La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/10/2020 | FRANCE | N°19-12949

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 octobre 2020, 19-12949


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 octobre 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 513 F-D

Pourvoi n° T 19-12.949

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 OCTOBRE 2020

M. N... Y..., domicilié [...] , a formé le pour

voi n° T 19-12.949 contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2018 par la cour d'appel d'Amiens (chambre économique), dans le litige l'opposant à la soc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 octobre 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 513 F-D

Pourvoi n° T 19-12.949

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 OCTOBRE 2020

M. N... Y..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° T 19-12.949 contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2018 par la cour d'appel d'Amiens (chambre économique), dans le litige l'opposant à la société Crédit coopératif, société coopérative de banque populaire, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. Y..., de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Crédit coopératif, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 10 juillet 2018), par un acte du 26 août 2013, M. Y... s'est rendu caution solidaire, dans la limite de 16 200 euros, d'un prêt consenti par la société Crédit coopératif (la banque) à la société Services autonomie amiénois (la société).

2. La société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné en paiement M. Y..., qui lui a opposé la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus ainsi qu'un manquement à ses devoirs de mise en garde et d'information.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. Y... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la banque la somme de 16 200 euros, alors « que la proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie ; qu'en prenant en compte, pour apprécier la proportionnalité de l'engagement de caution de M. Y..., les revenus attendus de la société créée par lui, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 :

5. Aux termes de ce texte, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

6. Pour condamner M. Y... à payer à la banque la somme de 16 200 euros, l'arrêt retient qu'au regard de la valeur du bien indivis et du capital social de la société détenus par ce dernier, son engagement litigieux n'était manifestement pas disproportionné, nonobstant son absence de revenus professionnels au moment de son engagement, les revenus attendus de la société créée devant s'ajouter à l'allocation d'aide à la création d'entreprise versée à l'intéressé.

7. En statuant ainsi, alors que la proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire formée au titre du manquement de la banque à son devoir de mise en garde, alors « que l'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard d'une caution non avertie porte sur le risque d'endettement excessif né du cautionnement du prêt ; qu'en se fondant, pour écarter tout manquement de la banque à son devoir de mise en garde, sur la circonstance inopérante qu'aucun élément ne permettait de retenir que le projet d'entreprise de M. Y... présentait un risque particulier que la banque aurait pu connaître et la caution ignorer, ce qui ne permettait pas d'exclure le risque d'endettement lié au cautionnement du prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 :

9. En application de ce texte, la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

10. Pour rejeter la demande d'indemnisation de M. Y... après avoir constaté que ce dernier n'était pas une caution avertie, l'arrêt retient que la faute imputée à la banque n'est pas établie dès lors qu'aucun élément de fait ne permet de retenir que le projet d'entreprise de la caution présentait un risque particulier que la banque aurait pu connaître et la caution ignorer.

11. En se déterminant ainsi, sans préciser si la caution, qui le contestait, disposait des capacités financières suffisantes pour faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;

Condamne la société Crédit coopératif aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit coopératif et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à verser au Crédit coopératif la somme de 16.200 euros ;

AUX MOTIFS QUE :

à la demande du Crédit coopératif, monsieur Y... a renseigné une fiche dans laquelle il a mentionné qu'il était divorcé, sans emploi, qu'il disposait d'un revenu annuel de 16 230 euros et qu'il était propriétaire en indivision d'un immeuble acquis en 2006, d'une valeur nette de 88 885 euros compte tenu d'un emprunt immobilier et d'un PEA de 28 000 euros. Il n'a pas mentionné de charges particulières et a précisé qu'il n'avait pas d'enfant.
Le prêt garanti s'inscrit dans le cadre de la création par monsieur Y..., seul associé, d'une entreprise pour un budget global de 65 000 euros pour laquelle l'intéressé a apporté en compte courant une somme de 20 000 euros en sus de la libération d'un capital de 7 500 euros ainsi que le prévoyait l'accord donné par la banque au financement de l'opération le 10 mai 2013.
Il ressort également des éléments produits que monsieur Y... a été en capacité de financer une formation d'un coût de 7 000 euros ; en revanche, l'intéressé ne verse pas aux débats les relevés de son compte bancaire qui auraient fourni une image utile de sa situation pécuniaire courante.
Il n'est pas démontré par monsieur Y... que le créancier avait connaissance d'autres faits susceptibles d'influer sur sa situation pécuniaire.
Dans ces circonstances, l'appelant est mal fondé à se prévaloir des conséquences patrimoniales éventuelles de son divorce.
Au regard de la valeur du bien immobilier indivis, du capital social de la société Services autonomie amiénois détenu par monsieur Y..., de son patrimoine mobilier, un engagement de caution pour un montant de 16 200 euros n'était pas manifestement disproportionné nonobstant l'absence de revenus professionnels de monsieur Y... au moment de son engagement, les revenus attendus de la société créée devant s'ajouter à l'allocation d'aide à la création d'entreprise versée à l'intéressé.

ALORS QUE la proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie ; qu'en prenant en compte, pour apprécier la proportionnalité de l'engagement de caution de M. Y..., les revenus attendus de la société créée par lui, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande indemnitaire formée au titre du manquement de la banque à son devoir de mise en garde ;

AUX MOTIFS QUE :

le Crédit coopératif ne produit aucun élément permettant de caractériser une certaine compétence de monsieur Y... dans la gestion ou dans le financement d'une entreprise. L'appelant doit donc être considéré comme une caution non avertie.
Il appartient alors à monsieur Y... de rapporter la preuve d'une faute commise par la banque dans son obligation de mise en garde.
Or, il ressort du dossier que l'opération garantie concernait la création d'une entreprise d'aide à domicile dans la perspective de la signature d'un contrat de franchise avec la société COVIVA ; dans ce cadre, monsieur Y... a reçu une formation aux métiers de l'aide à domicile et un accompagnement par le franchiseur ; son dossier de création d'entreprise a été présenté à Pôle emploi et validé afin de lui permettre d'obtenir une aide financière ; aucun élément de fait ne permet de retenir que le projet d'entreprise de monsieur Y... présentait un risque particulier que le Crédit coopératif aurait pu connaître et la caution ignorer.
Au contraire, l'offre de prêt adressée à monsieur Y... en sa qualité de gérant de la société emprunteuse est précisément circonstanciée et l'engagement de la caution strictement limité à 30 % du prêt consenti.
Dans ces circonstances, la faute imputée à la banque n'est pas établie. Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de monsieur Y....

ALORS QUE l'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard d'une caution non avertie porte sur le risque d'endettement excessif né du cautionnement du prêt ; qu'en se fondant, pour écarter tout manquement de la banque à son devoir de mise en garde, sur la circonstance inopérante qu'aucun élément ne permettait de retenir que le projet d'entreprise de M. Y... présentait un risque particulier que la banque aurait pu connaître et la caution ignorer, ce qui ne permettait pas d'exclure le risque d'endettement lié au cautionnement du prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande indemnitaire formée au titre du manquement de la banque à son devoir d'information au titre de la garantie Oséo ;

AUX MOTIFS QUE :

La caution ne saurait reprocher à la banque de ne pas l'avoir informée sur le fonctionnement de la garantie Oséo alors que l'accord de financement, comme le prêt lui-même, mentionne cette garantie distinctement de l'obligation de la caution et qu'aucun des éléments produits n'a pu permettre à monsieur Y... de penser que la garantie OSEO pouvait avoir quelque effet sur l'engagement de caution qu'il souscrivait.
Elle n'établit aucun préjudice en lien avec la garantie Oséo sachant que cette dernière est souscrite par la banque, bénéficie à cette dernière, et qu'elle n'est pas de nature à influer sur les engagements pris par la caution.
Partant, il y a lieu de débouter monsieur Y... de sa demande indemnitaire de ce chef.

ALORS QUE le banquier dispensateur de crédit qui fait souscrire à l'emprunteur une garantie Oséo doit informer la caution des modalités de fonctionnement de celle-ci ; qu'en se fondant, pour écarter le manquement de la banque relativement à l'information de la caution sur le fonctionnement de la garantie Oséo, sur les circonstances inopérantes que les éléments en sa possession ne pouvaient laisser penser à cette dernière que la garantie Oséo pouvait avoir quelque effet sur son engagement et que cette garantie est souscrite par la banque, bénéficie à cette dernière et n'est pas de nature à influer sur les engagements pris par la caution, ce qui n'était pas de nature à caractériser le respect par la banque de son obligation d'information, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-12949
Date de la décision : 07/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 10 juillet 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 oct. 2020, pourvoi n°19-12949


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Laurent Goldman, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.12949
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award