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21/10/2020 | FRANCE | N°19-14550

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 octobre 2020, 19-14550


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2020

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 551 F-D

Pourvoi n° G 19-14.550

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020

1°/ la société [...] , société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,

2°/ la société [...] , société de droit alleman...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2020

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 551 F-D

Pourvoi n° G 19-14.550

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020

1°/ la société [...] , société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,

2°/ la société [...] , société de droit allemand,

3°/ la société [...] , société de droit allemand,

ayant toutes deux leur siège [...] ),

4°/ la société Ferme éolienne de Clamecy, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° G 19-14.550 contre l'arrêt rendu le 11 février 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant à la société Sem Nièvre énergies, société anonyme d'économie mixte, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat des sociétés [...] , [...] , [...] et de la société Ferme éolienne de Clamecy, de la SARL Corlay, avocat de la société Sem Nièvre énergies, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 juillet 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 février 2019), la société Ferme éolienne de Clamecy (la société FEC), constituée en 2009 par la société [...] et les sociétés de droit allemand [...] et [...] (le groupe [...] ), exploite un parc éolien composé de six aérogénérateurs implantés sur le territoire de communes situées dans le département de la Nièvre.

Le syndicat intercommunal énergie d'équipement d'environnement de la Nièvre (le syndicat intercommunal), qui a pour mission d'assurer l'alimentation en électricité des trois cent douze communes nivernaises, a créé à compter de novembre 2012 la société d'économie mixte Nièvre énergies (la société Nièvre énergies) en vue d'une prise de participation dans le capital de la société FEC.

2. Un « protocole d'investissement », qui comprenait des conditions suspensives devant être levées au plus tard le 30 juin 2014, a été signé par le groupe [...] , la société FEC et la société Nièvre énergies les 6 et 11 juin 2014, puis modifié par un avenant du 27 juin 2014.

3. Considérant que le groupe [...] avait manqué à ses engagements contractuels et engagé sa responsabilité, la société Nièvre Energies l'a assigné, ainsi que la société FEC, aux fins de constater que les sociétés [...] et [...] avaient unilatéralement et abusivement rompu le contrat, de prononcer en tant que de besoin la résolution de celui-ci et de condamner in solidum les sociétés [...] et [...] à lui payer la somme de 2 665 377 euros à titre de dommages-intérêts.

Le groupe [...] et la société FEC ont présenté reconventionnellement une demande tendant à l'annulation du protocole et de son avenant, pour violence, et, subsidiairement, une demande de caducité de ce contrat.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. Le groupe [...] et la société FEC font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de caducité du protocole, de dire que les sociétés [...] et [...] ont rompu de manière abusive le contrat conclu avec la société Nièvre énergies et de condamner celles-ci in solidum à payer à la société Nièvre énergies la somme de 648 480 euros à titre de dommages-intérêts, outre intérêts au taux légal, alors « que dans son courrier du 3 juillet 2014, la société [...] indiquait expressément que "les obligations des parties sous le Protocole d'Investissement du 6/11 juin sont aujourd'hui caduques et de nul effet (Article 6)", mais qu'elle était tout de même d'accord pour continuer les discussions sous de nouvelles conditions, parmi lesquelles la prise en charge par la société Nièvre énergies de frais juridiques et bancaires et le paiement, par cette dernière, d'intérêts à hauteur de 8 % sur le montant de l'investissement, entre le 21 décembre 2013 et la date du paiement, et d'une somme de 10 000 euros par mois afin de compenser la mobilisation du groupe [...] pendant la durée des négociations ; qu'il résultait des termes clairs et précis de ce courrier que la société [...] envisageait la conclusion d'un nouveau contrat, et non la prorogation des conditions suspensives prévues par le protocole des 6 et 11 juin 2014, dont elle indiquait expressément qu'il était devenu caduc ; qu'en retenant pourtant que, par ce courrier du 3 juillet 2014, la société [...] aurait "accepté de proroger les conditions suspensives au 30 septembre 2014", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis dudit courrier, en méconnaissance de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

6. Pour rejeter la demande de caducité du protocole, l'arrêt constate d'abord que, par lettre du 3 juillet 2014, la société [...] a informé la société Nièvre énergies de son accord, sous diverses conditions financières, pour « continuer le processus » et lui accorder l'entrée au capital « sur la base des documents existants ». Il retient ensuite, au vu tant de cette lettre que de celles échangées entre les parties les 16, 26 et 30 juillet 2014, que les parties ont entendu modifier l'accord originel en le soumettant à de nouvelles conditions financières et en prorogeant le délai d'expiration des conditions suspensives au 30 septembre 2014. Il en déduit que le protocole d'investissement n'est pas caduc.

7. En se déterminant ainsi, alors que le groupe [...] , avant de proposer de continuer le processus à d'autres conditions, notifiait expressément à la société Nièvre énergies dans la lettre litigieuse que « les obligations des parties sous le Protocole d'Investissement du 6/11 juin sont aujourd'hui caduques et de nul effet (article 6) », ce dont il résultait que le groupe [...] se prévalait expressément de la non-réalisation des conditions suspensives dans le délai prévu et donc de la caducité du contrat, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cet écrit, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute les sociétés [...] SARL, [...] , [...] et Ferme éolienne de Clamecy de leur demande de caducité du protocole, dit que les sociétés [...] SARL et [...] ont rompu de manière abusive le contrat conclu avec la société Nièvre énergies, condamne in solidum les sociétés [...] SARL et [...] à payer à la société Nièvre énergies la somme de 648 480 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, outre intérêts au taux légal, l'arrêt rendu le 11 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Nièvre énergies aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Nièvre énergies et la condamne à payer aux sociétés [...] SARL, [...] , [...] et Ferme éolienne de Clamecy la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour les
sociétés [...] , [...] , [...] et la société Ferme éolienne de Clamecy.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les sociétés [...] SARL, [...] , Ferme Eolienne de Clamecy et [...] de leur demande de nullité du protocole conclu avec la SEM Nièvre Energies, et d'avoir dit que les sociétés [...] SARL et [...] ont rompu de manière abusive le contrat conclu avec la SEM Nièvre Energies et condamné in solidum ces dernières à payer à la SEM Nièvre Energies la somme de 648 480 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal ;

AUX MOTIFS QU' « il y a violence selon l'article 1112 du code civil, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ;
qu'en l'espèce, la menace d'informer "des collectivités territoriales et des structures impliquées dans le développement et la promotion des énergies renouvelables et citoyennes" contenue dans le courrier du 10 mai 2013 n'est pas constitutive de la violence telle que visée à l'article 1112 comme n'étant pas de nature à impressionner ou à faire craindre à la société, professionnelle avertie, un mal considérable de nature à vicier son consentement ;
que si le courrier du 25 avril 2013 constitue une menace illégitime en ce sens qu'il conditionne les accords définitifs concernant les aménagements de voirie nécessaires à l'acheminement des éoliennes à l'accord financier et technique du projet éolien et une violence puisque, la réalisation de cette menace aurait mis le projet éolien en grande difficulté, force est de constater que d'une part, le taux de 8% dont les intimées prétendent qu'il leur a été imposé, avait été proposé par la société [...] dans son courrier du 17 février 2013 et d'autre part, le protocole des 06 et 11 juin 2014 comportant cette garantie de 8%, dispose en son préambule, page 4, que la mise en service industriel du parc éolien est intervenue le 28 novembre 2013 et que la dernière éolienne a été raccordée au réseau de distribution public d'électricité le 6 janvier 2014, soit antérieurement à la signature dudit protocole, de sorte que la violence avait donc cessé à ce jour, la société [...] n'ayant plus à craindre un refus d'autorisation puisque toutes les éoliennes avaient été acheminées ;
que les intimées ne rapportent pas preuve que leur consentement a été vicié pour violence et le jugement entrepris sera dès lors infirmé en ce qu'il a annulé le protocole » ;

1°/ ALORS QUE si, dans son courrier du 17 janvier 2013, fixant les grandes lignes de la cession de 35% des actions de la société Ferme Eolienne de Clamecy envisagée au profit de la société Nièvre Energies, la société [...] faisait état d'un taux de rentabilité interne (« TRI ») de 8%, elle présentait expressément ce taux comme un « objectif » de rentabilité, et non comme une garantie ; que ce courrier n'était ainsi pas de nature à exclure que les menaces dont les exposantes ont fait l'objet les aient finalement contraintes à consentir, aux termes du protocole des 6 et 11 juin 2014, une garantie de rentabilité de 8% ; que pour juger néanmoins que la menace contenue dans le courrier du directeur général des services de la ville de Clamecy du 25 avril 2013 n'avait pas déterminé leur consentement, la cour d'appel a retenu que « le taux de 8 % dont les intimées prétendent qu'il leur a été imposé avait été proposé par la société [...] dans son courrier du 17 février 2013 » ; que si la cour d'appel a ainsi entendu juger qu'une garantie de rentabilité de 8% avait été proposée dans le courrier de la société [...] du 17 février 2013, alors elle a dénaturé les termes clairs et précis de ce courrier, qui faisaient simplement état d'un « objectif de TRI de 8% », et non d'une garantie, en méconnaissance de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

2°/ ALORS QU' à l'appui de leur demande de nullité du protocole des 6 et 11 juin 2014 pour violence, les exposantes soutenaient que les menaces dont elles avaient fait l'objet les avaient contraintes à accorder à la société Nièvre Energies une garantie de rentabilité de 8% ; que la cour d'appel a cependant retenu, pour juger que la menace illégitime contenue dans le courrier du directeur général des services de la ville de Clamecy du 25 avril 2013 n'avait pas déterminé leur consentement, que « le taux de 8% dont les intimées prétendait qu'il leur a été imposé avait été proposé par la société [...] dans son courrier du 17 février 2013 » ; que si la cour d'appel a ainsi entendu faire référence au fait que le courrier du 17 février 2013 mentionnait un objectif de rentabilité de 8%, alors elle s'est fondée sur des motifs impropres à exclure que la menace proférée à l'égard des exposantes les ait contraintes d'accepter une garantie de rentabilité de 8%, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1111 et 1112 du code civil, dans leur version applicable en la cause ;

3°/ ALORS QUE pour s'opposer à la demande de nullité du protocole des 6 et 11 juin 2014, la société Nièvre Energies ne soutenait nullement que la violence résultant du courrier du directeur général des services de la ville de Clamecy du 25 avril 2013 aurait cessé au jour de la signature de ce protocole ; que ses conclusions d'appel ne contenaient aucune référence à la date d'acheminement des éoliennes, et a fortiori au fait que ces éoliennes auraient déjà toutes été acheminées lorsque le protocole a été conclu ; que la cour d'appel s'est cependant fondée sur le préambule du protocole, dont elle a déduit que toutes les éoliennes avaient été acheminées à la date du 6 janvier 2014, pour relever d'office le moyen selon lequel la société [...] n'avait plus à craindre un refus d'autorisation d'acheminement lorsque le protocole a été conclu, et en déduire que la violence aurait cessé au jour de cette conclusion ; qu'en n'invitant pas préalablement les parties à débattre contradictoirement de ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ ALORS QU' il y a violence lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ; que pour juger que le courrier 10 mai 2013 par lequel la société Nièvre Energies menaçait les exposantes, en cas de refus d'accepter une contre-proposition, de « diffus[er] cette information auprès d'une part de l'ensemble des collectivités territoriales, et d'autre part, des structures impliquées dans le développement et la promotion des énergies renouvelables et citoyennes » n'était pas constitutif d'une violence, la cour d'appel s'est bornée à affirmer péremptoirement que la menace qu'il contenait n'était « pas de nature à impressionner ou à faire craindre à la société, professionnelle avertie, un mal considérable de nature à vicier son consentement » ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la qualité de professionnel des exposantes ne les rendait pas précisément conscientes du fait qu'il leur était impossible de mener leurs projets à terme sans l'appui des collectivités territoriales, auprès desquelles leur réputation serait compromisse si la menace proférée dans le courrier du 10 mai 2013 était mise à exécution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1112 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les sociétés [...] SARL, [...] , Ferme Eolienne de Clamecy et [...] de leur demande de caducité du protocole conclu avec la SEM Nièvre Energies, et d'avoir dit que les sociétés [...] SARL et [...] ont rompu de manière abusive le contrat conclu avec la SEM Nièvre Energies et condamné in solidum ces dernières à payer à la SEM Nièvre Energies la somme de 648 480 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal ;

AUX MOTIFS QU' « il ressort des pièces produites aux débats par les parties qu'aux termes des pourparlers ouverts en 2011, les sociétés du groupe [...] et la SEM Nièvre Energies ont, par acte des 6 et 11 juin 2014 modifié par avenant du 27 juin 2014, signé un protocole d'investissement qui prévoyait la cession par les sociétés [...] SARL et [...] au bénéfice de la société SEM NE de 7 000 000 actions détenues dans le capital de la société Ferme Eolienne de Clamecy au prix de 700 000 euros et un prêt par la société Nièvre Energies de la somme de 651 000 euros par apport en compte courant au bénéfice de la société Ferme Eolienne de Clamecy afin que cette dernière puisse rembourser avec la même somme au bénéfice de la SARL [...] ;
qu'aux termes de l'article 8 du contrat, K... C... SARL s'est engagée à garantir à la société Nièvre Energies un taux de rendement de 8% par an sur son investissement ; que la société [...] s'est portée caution solidaire de cet engagement de rentabilité pris par sa filiale française ;
que le contrat a été conclu sous diverses conditions suspensives énumérées à l'article 6 dont celle de "justificatif de la mise à disposition de l'investissement sur un compte fiduciaire (bloqué) établi par Nièvre Energies en faveur de [...] SARL pour effectuer les paiements selon article 4.2 et 4.4. à la date de la réalisation" ; qu'il est également prévu que les conditions suspensives devaient être réalisées au plus tard le 30 juin 2014 ;
que contrairement à ce que soutient l'appelante, cette condition ne se confond pas avec l'obligation même du paiement des actions et du prêt puisqu'il s'agit d'une obligation préalable de justification de la mise à disposition de l'investissement sur un compte bloqué ; qu'elle n'est pas non plus potestative dans la mesure où la réalisation de la condition dépendait non seulement de la volonté du débiteur de cette clause mais aussi de la volonté de l'organisme bancaire sollicité ;
qu'il appartenait donc à la SEM NE de justifier de la mise à disposition de l'investissement sur un compte fiduciaire bloqué par elle-même et non pas de justifier du versement des sommes sur un compte ouvert par [...] SARL contrairement à ce que prétendent les intimées ;
que par courrier du 03 juillet 2014, la société [...] a informé la SEM NE de son accord de "continuer le processus" et de lui accorder l'entrée au capital "sur la base des documents existants" sous la condition de l'établissement par la SEM NE d'un compte séquestre ou autre compte fiduciaire bloqué sur lequel la somme d'investissement sera versée, le maintien du taux de rendement de 8%, le remboursement par la SEM NE de tous les frais d'[...] pour le conseil juridique CGR dans cette affaire (48 695 euros) qui incluront les frais engendrés dans le passé et ceux à venir, le remboursement des coûts de la banque HSC pour l'entrée de la SEM NE dans le capital (waiver fees entre 5 000 et 15 000 euros), le remboursement par la SEM NE des frais du conseil juridique de la banque [...] en relation avec l'accord pour l'entrée de la SEM NE au capital (probablement entre 25 000 et 35 000 euros) et le paiement de la somme de 10 000 euros par mois si "K... C... doit toujours investir son temps dans cette affaire" ;
que la société [...] a accepté de proroger les conditions suspensives au 30 septembre 2014 ;
que la prise en charge des frais par la SEM NE a été ramenée par K... C... à "environ 200 000 euros" par courriel du 16 juillet 2014 ;
que par courrier du 26 juillet 2014, la SEM NE a informé la poursuite de son investissement dans le parc éolien et "acté" le principe d'une prise en charge des frais listés dans la proposition d'K... C... à hauteur maximum de 200 000 euros ainsi que sa volonté de clore la transaction au plus tard le 31 août 2014 sur la base du protocole d'investissement dans la version du 27 juin 2014 et ses pièces annexes ; qu'elle a indiqué qu'elle allait ouvrir un compte séquestre sur lequel seront déposées la somme de 1 351 000 euros constitué du prix des actions (700 000 euros) et le financement du compte courant (651 000 euros) et la somme des frais pris en charge par la SEM NE ; qu'elle a indiqué la "nécessité impérieuse d'avoir pour ce faire au préalable un exemplaire signé de l'accord final de la banque HSH Nordbank AG" ;
que par courriel du 30 juillet 2014, la société [...] indique à la SEM NE avoir "confiance dans la réalisation finale de votre achat, nous allons relancer les avocats et la banque pour obtenir leurs accords. Nous proposons de viser fin septembre pour la clôture" ;
qu'ainsi, il résulte de ces échanges que le protocole d'investissement signé les 6 et 11 juin 2014 modifié par avenant le 27 juin 2014 n'est pas caduc et que les parties ont entendu modifier l'accord originel en le soumettant à de nouvelles conditions financières et en prorogeant le délai d'expiration des conditions suspensives au 30 septembre 2014 ; que la demande de caducité doit être rejetée » ;

1°/ ALORS QUE la défaillance de la condition suspensive devant être réalisée dans un temps fixe entraîne la caducité du contrat au jour où la condition aurait dû être réalisée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le protocole des 6 et 11 juin 2014, modifié par avenant du 27 juin 2014, avait été conclu sous la condition suspensive que la société Nièvre Energies justifie de la mise à disposition de l'investissement sur un compte fiduciaire bloqué en faveur de la société [...] et que cette condition devait être réalisée au plus tard le 30 juin 2014 (arrêt attaqué, p. 7 dernier §) ; qu'en retenant néanmoins, pour juger que ce contrat ne serait pas caduc malgré l'absence de mise à disposition des fonds à la date du 30 juin 2014, que par un courrier du 3 juillet 2014, la société [...] aurait accepté de proroger les conditions suspensives au 30 septembre 2014, cependant que ce courrier, postérieur de trois jours à la défaillance de la condition suspensive, avait été établi à une date à laquelle la caducité du contrat était déjà acquise, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1176 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ;

2°/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE dans son courrier du 3 juillet 2014, la société [...] indiquait expressément que « les obligations des parties sous le Protocole d'Investissement du 6/11 juin sont aujourd'hui caduques et de nul effet (Article 6) », mais qu'elle était tout de même d'accord pour continuer les discussions sous de nouvelles conditions, parmi lesquelles la prise en charge par la société Nièvre Energies de frais juridiques et bancaires et le paiement, par cette dernière, d'intérêts à hauteur de 8% sur le montant de l'investissement, entre le 21 décembre 2013 et la date du paiement, et d'une somme de 10 000 euros par mois afin de compenser la mobilisation du groupe [...] pendant la durée des négociations ; qu'il résultait des termes clairs et précis de ce courrier que la société [...] envisageait la conclusion d'un nouveau contrat, et non la prorogation des conditions suspensives prévues par le protocole des 6 et 11 juin 2014, dont elle indiquait expressément qu'il était devenu caduc ; qu'en retenant pourtant que, par ce courrier du 3 juillet 2014, la société [...] aurait « accepté de proroger les conditions suspensives au 30 septembre 2014 », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis dudit courrier, en méconnaissance de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

3°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE, dans leurs conclusions d'appel, les exposantes faisaient valoir qu'à supposer même que les conditions suspensives prévues par le protocole des 6 et 11 juin 2014 aient été prorogées au 30 septembre 2014, elles ne pouvaient être réalisées à cette date, dès lors que le 22 septembre 2014 la société Nièvre Energies avait seulement procédé au paiement de quelques factures de frais juridiques d'un montant de 124 290,16 euros, et non au versement de l'investissement de 1 351 000 euros sur un compte bloqué, et que le versement de l'investissement sur un compte bloqué ne pouvait intervenir avant le 30 septembre 2014 puisqu'il était subordonné à un accord formel de la banque, qui avait indiqué le 25 septembre 2014 qu'elle ne pourrait délivrer un tel accord avant deux ou trois semaines (p. 43, point 38 et p. 12 § 7 à 10 de leurs conclusions d'appel) ; qu'en rejetant cependant leur demande de caducité du protocole sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-14550
Date de la décision : 21/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 oct. 2020, pourvoi n°19-14550


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Corlay, SCP Alain Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.14550
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