LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 19-83.065 F-D
N° 1875
SM12
21 OCTOBRE 2020
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 OCTOBRE 2020
Mme N... O..., partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 2 avril 2019, qui, dans la procédure suivie contre Mmes R... S... et T... I... et la société BNP Paribas des chefs d'abus de confiance, faux et usage, a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ampliatif, personnel et en défense ont été produits.
Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de Mme N... O..., les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la SA BNP Paribas, et Mme T... I... et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mme O... a fait citer devant le tribunal correctionnel Mmes S... et I... ainsi que la société BNP Paribas pour faux, usage de faux et abus de confiance.
3. Par jugement en date du 19 octobre 2017, le tribunal correctionnel a fait droit à l'exception tirée de l'extinction de l'action publique soulevée par les prévenues.
4. Il a par ailleurs déclaré abusive la plainte avec constitution de partie civile de Mme O... et l'a condamnée à payer 1 500 euros à la société BNP Paribas et à Mme I....
5. Mme O... a interjeté appel de la décision.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens du mémoire ampliatif, et les premier et second moyens du mémoire personnel
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le quatrième moyen du mémoire ampliatif
Enoncé du moyen
7. Le moyen est pris de la violation des articles 800-2 et R. 249-5 du code de procédure pénale.
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme O... à payer à la société BNP Paribas et à Mme I... la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article 800-2 du code de procédure pénale, alors :
« 1°/ que lorsque l'action publique a été mise en mouvement par la partie civile, la juridiction d'instruction ou de jugement ne peut mettre l'indemnité prévue à l'article 800-2 du code de procédure pénale à la charge de cette dernière que sur réquisitions du ministère public et par décision motivée, si elle estime que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire ; qu'en mettant à la charge de Mme O... une indemnité sur le fondement de l'article 800-2 du code de procédure pénale, après avoir pourtant annulé le jugement et statué sur les seules dispositions civiles, hors la présence du ministère public, la cour d'appel a méconnu les articles susvisés ;
2°/ que lorsque l'action publique a été mise en mouvement par la partie civile, la juridiction d'instruction ou de jugement ne peut mettre l'indemnité prévue à l'article 800-2 du code de procédure pénale à la charge de cette dernière que sur réquisitions du ministère public et par décision motivée, si elle estime que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire ; qu'en mettant à la charge de Mme O... une indemnité sur le fondement de l'article 800-2 du code de procédure pénale, sans constater que la constitution de partie civile de Mme O... était abusive ou dilatoire, la cour d'appel a méconnu les articles susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 800-2 et R. 249-5 du code de procédure pénale :
9. Selon le premier de ces textes, en cas de renvoi des fins de la poursuite, la juridiction de jugement peut accorder à la personne poursuivie pénalement une indemnité correspondant aux frais non payés par l'État et exposés par celle-ci. Si cette indemnité est en principe à la charge de l'État, la juridiction peut toutefois mettre celle-ci à la charge de la partie civile lorsque l'action publique a été mise en mouvement par cette dernière.
10. Selon le second, la juridiction ne peut mettre l'indemnité à la charge de la partie civile que sur réquisitions du procureur de la République et par décision motivée, si elle estime que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire.
11. Contrairement à ce qui est allégué au mémoire en défense, les dispositions de l'article R. 249-5 du code de procédure pénale constituent des modalités d'application de l'article 800-2 du même code et ne méconnaissent nullement l'équilibre des droits des parties, ni la compétence du législateur définie par l'article 34 de la Constitution, en ce qu'elles ont été prises sur l'habilitation expresse du législateur et ne restreignent pas la faculté pour le prévenu d'obtenir une indemnité au titre des frais non payés par l'État et exposés par celui-ci, mais énoncent seulement les conditions dans lesquelles cette indemnité peut être mise à la charge de la partie civile en lieu et place de l'État.
12. Pour condamner Mme O... à payer à la société BNP Paribas et à Mme I..., pour chacune d'elles, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 800-2 du code de procédure pénale, l'arrêt retient que cette condamnation apparaît justifiée par les circonstances de l'espèce et les éléments de la procédure.
13. En prononçant ainsi, sans mentionner les réquisitions du ministère public en ce sens et sans rechercher si la constitution de partie civile avait été abusive ou dilatoire, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article R. 249-5 du code de procédure pénale et le principe ci-dessus rappelé.
14. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquence de la cassation
15. La cassation aura lieu avec renvoi, afin que la cour d'appel de renvoi prononce sur l'indemnité susceptible d'être accordée à la société BNP Paribas et à Mme I... en application des dispositions susvisées.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 2 avril 2019, mais en ses seules dispositions ayant condamné Mme O... à payer à la société BNP Paribas et Mme I... la somme de 2 000 euros pour chacune d'elles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué dans la limite de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un octobre deux mille vingt.