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22/10/2020 | FRANCE | N°19-20149

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 22 octobre 2020, 19-20149


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 octobre 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1045 F-D

Pourvoi n° U 19-20.149

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020

La caisse primaire d'assurance maladie du Var, dont le siège est [...

] , a formé le pourvoi n° U 19-20.149 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 octobre 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1045 F-D

Pourvoi n° U 19-20.149

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020

La caisse primaire d'assurance maladie du Var, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 19-20.149 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à Mme M... L... N..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Var, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme L... N..., et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 mai 2019), Mme L... N... (l'assurée) a sollicité de la caisse primaire d'assurance maladie du Var (la caisse) la prise en charge au titre de la législation professionnelle d'une dépression, syndrome post-traumatique constatée par certificat médical initial du 4 juillet 2014 qu'elle rattachait à ses conditions de travail, demande que la caisse a rejetée, après avis négatif d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par décision ayant donné lieu à l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 5 octobre 2015.

2. L'assurée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen unique

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a implicitement reconnu la maladie de l'assurée en application de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale, de la débouter de l'intégralité de ses demandes et de la condamner à payer à l'assurée la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que la caisse dispose d'un nouveau délai de trois mois à compter de la date à laquelle elle a informé l'assuré de sa décision d'avoir recours à un délai d'instruction complémentaire pour statuer sur le caractère professionnel d'une déclaration de la maladie professionnelle ; qu'en l'absence de décision dans ce délai, le caractère professionnel de la maladie est implicitement reconnu ; que la date de notification de la décision de la caisse sur la nature de la maladie, qui s'effectue par voie postale, est, à l'égard de l'organisme social qui y procède, celle de l'expédition ; qu'en l'espèce les juges du fond ont constaté que la caisse primaire d'assurance maladie du Var avait adressé à son assurée, Mme L... N..., le 13 février 2015, un courrier recommandé aux termes duquel elle l'avait informée de la nécessité d'un délai d'instruction complémentaire de trois mois de sorte que le délai dont elle disposait pour prendre sa décision expirait le 13 mai 2015 ; qu'en retenant, pour décider que le caractère professionnel de la maladie avait été implicitement reconnu par la caisse, qu'en l'absence de renseignement de la date de distribution de l'avis de réception, il ne leur était pas possible de vérifier à quelle date l'assurée avait reçu la lettre recommandée avec demande d'accusé de réception par laquelle la caisse avait, le 5 mai 2015, notifié à l'intéressée son refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle, la cour d'appel a déduit un motif inopérant et violé les articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale et 668 et 669 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt relève que l'avis de réception, présenté comme celui afférent à la lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 5 mai 2015, que la caisse prétend avoir envoyée à l'assurée pour l'informer du refus de prise en charge, n'est pas daté, que la capture d'écran du logiciel ADOCUWEB de la caisse faisant apparaître une date de retour de l'avis de réception le 13 mai 2015 est sans portée probante, nul ne pouvant se constituer une preuve à soi-même, en sorte qu'il n'est pas démontré qu'il s'agit bien de l'avis de réception de la lettre recommandée avec demande d'accusé de réception litigieuse du 5 mai 2015 et que l'assurée conteste avoir reçu cette lettre et l'avoir signée, qu'en l'absence de renseignement de la date de distribution de l'avis de réception versé par la caisse, il n'est pas possible de vérifier son affirmation selon laquelle il s'agit de celui afférent à sa lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 5 mai 2015 valant notification à l'assurée de son refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle.

5. De ces constatations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel, faisant ressortir l'absence de notification d'une décision explicite de la caisse avant l'expiration du délai légal le 13 mai 2005, en a exactement déduit que le caractère professionnel de la maladie de l'assurée était reconnu de plein droit.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Var aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie du Var et la condamne à payer à Mme L... N... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la maladie de Madame L... N... M... a implicitement été reconnue par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Var en application de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale, d'AVOIR débouté la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Var de l'intégralité de ses demandes et de l'AVOIR condamnée à payer à Madame L... N... la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux « termes de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale, la caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration de la maladie professionnelle et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie ;
Qu'en outre, en application de l'article R. 441-14 du même code, en cas de nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit notamment en informer la victime avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception ;
Qu'à l'expiration d'un nouveau délai ne pouvant excéder trois mois en matière de maladie professionnelle à compter de la date de la notification précitée et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de la maladie est reconnu ;
Qu'en cas de saisine du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (ci-après CRRMP) mentionné à l'article L. 461-1 alinéa 5 du code de la sécurité sociale, le délai imparti à ce Comité pour donner son avis s'impute sur les délais sus rappelés ;
Qu'en l'occurrence, la CPAM du Var a reçu une déclaration de maladie professionnelle établie le 11 novembre 2014 par M... L... N... et accompagné d'un certificat médical initial du 4 juillet 2014 ;
Que, par une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 13 février 2015 distribuée le 17 février 2015, la CPAM du Var a informé M... L... N... de la nécessité d'une enquête complémentaire ;
Qu'en conséquence et en application des dispositions susvisées, la CPAM du Var devait rendre sa décision au plus tard le 13 mai 2015 ;
Que, par une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 17 mars 2015, la caisse a informé M... L... N... de la transmission de son dossier pour avis du CRRMP de la région de Marseille ;
Que, par une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 5 mai 2015, la CPAM du Var lui a notifié son refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle, l'avis du CRRMP ne lui étant pas parvenu avant la fin du délai d'instruction ;
Que, le 22 septembre 2015, ce CRRMP a rendu un avis défavorable à la prise en charge de la maladie de M... L... N... au titre de la législation professionnelle ;
Qu'en conséquence, par une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 5 octobre 2015, la caisse lui a notifié un refus de reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie constatée le 4 juillet 2014 ;
Qu'au soutien de son appel, la CPAM du Var affirme avoir envoyé, le 6 mai 2015, sa première lettre recommandée avec demande d'accusé de réception de refus de prise en charge de la maladie de M... L... N... au titre de la législation professionnelle ;
Qu'elle soutient que ses services spécialisés ont réceptionné, le 13 mai 2015, l'accusé de réception dudit courrier ;
Qu'en réplique, M... L... N... conteste avoir reçu ce courrier et dénie l'avoir signé ;
Qu'à juste titre, elle relève que l'accusé de réception versé aux débats par la CPAM du Var n'est pas daté ;
Qu'elle en déduit que la CPAM du Var ne lui a pas notifié dans le délai légal sa décision de refus de prise en charge puisque ce n'est que par la lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 5 octobre 2015 qu'elle a eu connaissance de cette décision ;
Mais attendu qu'il convient de constater que la CPAM du Var ne produit à l'appui de son affirmation qu'un document qu'elle présente comme étant l'avis de réception par M... L... N... de sa lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 5 mai 2015 ;
Que, cependant, ce document n'est nullement daté ;
Que, la caisse ne verse qu'une capture d'écran de son logiciel ADOCUWEB faisant apparaître une date de retour de l'avis de réception le 13 mai 2015 ;
Que, nul ne pouvant se constituer preuve à soi-même, ce document n'a aucune valeur probante ;
Qu'en conséquence, il ne permet pas de déterminer qu'il s'agit bien de l'avis de réception de la lettre recommandée avec demande d'accusé de réception litigieuse du 5 mai 2015 ;
Qu'en outre, M... L... N... conteste avoir reçu cette lettre et l'avoir signée ;
Que, s'il convient de rappeler à l'intimée qu'il n'appartient pas à la cour de procéder à une expertise en écriture et que, quoi qu'il en soit, la signature apposée sur l'avis de réception de la lettre recommandée avec demande d'accusé de réception envoyée à son adresse personnelle est présumée être la sienne jusqu'à preuve du contraire, en l'absence de renseignement de la date de distribution de l'avis de réception versé par la caisse, il n'est pas possible de vérifier son affirmation selon laquelle il s'agit de celui afférent à sa lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 5 mai 2015 valant notification à M... L... N... de son refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle ;
Qu'il y a lieu de constater que la CPAM du Var ne rapporte pas la preuve qui lui incombe à l'appui de sa prétention selon laquelle elle a pris sa décision de refus de prise en charge avant l'expiration du délai légal ;
Qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la maladie déclarée par M... L... N... a été implicitement reconnue par la CPAM du Var en application de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale ;
Que l'équité impose de condamner la CPAM du Var à payer à M... L... N... la somme de 1.000 euros application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Qu'il convient de condamner la CPAM du Var aux dépens d'appel postérieurs au 1er janvier 2019 conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile. »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la décision implicite de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle
que le Conseil de Madame N... fait valoir que la CPAM DU VAR lui a fait connaître sa décision de refus de prise en charge par courrier du 5 octobre 2015, alors qu'elle devait la rendre au plus tard le 13 mai 2015 ;
que la CPAM DU VAR produit une notification en recommandé avec accusé de réception en date du 13 février 2015 aux termes duquel elle informe l'assurée de la nécessité d'un délai d'instruction complémentaire de trois mois en raison de la nécessité d'un avis médical ;
Que l'organisme social produit un courrier du 5 mai 2015 informant l'assurée que le CRRMP n'a pas rendu son avis et que le délai d'instruction complémentaire arrivant à expiration, il est contraint de refuser la prise en charge de la maladie ;
Que Madame N... prétend ne pas avoir reçu ce courrier et elle conteste sa signature figurant sur l'accusé de réception ; qu'indépendamment de la contestation portant sur la signature, eu égard aux différentes signatures figurant sur les documents et notamment sur le recommandé relatif à la convocation de l'assurée devant le tribunal, il y a lieu de constater que si les coordonnées postales correspondent entre celles figurant sur la notification et sur l'accusé de réception, en revanche aucune date de distribution n'est mentionnée sur ce document ;
Qu'il s'ensuit que la caisse ne prouve pas qu'elle a pris sa décision au terme du délai complémentaire de trois mois, dès lors en application de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale, il convient de constater que la maladie a été implicitement reconnue. »

ALORS QUE la caisse dispose d'un nouveau délai de trois mois à compter de la date à laquelle elle a informé l'assuré de sa décision d'avoir recours à un délai d'instruction complémentaire pour statuer sur le caractère professionnel d'une déclaration de la maladie professionnelle ; qu'en l'absence de décision dans ce délai, le caractère professionnel de la maladie est implicitement reconnu ; que la date de notification de la décision de la caisse sur la nature de la maladie, qui s'effectue par voie postale, est, à l'égard de l'organisme social qui y procède, celle de l'expédition ; qu'en l'espèce les juges du fond ont constaté que la caisse primaire d'assurance maladie du Var avait adressé à son assurée, Madame M... L... N..., le 13 février 2015, un courrier recommandé aux termes duquel elle l'avait informée de la nécessité d'un délai d'instruction complémentaire de trois mois de sorte que le délai dont elle disposait pour prendre sa décision expirait le 13 mai 2015 ; qu'en retenant, pour décider que le caractère professionnel de la maladie avait été implicitement reconnu par la caisse, qu'en l'absence de renseignement de la date de distribution de l'avis de réception, il ne leur était pas possible de vérifier à quelle date l'assurée avait reçu la lettre recommandée avec demande d'accusé de réception par laquelle la CPAM du Var avait, le 5 mai 2015, notifié à l'intéressé son refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle, la cour d'appel a déduit un motif inopérant et violé les articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale et 668 et 669 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-20149
Date de la décision : 22/10/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 22 oct. 2020, pourvoi n°19-20149


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Boutet et Hourdeaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.20149
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