LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 19-87.656 F-D
N° 1828
EB2
20 OCTOBRE 2020
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 OCTOBRE 2020
MM. A... et R... O... ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 3 juillet 2019, qui, pour opposition à fonction, les a condamnés chacun à 1 000 euros d'amende.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit.
Sur le rapport de M. Bellenger, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. A... O..., M. R... O..., et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. MM. A... et R... O... ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour opposition à fonction pour avoir refusé, le 10 octobre 2015 à 3 h 45, la visite des agents de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage dans un gabion destiné à la chasse de nuit des oiseaux situé dans les marais de la commune d'Auvers (Manche).
3. Les juges du premier degré ont relaxé les prévenus. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. R... O... et M. A... O... coupables d'avoir fait obstacle aux fonctions des agents de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage habilités à rechercher et constater les infractions dans le domaine de l'environnement, en leur refusant l'accès, de nuit, à l'intérieur de l'habitacle dans lequel ils séjournaient, alors :
« 1°/ que les inspecteurs de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ne peuvent effectuer une visite domiciliaire avant 6h et après 21 h à l'intérieur d'un local habité ; que constitue un domicile dans lequel les inspecteurs ne peuvent entrer de nuit, le lieu où une personne, qu'elle y habite ou non, est en droit de se dire chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux, pourvu qu'il s'agisse d'un local effectivement occupé, meublé et équipé dans des conditions de confort acceptables ; qu'en la cause le refus opposé aux inspecteurs de l'ONCFS d'accéder à 3h50 à l'intérieur d'un «gabion» composé de trois pièces et pourvu de lits, coin cuisine et des équipements nécessaires aux occupants, et ce comme le propriétaire des lieux l'avait demandé, était parfaitement fondé et insusceptible de constituer une obstruction à l'exercice de leurs fonctions ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 59 du code de procédure pénale, 226-4 et 432-8 du code pénal, ensemble les articles L. 173-4, L. 172-4 et suivants, L. 173-4 et L. 173-7 du code de l'environnement, 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'il résultait des éléments du débat et notamment d'un procès-verbal d'huissier et des constatations des premiers juges que le gabion est muni d'une porte fermant à clé, qu'il est composé de trois pièces, équipé de quatre lits, d'une table et de chaises, d'un coin cuisine avec des placards, d'un réchaud à gaz, d'ustensiles de cuisine, mais aussi d'un système d'éclairage autonome avec batterie et interrupteur, d'un système de chauffage par poêle à combustion ; que le tribunal relevait la présence de boissons et de produits d'alimentation et du règlement de la taxe d'ordures ménagères pour le gabion et déduisait de l'ensemble de ces constatations que le gabion constituait un domicile, l'absence de raccordement aux réseaux d'eau et d'électricité étant compensée par des réserves de boissons et la présence d'un système d'éclairage autonome ; qu'en considérant qu'en l'absence d'alimentation en électricité et de raccordement au réseau d'eau, le local était dépourvu des équipements élémentaires lui permettant de recevoir la dénomination de domicile bien qu'il soit pourvu de certains éléments de confort nécessaires pour les besoins d'une nuit, ce qui suffisait à caractériser un domicile, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations et des éléments du débat, en violation des articles 59 du code de procédure pénale, 226-4, 432-8 du code pénal, L. 173-4 et L. 173-7 du code de l'environnement. »
Réponse de la Cour
5. Pour déclarer les prévenus coupables d'opposition à fonction, l'arrêt énonce que le gabion dont l'entrée a été refusée ne comporte pas de raccordement à l'eau ni à l'électricité, qu'il ne dispose pas d'un compteur électrique, que ce local n'est pas assujetti à la taxe foncière ni à la taxe d'habitation, qu'il ne comporte pas de point de réception du courrier postal et que quand bien même ce lieu comporte des aménagements de confort nécessaires pour les besoins d'une nuit, cette hutte de chasse, qui est avant tout un poste d'observation et de tir, ne comporte pas les équipements élémentaires lui permettant de recevoir la dénomination de domicile.
6. Les juges en concluent qu'en refusant l'entrée de ce lieu aux fonctionnaires de l'environnement malgré le rappel par ceux-ci des peines encourues en cas d'obstacle au contrôle, les prévenus se sont rendus coupables du délit visé à la prévention.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'opposition à fonction dont elle a déclaré les prévenus coupables.
8. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a condamné les prévenus à une peine d'amende de 1 000 euros, alors « que toutes peines doivent être individualisées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale ; que le montant de l'amende est déterminé en tenant compte tant des ressources que des charges de l'auteur de l'infraction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui déclare la peine d'amende de 1 000 euros proportionnée aux seules ressources des intéressés, lesquels n'ont jamais été condamnés auparavant, en retenant qu'ils n'ont pas décliné « de charges spéciales », autrement dit sans prendre en compte les charges irréductibles de chaque individu, a violé les articles 132-20, al. 2 du code pénal, ensemble 132-1 du même code. »
Réponse de la Cour
10. Pour condamner les prévenus à une amende, l'arrêt attaqué énonce que M. R... O..., âgé de 25 ans est célibataire et sans enfant et a déclaré être poseur de réseaux incendie en intérim et percevoir pour cette activité un salaire mensuel de 1 100 euros et qu'il n'a pas été condamné.
11. Les juges ajoutent que M. A... O..., âgé de 58 ans, marié et père de trois enfants qui ne sont plus à sa charge, a déclaré être employé d'usine en agro-alimentaire et percevoir un salaire mensuel de 1 400 euros et n'a jamais été condamné.
12. Les juges en concluent qu'au regard de la personnalité des deux intéressés ainsi que de l'absence de mention sur le bulletin numéro 1 de leur casier judiciaire, la gravité des faits étant relative, il convient de prononcer à leur encontre chacun une peine de 1 000 euros d'amende délictuelle, une telle peine ayant pour finalité l'avertissement et la dissuasion, tout en étant proportionnée aux ressources des intéressés qui n'ont pas décliné de charges spéciales.
13. En l'état de ces énonciations qui satisfont aux exigences des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision.
14. Dès lors, le moyen doit être écarté.
15. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt octobre deux mille vingt.