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21/10/2020 | FRANCE | N°19-16969

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 octobre 2020, 19-16969


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2020

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 934 F-D

Pourvoi n° N 19-16.969

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 OCTOBRE 2020

1°/ M. Q... L..., domiciliÃ

© [...] ,

2°/ M. Y... L..., domicilié [...] ,

3°/ M. P... J..., domicilié [...] ,

ont formé le pourvoi n° N 19-16.969 contre l'arrêt rendu le ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2020

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 934 F-D

Pourvoi n° N 19-16.969

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 OCTOBRE 2020

1°/ M. Q... L..., domicilié [...] ,

2°/ M. Y... L..., domicilié [...] ,

3°/ M. P... J..., domicilié [...] ,

ont formé le pourvoi n° N 19-16.969 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2017 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige les opposant à l'EPIC SNCF mobilités, dont le siège est [...] , venant aux droits de la SNCF, défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de MM. Q... et Y... L... et M. J..., de la SCP Colin-Stoclet, avocat de l'EPIC SNCF Mobilités, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, M. Ricour, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 26 mai 2017), MM. Q... et Y... L... et M. J..., salariés de la SNCF aux droits de laquelle vient l'EPIC SNCF mobilités, ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d'une exposition à l'amiante pendant l'exécution de leur contrat de travail.

2. Par arrêt du 26 mai 2017, la cour d'appel les a déboutés de leur demande.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Les salariés font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes au titre de l'indemnisation du préjudice d'anxiété, alors « que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir en réparation de son préjudice d'anxiété contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; qu'en l'espèce, pour infirmer les jugements entrepris et débouter les anciens salariés de la SNCF de leur demande en réparation de leur préjudice d'anxiété, la cour d'appel a énoncé que la réparation du préjudice d'anxiété n'était admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux qui remplissaient les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 qui a créé le dispositif ACAATA et que tel n'était pas le cas des demandeurs, anciens salariés de la SNCF, entreprise qui ne figure pas sur la liste établie par l'arrêté ministériel répertoriant les entreprises dont les salariés peuvent bénéficier de ce dispositif ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige :

4. Il résulte de ces textes qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée.

5. Pour rejeter les demandes des salariés, l'arrêt retient que la réparation du préjudice d'anxiété n'est admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux qui remplissent les conditions prévues à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 qui a créé un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante, que la SNCF ne figure pas sur la liste établie par l'arrêté ministériel répertoriant les entreprises dont les salariés peuvent bénéficier de ce dispositif, que dès lors aucun des demandeurs ne remplit l'ensemble des conditions nécessaires à l'indemnisation spécifique du préjudice d'anxiété découlant de l'exposition à l'amiante.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute les salariés de leur demande au titre de l'indemnisation du préjudice d'anxiété, l'arrêt rendu le 26 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne l'EPIC SNCF mobilités aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'EPIC SNCF mobilités et le condamne à payer à MM. Q... et Y... L... et M. J..., la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour MM. Q... et Y... L... et M. J...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir débouté M. P... J..., M. Y... L... et M. Q... L... de leurs demandes au titre de l'indemnisation du préjudice d'anxiété ;

AUX MOTIFS QUE sur le préjudice d'anxiété, M. P... J..., M. P... L... et M. Q... L..., dont il n'est pas contesté qu'au cours de leur longue carrière à la SNCF, ils ont été, chacun, exposés à l'inhalation de poussières d'amiante, réclament la réparation du préjudice d'anxiété découlant de la crainte qu'ils éprouvent de développer une pathologie asbestosique à la suite de leur exposition à l'amiante ; que les premiers juges ont fait droit à cette demande, sur le fondement de l'article L. 4121-1 du code du travail, au motif que : *d'une part, l'employeur a expressément reconnu leur exposition aux poussières d'amiante et ne pouvait ignorer les risques qu'il faisait courir à ces salarié, du fait de cette exposition : *d'autre part, les demandeurs vivent dans la crainte permanente de développer une maladie professionnelle grave, crainte régulièrement réactivée par la surveillance médicale constante à laquelle ils doivent se soumettre, et par la disparition de collègues de travail victimes de l'une des maladies induites par l'amiante ; qu'étant relevé que M. Q... L... a développé une maladie imputable à l'inhalation d'amiante après avoir saisi le conseil de prud'hommes et saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale pour obtenir l'indemnisation des conséquences de cette maladie ; que la SNCF en déduit que le conseil de prud'hommes n'était pas compétent pour statuer sur la demande de ce demandeur ; que cependant, d'une part, la compétence d'une juridiction s'apprécie au moment de la saisine de la juridiction, d'autre part, la déclaration de la maladie et le contentieux auquel elle a donné lieu ne privent pas le salaire du droit de demander à la juridiction prud'homale la réparation des conséquences du trouble psychologique compris dans le préjudice d'anxiété subi avant la déclaration de la maladie ; que c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande d'indemnisation du préjudice d'anxiété évoqué par M. Q... L... ; que sur le fond ensuite, la SNCF Mobilités ne discute ni l'exposition de chacun des salariés à des poussières d'amiante, au cours de leurs carrières respectives, ni la connaissance du risque auquel elle exposait ses salariés qu'elle aurait dû avoir au regard du niveau de connaissances et des informations dont elle bénéficiait, ni de l'absence de mesures de prévention du risque qu'elle aurait dû mettre en place ; que l'appelante fonde exclusivement son appel sur les arrêts rendus en 2012 et surtout le 3 mars 2015 par la Cour de cassation dont il résulte, sans discussion possible selon l'appelante, que seuls les salariés relevant du dispositif ACAATA sont susceptibles d'obtenir la réparation d'un préjudice d'anxiété ; qu'or, la SNCF ne fait pas partie des entreprises relevant de ce dispositif légal et les salariés n'ont pas non plus travaillé sur des sites ou établissements classés dans ce dispositif en sorte que les jugements dont appel doivent être infirmés ; que M. P... J..., M. Y... L... et M. Q... L... exposent qu'au cours de leur longue carrière au sein de la SNCF, ils ont été exposés pendant des années à l'inhalation de poussières d'amiante sans jamais avoir bénéficié de protections individuelles ou collectives, que leur exposition à la contamination est incontestable et d'ailleurs reconnue par la SNCF, que leur espérance de vie a, de ce fait été réduite ; que sans contester l'analyse et la portée de la jurisprudence invoquée par l'appelante en matière d'indemnisation du préjudice d'anxiété, les intimés font valoir qu'elle est critiquable et au demeurant remise en cause par une partie de la doctrine ;
qu'ils soutiennent qu'elle est d'autant plus contestable que la SNCF, qui dispose de sa propre cause de prévoyance et de retraite n'est pas, de ce fait, éligible au dispositif ACAATA, alors même que la situation de ses salariés est rigoureusement identique à celle de ceux qui ont travaillé dans des entreprises relevant de ce dispositif ; que cependant, selon l'approche abstraite qui en a été faite, la réparation du préjudice d'anxiété n'est admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux qui remplissent les conditions prévues à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 qui a créé un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante ; qu'or, la SNCF ne figure pas sur la liste établie par l'arrêté ministériel répertoriant les entreprises dont les salariés peuvent bénéficier de ce dispositif ; que dès lors, aucun des demandeurs ne remplit l'ensemble des conditions nécessaires à l'indemnisation spécifique du préjudice d'anxiété découlant de l'exposition à l'amiante ; qu'il y a donc lieu d'infirmer les trois jugements dont appel qui ont fait droit aux demandes de M. P... J..., M. Y... L... et M. Q... L... au titre de l'indemnisation du préjudice d'anxiété et de les débouter de leur demande de ce chef ;

ALORS QUE le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir en réparation de son préjudice d'anxiété contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; qu'en l'espèce, pour infirmer les jugements entrepris et débouter les anciens salariés de la SNCF de leur demande en réparation de leur préjudice d'anxiété, la cour d'appel a énoncé que la réparation du préjudice d'anxiété n'était admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux qui remplissaient les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 qui a créé le dispositif ACAATA et que tel n'était pas le cas des demandeurs, anciens salariés de la SNCF, entreprise qui ne figure pas sur la liste établie par l'arrêté ministériel répertoriant les entreprises dont les salariés peuvent bénéficier de ce dispositif ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-16969
Date de la décision : 21/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 26 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 oct. 2020, pourvoi n°19-16969


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Colin-Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.16969
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