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22/10/2020 | FRANCE | N°18-23534

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 22 octobre 2020, 18-23534


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 octobre 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 755 F-D

Pourvoi n° C 18-23.534

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020

1°/ M. B... A...,

2°/ Mme C... T..., épouse A...,
r>domiciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° C 18-23.534 contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (4e chambre ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 octobre 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 755 F-D

Pourvoi n° C 18-23.534

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020

1°/ M. B... A...,

2°/ Mme C... T..., épouse A...,

domiciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° C 18-23.534 contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (4e chambre A), dans le litige les opposant :

1°/ à M. F... D..., domicilié [...] ,

2°/ à Mme P... L..., épouse X..., domiciliée [...] ,

3°/ à Mme S... D..., épouse O..., dite Y..., domiciliée [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme A..., de la SCP Foussard et Froger, avocat des consorts D...-L..., après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 janvier 2018), par actes des 25 octobre et 16 novembre 2010, M. et Mme A... ont assigné les consorts D...-L..., propriétaires du fonds voisin, en revendication de la propriété, qu'ils auraient acquise par possession trentenaire, de la surface de l'empiétement réalisé par la construction d'un hangar dont la démolition a été demandée reconventionnellement.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. M. et Mme A... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande et de les condamner à la démolition de la construction litigieuse, alors « que le possesseur actuel qui prouve avoir possédé anciennement est présumé avoir possédé dans le temps intermédiaire, sauf la preuve contraire ; qu'en retenant, pour débouter les époux A... de leur demande et les condamner à démolir toute construction empiétant sur la parcelle [...] appartenant aux consorts D...-L..., que les éléments de preuve produits par les exposants ne permettraient « pas d'établir une possession trentenaire depuis [la] construction [du hangar] qui soit conforme aux conditions légales ci-dessus rappelées », que « la charge de la preuve incomb[ait] à celui qui prétend avoir usucapé », et que c'était « à tort qu'ils argu[ai]ent que les consorts D...-L... ne démontr[ai]ent pas que la possession ne rempli[ssait] pas les conditions de l'article 2261 du code civil » (arrêt page 4, al. 1er) quand il résultait de ses constatations l'existence d'une possession actuelle par empiètement de la construction des exposants sur le terrain voisin, remontant à plus de trente ans de sorte qu'il appartenait aux défendeurs de contester les caractéristiques de la possession qui leur était opposée, en particulier sa continuité, la cour d'appel a violé les articles 2261 et 2264 du code civil, ensemble l'article 1353 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2264 du code civil :

3. Aux termes de ce texte, le possesseur actuel qui prouve avoir possédé anciennement est présumé avoir possédé dans le temps intermédiaire, sauf la preuve contraire.

4. Pour rejeter la demande en revendication de la propriété par effet de prescription et ordonner la démolition du hangar, l'arrêt retient que la charge de la preuve des éléments constitutifs de la possession utile pèse sur M. et Mme A... et que ceux-ci ne justifient pas d'une possession trentenaire depuis la construction, en 1975 ou 1976, du bâtiment empiétant sur le fonds voisin.

5. En statuant ainsi, alors que l'édification de la construction litigieuse constituait le premier acte matériel de possession, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve des éléments constitutifs de la possession dans le temps intermédiaire, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne les consorts D...-L... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les consorts D...-L... et les condamne à payer à M. et Mme A... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme A....

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif d'AVOIR rejeté les demandes des époux A... et de leur AVOIR ordonné de démolir toutes constructions réalisées sans droit ni titre sur la parcelle section [...] à [...] (83) sous astreinte de 50 euros par jour à compter de l'expiration d'un délai de six mois à compter de la signification du jugement ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article 2261 du code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ; que l'article 2272 du même code dispose quant à lui que le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans ; qu'en l'espèce, il est constant que les époux A... ont fait édifier un hangar qui est en limite de leur fonds [...] et qui empiète sur la parcelle [...] des consorts D...-L... ; qu'au soutien de leur action en revendication de la partie de cette dernière parcelle sur laquelle se trouve le hangar, les époux A... versent aux débats : - le plan de masse du bâtiment litigieux portant la mention pour partie illisible " Vu pour être annexe ... 15 sept 1976 ", un extrait du plan communal, le témoignage de M. Q... aux termes duquel celui-ci atteste " pendant les années 1977, 1978, 1979 avoir labouré les terres de M. A... B..., [...], et que depuis ce temps-là, il en assure régulièrement l'entretien ; que par ailleurs en 1975, il a exécuté une construction sur cette partie de terrain.", - un échange de correspondances entre notaire et avocat courant 2008-2010 ; un relevé de propriété ; que ces pièces si elles démontrent que le hangar litigieux a été édifié en 1975-1976, ne permettent cependant pas d'établir une possession trentenaire depuis cette opération de construction, qui sort conforme aux conditions légales ci-dessus rappelées ; que la charge de la preuve incombe à celui qui prétend avoir usucapé de sorte que c'est à tort que les époux A... arguent que les consorts D...-L... ne démontrent pas que la possession ne remplit pas les conditions de l'article 2261 du code civil ; que c'est également vainement qu' ils font valoir que leur possession se trouve étayée par l'absence de la moindre contestation de la part de M. H..., auteur des consorts D...-L..., dans la mesure où ils indiquent, plus loin dans leurs écritures, que celui-ci ne venait quasiment jamais sur ses terres inconstructibles et dépourvues de valeur ; que ces éléments suffisent à considérer que les époux A... ne justifient pas avoir usucapé la portion de terrain litigieuse ; qu'ils doivent donc être déboutés de l'ensemble de leurs demandes et être condamnés au contraire, en vertu des articles 544 et 545 du code civil, a démolir les constructions empiétant sur le bien des consorts D...-L... ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE l'article 2220 ancien du code civil admet que l'on peut renoncer à une prescription acquisitive ; que par les courriers de leur notaire du 12 novembre 2008 et surtout de leur avocat le 9 mars 2010, les époux A... ont admis que le hangar avait été construit sur la parcelle appartenant à l'indivision D... en demandant une solution pour résoudre le problème de ce hangar par échange de parcelle ou cession de la partie de la parcelle sur laquelle il est construit ; qu'il convient en conséquence de rejeter la demande des époux A... de se voir reconnaitre la propriété de la partie de la parcelle [...] sur laquelle est édifié le hangar ;

1°) ALORS QUE le possesseur actuel qui prouve avoir possédé anciennement est présumé avoir possédé dans le temps intermédiaire, sauf la preuve contraire ; qu'en retenant, pour débouter les époux A... de leur demande et les condamner à démolir toute construction empiétant sur la parcelle [...] appartenant aux consorts D...-L..., que les éléments de preuve produits par les exposants ne permettraient « pas d'établir une possession trentenaire depuis [la] construction [du hangar] qui soit conforme aux conditions légales ci-dessus rappelées », que « la charge de la preuve incomb[ait] à celui qui prétend avoir usucapé », et que c'était « à tort qu'ils argu[ai]ent que les consorts D...-L... ne démontr[ai]ent pas que la possession ne rempli[ssait] pas les conditions de l'article 2261 du code civil » (arrêt page 4, al. 1er) quand il résultait de ses constatations l'existence d'une possession actuelle par empiètement de la construction des exposants sur le terrain voisin, remontant à plus de trente ans de sorte qu'il appartenait aux défendeurs de contester les caractéristiques de la possession qui leur était opposée, en particulier sa continuité, la cour d'appel a violé les articles 2261 et 2264 du code civil, ensemble l'article 1353 du même code ;

2°) ALORS QUE l'ignorance des actes de possession par le véritable titulaire du droit n'est pas de nature à vicier cette possession et à permettre à ce dernier d'échapper aux conséquences de l'usucapion ; qu'en relevant encore que les époux A... ne pouvaient invoquer l'absence de contestation pendant trente ans de M. H..., auteur des consorts D...-L..., dans la mesure où il ne « ne venait quasiment jamais sur ses terres inconstructibles et dépourvues de valeur » (arrêt page 4, al. 1er et 2) quand l'ignorance de M. H... de l'empiètement litigieux n'était pas de nature à vicier la possession exercée par les époux A..., notamment son caractère public, et ne pouvait faire échec à la prescription acquisitive, la cour d'appel a méconnu l'article 2261 du code civil ;

3°) ALORS QUE la renonciation tacite à une prescription acquisitive accomplie doit résulter de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription ; qu'en considérant, pour débouter les exposants de leur demande, qu'ils auraient renoncé à la prescription acquisitive, dès lors que « par courriers de leur notaire du 12 novembre 2008 et surtout de leur avocat le 9 mars 2010, les époux A... avaient admis que le hangar avait été construit sur la parcelle appartenant à l'indivision D... en demandant une solution pour résoudre le problème de ce hangar, par échange de parcelle ou cession de la partie de parcelle sur laquelle il [était] construit » (jugement page 4, dernier al. se poursuivant page 5), la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser une volonté non équivoque des époux A... de renoncer à la prescription acquisitive, a violé les articles 2250 et 2251 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-23534
Date de la décision : 22/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 22 oct. 2020, pourvoi n°18-23534


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.23534
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