LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 octobre 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 941 F-P+B+I
Pourvoi n° U 19-16.078
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020
La société Allianz vie, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 19-16.078 contre le jugement rendu le 16 novembre 2018 par le tribunal d'instance de Strasbourg, dans le litige l'opposant à M. Q... Y..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Allianz vie, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Strasbourg, 16 novembre 2018), rendu en dernier ressort, M. Y... (l'assuré) a bénéficié d'un contrat collectif de retraite supplémentaire à cotisations définies souscrit par son employeur auprès de la société Allianz vie (l'assureur).
2. L'assuré a sollicité, en 2017, le rachat total de son contrat, en application de l'article L. 132-23, alinéa 2, du code des assurances. L'assureur ayant déduit du montant versé à l'intéressé une certaine somme au titre des prélèvements sociaux, ce dernier a saisi d'un recours un tribunal d'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'assureur fait grief au jugement d'accueillir ce recours, alors :
« 1°/ qu'il résulte de l'article 158 5 b quinquies du code général des impôts que les prestations de retraite versées sous forme de capital à la suite de l'exercice, par le bénéficiaire, de l'une des facultés de rachat exceptionnelles prévues aux troisième à septième alinéas de l'article L. 132-23 du code des assurances n'entrent pas dans le revenu imposable et ne sont donc pas assujetties à l'impôt sur le revenu ; que ce texte ne concerne cependant que la détermination de l'assiette de l'impôt sur le revenu, et nullement les prélèvements sociaux tels que la CSG, la CRDS et la cotisation maladie sur les avantages de retraite financés en tout ou partie par l'employeur ; qu'aucun des textes définissant l'assiette de ces prélèvements n'exclut les capitaux versés en exécution d'un contrat de retraite supplémentaire, quelle que soit la cause d'un tel versement ; qu'en décidant le contraire, le tribunal a violé les articles 158 5 b quinquies du code général des impôts, L. 136-1, L. 136-2 et L. 241-2, III, 1°, du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable en la cause, et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ;
2°/ que les contrats d'assurance de groupe en cas de vie dont les prestations sont liées à la cessation d'activité professionnelle peuvent être rachetés par l'assuré notamment en cas d'expiration de ses droits aux allocations chômage accordées consécutivement à une perte involontaire d'emploi ; que dans cette hypothèse, un capital lui est versé par anticipation ; que ce capital, issu du placement des cotisations versées par l'assuré salarié et son employeur, constitue, au regard des prélèvements sociaux, un avantage de retraite assimilable à un revenu de remplacement, comme tel assujetti à ceux-ci ; qu'en décidant le contraire, au motif impropre que le code général des impôts excluait ce capital de l'assiette de l'impôt sur le revenu, et sans expliquer en quoi, selon lui, le capital litigieux ne revêtait pas la qualification de revenu assujetti aux prélèvements sociaux, tandis que cette qualification aurait dû être retenue, le tribunal a violé les articles 158 5 b quinquies du code général des impôts, L. 136-1, L. 136-2 et L. 241-2, III, 1°, du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable en la cause, et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, applicable au litige, sont inclus dans l'assiette de la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement perçue au titre de la contribution sociale généralisée (CSG), pour leur montant brut, les traitements, indemnités, émoluments, salaires, allocations, pensions y compris les majorations et bonifications pour enfants, des rentes viagères autres que celles visées au 6 de l'article 158 du code général des impôts et des revenus tirés des activités exercées par les personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3, ainsi que tous les avantages en nature ou en argent accordés aux intéressés en sus des revenus susvisés. Sont également incluses dans l'assiette de cette contribution les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance, à l'exception de celles visées au cinquième alinéa de l'article L. 242-1 et de celles destinées au financement des régimes de retraite visés au I de l'article L. 137-11.
5. Selon l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 modifiée, la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement perçue au titre de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) est assise sur les revenus visés, notamment, à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale.
6. Selon l'article L. 241-2, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, applicable au litige, les cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont assises, d'une part, sur les avantages de retraite, soit qu'ils aient été financés en tout ou partie par une contribution de l'employeur, soit qu'ils aient donné lieu à rachat de cotisations ainsi que sur les avantages de retraite versés au titre des articles L. 381-1 et L. 742-1 du présent code, à l'exclusion des bonifications ou majorations pour enfants autres que les annuités supplémentaires, d'autre part, sur les allocations et revenus de remplacement mentionnés à l'article L. 131-2.
7. Il résulte de ces dispositions que n'entrent pas dans l'assiette de la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement perçue au titre de la CSG et de la CRDS, ni dans celle de la cotisation due au titre des assurances maladie, maternité, invalidité, décès, les sommes versées au bénéficiaire d'un contrat de retraite supplémentaire à cotisations définies qui exerce la faculté de rachat prévue à l'article L. 132-23, alinéa 2, du code des assurances, dans sa rédaction applicable au litige.
8. Le litige soumis au tribunal se rapporte à l'assujettissement aux contributions sur les revenus d'activité et de remplacement perçues au titre de la CSG et de la CRDS ainsi qu'à la cotisation due au titre des assurances maladie, maternité, invalidité, décès, des sommes versées à la suite du rachat d'un contrat de retraite supplémentaire d'entreprise.
9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1, du code de procédure civile et après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code, la décision déférée se trouve légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Allianz vie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Allianz vie ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Allianz vie
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'avoir condamné la société Allianz Vie à payer la somme de 2.633,02 € à M. Q... Y..., avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
AUX MOTIFS QU' en vertu de l'article 158 5 b quinquies du code général des impôts, ne sont pas imposables les prestations de retraite versées sous forme de capital, en exercice des facultés de rachat prévues aux troisième à septième alinéas de l'article L. 132-23 du code des assurances ; que l'article L. 132-23 alinéa 3 du code des assurances dispose que les contrats d'assurance de groupe en cas de vie, dont les prestations sont liées à la cessation d'activité professionnelle, doivent prévoir une faculté de rachat intervenant lorsque se produit l'expiration des droits de l'assuré aux allocations chômage accordées consécutivement à une perte involontaire d'emploi ; qu'en l'espèce, le demandeur verse aux débats un courrier du 23 octobre 2017 par lequel il sollicite de la société Allianz Vie le rachat anticipé de son contrat d'assurance retraite et le versement consécutif du capital, sans aucune retenue au titre des cotisations sociales ; qu'il produit également une lettre de la société Allianz Vie du 29 novembre 2017, par laquelle cette dernière lui annonce le versement des sommes dues au titre du rachat de son contrat, après déduction des cotisations sociales, celles-ci représentant un montant total de 2.633,02 € ; qu'en conséquence, il ressort des pièces versées en procédure que le demandeur a valablement sollicité de l'assureur le rachat de son contrat d'assurance retraite ; que les prestations de retraite versées en exercice de la faculté exceptionnelle de rachat n'étant pas imposables, la société Allianz Vie, qui a procédé à la déduction des cotisations sociales lors du remboursement du capital au demandeur, est débitrice à son égard d'une somme de 2.633,02 € ;
1°) ALORS QU' il résulte de l'article 158 5 b quinquies du code général des impôts que les prestations de retraite versées sous forme de capital à la suite de l'exercice, par le bénéficiaire, de l'une des facultés de rachat exceptionnelles prévues aux troisième à septième alinéas de l'article L. 132-23 du code des assurances, n'entrent pas dans le revenu imposable et ne sont donc pas assujetties à l'impôt sur le revenu ; que ce texte ne concerne cependant que la détermination de l'assiette de l'impôt sur le revenu, et nullement les prélèvements sociaux tels que la CSG, la CRDS et la cotisation maladie sur les avantages de retraite financés en tout ou partie par l'employeur ; qu'aucun des textes définissant l'assiette de ces prélèvements n'exclut les capitaux versés en exécution d'un contrat de retraite supplémentaire, quelle que soit la cause d'un tel versement ; qu'en décidant le contraire, le tribunal a violé les articles 158 5 b quinquies du code général des impôts, L. 136-1, L. 136-2 et L. 241-2 III 1° du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable en la cause, et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ;
2°) ALORS QUE les contrats d'assurance de groupe en cas de vie dont les prestations sont liées à la cessation d'activité professionnelle peuvent être rachetés par l'assuré notamment en cas d'expiration de ses droits aux allocations chômage accordées consécutivement à une perte involontaire d'emploi ; que dans cette hypothèse un capital lui est versé par anticipation ; que ce capital, issu du placement des cotisations versées par l'assuré salarié et son employeur, constitue, au regard des prélèvements sociaux, un avantage de retraite assimilable à un revenu de remplacement, comme tel assujetti à ceux-ci ; qu'en décidant le contraire, au motif impropre que le code général des impôts excluait ce capital de l'assiette de l'impôt sur le revenu, et sans expliquer en quoi selon lui le capital litigieux ne revêtait pas la qualification de revenu assujetti aux prélèvements sociaux, tandis que cette qualification aurait dû être retenue, le tribunal a violé les articles 158 5 b quinquies du code général des impôts, L. 136-1, L. 136-2 et L. 241-2 III 1° du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable en la cause, et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996.