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14/10/2020 | FRANCE | N°19-13770

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 octobre 2020, 19-13770


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 octobre 2020

Cassation partielle sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 607 F-D

Pourvoi n° K 19-13.770

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2020

1°/ Mme N... R..., veuve G..., domiciliée [

...] ,

2°/ M. O... G..., domicilié [...] ,

3°/ M. S... G..., domicilié [...] ,

4°/ Mme C... G..., domiciliée [...],

ont formé le pourvoi n° ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 octobre 2020

Cassation partielle sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 607 F-D

Pourvoi n° K 19-13.770

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2020

1°/ Mme N... R..., veuve G..., domiciliée [...] ,

2°/ M. O... G..., domicilié [...] ,

3°/ M. S... G..., domicilié [...] ,

4°/ Mme C... G..., domiciliée [...],

ont formé le pourvoi n° K 19-13.770 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-4), dans le litige les opposant à Mme Y... G..., épouse V..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mmes C... et N... G..., MM. O... et S... G..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme V..., et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 janvier 2019), Z... G... est décédée le 22 avril 2008, laissant pour lui succéder sa fille, Mme V..., et les trois enfants de son fils pré-décédé, O..., S..., C..., ainsi que l'épouse de celui-ci, Mme G... (les consorts G...), en l'état d'un testament olographe du 9 janvier 2002 aux termes duquel elle a institué sa fille légataire universelle.

2. Des difficultés sont survenues dans le règlement de la succession. Par acte du 8 octobre 2013, les consorts G... ont assigné Mme V... en recel successoral. Celle-ci a demandé reconventionnellement le rapport d'une donation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. Les consorts G... font grief à l'arrêt de dire qu'ils devront rapporter à la succession de Z... G... une certaine somme représentant la valeur de la donation consentie par la défunte à leur père, alors « qu'une donation suppose un appauvrissement fait dans l'intention de gratifier le donataire ; qu'en affirmant que l'acquisition de l'appartement en 1973 dissimulait une donation consentie par Z... G... à son fils U... bien qu'elle ait relevé que Mme G... s'était réservé l'usage du bien ce dont il s'évinçait que cette libéralité, de façon non écrite, était en réalité assortie de la contrepartie d'un usage sans limite et que le financement réalisé trouvait sa contrepartie dans un droit d'usage illimité en son principe et effectivement exercé de 1973 jusqu'au départ de Z... G... en maison de retraite en 2005 soit pendant trente-deux ans, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations exclusives d'une intention libérale et violé l'article 843 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 843 du code civil :

4. Seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du donateur dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession.

5. Pour dire que Mme C... G..., MM. O... et S... G... devront rapporter à la succession de leur grand-mère une certaine somme représentant la valeur de la donation consentie par celle-ci à leur père, l'arrêt relève que Z... G... a financé la plus grande part du bien immobilier acquis par son fils et a occupé les lieux jusqu'à son départ en maison de retraite, puis retient qu'elle a manifestement voulu ainsi gratifier son fils, tout en se réservant, pendant qu'elle en avait la nécessité, l'usage du bien. Il en déduit qu'elle s'est dépouillée irrévocablement de son vivant, sans contrepartie, et dans une intention libérale.

6. En statuant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que le financement litigieux avait eu pour contrepartie l'usage du bien pendant plusieurs années par Z... G..., ce qui excluait l'intention libérale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que Mme C... G..., MM. O... et S... G... devront rapporter à la succession de Z... G... la somme de 179 024,17 euros représentant la valeur de la donation consentie par la défunte à leur père, l'arrêt rendu le 16 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande tendant au rapport à la succession de Z... G... de la somme de 179 024,17 euros à la charge de Mme C... G..., MM. O... et S... G... ;

Condamne Mme Y... G..., épouse V..., aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme Y... G..., épouse V..., et la condamne à payer à MM. O... et S... G..., Mmes C... et N... G... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour Mmes C... et N... G..., MM. O... et S... G....

- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que O..., S... et C... G... devront rapporter à la succession de Mme Z... G... la somme de 179.024,17 euros représentant la valeur de la donation consentie par la défunte à leur père.

- AU MOTIF QUE Madame Y... G... se prévaut d'une donation déguisée dont aurait bénéficié Monsieur U... G... qui aurait acquis en 1973 un bien immobilier en réalité totalement financé par sa mère. Elle produit pour en attester un courrier attribué à U... G... dans lequel s'adressant à sa mère il déclare « Notre chère Maman, Tu dois être je crois, en possession d'un plan appartement F3, nous nous en sommes procurés un autre pour pouvoir situer exactement l'emplacement des pièces de ton appartement » ainsi qu'un décompte manuscrit, également attribué à U... G... faisant apparaître des sommes correspondant au prix d'acquisition de l'appartement (6.318,700) et sur lequel il est noté « Versé par maman : 5.600.000 ». Les consorts G... ne contestent pas l'écriture de leur auteur sur ces deux documents qui laissent penser que le bien mis au nom de U... G... et de son épouse qui pouvaient bénéficier d'avantages liés à la profession de postier de monsieur, a en fait été financé, au moins à hauteur de 5.600.000 francs sur 6.318.700 francs, par Mme Z... G.... Au-delà de ces éléments écrits , les conditions dans lesquelles cet appartement a été occupé et notamment le fait que Mme Z... G... y soit demeuré jusqu'à son départ en maison de retraite confirme l'hypothèse d'un financement par l'intéressée qui a manifestement voulu ainsi gratifier son fils tout en se réservant, pendant qu'elle en avait la nécessité, l'usage du bien, Il résulte de ce qui précède que Mme Z... G... en finançant pour la plus grande part, le bien immobilier acquis par son fils a entendu se dépouiller irrévocablement, de son vivant, sans contrepartie et dans une intention libérale, des sommes correspondantes ce qui caractérise une donation. Les enfants de U... G... venant en représentation de leur père décédé devront donc rapporter à la succession le montant de la donation. Le bien acquis avec les sommes données ayant été vendu pour la somme de 202.000 euros et le bien ayant été financé par la donation à hauteur de 5.600.000 francs sur les 6.318.700 représentant le prix d'achat c'est dans la même proportion, c'est à dire 5.600 / 6.318.700 que doit être évaluée le montant du rapport. Les enfants de U... G... devront donc rapporter à la succession la somme de 202.000 /6.318.700 x 5.600.000 = 179.024,17 euros. Cette obligation de rapport n'étant qu'une opération du partage en cours il n'y a pas lieu de l'assortir d'une astreinte comme le sollicite Mme G....

1°- ALORS QUE D'UNE PART il incombe au cohéritier qui invoque l'existence d'une donation déguisée de prouver que le donateur a financé, avec une intention libérale, l'acquisition du bien dont il demande le rapport ; que dans leurs conclusions d'appel (p 17 à 20), les consorts G... avaient fait valoir que la lettre produite aux débats par Mme G..., qui reconnaissait dans sa note en délibéré ne pas pouvoir produire l'original, ne l'avait été que partiellement et non en entier, ce qui la rendait sujette à caution, qu'elle était non signée, qu'elle commençait par « notre chère maman », ce qui démontrait qu'elle émanait de U... mais également de sa soeur Y..., qu'elle traitait de l'appartement F3 de la de cujus et non de l'appartement de U... G... ; que le décompte n'était pas daté ; qu'en se fondant exclusivement sur cette lettre partielle non signée ainsi que sur un décompte non daté pour retenir l'existence d'une donation déguisée par Z... G... à son fils U..., non complété par d'autres éléments tels que des relevés bancaires alors même que la preuve de la donation déguisée reposait sur Mme Y... G... qui l'invoquait, la cour d'appel a violé l'article 1315 ancien du code civil

2°)- ALORS QUE D'AUTRE PART il incombe au cohéritier qui invoque l'existence d'une donation déguisée de prouver que le donateur a financé, avec une intention libérale, l'acquisition du bien dont il demande le rapport ; qu'en déduisant l'intention libérale de Z... G... du fait qu'elle aurait assuré à hauteur de 5.600.000 Francs sur 6.318.700 F le financement de l'acquisition, par son fils M. U... d'un bien immobilier, tout en s'en réservant pendant qu'elle en avait la nécessité l'usage de ce bien, la Cour d'appel a violé l'article 1315 ancien du Code civil, ensemble l'article 843 du même Code

3°)- ALORS QUE DE TROISIEME PART et en tout état de cause une donation suppose un appauvrissement fait dans l'intention de gratifier le donataire ; qu'en affirmant que l'acquisition de l'appartement en 1973 dissimulait une donation consentie par Z... G... à son fils U... bien qu'elle ait relevé que Mme G... s'était réservée l'usage du bien ce dont il s'évinçait que cette libéralité, de façon non écrite, était en réalité assortie de la contrepartie d'un usage sans limite et que le financement réalisé trouvait sa contrepartie dans un droit d'usage illimité en son principe et effectivement exercé de 1973 jusqu'au départ de Z... G... en maison de retraite en 2005 soit pendant 32 ans, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations exclusives d'une intention libérale et violé l'article 843 du Code civil ;

4°- ALORS QUE DE QUATRIEME PART dans leurs conclusions d'appel (p 14 et s), les consorts G... avaient fait valoir que leur père, receveur des postes, avait un salaire confortable et qu'il avait obtenu une indemnisation comme rapatrié d'Algérie et avait vendu un bien immobilier dont il était propriétaire à Oran (cf conclusions p 15) ; qu'en 1973, leur grand-mère Z..., qui avait été couturière, avait une très petite retraite, ce qu'avait d'ailleurs reconnu Y... G... dans une lettre (cf conclusions p 14 et 15) et n'avait donc pas les moyens de débourser une somme de 5.600.000 F ; qu'en s'abstenant de rechercher comme elle y était expressément invitée comment Z... G..., qui avait une situation très modeste, avait pu financer un tel bien,, ce qui avait fait l'objet de deux sommations de communiquer restées sans réponse, et si U... G... n'en avait pas eu les moyens, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 843 du code civil ;

5- ALORS QUE CINQUIEME PART il résulte du décompte du notaire instrumentaire que si la vente du bien litigieux a bien été de 202.000 euros, le prix net vendeur était en réalité de 187.000 € réparti de la manière suivante 100.513 € pour Mme N... R..., veuve G... et pour chacun des trois enfants une somme de 26.762 € ; qu'en se bornant à énoncer que le bien acquis avec les sommes données ayant été vendu pour la somme de 202.000 euros et le bien ayant été financé par la donation à hauteur de 5.600.000 francs sur les 6.318.700 représentant le prix d'achat c'est dans la même proportion, c'est à dire 5.600 / 6.318.700 que doit être évaluée le montant du rapport de telle sorte que les enfants de U... G... devront donc rapporter à la succession la somme de 202.000 /6.318.700 x 5.600.000 = 179.024,17 euros : qu'en s'abstenant de rechercher si le prix de 202.000 € correspondait bien au prix net vendeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 843 du code civil ;

6- ALORS QU'ENFIN en se bornant à énoncer que le bien acquis avec les sommes données ayant été vendu pour la somme de 202.000 euros et le bien ayant été financé par la donation à hauteur de 5.600.000 francs sur les 6.318.700 représentant le prix d'achat c'est dans la même proportion, c'est à dire 5.600 / 6.318.700 que doit être évaluée le montant du rapport de telle sorte que les enfants de U... G... devront donc rapporter à la succession la somme de 202.000 /6.318.700 x 5.600.000 = 179.024,17 euros ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si Mme N... R..., veuve de U... G... dont elle a constaté qu'elle n'était pas tenue au rapport à défaut d'être héritière de Z... G... (cf arrêt p 9 § 1), n'était pas héritière de son mari U... et si elle n'avait pas en conséquence perçu en cette qualité une somme sur le montant de la vente, ce qui venait réduire la part de O..., S... et C... G..., tenus au rapport, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 843 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-13770
Date de la décision : 14/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 oct. 2020, pourvoi n°19-13770


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.13770
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