LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 19-82.865 F-D
N° 1986
CK
28 OCTOBRE 2020
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 OCTOBRE 2020
M. G... A... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 26 mars 2019, qui, dans la procédure suivie contre lui pour détention, importation et transport de stupéfiants, importation, détention et transport de marchandises prohibées en contrebande, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement, dix ans d'interdiction du territoire, à une amende douanière, et a ordonné une mesure de confiscation.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. G... A..., les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'administration des douanes et droits indirects, et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Une opération de livraison de stupéfiants d'Espagne en Italie, via le sud de la France, a eu lieu début août 2017, impliquant trois véhicules dont l'un appartenait à M. G... A.... Selon un protagoniste, il a alors été transporté environ dix sacs de résine de cannabis de vingt et trente kilogrammes.
3. Les investigations ont établi que M. A... a participé à ce voyage.
4. M. A... a contesté toute participation à un trafic de stupéfiants.
5. Il a été poursuivi des chefs d'importation, de détention et de transport non autorisés de produits stupéfiants et pour délits douaniers d'importation, de détention et de transport, sans déclaration préalable, de marchandises prohibées.
6. Le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable de l'ensemble des faits, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement, notamment, et a statué sur l'action douanière.
7. Statuant sur l'action douanière, les premiers juges ont, par ailleurs, condamné M. A... au paiement d'une amende de 1 719 000 euros, avec une solidarité limitée, le concernant, à la somme de 200 000 euros.
8. M. A... a relevé appel des dispositions pénales et douanières de cette décision ; le ministère public a relevé appel incident.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, le deuxième moyen pris en sa seconde branche, le quatrième moyen, et le cinquième moyen pris en sa seconde branche
9. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur les deuxième et cinquième moyens, pris en leur première branche
Enoncé des moyens
10. Le deuxième moyen, en sa première branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. A... coupable d'importation, transport et détention de produits stupéfiants alors :
« 1°/ qu'en retenant cumulativement à l'encontre du prévenu les qualifications, d'une part de détention de stupéfiants, d'autre part de transport et d'importation de ces produits, sans relever des faits de détention distincts de ceux qu'elle réprimait déjà sous les qualifications de transport et d'importation, la cour d'appel a méconnu les articles 4 du protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme, 132-2 et 132-3 du code pénal, ensemble le principe non bis in idem. »
11. Le cinquième moyen, en sa première branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. A... coupable d'importation, transport et détention, sans déclaration préalable, de marchandises prohibées, dangereuses pour la santé, la moralité ou la sécurité publique alors :
« 1°/ qu'en retenant cumulativement à l'encontre du prévenu les qualifications, d'une part de détention de marchandises prohibées, d'autre part de transport et d'importation de ces produits, sans relever des faits de détention distincts de ceux qu'elle réprimait déjà sous les qualifications de transport et d'importation, la cour d'appel a méconnu les articles 4 du protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme, 132-2 et 132-3 du Code pénal, ensemble le principe non bis in idem. »
Réponse de la Cour
12. Les moyens sont réunis.
Vu le principe ne bis in idem et l'article 593 du code de procédure pénale :
13. Des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elle concomitantes.
14.Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
15. Pour déclarer le prévenu coupable de détention de stupéfiants et marchandises prohibées, et également importation et transport de stupéfiants et de marchandises prohibées, l'arrêt attaqué se réfère, en substance, aux éléments tirés de la reconstitution, au travers des balisages téléphoniques et des relevés d'opérations bancaires, du convoi de trois véhicules, dont l'un appartenait au prévenu, à destination de l'Espagne, puis de son retour en France et de son passage en Italie, aux dépositions d'autres mis en cause desquelles il résulte la preuve d'une importation et d'un transport de stupéfiants.
16. Les juges se fondent aussi sur une conversation téléphonique, au cours de laquelle M. A... fait état d'une participation à un "transport" entre l'Italie et l'Espagne, tout en se plaignant des agissements du donneur d'ordre, qui a ajouté une quantité de "deux" au dernier moment, alors que sa voiture était pleine.
17. Ils en concluent que tous ces éléments démontrent que M. A... a commis entre la France et l'Espagne des faits de trafic de stupéfiants, dont il a à juste titre été déclaré coupable par le jugement déféré.
18. En se déterminant ainsi, sans mieux s'expliquer sur l'existence de faits distincts retenus pour établir à l'encontre du prévenu le délit de détention de stupéfiants et celui de transport et importation, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
19. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier susvisé, en date du 26 mars 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit octobre deux mille vingt.