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08/10/2020 | FRANCE | N°19-21092

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 octobre 2020, 19-21092


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 octobre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1030 F-D

Pourvoi n° U 19-21.092

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020

La société I... V..., société d'exercice libéral à responsabil

ité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 19-21.092 contre l'ordonnance rendue le 18 juin 2019 par la juridiction du premier pr...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 octobre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1030 F-D

Pourvoi n° U 19-21.092

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020

La société I... V..., société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 19-21.092 contre l'ordonnance rendue le 18 juin 2019 par la juridiction du premier président de la cour d'appel de Bordeaux, dans le litige l'opposant à M. R... H... Q..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Talabardon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société I... V..., de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. H... Q..., et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Talabardon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par la juridiction du premier président d'une cour d'appel (Bordeaux, 18 juin 2019), M. H... Q... a confié la défense de ses intérêts dans une procédure en indemnisation des conséquences dommageables d'un accident de la circulation, devant la juridiction administrative, à la SELARL I... V... (l'avocat).

2. Après avoir signé, au mois de novembre 2011, une première convention d'honoraires en vue d'un référé-expertise, puis, le 8 novembre 2012, une seconde convention en vue de la procédure au fond, et avoir acquitté l'ensemble des factures que lui avait adressées son avocat jusqu'au 14 mars 2014, pour un montant total de 6 871 euros TTC, M. H... Q..., insatisfait du jugement rendu par le tribunal administratif le 5 octobre 2016, a changé de conseil.

3. L'avocat lui a alors adressé, le 28 novembre 2016, une facture récapitulative de fin de dossier d'un montant de 5 400 euros TTC, correspondant à des diligences qui n'auraient pas encore été facturées.

4. M. H... Q... a refusé d'acquitter cette note d'honoraires et, le 12 décembre 2016, il a demandé au bâtonnier de l'ordre d'arbitrer le différend.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. La SELARL I... V... fait grief à l'ordonnance de fixer à la somme de 6 871 euros TTC le montant des honoraires et frais dus par M. H... Q..., de dire que, compte tenu des règlements déjà effectués par celui-ci, la note d'honoraires n° 3908 du 28 novembre 2016 d'un montant de 5 400 euros TTC n'est pas justifiée et n'est donc pas due, et de la condamner à payer à M. H... Q... la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que le juge ne peut dénaturer les documents qui lui sont soumis ; qu'en écartant la demande de la SELARL I... V... motifs pris que le bordereau de communication de pièces, qui liste 25 pièces outre 8 pièces non numérotées (pièces autres, s'agissant de l'omission de Me I... V...), ne recense notamment pas le mémoire du 18 décembre 2015 en faveur de M. R... H... Q... quand le bordereau de communication de pièces annexé aux conclusions non modifiées de remise au rôle que la SELARL exposante avait versé aux débats en appel mentionnait en pièce 21 le mémoire responsif n° 1 du 18 décembre 2015, la juridiction de la première présidente de la cour d'appel de Bordeaux a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

6. Pour dire que la note d'honoraires n° 3908 du 28 novembre 2016, d'un montant de 5 400 euros TTC, n'est pas due par M. H... Q..., l'ordonnance énonce qu'il appartient à l'avocat de justifier des diligences ainsi facturées, en produisant les requêtes et le mémoire prétendument établis ou déposés devant le tribunal administratif les 7 août 2013, 1er juillet 2014 et 18 décembre 2015. Elle retient à cet égard que « force est de constater que le bordereau de communication de pièces (...) ne recense (...) aucun de ces trois documents qui auraient été établis en faveur de M. R... H... Q... ».

7. En statuant ainsi, alors que le bordereau de communication de pièces annexé aux conclusions de l'avocat mentionnait en pièce 21 un « mémoire responsif n° 1 », qui, quand bien même il n'était pas daté, ne pouvait que correspondre au « mémoire du 18 décembre 2015 », dont se prévalait l'intéressé dans la note d'honoraires litigieuse, la juridiction du premier président, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce bordereau, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 18 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne M. H... Q... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt, signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, et par M. Carrasco, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour la société I... V...

- IL EST FAIT GRIEF A l'ordonnance confirmative attaquée d'avoir fixé à la somme de 6.871 Euros TTC le montant des honoraires et frais dus à la SELARL I... V... par Monsieur R... H... Q... et dit que, compte tenu des règlements déjà effectués par Monsieur R... H... Q..., la note d'honoraires N° 3908 du 28 novembre 2016 d'un montant de 5.400 Euros TTC n'était pas justifiée, et n'était donc pas due et d'avoir condamné la SELARL I... V..., avocats, à payer à M. R... H... Q... la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- AU MOTIF QUE En dépit des explications embrouillées de l'appelante, le litige se limite à la facture n° 1908 du 28 novembre 2016 d'un montant de 5.400 € TTC rejetée par son bâtonnier. Il appartient à la Selarl V... de justifier, le cas échéant, des conventions d'honoraires que son client aurait pu régulariser à cet égard et en tout état de cause des diligences qu'elle met en compte, ne serait-ce que par la production d'un exemplaire de chacune des requêtes qui auraient été établies ou déposées devant le tribunal administratif les 7 août 2013 et 1er juillet 2014 et du mémoire du 18 décembre 2015. Or, force est de constater que le bordereau de communication de pièces, qui liste 25 pièces outre 8 pièces non numérotées (pièces autres, s'agissant de l'omission de Me I... V...), ne recense aucune convention d'honoraires qui n'ait déjà été examinée, ni aucun de ces trois documents qui auraient été établis en faveur de M. R... H... Q.... Par voie de conséquence, la Selarl I... V..., pas plus que devant son bâtonnier, ne justifie devant la juridiction de recours de ses prétentions. La décision déférée sera confirmée. Les frais irrépétibles de M. R... H... Q..., qui a subi quatre renvois, avant la radiation du recours, puis la remise au rôle de l'affaire, et qui est contraint de défendre seront arbitrés à la somme de 1.500 €.

1°)- ALORS QUE D'UNE PART méconnaît les exigences d'un procès équitable et statue par une apparence de motivation l'ordonnance qui fait l'usage dans ses motifs de termes laissant clairement entendre un préjugé défavorable à l'encontre de l'appelante ; qu'en l'espèce pour confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, l'ordonnance attaquée a retenu notamment les « explications embrouillées de l'appelante » et fustigé le fait que M. R... H... Q... avait dû subir quatre renvois avant la radiation du recours puis la remise au rôle et qu'il avait été contraint de se défendre ; qu'en statuant ainsi en des termes manifestement incompatibles avec l'exigence d'impartialité, la juridiction de la première présidente de la cour d'appel de Bordeaux a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

2°)- ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur l'absence au dossier d'une pièce invoquée par une partie, dans ses conclusions soutenues oralement, dont la communication n'avait pas été contestée, sans inviter les parties à s'en expliquer ; que pour rejeter la demande de la Selarl V..., l'ordonnance attaquée retient que celle-ci ne produit pas un exemplaire de chacune des requêtes qui auraient été établies ou déposées devant le tribunal administratif les 7 août 2013 et 1 juillet 2014 et du mémoire du 18 décembre 2015, le bordereau de communication de pièces, qui liste 25 pièces outre 8 pièces non numérotées ne recensant notamment aucun de ces trois documents qui auraient été établis en faveur de M. R... H... Q... ; qu'en statuant ainsi, sans inviter préalablement les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier d'une pièce qui figurait au bordereau annexé aux conclusions de la Selarl V... sous la mention pièce n° 21 intitulée mémoire responsif n° 1 et dont la communication n'avait pas été contestée, la juridiction de la première présidente de la cour d'appel de Bordeaux a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°)- ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents qui lui sont soumis ; qu'en écartant la demande de la SELARL I... V... motifs pris que le bordereau de communication de pièces, qui liste 25 pièces outre 8 pièces non numérotées (pièces autres, s'agissant de l'omission de Me I... V...), ne recense notamment pas le mémoire du 18 décembre 2015 en faveur de M. R... H... Q... quand le bordereau de communication de pièces annexé aux conclusions non modifiées de remise au rôle que la SELARL exposante avait versé aux débats en appel mentionnait en pièce 21 le mémoire responsif n° 1 du 18 décembre 2015, la juridiction de la première présidente de la cour d'appel de Bordeaux a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction alors applicable ;

4°- ALORS QU'à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; que les deux premières conventions d'honoraire n'avaient trait qu'à la procédure de référé devant le tribunal administratif (référé expertise et référé provision) et non à la procédure au fond ; que le mémoire responsif n° 1 régulièrement produit au débat concernait la procédure au fond puisqu'il était sollicité dans le dispositif de voir dire et juger que Bordeaux Métropole assurée par AXA était responsable des préjudices subis par M. H... Q... à la suite de son accident du 27 juin 2011 et de la voir condamner à payer diverses sommes en réparation des préjudices subis ; qu'en énonçant que le bordereau de communication de pièces, qui listait 25 pièces outre 8 pièces non numérotées (pièces autres, s'agissant de l'omission de Me I... V...), ne recensait aucune convention d'honoraires qui n'ait déjà été examinée quand la Selarl V... réclamait des honoraires au titre de ses diligences non facturées entre le 14 mars 2014 et le 18 novembre 2016 qui concernaient essentiellement la procédure au fond devant le tribunal administratif, la juridiction de la première présidente de la cour d'appel de Bordeaux, a méconnu son office en violation de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction alors applicable.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-21092
Date de la décision : 08/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 18 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 oct. 2020, pourvoi n°19-21092


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.21092
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