessionnaires de certaines factures sans l'avertir qu'elle n'entendait pas les régler mais leur opposer les paiements aux sous-traitants qui, s'ils n'avaient pas déjà été imputés, devaient en tout cas l'être en priorité sur des factures non cédées ; que ces élément font en tout cas apparaitre que FREE INFRASTRUCTURE a été en mesure d'imputer ces paiements aux sous-traitants sur des sommes dues à FREE INFRASTRUCTURE ; qu'en tout état de cause, ainsi qu'il a été dit ci-avant, si tel n'avait pas été te cas, il eut appartenu à FREE INFRASTRUCTURE de le démontrer ce qu'elle ne fait pas,

Attendu que, en conséquence, le tribunal rejette les exceptions de paiements incidents et de compensation formulées par FREE INFRASTRUCTURE et accueille les demandes de paiement formulées par CM-CIC FACTOR,

Attendu que les sommes dues porteront intérêt au taux légal à compter du 17 janvier 2012, date de la lettre de mise en demeure,

Le tribunal condamnera la société FREE INFRASTRUCTURE à payer à la société CM-CIC FACTOR au titre du règlement des factures sur NGI dans lesquelles elle a été subrogée les 2 mars et 9 mai 2011, la somme restant due de 390 928,25 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2012 » ;

1°) Alors que, d'une part, les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes du litige, lesquels sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, en relevant que la société FREE INFRASTRUCTURE sollicitait la compensation des factures réclamées par le factor avec les sommes qu'elle prétendait lui être dues par l'entrepreneur principal, lorsque celle-ci se bornait à soutenir que les paiements réalisés au bénéfice des sous-traitants étaient opposables au factor, la cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 6 du code de procédure civile ;

2°) Alors que, d'autre part, en tout état de cause, les sommes acquittées par le maître d'ouvrage sur le fondement de l'action directe viennent s'imputer sur la créance que détient l'entrepreneur principal à l'encontre du maître d'ouvrage ; qu'en l'espèce, en refusant de déduire de la somme réclamée par la société CM-CIC FACTOR les paiements réalisés par la société FREE INFRASTRUCTURE au bénéfice des sous-traitants, dont elle constatait pourtant qu'ils étaient « opposables au cessionnaire », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles 12 et 13 de la loi du 31 décembre 1975 ;

3°) Alors que, de troisième part, tout jugement doit être motivé et qu'un motif inopérant équivaut à un défaut de motif ; qu'en recherchant le solde des factures restant supposément dues à l'entrepreneur principal par la société FREE INFRASTUCTURE, lorsque la seule question à trancher par l'arrêt consistait à déterminer si les paiements effectués au bénéfice des sous-traitants pouvaient venir réduire le montant des créances supposément dues à l'affactureur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) Alors que, de quatrième part, en tout état de cause, sauf à modifier l'objet du litige, le juge ne peut fonder sa décision sur des conclusions qui ne résultent pas du périmètre de l'instance ; qu'en l'espèce, en se prononçant au regard des « conclusions du liquidateur » de la société NGI, lequel n'était pas partie à la procédure, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

5°) Alors que, de cinquième part, le motif inintelligible équivaut à une absence de motifs ; qu'en énonçant que la société maître d'ouvrage « ne peut davantage soutenir que le contrat de 2009, qui prévoyait une garantie sous forme d'un cautionnement bancaire, a été effectivement appliqué, alors qu'elle ne démontre pas sa mise en oeuvre tandis que le mandataire judiciaire a constaté un moins perçu de 5% -ou plus- sur un certain nombre de factures et que le contrat de 2010 prévoyait uniquement une possibilité de substitution à la retenue de garantie d'un cautionnement bancaire, opportunité que les parties n'ont manifestement pas retenue », la cour d'appel s'est fondée sur un motif inintelligible et a ainsi méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

6°) Alors que, de sixième part, le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, en relevant que « Free évoque une déclaration de créance de 770 742,52 € » au passif de NGI, lorsque tel n'était manifestement pas le cas, la cour d'appel a dénaturé les conclusions précitées, en violation de l'article 1192 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-22085
Date de la décision : 05/11/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 05 nov. 2020, pourvoi n°19-22085


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Marc Lévis, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.22085
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