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21/10/2020 | FRANCE | N°19-15685

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 octobre 2020, 19-15685


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 602 F-D

Pourvoi n° S 19-15.685

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020

La société [...] (BTSG), société civile profess

ionnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-15.685 contre l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 602 F-D

Pourvoi n° S 19-15.685

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020

La société [...] (BTSG), société civile professionnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-15.685 contre l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 , chambre 9), dans le litige l'opposant à la société [...] , société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [...] , de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société [...] , après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 février 2019), la société Sapsa Bedding (la société débitrice) a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 23 octobre et 11 décembre 2014, la société BTSG étant nommée en qualité de mandataire judiciaire puis de liquidateur. Le 18 novembre 2014, la société [...] (la société [...]) a déclaré une créance correspondant à six factures impayées, émises avant le jugement d'ouverture.

2. Par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 11 décembre 2014, reçue le lendemain par le liquidateur, la société [...] a revendiqué divers biens correspondant aux factures ayant fait l'objet de sa déclaration de créance.

3. Le 24 décembre 2014, un commissaire-priseur a réalisé la prisée, valant inventaire, des biens dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire.

4. Le 11 février 2015, la société [...] a saisi le juge-commissaire d'une requête en revendication de ces biens et, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 9 mars 2015, a rappelé au liquidateur sa revendication du 11 décembre 2014 en demandant quelle suite y avait été donnée.

5. Par une ordonnance du 4 mars 2015, le juge-commissaire a autorisé la vente aux enchères publiques des biens dépendant de la liquidation. La vente a eu lieu les 15 et 16 avril 2015, pour un prix total de 827 050 euros.

6. Par une ordonnance du 18 juin 2015, statuant sur la requête en revendication du 11 février 2015, le juge-commissaire a autorisé la société [...] à reprendre les biens revendiqués entre les mains du débiteur, « sous réserve de la vérification de leur existence en nature au jour du jugement d'ouverture. »

7. Reprochant au liquidateur d'avoir vendu les biens revendiqués, la société [...] l'a assigné en responsabilité civile personnelle.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

9. La société BTSG fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société [...] les sommes de 71 360,36 euros à titre de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que le liquidateur ne peut être tenu de respecter les droits des tiers que dans la mesure où ils sont opposables au débiteur ; qu'en imputant à faute au liquidateur judiciaire de ne pas s'être abstenu de procéder à la vente des marchandises de la société débitrice en présence d'une requête en revendication formée par la société [...], quand la société revendiquante ne pouvait exercer de droits que si son action en revendication était accueillie de manière non conditionnelle, la cour d'appel a violé les articles 1240 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et L. 624-16 du code de commerce ;

2°/ qu'il incombe à toute personne qui revendique un bien de prouver qu'elle en est propriétaire et, à cette fin, de fournir des éléments précis permettant son identification ; qu'en imputant à faute au liquidateur judiciaire de ne pas s'être abstenu de procéder à la vente des marchandises de la société débitrice , sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la société [...] avait fourni des éléments précis d'identification des biens qu'elle entendait revendiquer, comme il lui appartenait de le faire pour que sa revendication soit valable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1240 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et L. 624-16 du code de commerce ;

3°/ que dans ses conclusions d'appel, le liquidateur judiciaire faisait valoir que l'ordonnance du 18 juin 2015 du juge-commissaire précisait que, s'il était fait droit à la revendication de la société [...], c'était sous la réserve de la vérification de l'existence en nature des biens revendiqués, au jour du jugement d'ouverture de la procédure, qu'il appartenait donc à la société revendiquante de préciser les marchandises qu'elle revendiquait et de prouver que celles-ci se retrouvaient en nature à cette date, tandis que les descriptions des biens évoqués dans sa requête en revendication (« sommiers mousse éco ») ne correspondaient pas aux marchandises en possession de la société Sapsa Bedding (« sommiers bruts »), et qu'elle n'avait fourni aucun élément précis d'identification des biens litigieux postérieurement à l'ordonnance précitée, de sorte que la société revendiquante n'avait pas établi qu'elle pouvait se prévaloir de cette ordonnance et en avait respecté les conditions ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Ayant exactement énoncé qu'il appartient aux organes de la procédure collective de s'abstenir de procéder à la réalisation d'actifs sur des biens objets d'une clause de réserve de propriété dont ils connaissent l'existence, sauf accord du vendeur à qui ils doivent payer le solde du prix restant dû sur le matériel, l'arrêt constate, d'abord, par motifs propres et adoptés, que la procédure collective de la société débitrice a été ouverte le 23 octobre 2014 et la société BTSG nommée liquidateur le 11 décembre 2014, que le liquidateur a reçu la requête aux fins d'acquiescement à la revendication le 12 décembre suivant, qu'il avait connaissance de la clause de réserve de propriété invoquée par la société [...] à la même date, que cette société a saisi le juge-commissaire d'une requête en revendication le 11 février 2015, que le liquidateur, autorisé par l'ordonnance du 4 mars 2015, a vendu tous les biens du débiteur en avril 2015 et que l'ordonnance du 18 juin 2015 a accueilli la demande de revendication de la société [...], sous réserve de la vérification de l'existence des biens revendiqués en nature au jour du jugement d'ouverture de la procédure.

11. L'arrêt relève, ensuite, que la déclaration de créance de la société [...] était accompagnée de bons de commandes et bons de livraison correspondant aux six factures impayées, émises au titre des marchandises ayant fait l'objet de la demande de revendication, livrées à la société débitrice entre les 16 septembre et 16 octobre 2014 et correspondant à des pièces en bois pré-débitées pour fabriquer des lits, des traverses et des sommiers. Relevant encore que l'inventaire du 24 décembre 2014 inclut un stock de matières premières avec la mention « sous clause de réserve de propriété éventuelle » et que cette partie de l'inventaire n'est ni détaillée ni exploitable, l'arrêt énonce exactement qu'en présence d'un inventaire incomplet, sommaire ou inexploitable, qui équivaut à l'absence d'inventaire obligatoire, la preuve que le bien revendiqué n'existe plus en nature au jour du jugement d'ouverture incombe au liquidateur, puis il retient qu'au vu des pièces qui lui sont soumises, la société BTSG ne rapporte pas cette preuve.

12. Par ces énonciations, constatations et appréciations, qui font ressortir, d'un côté, que la société BTSG était informée de la demande de revendication de la société [...] formée dans les délais légaux, de l'autre, que l'ordonnance du 18 juin 2015 avait accueilli la demande de revendication en son principe en l'assortissant d'une réserve qui, dès lors qu'elle permettait une contestation ultérieure sur l'existence des biens en nature à la date du jugement d'ouverture, obligeait le liquidateur à faire preuve de prudence en se mettant en mesure de représenter le prix des marchandises revendiquées après avoir vendu l'ensemble des biens de la société débitrice, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à d'autres recherches et a ainsi répondu aux conclusions invoquées par la troisième branche, a pu retenir, à la charge de la société BTSG, une faute engageant sa responsabilité personnelle à l'égard de la société [...].

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société BTSG, à titre personnel, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BTSG et la condamne, à titre personnel, à payer à la société [...] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société [...] (BTSG).

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris, sauf en ce qu'il avait fixé à la somme de 3 750 euros le préjudice subi par la société [...] et, statuant à nouveau, d'AVOIR condamné la SCP BTSG à payer à la société [...] la somme de 71 360,36 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE 1) sur la responsabilité du mandataire liquidateur, pour déclarer la SCP BTSG responsable du préjudice subi par la société [...] le tribunal a retenu, à juste titre, que, tant que le délai de revendication n'est pas expiré, les organes de la procédure doivent s'abstenir de procéder à la réalisation d'actifs visés par une clause de réserve de propriété dont ils ont connaissance, sauf accord du propriétaire, que la SCP BTSG n'a pas répondu à la requête en revendication formée par la société [...] , n'a pas répondu à sa lettre de relance et a fait procéder à la vente de toutes les marchandises de la société liquidée sans isoler et répertorier, à l'occasion de l'inventaire, celles qui étaient concernées par la revendication ; que le mandataire liquidateur répond qu'il n'avait pas connaissance de la clause de réserve de propriété ; que, dès le 12 décembre 2014 et alors que la prisée des marchandises dépendant de l'actif de la société liquidée n'était pas encore réalisée et que le juge commissaire n'était pas encore saisi d'une demande d'autorisation de vente de ces marchandises aux enchères, il avait en main le courrier de la société [...] sollicitant la reprise de ses marchandises au titre de la clause de réserve de propriété et devait donc vérifier ce point ; qu'à l'occasion de la prisée réalisée le 24 décembre 2014 le mandataire liquidateur avait d'ailleurs signalé au commissaire-priseur les revendications d'autres créanciers, ainsi qu'il ressort de la page 43 de la prisée ; que le mandataire liquidateur ne peut donc ni invoquer sa méconnaissance de la clause de réserve de propriété, ni se retrancher derrière l'autorisation donnée par le juge commissaire pour être exonéré de sa responsabilité alors qu'il devait informer le commissaire-priseur et le juge commissaire de la revendication de la société [...] ; qu'en conséquence le jugement sera confirmé pour avoir retenu la responsabilité du mandataire liquidateur ; que 2) sur la réparation du préjudice, la société [...] réclame, à titre de dommages et intérêts, le solde impayé de ses factures, soit la somme de 71 360,36 euros ; que la SCP BTSG répond qu'elle ne rapporte pas la preuve que les biens qu'elle a revendiqués auraient été vendus ou auraient existé en nature au jour de l'ouverture de la liquidation judiciaire ; que la déclaration de créance de la société [...] est accompagnée des bons de commandes et des bons de livraison correspondant aux 6 factures impayées ; que les marchandises revendiquées ont été livrées à la société Sapsa Bedding entre le 16 septembre et le 16 octobre 2014 ; qu'il s'agit de pièces en bois pré-débitées pour fabriquer des lits, de traverses et de sommiers ; que la prisée, valant inventaire, réalisée le 24 décembre 2014 répertorie en page 42 le stock de la société Sapsa Bedding qui comprend les matières premières, les produits semi-finis et les produits finis et précise « sous clause de réserve de propriété éventuelle » . Cette partie de la prisée n'est pas détaillée et exploitable car elle reprend manifestement une pièce comptable globale sur la valeur comptables des biens ; qu'en présence d'un inventaire incomplet, sommaire ou inexploitable, qui équivaut à l'absence d'inventaire obligatoire prévu par l'article L. 622-6 du code de commerce, la preuve que le bien revendiqué n'existe plus en nature au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective ouverte contre celui-ci incombe au liquidateur ; que la SCP BTSG a interrogé le commissaire-priseur qui dans un mail daté du 2 janvier 2017 a répondu qu'il n'avait pas retrouvé de biens portant la marque [...] sur les biens vendus aux enchères ; qu'il ressort cependant d'une attestation de M. P... que sa société a acheté le 16 avril 2014 lors de la vente aux enchères 71 sommiers en bois brut 1 personne et 57 doubles et que les caisses, identifiées par une affiche au nom de Y... ; qu'il ressort également des attestations de M. H... I... et de M. R... I..., présents lors de la vente aux enchères des 15 et 16 avril 2015, qu'ils ont pu identifier les marchandises de la société [...] car elles étaient étiquetées au nom de celle-ci ; qu'il ressort enfin d'une attestation de M. F..., d'un courrier du 24 octobre 2017 de la société Imprimerie centrale et d'un constat d'huissier du 6 novembre 2017 que les palettes de marchandises livrées par la société [...] portent habituellement une étiquette à son nom ; que ces attestations, établies conformément aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, permettent d'écarter la réponse, donnée deux ans après son intervention, par un simple mail du commissaire-priseur ; que la SCP BTSG n'apporte donc pas la preuve que les biens revendiqués par la société [...] n'existaient plus en nature le 11 décembre 2014, au jour du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire ; que le préjudice subi par la société [...] est équivalent à la valeur de la totalité des biens, au 11 décembre 2014, qui n'ont pas été restitués à la société [...] , après déduction des sommes déjà payées par le débiteur, soit un montant de 71 360,36 euros ; qu'après infirmation du jugement, la SCP BTSG sera condamnée à payer cette somme à l'appelante (arrêt, p. 3-4) ;

ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE la fonction de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; que la responsabilité du professionnel du droit est une responsabilité de droit commun qui suppose la preuve d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre l'une et l'autre ; qu'il en résulte, notamment, que le préjudice invoqué doit être certain, qu'il s'agisse d'ailleurs du préjudice entier ou d'une perte de chance que l'article L. 624-9 du code de commerce dispose que la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement d'ouverture que selon l'article R. 624-13 dudit code, la demande à cette fin doit être adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'administrateur ou au débiteur ainsi qu'en copie au mandataire judiciaire et à défaut d'acquiescement dans une délai d'un mois à compter de la réception de la demande, le demandeur doit, sous peine de forclusion, saisir le juge-commissaire au plus tard dans le délai d'un mois à compter de l'expiration du délai de réponse ; que dès lors que l'action en revendication n'a pas pour seule finalité de rendre opposable le droit de propriété du revendiquant à la procédure collective, mais qu'elle tend aussi à obtenir la restitution en nature des marchandises concernées, tant que le délai de revendication n'est pas expiré, il appartient aux organes de la procédures de s'abstenir de procéder à la réalisation d'actifs portant sur des biens objets d'une clause de réserve de propriété dont ils connaissent l'existence, sauf accord du vendeur à qui ils doivent payer le solde du prix restant dû sur le matériel ; qu'à défaut, le mandataire judiciaire doit répondre des conséquences de sa faute, à l'origine d'un préjudice pour la société qui s'est ainsi vue privée d'une chance de vendre les biens qu'elle revendiquait pour en être propriétaire à un meilleur prix que la valeur de réalisation ; qu'il sera rappelé que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée en considération de l'aléa jaugé et ne saurait être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas des pièces produites par les parties que Me X... T..., pourtant informé de la demande en revendication émanant de la société [...] formée par la lettre recommandée susdite, ait entrepris la moindre démarche pour y satisfaire outre qu'il est demeuré taisant à l'égard du revendiquant nonobstant un rappel ; qu'il apparaît encore que c'est sans s'être préoccupé de faire isoler les marchandises concernées et sans attendre l'issue de la procédure de revendication, que Me X... T... a fait procéder, par le commissaire-priseur judiciaire, à la vente de toutes les marchandises de la société liquidée ; qu'en outre, Me X... T... ne pouvait pas prétendre être exonéré de sa responsabilité en se prévalant d'une ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé la vente, celle-ci au demeurant n'étant pas produite aux débats et ne pouvant en tout état de cause pas porter sur les marchandises revendiquées pour lesquelles le recours introduit restait pendant ; que ce faisant, le mandataire a commis une faute qui engage sa responsabilité ; qu'il convient d'évaluer la perte de chance résultant du manquement retenu en considération des factures dont les marchandises revendiquées ont fait l'objet telles que susdites et respectivement émises les 17, 29 et 30 septembre 2014 ainsi que des procès-verbaux de prisée et de vente dressés par le commissaire-priseur judiciaire ; qu'il n'est pas contestable, au vu des bordereaux de transport produits, que les marchandises revendiquées ont été livrées entre le 16 septembre et le 16 octobre 2014, soit pendant une période où l'activité de la société se poursuivait, puisque l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire résulte d'un jugement du 23 octobre 2014 tandis que la liquidation a été prononcée le 11 décembre 2014 ; que l'examen du procès-verbal de prisée produit, lequel semble résulter d'un inventaire réalisé le 24 décembre 2014 selon la mention figurant en page 4 et donc effectué postérieurement à la fin d'activité, ne permet pas d'identifier, parmi les marchandises recensées, celles revendiquées par la partie demanderesse ; que pas plus, le procès-verbal dressé à l'occasion de la vente aux enchères ne distingue ces mêmes marchandises ; qu'en revanche, il résulte de l'attestation établie par M. B... P... que celui-ci précise avoir acheté lors desdites enchères le lot n° 4389, composé de 71 sommiers en bois brut pour une personne et de 57 doubles, contenus dans des caisses provenant en totalité de la société [...] ; qu'au vu du procès-verbal dressé par le commissaire-priseur judiciaire à l'issue des enchères, il est constant que le lot n° 439 était effectivement constitué de 71 sommiers en bois brut pour une personne, de 57 doubles et 9 finis et a été adjugé à M. B... P... pour un prix de 300 € ; qu'alors que la partie défenderesse soutient que l'attestation de M. B... P... aurait été probablement rédigée sous la dictée de la demanderesse, elle ne rapporte pas de preuve contraire en se bornant à se prévaloir d'un courriel que la société civile professionnelle de commissaires-priseurs judiciaires lui a envoyé le 2 janvier 2017 et qui énonce "nous vous indiquons que nous n'avons pas retrouvé de biens portant la marque [...] ", sans plus ample précision et sans respecter les formes requises pour un témoignage écrit ; que l'examen des factures émanant de la société [...] permet d'observer que les sommiers ont fait l'objet d'une facturation à un prix unitaire oscillant, selon leurs dimensions, entre 31,80 € et 63 € ; qu'il en résulte que la valeur des marchandises acquises par M. B... P... peut être estimée à 5.000 € (jugement, p. 5-7) ;

1°) ALORS QUE le liquidateur ne peut être tenu de respecter les droits des tiers que dans la mesure où ils sont opposables au débiteur ; qu'en imputant à faute au liquidateur judiciaire de ne pas s'être abstenu de procéder à la vente des marchandises de la société Sapsa Bedding en présence d'une requête en revendication formée par la société [...] , quand la société revendiquante ne pouvait exercer de droits que si son action en revendication était accueillie de manière non conditionnelle, la cour d'appel a violé les articles 1240 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et L. 624-16 du code de commerce ;

2°) ALORS QU'il incombe à toute personne qui revendique un bien de prouver qu'elle en est propriétaire et, à cette fin, de fournir des éléments précis permettant son identification ; qu'en imputant à faute au liquidateur judiciaire de ne pas s'être abstenu de procéder à la vente des marchandises de la société Sapsa Bedding, sans rechercher, comme il le lui était demandé (cf. conclusions d'appel de la SCP BTSG, p. 5-6), si la société [...] avait fourni des éléments précis d'identification des biens qu'elle entendait revendiquer, comme il lui appartenait de le faire pour que sa revendication soit valable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1240 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et L. 624-16 du code de commerce ;

3°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (cf. conclusions d'appel de la SCP BTSG, p. 4-6), le liquidateur judiciaire faisait valoir que l'ordonnance du 18 juin 2015 du juge-commissaire précisait que, s'il était fait droit à la revendication de la société [...] , c'était sous la réserve de la vérification de l'existence en nature des biens revendiqués, au jour du jugement d'ouverture de la procédure, qu'il appartenait donc à la société revendiquante de préciser les marchandises qu'elle revendiquait et de prouver que celles-ci se retrouvaient en nature à cette date, tandis que les descriptions des biens évoqués dans sa requête en revendication (« sommiers mousse éco ») ne correspondaient pas aux marchandises en possession de la société Sapsa Bedding (« sommiers bruts »), et qu'elle n'avait fourni aucun élément précis d'identification des biens litigieux postérieurement à l'ordonnance précitée, de sorte que la société revendiquante n'avait pas établi qu'elle pouvait se prévaloir de cette ordonnance et en avait respecté les conditions ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE la faute du liquidateur judiciaire s'apprécie au regard des connaissances et des éléments dont il disposait au jour de la décision ou de l'abstention qui lui est reprochée ; qu'en retenant que les marchandises revendiquées par la société [...] avaient pu être identifiées par des personnes présentes lors de la vente aux enchères des 15 et 16 avril 2015, quand elle devait se placer à la date de la requête en revendication formée par cette société et prendre en compte les seuls éléments portés à la connaissance du liquidateur pour apprécier l'existence d'une éventuelle faute consistant à ne pas s'être abstenu de procéder à la vente des marchandises de la société Sapsa Bedding, qu'il aurait commise, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5°) ALORS QU'en toute hypothèse, les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile n'étant pas prescrites à peine de nullité, il appartient aux juges du fond d'apprécier si l'attestation non conforme à cet article présente des garanties suffisantes pour emporter leur conviction ; qu'en refusant d'examiner la valeur probante du courriel émanant du commissaire-priseur ayant procédé à la vente aux enchères des 15 et 16 juin 2015, qui répondait ne pas avoir retrouvé de biens portant la marque de la société [...] parmi les biens vendus lors de ladite vente, au seul motif qu'il ne respectait pas les formes requises par l'article 202 du code de procédure civile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de cet article.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-15685
Date de la décision : 21/10/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 oct. 2020, pourvoi n°19-15685


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.15685
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