La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/10/2020 | FRANCE | N°19-20955

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 octobre 2020, 19-20955


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 octobre 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 930 F-D

Pourvoi n° V 19-20.955

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020

La société Partnaire RLM, société par actions simplifiÃ

©e, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Traveco, a formé le pourvoi n° V 19-20.955 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2019 par la ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 octobre 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 930 F-D

Pourvoi n° V 19-20.955

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020

La société Partnaire RLM, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Traveco, a formé le pourvoi n° V 19-20.955 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Île-de-France, dont le siège est division des recours amiables et judiciaires D 123, [...] ,

2°/ à la caisse régionale d'assurance maladie d'Île-de-France, dont le siège est [...] ,

3°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Partnaire RLM, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Île-de-France, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 juin 2019), un jugement d'un tribunal des affaires de sécurité sociale du 28 novembre 2011 ayant déclaré inopposable à la société Partnaire RLM, anciennement dénommée Traveco (l'employeur), la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la lésion du 18 mars 2004 consécutive à l'accident du travail survenu le 14 août 2003 à l'un de ses salariés, la caisse régionale d'assurance maladie d'Île-de-France a notifié à l'employeur, le 11 juin 2012, les taux rectifiés de ses cotisations d'accident du travail pour les années 2007 à 2012.

2. Par courrier du 26 novembre 2012, l'employeur a formé auprès de l'URSSAF d'Île-de-France (l'URSSAF) une demande de restitution des cotisations indûment versées pendant cette période à hauteur de la somme de 45 597 euros, puis a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de condamner l'URSSAF au remboursement de la somme de 24 573,18 euros seulement assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement, de dire que la demande au titre de l'année 2007 était prescrite et de le débouter de ses demandes, alors « qu'il résulte de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, que lorsque l'indu de cotisations sociales résulte d'une décision administrative ou juridictionnelle, le délai de prescription de l'action en restitution des cotisations en cause ne peut commencer à courir avant la naissance de l'obligation de remboursement découlant de cette décision ; que, dans la mesure où l'employeur est légalement tenu, sous peine de pénalités de retard, de payer à l'URSSAF les cotisations accident du travail et maladie professionnelle, même lorsqu'est en cours une action en contestation de l'opposabilité à son égard d'une décision de prise en charge d'un accident du travail, l'existence d'un indu, le montant de cet indu et l'obligation corrélative de remboursement de l'URSSAF ne peuvent résulter que des décisions de la CARSAT rectifiant les taux de cotisations erronés ;
qu'au cas présent, il est constant que de 2007 à 2011, la société exposante s'est vue appliquer des taux de cotisations AT/MP calculés qui tenaient compte des dépenses afférentes à une lésion du 18 mars 2004 au titre de l'accident du travail du 14 août 2013 de l'un de ses salariés (M. Q... ) ; que la décision de prise en charge de cette lésion du 18 mars 2004 ayant été déclarée inopposable à l'employeur par un jugement du TASS du 28 novembre 2011, la CRAMIF a notifié à la société par lettre du 11 juin 2012 de nouveaux taux de cotisations AT/MP rectifiés à la baisse pour les années 2007 à 2011 ; qu'il en résulte qu'aucun délai de prescription n'était susceptible d'avoir couru antérieurement à cette décision rectificative du 11 juin 2012 faisant naître l'obligation de remboursement de l'URSSAF, de sorte que l'ensemble des cotisations indûment versées entre 2007 et 2011 devaient être remboursées ; qu'en déclarant au contraire irrecevable comme prescrite la demande de la société de remboursement des cotisations AT/MP indûment versées au titre de l'année 2007, motifs pris de ce qu'elles seraient définitivement acquises au regard de la prescription triennale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige :

4. Selon ce texte, lorsque l'indu résulte d'une décision administrative ou juridictionnelle, le délai de prescription de l'action en restitution des cotisations en cause ne peut commencer à courir avant la naissance de l'obligation de remboursement découlant de cette décision.

5. L'arrêt relève que si la prise en charge litigieuse a été déclarée inopposable à l'employeur par jugement du 28 novembre 2011, la demande de remboursement ne peut cependant porter que sur des cotisations non prescrites, c'est-à-dire acquittées depuis moins de trois ans, en application de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, soit avant le 1er janvier 2015 compte tenu de la date de saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, en sorte que les cotisations acquittées en 2007 sont définitivement acquises.

6. En statuant ainsi, alors que la prescription de la demande de remboursement des cotisations indûment versées n'avait pu commencer à courir avant le jugement du 28 novembre 2011, devenu irrévocable, ayant déclaré la décision de prise en charge inopposable à l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que celui qui a reçu une somme qui ne lui était pas due, est obligé de la restituer avec les intérêts moratoires au jour de la demande de remboursement, dès lors que le montant de ladite somme peut être déterminé ; qu'une demande de paiement vaut sommation de payer ou interpellation suffisante au sens de l'article 1153 du code civil, devenu l'article 1231-6, dès lors que le montant en est déterminable, ce qui fait courir les intérêts moratoires ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que, consécutivement à la notification par la CRAMIF, par lettre du 11 juin 2012, des nouveaux taux de cotisations AT/MP rectifiés à la baisse pour les années 2007 à 2011, la société TRAVECO a transmis à l'URSSAF d'Île-de-France par lettre du 26 novembre 2012 une demande chiffrée de remboursement des indus de cotisations afférents ; qu'en se fondant sur l'absence de mauvaise foi de l'URSSAF pour ne faire courir les intérêts au taux légal qu'à compter du jugement, cependant qu'en l'absence de mauvaise foi de l'URSSAF les intérêts moratoires devaient commencer à courir à tout le m oins à compter de la demande de remboursement de l'indu de cotisations explicitement formulée par lettre du 26 novembre 2012, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil, devenu l'article 1231-6 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1231-6 du code civil :

8. Il résulte de ce texte que la créance d'une somme d'argent, dont le principe et le montant résultent de la loi ou du contrat et non de l'appréciation du juge, porte intérêt dès la sommation de payer.

9. Pour décider que les intérêts au taux légal ne couraient qu'à compter de l'arrêt, l'arrêt retient que la société ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi de l'URSSAF exigée par l'article 1378 du code civil qui dispose : « S'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui a reçu, il est tenu de restituer, tant le capital que les intérêts ou les fruits, au jour du paiement. », que l'URSSAF, dont la bonne foi est présumée, s'est prévalue d'une jurisprudence qui n'a évolué qu'en 2013, que la procédure, après cette date, a suivi son cours et que l'appel a été interjeté par la société Traveco.

10. En statuant ainsi, alors que l'employeur demandait que la condamnation de l'URSSAF soit assortie du paiement des intérêts légaux à compter de la date de paiement des cotisations et que la demande chiffrée en restitution des cotisations indues de l'employeur était du 26 novembre 2012, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel de la société Partnaire RLM, l'arrêt rendu le 14 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne l'URSSAF d'Île-de-France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF d'Île-de-France et la condamne à payer à la société Partnaire RLM la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Partnaire RLM

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'URSSAF d'Ile de France au remboursement de la somme de seulement 24.573,18 € assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement, d'AVOIR dit que la demande au titre de l'année 2007 était prescrite, et d'AVOIR débouté la société TRAVECO, aujourd'hui dénommée PARTNAIRE RLM de se demandes ;

AUX MOTIFS QUE « la CRAMIF a notifié à la société TRAVECO, par lettre du 11 juin 2012, les taux de cotisations ATMP rectifiés à la baisse, à la suite de la décision d'inopposabilité à l'employeur de la nouvelle lésion du 18 mars 2004 au titre de l'accident du travail du 14 août 2003 de monsieur Q... , et du retrait des dépenses afférentes. La société TRAVECO était donc en droit de demander le remboursement des cotisations indûment versées. Sa demande en date du 26 novembre 2012 porte sur les années 2007 à 2011. L'article L.243-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, c'est à dire applicable avant le 1er janvier 2015 compte tenu de la date de saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, dispose que : « La demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées. Lorsque l'obligation de remboursement desdites cotisations naît d'une décision juridictionnelle qui révèle la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, la demande de remboursement ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue. En cas de remboursement, les organismes de sécurité sociale et d'allocations familiales sont en droit de demander le reversement des prestations servies à l'assuré ; ladite demande doit être faite dans un délai maximum de deux ans à compter du remboursement desdites cotisations. Toutefois, lorsque la demande de remboursement des cotisations indûment versées n'a pas été formulée dans le délai de trois ans prévu au premier alinéa ci-dessus, le bénéfice des prestations servies ainsi que les droits à l'assurance vieillesse restent acquis à l'assuré, sauf cas de fraude ou de fausse déclaration. Les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 effectuent le remboursement des cotisations indues dans un délai de quatre mois à compter de la demande mentionnée au premier alinéa. La prescription triennale de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale ne peut commencer à courir qu'autant que le droit à remboursement des cotisations indues est né. Le point de départ de la prescription est donc le 28 novembre 2011, date du jugement ayant déclaré la décision de prise en charge de la caisse inopposable à l'employeur. La demande de remboursement ne peut cependant porter que sur des cotisations non prescrites, c'est à dire acquittées depuis moins de trois ans. Les cotisations acquittées en 2007 sont donc définitivement acquises. La demande de la société faite à ce titre sera donc rejetée. L'URSSAF soutient que seules les cotisations acquittées à compter du 28 octobre 2008 peuvent être sujettes à répétition. Or, elle demande dans le même temps la confirmation du jugement déféré, qui a admis le remboursement des cotisations du 1er janvier 2008 au 25 octobre 2011. Il n'y a donc pas lieu d'examiner ce moyen » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « Il ne faut pas confondre deux choses, le point de départ de l'action en remboursement et l'étendue dans le temps des cotisations dont on peut demander le remboursement. Le point de départ de l'action en remboursement est, aux termes de l'article L.243-6 du Css et en matière d'action en inopposabilité, la date de la décision ayant déclaré telle décision inopposable à l'employeur. En l'espèce, il s'agit du 28 septembre 2011 puisqu'il n'est pas contesté que le jugement rendu ce jour-là soit irrévocable. La Cramif indique que la société lui avait demandé le 25 octobre 2011 un recalcul des taux AT suite à une décision du TOI, qu'elle a informé la société le 30 novembre 2011 que cette décision n'avait pas d'impact sur les taux. Des pièces produites par la Cramif, il ressort que ce n'est pas la société qui a demandé à la Cramif le recalcul des taux suite au jugement du Tass mais la Cpam de Seine-et-Marne, ce qui ressort d'ailleurs du recours de la société auprès de la CRA. La Cramif a notifié les nouveaux taux à la société le 11 juin 2012 pour les années 2007 à 2012. L'Urssaf IdF admet que la société a formé sa demande de remboursement auprès d'elle le 26 novembre 2012. L'action en remboursement n'est donc pas prescrite. Se pose ensuite la question de la détermination des cotisations dont on peut demander le remboursement. L'Urssaf IdF soutient que la société ne peut demander de remboursement que pour les trois années précédant la demande de recalcul des taux entraîné par le jugement du Tass à la Cramif. La société considère que la nouvelle rédaction de l'article L.243-6 du Css, entrée en vigueur le 1er janvier 2015 et résultant de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 et la Circulaire de l'ACOSS du 15 juin 2015 l'autorisent à demander le remboursement de toute la période dont les taux ont été révisés. L'article 27 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2015 a créé deux paragraphes I et II et a introduit dans le paragraphe 1 un troisième alinéa ainsi rédigé : "lorsque l'obligation de remboursement des cotisations naît d'une décision rectificative d'une caisse d'assurance retraite et de la santé au travail en matière de taux de cotisation d'accidents du travail et maladies professionnelles, la demande de remboursement des cotisations peut porter sur l'ensemble de la période au titre de laquelle les taux sont rectifiés". Toutefois, ce même article 27 dispose que le nouvel alinéa ne s'applique qu'aux recours formés devant la caisse primaire d'assurance maladie ou la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail à compter du 1er janvier 2015.

Dès lors, en application de l'alinéa 2 de l'article L.243-6 du Css dans sa rédaction antérieure à la LFSS pour 2015, la société ne peut solliciter que le remboursement ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue. L'Urssaf ayant admis que la demande était du 25 octobre 2011 et la société n'agissant qu'au titre des années 2007 à 2011, la société devra être remboursée du trop-versé du 1er janvier 2008 au 25 octobre 2011. La société a produit un décompte que l'Urssaf IdF ne conteste pas. Pour 2011, elle évalue le trop-versé à 600,54 €. Ramené à 10 mois (1" janvier 2011- 25 octobre 2011), ce trop-versé se monte à 500 €. L'Urssaf IdF devra donc rembourser 24 573,18 € » ;

ALORS QU'il résulte de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, que lorsque l'indu de cotisations sociales résulte d'une décision administrative ou juridictionnelle, le délai de prescription de l'action en restitution des cotisations en cause ne peut commencer à courir avant la naissance de l'obligation de remboursement découlant de cette décision ; que, dans la mesure où l'employeur est légalement tenu, sous peine de pénalités de retard, de payer à l'URSSAF les cotisations accident du travail et maladie professionnelle, même lorsqu'est en cours une action en contestation de l'opposabilité à son égard d'une décision de prise en charge d'un accident du travail, l'existence d'un indu, le montant de cet indu et l'obligation corrélative de remboursement de l'URSSAF ne peuvent résulter que des décisions de la CARSAT rectifiant les taux de cotisations erronés ; qu'au cas présent, il est constant que de 2007 à 2011, la société exposante s'est vue appliquer des taux de cotisations AT/MP calculés qui tenaient compte des dépenses afférentes à une lésion du 18 mars 2004 au titre de l'accident du travail du 14 août 2013 de l'un de ses salariés (Monsieur Q... ) ; que la décision de prise en charge de cette lésion du 18 mars 2004 ayant été déclarée inopposable à l'employeur par un jugement du TASS du 28 novembre 2011, la CRAMIF a notifié à la société par lettre du 11 juin 2012 de nouveaux taux de cotisations AT/MP rectifiés à la baisse pour les années 2007 à 2011 ; qu'il en résulte qu'aucun délai de prescription n'était susceptible d'avoir couru antérieurement à cette décision rectificative du 11 juin 2012 faisant naître l'obligation de remboursement de l'URSSAF, de sorte que l'ensemble des cotisations indument versées entre 2007 et 2011 devaient être remboursées ; qu'en déclarant au contraire irrecevable comme prescrite la demande de la société de remboursement des cotisations AT/MP indument versées au titre de l'année 2007, motifs pris de ce qu'elles seraient définitivement acquises au regard de la prescription triennale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L.243-6 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'URSSAF d'Ile de France au remboursement de la somme de seulement 24.573,18 € assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

AUX MOTIFS QUE « sur les intérêts de retard, la société ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi de l'URSSAF exigée par l'article 1378 du code civil qui dispose : 'S'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui a reçu, il est tenu de restituer, tant le capital que les intérêts ou les fruits, au jour du paiement.' L'URSSAF, dont la bonne foi est présumée, s'est prévalue d'une jurisprudence qui n'a évolué qu'en 2013 ; après cette date, la procédure a suivi son cours et il convient de relever que l'appel a été interjeté par la société TRAVECO ; Les intérêts au taux légal ne courront donc qu'à compter de la présente décision. La capitalisation des intérêts ne sera due que pour les intérêts dus pour une année entière en application de l'article 1154 du code civil. Le jugement sera confirmé sur la question du point de départ des intérêts et sur leur capitalisation » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « la société sollicite les intérêts au taux légal à compter du jour du paiement indu au motif que l'Urssaf IdF serait de mauvaise foi, qu'elle serait la mandataire des caisses de sécurité sociale et qu'aucun obstacle sérieux ne justifie le refus de remboursement. En principe, les intérêts moratoires à compter courent du jour de la demande en remboursement de l'indu sauf mauvaise foi de celui qui a reçu indûment. Toutefois, si l'Urssaf est recherchée en qualité de mandataire de la Cramif, encore faut-il démontrer la mauvaise foi du mandant. Or, la société ne tente pas la moindre démonstration de la mauvaise foi de la Cramif et elle ne le pourrait pas puisque celle-ci a révisé les taux sans même attendre sa demande (celle de la société). La société n'invoquant qu'une faute propre à l'Urssaf, il n'y a donc pas lieu de faire remonter le point de départ des intérêts à la date des versements indus. Il résulte des articles 1153 et 1378 du Code civil qu'une créance née d'un enrichissement sans cause n'existe et ne peut produire d'intérêts moratoires que du jour où elle est judiciairement constatée. L'article 1153-1 du Code civil permet de faire courir les intérêts du jour de la demande à titre de dommages-intérêts, ce qui suppose que le demandeur démontre une faute, un préjudice et un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice. En l'espèce, depuis la date du jugement d'inopposabilité du Tass, la jurisprudence a changé du tout au tout quant au point de départ du délai de prescription de l'action en remboursement. La décision sur ce point date d'il y a, à peine, un an. L'Urssaf n'a commis aucune faute en ne se dessaisissant pas de fonds publics dans cette période d'incertitude. Par ailleurs, s'agissant du litige sur l'étendue du remboursement, le tribunal fait droit à la position de l'Urssaf. En l'absence de toute preuve d'une faute de l'Urssaf, les intérêts au taux légal ne peuvent courir qu'à compter du présent jugement. Il y aura lieu à capitalisation des intérêts sous réserve qu'il s'agisse d'intérêts dus pour une année entière comme le prévoit l'article 1154 du code civil. Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la société la charge de ses frais irrépétibles » ;

ALORS QUE celui qui a reçu une somme qui ne lui était pas due, est obligé de la restituer avec les intérêts moratoires au jour de la demande de remboursement, dès lors que le montant de ladite somme peut être déterminé ; qu'une demande de paiement vaut sommation de payer ou interpellation suffisante au sens de l'article 1153 du code civil, devenu l'article 1231-6, dès lors que le montant en est déterminable, ce qui fait courir les intérêts moratoires ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que, consécutivement à la notification par la CRAMIF, par lettre du 11 juin 2012, des nouveaux taux de cotisations AT/MP rectifiés à la baisse pour les années 2007 à 2011, la société TRAVECO a transmis à l'URSSAF Île-de-France par lettre du 26 novembre 2012 une demande chiffrée de remboursement des indus de cotisations afférents ; qu'en se fondant sur l'absence de mauvaise foi de l'URSSAF pour ne faire courir les intérêts au taux légal qu'à compter du jugement, cependant qu'en l'absence de mauvaise foi de l'URSSAF les intérêts moratoires devaient commencer à courir à tout le moins à compter de la demande de remboursement de l'indu de cotisations explicitement formulée par lettre du 26 novembre 2012, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil, devenu l'article 1231-6 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-20955
Date de la décision : 08/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 oct. 2020, pourvoi n°19-20955


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.20955
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award