LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 20-81.129 F-D
N° 1924
EB2
13 OCTOBRE 2020
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 OCTOBRE 2020
M. E... S..., partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6ème section, en date du 4 février 2020, qui, dans l'information suivie sur sa plainte des chefs d'escroquerie, abus de confiance, vol, faux et usage, a constaté l'irrecevabilité de sa plainte et a prononcé sur une demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance en date du 25 mars 2020, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. E... S..., les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. D... P..., et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 15 juillet 2015, M. S... a déposé plainte auprès du procureur de la République des chefs précités contre M. D... P....
3. Le 23 octobre 2015, une transaction a été signée. M. S... a fait savoir au procureur de la République qu'il retirait sa plainte.
4. Le ministère public lui a notifié le classement sans suite de sa plainte.
5. Le 30 mai 2016, M. S... a finalement déposé plainte avec constitution de partie civile.
6. Le 16 mars 2017, le procureur de la République a requis l'irrecevabilité de cette plainte, au visa de l'article 426 du code de procédure pénale.
7. Le 22 mai 2017, le magistrat instructeur a adressé une commission rogatoire à un service d'enquête et, par ordonnance du 31 mai 2017, a constaté la recevabilité de la plainte de M. S....
8. Le 18 juin 2018, M. P... a été mis en examen des chefs d'escroquerie, complicité de faux et complicité de falsification de chèques.
9. Le 7 novembre 2018, l'avocat de M. P... a saisi la chambre de l'instruction d'une requête tendant à constater l'irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile et l'illégalité de la commission rogatoire susvisée ainsi qu'à l'annulation des actes subséquents.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit la saisine recevable, d'avoir constaté l'irrecevabilité de la plainte de E... S... du 30 mai 2016 et a prononcé la nullité des actes d'information à compter de la cote D334 et jusqu'à la cote D633 incluse, Cal-2, Cb1-2, alors :
« 1°/ que le mis en examen n'est pas recevable à contester la recevabilité d'une constitution d'une partie civile par la voie d'une demande d'annulation d'actes présentée devant la chambre de l'instruction ; qu'en décidant au contraire que M. P... était recevable à soulever l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de M. S... au motif inopérant qu'il était privé du droit d'appel de l'ordonnance d'irrecevabilité rendue le 31 mai 2017, faute de statut juridique à cette date, la chambre de l'instruction a violé les articles 87 et 173 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'au cours de l'information, la décision prise sur la recevabilité d'une constitution de partie civile est revêtue de l'autorité de la chose jugée ; qu'en constatant l'irrecevabilité de la plainte de M. S... du 30 mai 2016 après avoir constaté que, par une ordonnance du 31 mai 2017, le magistrat instructeur avait pris une ordonnance de constatation de recevabilité de cette même plainte, la chambre de l'instruction a méconnu le principe de l'autorité de la chose jugée. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 87 du code de procédure pénale :
11. Il se déduit de ce texte que la contestation de la recevabilité d'une constitution de partie civile est étrangère au contentieux des nullités de procédure.
12. Pour déclarer la requête recevable, l'arrêt énonce que l'ordonnance du 31 mai 2017 ne saurait être opposée à M. P..., qui n'a pu la contester, ayant été mis en examen le 18 juin 2018.
13. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé pour les motifs qui suivent.
14. Si c'est à bon droit qu'elle a jugé que l'ordonnance du 31 mai 2017 était dépourvue d'autorité de la chose jugée à l'égard de M. P..., qui n'est devenu partie au dossier que postérieurement à celle-ci, c'est à tort qu'elle a jugé recevable sa requête en annulation pour critiquer la recevabilité en la forme de la constitution de partie civile.
15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la nullité des actes d'information à compter de la cote D334 et jusqu'à la cote D633 incluse, Cal-2, Cb1-2, alors « que seules des réquisitions de non informer suspendent, jusqu'à qu'il y soit répondu par une ordonnance motivée, l'information par le juge d'instruction, saisi par une plainte avec constitution de partie civile ; que la chambre de l'instruction a relevé que le procureur de la République avait pris des réquisitions d'irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile ; qu'en jugeant qu'était nulle la commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction avant qu'il n'ait répondu à ces réquisitions, qui n'étaient pas des réquisitions de non informées, la chambre de l'instruction a violé les articles 51 et 86 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 86 du code de procédure pénale :
17. Il résulte de ce texte que ce n'est que lorsqu'il est saisi d'un réquisitoire de refus d'informer, les faits dénoncés ne pouvant légalement comporter une poursuite ou admettre aucune qualification pénale, que le juge d'instruction peut passer outre sans statuer par une ordonnance motivée. A défaut de telles réquisitions, le juge d'instruction, régulièrement saisi d'une plainte avec constitution de partie civile, a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public.
18. Pour prononcer l'annulation de la commission rogatoire et des actes subséquents, l'arrêt énonce, après avoir relevé que M. S... s'est désisté de sa plainte au motif d'une transaction avec M. P..., que le juge d'instruction n'a pas répondu aux réquisitions d'irrecevabilité du procureur de la république.
19. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent.
20. D'une part, les dispositions des articles 425 et 426 du code de procédure pénale ne sont pas applicables devant la juridiction d'instruction.
21. D'autre part, la transaction était, en l'espèce, sans incidence sur l'action publique.
22. En l'absence de cause affectant l'action publique elle-même, la chambre de l'instruction ne pouvait, dès lors, analyser les réquisitions d'irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile en réquisitions de refus d'informer.
23. La cassation est par conséquent à nouveau encourue.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 4 février 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize octobre deux mille vingt.