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03/11/2020 | FRANCE | N°19-81768

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 novembre 2020, 19-81768


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° W 19-81.768 F-D

N° 1914

SM12
3 NOVEMBRE 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 3 NOVEMBRE 2020

M. V... A... et l'association Aide aux maîtres d'ouvrage individuels, parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, e

n date du 7 février 2019, qui, dans la procédure suivie contre MM. O... Q... et F... C... du chef de diffamation publique en...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° W 19-81.768 F-D

N° 1914

SM12
3 NOVEMBRE 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 3 NOVEMBRE 2020

M. V... A... et l'association Aide aux maîtres d'ouvrage individuels, parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 7 février 2019, qui, dans la procédure suivie contre MM. O... Q... et F... C... du chef de diffamation publique envers un particulier, a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Bonnal, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. V... A..., L'association Aide aux maîtres d'ouvrages individuels, parties civiles, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. F... C... et M. O... Q... et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. L'association Aide aux maîtres d'ouvrage individuels et M. A..., son secrétaire, ont porté plainte et se sont constitués partie civile, du chef précité, en raison de la mise en ligne de plusieurs textes sur divers sites internet, signés, l'un de M. Q..., les autres d'internautes anonymes.

3. M. C... a été identifié comme l'auteur de trois de ces textes. Il a été, ainsi que M. Q..., renvoyé devant le tribunal correctionnel.

4. Saisi d'une exception tirée de l'acquisition de la prescription entre le 12 décembre 2013 et le 29 avril 2014, date de l'interrogatoire de première comparution de M. Q..., le tribunal correctionnel a ordonné un supplément d'information aux fins de verser au dossier la convocation adressée en vue de cet interrogatoire.

5. Puis, par jugement du 6 juillet 2017, le tribunal correctionnel a rejeté l'exception de prescription, dit n'y avoir lieu à application des articles 648 et suivants du code de procédure pénale et renvoyé l'affaire.

6. Les prévenus, ainsi que le ministère public, ont relevé appel de ce jugement. Le président de la chambre des appels correctionnels a dit n'y avoir lieu de faire droit aux requêtes en examen immédiat de leur appel formées par les prévenus.

7. Par jugement au fond du 21 juin 2018, les juges du premier degré ont relaxé les prévenus. Les parties civiles ont relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux dernières branches

8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen pris en ses quatre premières branches

Enoncé du moyen

9. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 59, 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 7 et 8 (dans leur rédaction antérieure à la loi du 27 février 2017), 509, 515, 591, 593, 648 et 651 du code de procédure pénale, et du principe de l'autorité qui s'attache à la chose jugée.

10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté la prescription de l'action et a, en conséquence, rejeté toute autre demande des parties, alors :

« 1°/ que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel ; qu'en retenant, pour réformer le jugement du 6 juillet 2017 ayant écarté l'exception de prescription et déclarer l'action prescrite, que « l'appel régulièrement interjeté par les parties civiles à l'encontre du jugement rendu sur le fond le 21 juin 2018 a[vait] pour effet de saisir la cour de l'entier litige en ses dispositions civiles, en ce compris les fins de non-recevoir et les exceptions de procédure » (arrêt, p. 12, § 4), quand les actes d'appel ne la saisissaient que du jugement sur le fond ayant débouté les parties civiles de leurs demandes et non du jugement séparé par lequel le tribunal correctionnel avait, le 6 juillet 2017, écarté l'exception de prescription soulevée par les prévenus, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;

2°/ que, sur le seul appel de la partie civile, la cour d'appel ne peut modifier le jugement dans un sens défavorable à celle-ci ; qu'en déclarant que la prescription de l'action avait été acquise le 12 mars 2014 à minuit, quand elle était saisie du seul appel des parties civiles au bénéfice desquelles le tribunal correctionnel avait écarté cette exception de prescription que les prévenus avaient soulevée, la cour d'appel a aggravé le sort des appelantes sur leur seul appel et a violé les textes susvisés ;

3°/ qu'en matière d'infractions à la loi du 29 juillet 1881, l'appel contre les jugements statuant sur les incidents et exceptions autres que les exceptions d'incompétence ne peut être formé, à peine de nullité, qu'après le jugement rendu sur le fond et en même temps que l'appel contre ledit jugement ; qu'en affirmant, pour s'estimer saisie de l'exception de prescription rejetée par le jugement incident rendu le 6 juillet 2017 et déclarer prescrite l'action des parties civiles, que « peu importa[it] [...] le sort de l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 6 juillet 2017 sur la seule exception de prescription » (arrêt, p. 12, § 4), quand elle constatait elle-même que les appels immédiatement formés par les prévenus avaient fait l'objet d'une ordonnance de refus d'admission et n'avaient pas été réitérés après le jugement rendu sur le fond, ce dont il résultait que ces appels, nuls de plein droit, ne l'avaient pas saisie des exceptions que le jugement séparé avait écartées, en sorte qu'elle ne pouvait les examiner à nouveau, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;

4°/ que le principe de l'autorité qui s'attache à la chose jugée, même de manière erronée, s'oppose à ce qu'une décision de justice devenue définitive soit remise en cause ; qu'en affirmant, pour retenir que la prescription avait été acquise le 12 mars 2014 à minuit et déclarer l'action prescrite, qu'« au demeurant, la prescription étant d'ordre public, il appart[enait] à la cour d'examiner ce point » (arrêt, p. 12, § 5), quand le tribunal correctionnel avait, par jugement rendu le 6 juillet 2017, retenu que « la convocation de O... Q... en vue de son interrogatoire de première comparution reçue le 12 mars 2014 » avait « valablement interrompu la prescription » (jugement du 6 juillet 2017, p. 11, § 6) et quand ce jugement avait acquis force de chose jugée faute d'avoir été frappé d'appel après le jugement rendu sur le fond, en sorte qu'elle ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, retenir le moyen de prescription qui avait été écarté par une décision devenue définitive, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés. »

Réponse de la Cour

11. Pour dire y avoir lieu à examiner la prescription de l'action publique, l'arrêt attaqué énonce que l'appel régulièrement interjeté par les parties civiles à l'encontre du jugement rendu sur le fond le 21 juin 2018 a pour effet de saisir la cour de l'entier litige en ses dispositions civiles, en ce compris les fins de non-recevoir et les exceptions de procédure, peu important à cet égard le sort de l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 6 juillet 2017 sur la seule exception de prescription.

12. Les juges ajoutent qu'au demeurant, la prescription étant d'ordre public, il leur appartient de statuer.

13. C'est à tort que les juges ont retenu que, de façon générale et quoique l'appel contre un jugement rejetant des incidents n'ait pas été réitéré en même temps que l'appel sur le jugement sur le fond, ce dernier appel les saisissait de l'entier litige, peu important le sort de cet appel.

14. En effet, il résulte de l'article 59 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse que, d'une part, l'appel formé immédiatement contre un jugement rendu, en matière de presse, sur un incident autre qu'une exception d'incompétence et qui ne met pas fin à l'instance, est nul, faute d'avoir été déclaré immédiatement recevable, en application des dispositions des articles 507 et 508 du code de procédure pénale, d'autre part, si l'appel n'est pas réitéré en même temps que l'appel contre le jugement rendu au fond, les dispositions du jugement sur incident passent en force de chose jugée.

15. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors qu'il n'en va pas de même lorsque le jugement ne mettant pas fin à l'instance a écarté un moyen tiré de la prescription de l'action, l'acquisition de la prescription, cause d'extinction de l'action publique, étant un moyen d'ordre public qui peut être soulevé en tout état de la procédure et que les juges doivent, si nécessaire, relever d'office.

16. Ainsi, le moyen doit être écarté.

17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. V... A... et l'association Aide aux maîtres d'ouvrage individuels devront payer à MM. Q... et C... en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois novembre deux mille vingt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 19-81768
Date de la décision : 03/11/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 nov. 2020, pourvoi n°19-81768


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.81768
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