LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 octobre 2020
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 590 F-D
Pourvoi n° K 19-17.910
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020
1°/ Mme M... W..., veuve E..., domiciliée [...] ,
2°/ Mme D... E..., épouse H..., domiciliée [...] ,
3°/ Mme Q... E..., domiciliée [...] ,
4°/ Mme J... E..., épouse R..., domiciliée [...] ,
5°/ Mme Y... E..., domiciliée [...] (Suisse),
6°/ Mme G... E..., épouse F..., domiciliée [...] ,
pris toutes six en qualité d'héritières de U... E...,
7°/ la société [...] (BCM), société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , agissant en qualité de mandataire ad hoc de la société Aurélie,
ont formé le pourvoi n° K 19-17.910 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2018 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme A... V..., domiciliée [...] , prise en qualité de mandataire liquidateur du GIE Hôtel Mont Vernon,
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Fort-de-France, domicilié en son parquet général, Palais de justice, [...],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vaissette, conseiller, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de Mmes M... W..., veuve E..., D... E..., épouse H..., Q... E..., J... E..., épouse R..., Y... E..., G... E..., épouse F..., en leur qualité d'héritières de U... E..., et de la société [...] (BCM), en qualité de mandataire ad hoc de la société Aurélie, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme V..., en qualité de mandataire liquidateur du GIE Hôtel Mont Vernon, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vaissette, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mmes M... W..., veuve E..., D... E..., épouse H..., Q... E..., J... E..., épouse R..., Y... E..., G... E..., épouse F..., en leur qualité d'héritières de U... E..., et à la société BCM, en qualité de mandataire ad hoc de la société Aurélie, du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Fort de France.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 18 décembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 7 juin 2016, pourvoi n° 14-20.070), la société M VII a acquis, par un acte du 10 mai 1990, de la société Clasa plusieurs lots dépendant d'une résidence hôtelière « Hôtel du Mont Vernon », parmi lesquels le lot n° [...] que la société M VII a vendu, le 27 décembre 1990, à la société Aurélie, dont U... E... était le gérant. Par l'effet de cette acquisition, la société Aurélie a adhéré au GIE Hôtel du Mont Vernon (le GIE).
3. Par un jugement du 28 juillet 2005, le tribunal mixte de commerce a mis le GIE en liquidation judiciaire et désigné Mme V... en qualité de liquidateur. Puis par un jugement du 24 novembre 2005, il a ouvert la liquidation judiciaire de la société Aurélie, en tant que membre du GIE en application de l'article L. 624-1 du code de commerce, dans sa rédaction applicable, antérieure à la loi du 26 juillet 2005.
4. La société Aurélie, représentée par son gérant U... E..., a fait appel de ce jugement en soutenant que la société M VII, qui n'avait pas la personnalité morale lorsqu'elle a acquis le bien par l'acte du 10 mai 1990, faute d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, n'avait pu revendre à la société Aurélie un bien dont elle n'était pas propriétaire. U... E... étant décédé, l'instance a été reprise par ses héritières (les consorts E...).
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Les consorts E... et la société BCM, ès qualités, font grief à l'arrêt d'étendre la liquidation judiciaire du GIE à la société Aurélie et d'ouvrir la liquidation judiciaire de celle-ci, alors « que la réfection d'un contrat opère formation d'un nouvel acte sans rétroactivité ; qu'en se fondant, pour juger que la validité de l'acte d'acquisition de la société Aurélie à la société M VII du 27 décembre 1990 ne pouvait plus être discutée du fait de la possible nullité de la première vente du 10 mai 1990 conclue entre la société M VII et la société Clasa, sur la validité de l'acte de réfection du 4 juillet 2017 de cette dernière vente, la cour d'appel a violé l'article 1180 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Après avoir constaté que la vente initiale du 10 mai 1990, conclue entre les sociétés Clasa et M VII, était entachée de nullité absolue en raison du défaut d'immatriculation de l'acquéreur, dépourvu de la personnalité morale, l'arrêt relève qu'autorisé par une ordonnance du 2 décembre 2014 du juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la société Clasa, devenue irrévocable, un acte authentique de réfection de l'acte du 10 mai 1990 a été conclu entre les parties le 4 juillet 2017. Il retient ensuite que les consorts E... ne peuvent se prévaloir d'aucune décision prononçant ou constatant la nullité de la seconde vente, conclue le 27 décembre 1990 entre les sociétés M VII et Aurélie.
7. Ces constatations et appréciations font ressortir l'absence de risque de revendication de la part de la société Clasa et l'exclusion de tout risque d'éviction de la société Aurélie. Dès lors que la nullité résultant de la vente de la chose d'autrui est couverte lorsque, avant toute action en annulation, l'acheteur a vu disparaître le risque d'éviction, l'arrêt retient à bon droit, peu important l'absence d'effet rétroactif de la réfection de la vente initiale, que la validité de l'acte d'acquisition du 27 décembre 1990 ne peut plus être discutée, ce dont il résulte qu'en raison de l'adhésion de la société Aurélie au GIE, par l'effet de l'acquisition par cette société du lot n° [...], une procédure collective devait être ouverte à son égard, en application de l'article L. 624-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005.
8. Le moyen, inopérant, ne peut donc être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts E... en leur qualité d'héritières de U... E... et la société [...] (BCM), en qualité de mandataire ad hoc de la société Aurélie, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour Mmes M... W..., veuve E..., D... E..., épouse H..., Q... E..., J... E..., épouse R..., Y... E..., G... E..., épouse F..., en leur qualité d'héritières de U... E..., et la société [...] (BCM), en qualité de mandataire ad hoc de la société Aurélie.
Les consorts E... et la société [...], es qualité de mandataire ad hoc de la société Aurélie, font grief à l'arrêt attaqué d'avoir étendu la procédure de liquidation judiciaire du GIE Hôtel Mont Vernon à la société Aurélie et ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de cette dernière ;
AUX MOTIFS QUE sur l'extension de la procédure de liquidation judiciaire à la société Aurélie ; qu'aux termes de l'article L 624-1 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l'espèce, le jugement qui ouvre le redressement ou la liquidation judiciaires de la personne morale produit ses effets à l'égard de toutes les personnes membres ou associées de la personne morale et indéfiniment et solidairement responsables du passif social ; que le tribunal ouvre à l'égard de chacune d'elles une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire selon le cas ; que l'extension de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard du GIE Mont Vernon à la société Aurélie repose sur l'acte de vente par la société MVII à la société Aurélie du lot n°[...] de la résidence hôtelière du Mont Vernon, le 27 décembre 1990 ; qu'en effet, cette vente a eu pour effet non discuté de faire adhérer la société Aurélie au GIE placé en liquidation ; que la cour d'appel de Basse-Terre avait considéré que la production de quelques procédures ne suffisait pas à établir que l'ensemble des actes de vente opérés dans le cadre de la cession des lots était entaché de nullité absolue et que M. E... ne démontrait pas que la vente du lot [...] à la société Aurélie avait fait l'objet d'une procédure d'annulation ; que la Cour de cassation a reproché à la cour d'appel de n'avoir pas recherché si les conditions de la nullité de la vente intervenue le 10 mai 1990 n'étaient pas réunies et si, dans l'affirmative, cette nullité n'affectait pas la validité de la vente du 27 décembre 1990 à la société Aurélie ; qu'il est avéré que la vente intervenue entre la société Clasa et la société MVII, le 10 mai 1990 est nulle, de nullité absolue, la société acheteuse n'étant pas encore immatriculée au registre du commerce et des sociétés au jour de la vente ; que [cependant] un acte authentique de réfection de l'acte de vente du 10 mai 1990 est intervenu, le 4 juillet 2017 ; que la validité de cet acte ne peut plus être discutée aujourd'hui, l'ordonnance contestée du juge-commissaire du 2 décembre 2014, en application de laquelle l'acte notarié a pu être signé, a été reconnue comme étant devenue définitive, par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 1er décembre 2015 ; qu'il s'en déduit que la vente entre la société Clasa et la société MVII doit être considérée comme valable ; que la validité de l'acte d'acquisition de la société Aurélie à la société MVII du 27 décembre 1990 ne peut donc plus être discutée du fait de la possible nullité de la première vente du 10 mai 1990 ; que de plus, les consorts E... ne peuvent se prévaloir d'une décision définitive prononçant ou constatant la nullité de la vente réalisée au profit de société Aurélie ; qu'il convient de rappeler que, saisie en appel d'une décision du juge de la mise en état relative à l'éventuelle nullité de l'assignation délivrée sur l'initiative des consorts E... en restitution du prix de la vente immobilière du 27 décembre 1990 en raison de la nullité de cet acte, la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 18 novembre 2016, sursis à statuer dans l'attente de la présente décision ; qu'ainsi, l'adhésion de la société Aurélie au GIE Hôtel Mont Vernon, du fait de l'acquisition du lot [...] de la résidence hôtelière, a pour conséquence de créer une confusion des patrimoines des deux sociétés et de permettre l'extension de la procédure de liquidation judiciaire du GIE à la société Aurélie ;
ALORS QUE la réfection d'un contrat opère formation d'un nouvel acte sans rétroactivité ; qu'en se fondant, pour juger que la validité de l'acte d'acquisition de la société Aurélie à la société MVII du 27 décembre 1990 ne pouvait plus être discutée du fait de la possible nullité de la première vente du 10 mai 1990 conclue entre société MVII et la société Clasa, sur la validité de l'acte de réfection du 4 juillet 2017 de cette dernière vente, la cour d'appel a violé l'article 1180 du code civil.