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21/10/2020 | FRANCE | N°19-83967

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 octobre 2020, 19-83967


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° M 19-83.967 F-D

N° 1872

CK
21 OCTOBRE 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 OCTOBRE 2020

Mme A... V... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Cayenne, chambre correctionnelle, en date du 16 mai 2019, qui, pour abus de confiance et détention d

e produit alimentaire ou boisson falsifié, corrompu ou toxique l'a condamnée à 30 000 euros d'amende et cinq ans d'interdict...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° M 19-83.967 F-D

N° 1872

CK
21 OCTOBRE 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 OCTOBRE 2020

Mme A... V... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Cayenne, chambre correctionnelle, en date du 16 mai 2019, qui, pour abus de confiance et détention de produit alimentaire ou boisson falsifié, corrompu ou toxique l'a condamnée à 30 000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction de gérer.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme A... V..., et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Pauthe, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 4 mai 2011, une enquête a été ouverte sur une défiscalisation obtenue en 2008 par la société Sodextour, gérée par Mme A... V..., exploitant un restaurant à l'enseigne "[...] " à Cayenne.

3. Le dossier de défiscalisation avait notamment pour objet un véhicule Berlingo immatriculé [...] acquis par la société Nordy Gest et mis à disposition de la société Sodextour aux termes du contrat de location pour une durée de soixante mois au loyer de 250 euros HT, à charge pour cette dernière d'en faire usage pour les besoins d'une activité de restauration classée de tourisme.

4. Le restaurant avait fait l'objet d'un contrôle ayant donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal des services vétérinaires de la Guyane en date du 11 août 2009 ayant constaté l'entreposage dans un réfrigérateur équipant les cuisines de deux filets d'acoupa putréfiés.

5. L'établissement a cessé toute activité en mars 2010 et la société Sodextour a été mise en liquidation judiciaire le 26 décembre 2010.

6. La clôture des opérations de liquidation était prononcée le 30 décembre 2011 en présence d'un actif quasiment nul.

7. Par contrat signé le 1er janvier 2012, la société Nordy Gest a donné le véhicule Berlingo en location pour vingt quatre mois à la société SAJE qui, créée le 2 décembre 2010, en avait eu l'usage depuis la fin d'activité de la société Sodextour dont elle occupait les locaux.

8. Placée en garde à vue le 31 mai 2012, Mme V... a expliqué que la société SAJE, dont elle était directrice générale, confectionnait des repas pour une crèche basée à Kourou. Elle a évoqué l'existence d'un accord à ce transfert de la part de la société Nordy Gest dont le représentant a cependant indiqué qu'aucun accord n'avait été finalisé sur ce point.

9. A l'issue de l'enquête, Mme V... s'est vu notifier le 8 février 2013 une convocation par officier de police judiciaire puis délivrer une citation par acte d'huissier en date du 8 septembre 2015 aux fins de comparaître devant le tribunal correctionnel afin de répondre de faits d'abus de confiance commis de courant mars 2010 au 20 mai 2012, relatifs au détournement du véhicule Berlingo au préjudice de la société Nordy Gest, et de détention de denrée alimentaire, boisson, produit toxique agricole falsifié, corrompu ou toxique.

10. Par jugement du tribunal correctionnel de Cayenne en date du 14 novembre 2017, Mme V... a été déclarée coupable de ces faits et condamnée à 30000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction professionnelle.

11. Mme V... a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

12. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

13. Le moyen est pris de la violation des articles L. 451-3 et L. 413-2 du code de la consommation, et des articles 8, 591 et 593 du code de procédure pénale.

14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme V... coupable de détention de denrée alimentaire, boisson ou produit agricole falsifié, corrompu ou toxique, alors « qu'au moment des faits, la prescription de l'action publique en matière de délit était de trois années révolues ; que le délit de détention de denrée corrompue ou toxique reproché à Mme V... a été constaté par procès-verbal du 11 août 2009 ; qu'au moment de la convocation par officier de police judiciaire du 3 février 2013, et a fortiori au moment de la citation directe de Mme V... devant le tribunal correctionnel le 8 décembre 2015, ces faits étaient d'ores et déjà prescrits ; qu'en s'abstenant de relever la convocation par officier de police judiciaire du 3 février 2013 et a fortiori au moment de la citation directe devant le tribunal correctionnel le 8 décembre 2015, que les faits étaient d'ores et déjà prescrits ; qu'en s'abstenant de relever, au besoin d'office, l'extinction de l'action publique de ce chef, la cour d'appel a violé les textes précités. »

Réponse de la Cour

15. Il ne résulte d'aucune énonciation de l'arrêt attaqué, ni d'aucune conclusion, que la demanderesse ait excipé de la prescription de l'action publique devant les juges du fond.

16. Si la prescription de l'action publique, moyen péremptoire d'ordre public, peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation, c'est à la condition que cette cour trouve dans les constatations des juges du fond les éléments nécessaires pour en apprécier la valeur.

17. A défaut de telles constatations, le moyen nouveau est comme tel irrecevable.

Sur les troisième et quatrième moyens

Enoncé des moyens

18. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 132-1, 132-20, alinéa 2, du code pénal, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale.

19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme V... à une amende de 30 000 euros, alors « qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; que le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ; qu'en l'espèce, pour fixer le montant de cette amende, la cour d'appel a tenu compte de ses revenus (bulletins de paye produits) et constaté qu'elle est propriétaire seule ou conjointement avec son époux de divers biens immobiliers non précisés sans s'interroger sur ses charges ; qu'en conséquence, elle a privé sa décision de base légale au regard des dispositions précitées. »

20. Le quatrième moyen est pris de la violation des articles 132-1 du code pénal , 485, 512 et 593 du code de procédure pénale.

21. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme V... à l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ayant permis la commission de l'infraction pour une durée de cinq ans, commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société, alors :

« 1°/ que pour justifier la peine d'interdiction d'exercer et de gérer pour une durée de cinq ans dont elle a confirmé le principe, la cour d'appel a reproché à Mme V... la déconfiture de la société Sodextour et du restaurant qu'elle exploitait ainsi que la méconnaissance des règles relatives à la comptabilité et au patrimoine des personnes morales ; qu'en prétendant que Mme V... aurait ainsi démontré son incapacité à gérer de manière pérenne une entreprise commerciale par des motifs étrangers aux infractions d'abus de confiance et de détention de denrée corrompue ou toxique qu'elle lui reprochait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

2°/ que, tenue de prendre en compte la situation personnelle, familiale et sociale d'un condamné, une cour d'appel ne peut ignorer l'ancienneté des faits et l'évolution de leur auteur au jour où elle statue ; qu'en constatant que Mme V... était présidente et salariée d'une société par actions simplifiée depuis 2012, sans en tirer les conséquences qui s'imposaient quant à sa capacité à exercer l'activité professionnelle qui était la sienne et à contrôler une entreprise ou une société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. »

Réponse de la Cour

22. Les moyens sont réunis.

23. Pour condamner Mme V... à une amende de 30 000 euros et à cinq ans d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ayant permis la commission de l'infraction, commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société, l'arrêt attaqué énonce que l'enquête a établi que par le biais d'un dispositif de financement public des biens d'une certaine valeur ont changé de destination quand ils n'ont pas disparu.

24. Les juges relèvent que Mme V..., désormais domiciliée à Menton (06), produit des bulletins de paie en qualité de présidente d'une société par actions simplifiée, dénommée "les petites frimousses cuisine centrale" et dans laquelle elle serait employée depuis le 20 mai 2012, que sa rémunération pour le mois de janvier 2019 est mentionnée comme étant de 3 000 euros bruts, que le siège de cette société, à Cayenne, employeur de Mme V..., est identique à celui de la société SAJE créée le 2 décembre 2010 et dont Mme V... s'était désignée directrice générale, et avait pour objet la fabrication de plats cuisinés.

25. Ils ajoutent que Mme V..., seule ou conjointement avec son époux, est propriétaire de divers biens immobiliers.

26. Ils constatent enfin que la prévenue a démontré son incapacité à gérer de manière pérenne une entreprise commerciale, que la déconfiture de la société Sodextour et du restaurant qu'elle exploitait, et ce en un temps record, que la méconnaissance des règles relatives à la comptabilité et au patrimoine de ces personnes morales, par ignorance ou de mauvaise foi, au point de réduire à néant l'actif de la société dont une partie était réputée constituée de matériel professionnel de grand prix et neuf, illustrent cette incapacité et inclinent à écarter un entrepreneur sans doute volontaire mais ne possédant pas les qualités élémentaires pour mener une entreprise.

27. Ils concluent qu'à raison de ces éléments et au regard des infractions commises, l'amende a été justement appréciée par les premiers juges et que la peine complémentaire d'interdiction professionnelle apparaît pertinente.

28. En statuant ainsi la cour d'appel a justifié sa décision.

29. En effet, en premier lieu, il ne ressort ni des conclusions déposées par le prévenu devant la cour d'appel, ni des énonciations des notes d'audience, pièces versées au dossier de la procédure, que la prévenue, représentée par son avocat, se soit prévalue devant la juridiction du second degré du caractère disproportionné, au regard de ses charges, de l'amende prononcée par les premiers juges.

30. En second lieu, la peine complémentaire d'interdiction professionnelle prononcée était encourue dès lors que l'infraction d'abus de confiance a été commise pour les besoins de l'activité de la société Sodextour dont la prévenue assurait la gérance.

31. Dès lors, les moyens ne peuvent être accueillis.

32. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un octobre deux mille vingt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 19-83967
Date de la décision : 21/10/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Cayenne, 16 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 oct. 2020, pourvoi n°19-83967


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.83967
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