LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 octobre 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 546 F-D
Pourvoi n° H 18-20.525
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 OCTOBRE 2020
La société Nord industrie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° H 18-20.525 contre l'arrêt rendu le 24 mai 2018 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Axa France IARD, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société [...], société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
4°/ à la société Triselec Lille, société publique locale, dont le siège est [...] ,
5°/ à la société SMACL assurances, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Nord industrie, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat des sociétés Axa France IARD et [...], de Me Haas, avocat de la société Triselec Lille, et l'avis de M. Sudre, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Nord industrie du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société SMACL assurances.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 mai 2018), le 22 octobre 2008, un incendie s'est déclaré dans l'usine de traitement des déchets de la société Triselec Lille, assurée par la société SMACL assurances, au cours d'une intervention de maintenance sur un convoyeur utilisé pour le cheminement des produits collectés, réalisée par la société Netco industrie, assurée par la société Allianz. La société Netco industrie avait souscrit son contrat d'assurance par l'intermédiaire d'un courtier, la société [...], elle-même assurée pour sa responsabilité civile par la société Axa France IARD.
3. A l'issue d'une expertise judiciaire ordonnée en référé pour déterminer les circonstances de la survenance de l'incendie, la société Triselec Lille et son assureur ont assigné la société Nord industrie, anciennement dénommée Netco industrie, et son assureur Allianz, ainsi que la société [...], en responsabilité et indemnisation. En cause d'appel, la société Axa France IARD est intervenue volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La société Nord industrie fait grief à l'arrêt de dire qu'elle est tenue de réparer les conséquences dommageables de l'incendie et de la condamner au paiement d'une provision de 1 500 000 euros à valoir sur la réparation des dommages immatériels, alors :
« 1° / que le préjudice matériel résultant de la destruction d'un bien est subi par son propriétaire au jour de sa destruction, de sorte que seul ce propriétaire a qualité pour agir en réparation de ce préjudice ; que la société Nord industrie soutenait que la société Triselec n'avait pas qualité à agir en réparation « du préjudice immobilier » et du « préjudice matériel » qu'elle alléguait, dès lors qu'au jour de l'incendie, elle n'était pas propriétaire des locaux et équipements détruits, dont elle n'était alors que crédit-preneur, peu important qu'elle ait librement choisi, ensuite, de lever l'option du crédit-bail en parfaite connaissance de l'incendie ; qu'en retenant que la société Triselec avait qualité à agir en indemnisation de ces préjudices dès lors qu'elle avait levé l'option du crédit-bail et était, désormais, propriétaire de l'immeuble et des machines sinistrés, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en toute hypothèse, seul le propriétaire du bien au jour de sa destruction a qualité pour agir en réparation du préjudice matériel consistant dans cette destruction même ; qu'en retenant que la société Triselec avait qualité à agir en indemnisation du préjudice immobilier et du préjudice matériel qu'elle alléguait, dès lors qu'elle avait levé l'option du crédit-bail et était « désormais » propriétaire de l'immeuble et des machines sinistrés, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si elle était déjà propriétaire de ces biens au jour de leur destruction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
3°/ que la cession d'un bien n'emporte pas de plein droit transmission au profit du cessionnaire des droits et actions à fin de dommages-intérêts à l'égard de tiers qui ont pu naître au profit du cédant en raison des dégradations causées au bien cédé ; qu'en retenant que la société Triselec avait qualité à agir en indemnisation de ces préjudices dès lors qu'elle avait levé l'option du crédit-bail et était, désormais, propriétaire de l'immeuble et des machines sinistrés, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 31 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Ayant constaté que la société Triselec Lille, crédit-preneur de l'immeuble et des machines sinistrés à la date de l'incendie, avait levé l'option du crédit-bail et était devenue propriétaire de ceux-ci, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, sans être tenue de procéder à la recherche prétendument omise, qu'elle avait qualité et intérêt à agir pour obtenir l'indemnisation de ses préjudices consécutifs à cet incendie.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
7. La société Nord industrie fait grief à l'arrêt de dire qu'elle est tenue de réparer les conséquences dommageables de l'incendie à hauteur de 85 %, et de la condamner à payer à la société Triselec Lille diverses sommes à titre de provision à valoir sur les dommages matériels et immatériels subis, alors :
« 1°/ que le juge doit prendre en considération l'ensemble des fautes commises par la victime ayant participé à la réalisation de son préjudice, pour apprécier la mesure de l'exonération partielle de responsabilité du coauteur de ce préjudice ; qu'en se bornant à retenir que la société Triselec avait commis une faute en s'abstenant de procéder à un nettoyage approfondi du tapis et de la fosse et que la configuration des lieux n'était pas fautive en ce qu'elle avait été à l'origine de « l'effet venturi (accélération des fluides par dépression) », pour en déduire qu'elle ne devait conserver à sa charge que 15 % du dommage, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la société Triselec n'avait pas, en outre, manqué à son obligation de sécuriser ses propres locaux, le dispositif de lutte contre l'incendie mis en place étant insuffisant, comme l'avait relevé l'expert judiciaire, en l'absence de toute installation fixe d'extinction automatique (« sprinkleurs »), et si ce manquement n'avait pas contribué à la propagation rapide de l'incendie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ qu'en toute hypothèse, le coauteur d'un dommage est exonéré de sa responsabilité à raison des fautes commises par la victime, ou ses préposés, ayant contribué à sa réalisation ; qu'en statuant de la sorte sans rechercher, comme cela lui était demandé, si M. U..., « responsable sécurité » de la société Triselec, n'avait pas commis une faute à l'origine des dommages, en s'abstenant de déclencher l'alarme incendie lorsque, une heure avant que les premières flammes ne soient aperçues, il avait « senti une odeur de brûlé », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
8. Se fondant sur les constatations de l'expert selon lesquelles une inflammation dans la zone de l'opération de soudure avait pu se déclarer avec les produits inflammables prisonniers entre la tôle de la trémis et le tapis, l'arrêt impute à la société Triselec Lille une faute liée à un nettoyage insuffisant du convoyeur, qui lui incombait, dès lors que des matières inflammables y ont été laissées.
9. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation sur l'existence d'autres fautes invoquées par la société Nord industrie qu'elle ne retenait pas, a pu en déduire que la responsabilité de la société Triselec Lille dans la survenance du dommage devait être limitée à 15 %.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
11. La société Nord industrie fait grief à l'arrêt de rejeter son action en responsabilité formée contre la société [...], alors :
« 1°/ que le courtier d'assurance, mandataire de son client, tenu de lui proposer une assurance adaptée à ses besoins, doit le conseiller utilement sur l'étendue des garanties offertes et attirer spécialement son attention, de manière circonstanciée, sur les limites qu'elles comportent au regard des risques à assurer, préalablement à la conclusion de tout nouveau contrat d'assurance, afin de lui permettre d'y consentir en parfaite connaissance de cause ; qu'en retenant, par des motifs inopérants, qu'en 2004, la société [...], courtier d'assurance, avait indiqué à sa cliente, la société Equindus, que les plafonds de garantie des contrats d'assurance qu'elle lui présentait alors, dont les plus élevés étaient fixés à 7 500 000 euros, lui « paraissaient faibles », et qu'elle était à sa disposition pour lui proposer des montants de garantie plus élevés, pour en déduire que « la faute alléguée » n'aurait pas été « factuellement établie », sans rechercher, comme cela lui était demandé, si le courtier d'assurance, tenu d'une obligation de conseil, avait spécialement attiré l'attention de sa cliente en 2007, préalablement à la conclusion, par son intermédiaire, d'un nouveau contrat d'assurance de responsabilité, avec un nouvel assureur, sur l'insuffisance des garanties prévues par ce nouveau contrat au regard des risques qui devaient alors être assurés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
2°/ que le courtier d'assurance, mandataire de son client, tenu de lui proposer une assurance adaptée à ses besoins, doit le conseiller utilement sur l'étendue des garanties offertes et attirer spécialement son attention, de manière circonstanciée, sur les limites qu'elles comportent au regard des risques à assurer, préalablement à la conclusion de tout nouveau contrat d'assurance, afin de lui permettre d'y consentir en parfaite connaissance de cause ; qu'en retenant, par des motifs inopérants, qu'en 2004, la société [...], courtier d'assurance, avait indiqué à sa cliente, la société Equindus, que les plafonds de garantie des contrats d'assurance qu'elle lui présentait alors, dont les plus élevés étaient fixés à 7 500 000 euros, lui « paraissaient faibles » et qu'elle était à sa disposition pour lui proposer des montants de garantie plus élevés, pour en déduire que « la faute alléguée » n'aurait pas été « en relation causale certaine » avec le dommage invoqué, dans la mesure où, « informée » dès 2004 d'une insuffisance de couverture, la société Equindus n'aurait eu de cesse de rechercher « l'assurance la moins onéreuse et non celle offrant le meilleur plafond de couverture », sans rechercher, comme cela lui était demandé, si le courtier d'assurance, tenu d'une obligation de « conseil », avait spécialement attiré l'attention de sa cliente en 2007, préalablement à la conclusion, par son intermédiaire, d'un nouveau contrat d'assurance de responsabilité, avec un nouvel assureur, sur l'insuffisance des garanties prévues par ce nouveau contrat au regard des risques qui devaient, à ce moment, être assurés, afin de lui permettre de consentir en parfaite connaissance de cause à la conclusion de ce nouveau contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
3°/ qu'en toute hypothèse, une contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en relevant, d'une part, que la société Equindus avait fait le choix, en 2004, de souscrire, parmi les six contrats d'assurance présentés par la société [...], au contrat d'assurance proposé par la société Q..., au sujet duquel il lui avait alors été indiqué que « le montant plus élevé de la prime pour cette dernière société » s'expliquait « à garanties équivalentes, par une couverture plus importante », et, d'autre part, que dès 2004, la société Equindus aurait décidé, en connaissance de cause, « de ne contracter des polices d'assurances qu'aux conditions de primes les moins onéreuses pour sa part, avec pour corrélatif, une moindre couverture au titre des plafonds de garantie successivement souscrits », la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que le courtier d'assurance demeure tenu de conseiller utilement son client sur l'étendue des garanties proposées et d'attirer spécialement son attention sur les limites qu'elles comportent au regard des risques à assurer, peu important la qualité de professionnel du client ; qu'en retenant, pour débouter la société Nord industrie de son action en responsabilité, que « l'assuré, professionnel averti » aurait été en mesure de « mieux apprécier » la « quantification du risque », sans relever que la société Equindus, cliente de la société [...] ayant souscrit le contrat d'assurance, était une professionnelle de l'assurance, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
12. L'arrêt retient qu'en 2004, la société [...] avait proposé six contrats d'assurance à la société Equindus, holding dont dépendait la société Netco industrie, qu'elle l'avait spécialement alertée sur le fait que les montants de garantie lui paraissaient faibles, qu'une police stipulant un plafond de garantie de 7 500 000 euros restait insuffisant pour couvrir les risques générés par son activité industrielle et qu'elle restait donc à sa disposition pour proposer des montants de garantie plus élevés. Il ajoute qu'après avoir procédé à une consultation d'avocat pour analyser ces propositions, la société Equindus avait décidé ensuite, en toute connaissance de cause, de ne contracter des polices d'assurance qu'aux conditions de primes les moins onéreuses pour sa part, avec pour corrélatif une moindre couverture au titre des plafonds de garantie successivement souscrits et que, si la garantie souscrite était adaptée aux risques encourus, en revanche, elle ne l'était pas quant à la quantification du risque, que l'assuré, professionnel averti, est en mesure de mieux apprécier et sur laquelle le courtier avait attiré son attention.
13. De ses constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire, sans se contredire, que la société [...] n'avait pas manqué à son devoir de conseil et d'information.
14. Le moyen, qui manque en fait en sa quatrième branche en ce que la cour d'appel n'a pas retenu que l'assuré était un professionnel averti de l'assurance mais de son propre domaine d'activité, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Nord industrie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Nord industrie.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait qui fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que la société Nord industrie serait tenue de réparer les conséquences dommageables de l'incendie survenu sur le site de la société Triselec à Halluin le 22 octobre 2008 et condamné la société Nord industrie à verser à la société Triselec la somme de 1 500 000 € à titre de provision à valoir sur les dommages immatériels subis ;
AUX MOTIFS QUE le 22 octobre 2008, un incendie s'est déclaré dans l'usine de traitement des déchets Triselec, au cours d'une intervention de maintenance réalisée par la société Netco ; que la société Triselec avait chargé la société Netco d'un ouvrage au titre duquel elle fournissait seulement son travail ou son industrie ; qu'il résulte des pièces produites aux débats, ce que ne conteste d'ailleurs pas la société Nord industrie, que la société Triselec a levé l'option du crédit-bail et qu'elle est désormais propriétaire de l'immeuble et des machines sinistrées ; qu'elle a donc qualité et intérêt à agir pour obtenir l'indemnisation de ses préjudices ;
1°) ALORS QUE le préjudice matériel résultant de la destruction d'un bien est subi par son propriétaire au jour de sa destruction, de sorte que seul ce propriétaire a qualité pour agir en réparation de ce préjudice ; que la société Nord industrie soutenait que la société Triselec n'avait pas qualité à agir en réparation « du préjudice immobilier » et du « préjudice matériel » qu'elle alléguait, dès lors qu'au jour de l'incendie, elle n'était pas propriétaire des locaux et équipements détruits, dont elle n'était alors que crédit-preneur, peu important qu'elle ait librement choisi, ensuite, de lever l'option du crédit-bail en parfaite connaissance de l'incendie ; qu'en retenant que la société Triselec avait qualité à agir en indemnisation de ces préjudices dès lors qu'elle avait levé l'option du crédit-bail et était, désormais, propriétaire de l'immeuble et des machines sinistrés, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, seul le propriétaire du bien au jour de sa destruction a qualité pour agir en réparation du préjudice matériel consistant dans cette destruction même ; qu'en retenant que la société Triselec avait qualité à agir en indemnisation du préjudice immobilier et du préjudice matériel qu'elle alléguait, dès lors qu'elle avait levé l'option du crédit-bail et était « désormais » propriétaire de l'immeuble et des machines sinistrés, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si elle était déjà propriétaire de ces biens au jour de leur destruction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE la cession d'un bien n'emporte pas de plein droit transmission au profit du cessionnaire des droits et actions à fin de dommages-intérêts à l'égard de tiers qui ont pu naître au profit du cédant en raison des dégradations causées au bien cédé ; qu'en retenant que la société Triselec avait qualité à agir en indemnisation de ces préjudices dès lors qu'elle avait levé l'option du crédit-bail et était, désormais, propriétaire de l'immeuble et des machines sinistrés, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 31 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait qui fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que la société Nord industrie serait tenue de réparer les conséquences dommageables de l'incendie à hauteur de 85 %, et condamné la société Nord industrie à verser à la société Triselec la somme de 2 000 000 € à titre de provision à valoir sur les dommages matériels subis et la somme de 1 500 000 € à titre de provision à valoir sur les dommages immatériels subis ;
AUX MOTIFS QUE le 22 octobre 2008, un incendie s'est déclaré dans l'usine de traitement des déchets Triselec, assurée par la société SMACL, au cours d'une intervention de maintenance réalisée par la société Netco, assurée par la société Allianz, sur un convoyeur utilisé pour le cheminement des produits collectés ; que la société Netco a souscrit son assurance par l'intermédiaire d'un courtier, la société [...], assuré pour sa responsabilité civile par la société AXA France IARD ; qu'il résulte de l'expertise judiciaire que l'intervention de la société Netco, spécialisée dans la fabrication et la maintenance en système de convoyage portait sur le système de bavettes destiné à empêcher les produits transportés sur le tapis du convoyeur n° 301 du site de la société Triselec de tomber dans la fosse technique située en dessous ; que la société Netco devait procéder au remplacement des bavettes existantes, devenues déficientes et d'une efficacité insuffisante, par des bavettes en caoutchouc de même nature que le tapis lui-même ; que compte tenu de la configuration des bavettes, dont les clames de fixation étaient usées, la société Netco décidait de procéder à leur dépose en soudant d'abord la tête de clame pour faciliter ensuite le dévissage des écrous accessibles eu dessous de l'installation depuis la fosse ; que le tapis de ce convoyeur mesurait 85 mètres de longueur avec des clames positionnées tous les 25 centimètres ; que deux salariés de la société Netco étaient sur ce chantier ; que l'alerte au feu était donnée alors que M. I..., attaché aux opérations de soudure avait traité environ 40 mètres de longueur, tandis que M. E..., préposé au dévissage des écrous n'avait procédé qu'au démontage de 6 mètres de linéaires, soit 36 écrous ; que les opérations d'expertise établissent que l'épicentre du foyer se situait au niveau d'un box n° 312 située à 11 mètres d'une passerelle de franchissement du convoyeur, aux abords duquel furent retrouvés, sur la plate-forme gauche de cc convoyeur, les baguettes de soudures utilisées par M. I... ainsi qu'un poste à souder alimenté à partir d'une prise de courant située sur une cloison en béton séparant les box 312 et 310 ; que l'expert précise qu'à cet endroit, les tôles de rives du convoyeur présentaient une déformation vers l'extérieur sur environ 3,50 mètres, signe possible d'un phénomène explosif, les lieux étant situés à cet endroit en face d'un box à aérosols, ou bien par inflammation des gaz brûlés en fosse ; il ajoute que les tôles de la plate-forme présentaient quant à elles une forte ondulation, des soulèvements ainsi que des déformations, que l'intensité du feu était également perceptible par les déformation présentées par les traverses du convoyeur devant les box 314, 312 et 310 ; que l'expert peut ainsi conclure que l'épicentre de ce foyer s'est situé à l'endroit où M. I..., préposé aux opérations de soudure, a interrompu son travail une fois l'alerte donnée par M. E... ; que l'expert note dans son rapport que le feu à très rapidement pris des proportions extrêmement importantes en raison d'un effet venturi (accélération des fluides par dépression) lié à la configuration des lieux, et de la présence de matériaux en abondance de type caoutchouc et nylon ainsi que de matières résiduelles comme des vestiges de bouteilles en plastique, de papier et d'aérosol ; qu'il note également qu'aucun extincteur n'a été actionné, et que le feu avait pris trop d'avance lorsque les robinets d'incendie armés (RIA) répartis sur le linéaire du convoyeur ont été déployés et mis en oeuvre ; quant aux services de secours coutre l'incendie, alertés à 16h49, ils sont arrivés sur les lieux à 16h57 et leur action a seulement permis de contenir l'incendie tel qu'il avait déjà progressé à leur arrivée avec l'objectif de préserver la halle des réceptions ainsi que la zone de compactage située en aval ; que s'agissant des cause du départ de feu, l'expert judiciaire retient que ni le caoutchouc ni le nylon des bavettes n'ont pu s'enflammer par l'action du poste de soudure, de sorte que la seule hypothèse retenue une inflammation dans la zone d'altération thermique du métal chauffé par l'opération de soudure, la température au coeur du noyau de soudure pouvant atteindre 3 000 degrés ; qu'ainsi, selon l'expert, un feu a pu se déclarer avec le produits inflammables prisonniers entre la tôle de la trémie et le tapis, des résidus enflammés étant tombés dans la fosse sur d'autres matières combustibles ; que M. E..., salarié de la société Netco a pu dire à l'expert qu'il avait découvert, après l'alerte, un feu ayant pris sur un tas situé dans la fosse sous le convoyeur objet des travaux de la société Netco ; que selon l'article 1787 du code civil, lorsqu'on charge quelqu'un de faire un ouvrage, on peut convenir qu'il fournira seulement son travail ou son industrie ; qu'en l'espèce, la société Triselec a chargé la société Netco d'un ouvrage au titre duquel elle fournissait seulement son travail ou son industrie ; qu'il résulte ensuite de l'article 1789 du code civil que dans ce cas, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute ; que la société Triselec produit aux débats un document nommé « permis feu » pour les travaux devant se dérouler le 22 octobre 2008 ; que ce document signé par les société Triselec et Netco a été établi « dans le but de prévention des dangers d'incendie et d'explosion occasionnés par les travaux par points chauds (soudage, meulage, découpage) » ; que le permis feu précise que les personnes chargées du travail et de la sécurité étaient MM. E... et I..., salariés de la société Netco, M. E... étant particulièrement désigné comme « veillant à la sécurité » ; que ce document comporte une rubrique « Risques identifiés » mentionnant : « présence de papiers et de plastiques: oui » et une rubrique « à proximité du lieu de travail » complétée positivement quant à la présence des moyens de premières interventions suivants : extincteurs et RIA ; que le permis feu prévoit ensuite que « l'entreprise utilisatrice qui commande le travail doit veiller à ce que le maximum de précaution soient prises pour la mise en état du lieu où le travail doit être exécuté ainsi que des abords, surtout lorsque ceux-ci comportent des matériels et substances inflammables. Toutefois, il appartient à l'entreprise extérieure de prendre contact avec le chargé de sécurité de l'entreprise utilisatrice et d'établir en commun les mesures de sécurité » ; que l'expert M. X... note dans son rapport que la technique mise en oeuvre par la société Netco nécessitait des précautions, compte tenu du risque de feu engendré par les opérations de soudure, de sorte que cette technique imposait à la société Netco une obligation de sécurité ; que l'expert a pu établir, par le témoignage des deux salariés de la société Netco, que les deux salariés n'étaient pas à proximité l'un de l'autre, et que M. I... qui soudait et ne pouvait pas se rendre compte, de par la configuration des lieux, de ce qui se passait sous la tôle de la trémie, avait beaucoup d'avance sur M. E... qui, de par sa position éloignée, n'a pas vu le feu démarrer ; qu'il résulte de ces éléments que M. E..., désigné dans le permis feu comme la personne devant veiller à la sécurité, était positionné à un endroit duquel il ne pouvait contrôler les effets de la soudure mise en oeuvre par M. I..., ce qui caractérise un manquement fautif de sa part ; qu'il résulte encore du rapport d'expertise que le nettoyage du chantier avait été incomplet en ce sens que si la surface du tapis avait bien été nettoyée, tel n'était pas le cas des parties situées sur les côtés et en dessous ; que les salariés de la société Netco ont témoigné de leur difficulté à progresser dans la fosse, M. I... ayant même précisé qu'il avait été confronté à la présence de chiquettes de papier et de plastique coincées entre la tôle du flanc de la trémie et le tapis ; que l'expert ajoute que ni le caoutchouc, ni le nylon des bavettes ne pouvant s'enflammer, c'est bien la présence de matières combustibles à proximité du point chaud pouvant atteindre 3 000 degrés qui a provoqué une inflammation et la propagation de l'incendie dans l'espace confiné sous le convoyeur ; que le permis feu identifie dans une rubrique dédiée le risque d'incendie en raison de la présence de papiers et de plastiques et stipule qu'il appartient à l'entreprise extérieure de prendre contact avec le chargé de sécurité de l'entreprise utilisatrice et d'établir en commun les mesures de sécurité ; que la cour retient, comme l'expert dans son rapport, que la société Netco avait, préalablement aux travaux, exploré la fosse sans émettre une quelconque réserve quant à son nettoyage ; que les salariés de la société Netco ont donc eu un comportement fautif en ne refusant pas d'intervenir sur le chantier litigieux compte tenu de la mise en oeuvre d'un procédé générant une température pouvant atteindre 3 000 degrés à proximité immédiate de matières inflammables parfaitement identifiées ; que l'expert relève enfin que c'est également de manière fautive que les salariés de la société Netco, contrairement à une règle élémentaire de sécurité incendie, n'ont pas placé, d'une part, un extincteur dans la fosse afin de pouvoir lutter immédiatement contre un feu naissant ni, d'autre part, un robinet d'incendie armé à proximité immédiate du poste de travail de soudure et devant suivre M. I... dans sa progression, et ce afin de pouvoir également intervenir rapidement et avec efficacité sur un incendie naissant ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Netco a commis des fautes caractérisant des manquements à son obligation de sécurité, de sorte que sa responsabilité est engagée au titre de l'incendie litigieux ; que comme le notent l'expert et les premiers juges, le permis feu déjà évoqué prévoit que « l'entreprise utilisatrice qui commande le travail doit veiller à ce que le maximum de précaution soient prises pour la mise en état du lieu où le travail doit être exécuté ainsi que des abords, surtout lorsque ceux-ci comportent des matériels et substances inflammables » ; qu'il est ainsi établi que les mesures de sécurité ont été édictées en commun et qu'elles ont été insuffisamment précises, notamment sur la question du nettoyage du chantier ; que si la société Netco a manqué à ses obligations pour les motifs sus-énoncés, il apparaît que la société Triselec a également manqué à ses obligations en ne procédant pas à un nettoyage approfondi du tapis et de la fosse, alors même qu'il était convenu avec la société Netco qu'elle utiliserait un procédé de soudure engendrant des points chaud à très haute température ; qu'en revanche, si la configuration des lieux est à l'origine de l'effet venturi, cette configuration des lieux ne saurait caractériser un manquement fautif de la société Triselec ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, les premiers juges ont fait une juste appréciation des éléments de la cause en laissant à la charge de la société Triselec une part de responsabilité de 15% dans la réalisation du dommage et en mettant à la charge de la société Netco, dont les manquements sont majeurs et plus nombreux, une part de responsabilité de 85% ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE selon l'expert judiciaire, si la technique mise en oeuvre par la société Netco n'était pas interdite, celle-ci nécessitait cependant des précautions s'agissant d'une opération de maintenance relativement lourde et devant rendre opérationnel le tapis du convoyeur le plus rapidement possible ; que cette technique, de par le risque de feu engendré, imposait donc à la société Netco une obligation de sécurité ; que l'expertise judiciaire a permis d'objectiver que, en contravention à cette obligation particulière, les deux salariés de la société Netco n'étaient pas à proximité l'un de l'autre ; qu'ainsi, M. I..., qui soudait, et qui ne pouvait se rendre compte, de par la configuration des lieux, de ce qui se passait sous la tôle de la trémie, avait pris beaucoup d'avance sur M. E... qui ne put voir, de par sa position vérifiée sur site, le feu prendre ; qu'il est donc établi, en premier lieu, que M. E..., pourtant désigné selon les mentions du permis feu précité comme la personne devant veiller à la sécurité, se positionna à un endroit à partir duquel il ne pouvait vérifier et contrôler les effets de la soudure mise en oeuvre par M. I... ; que ce faisant, l'intéressé a donc commis un manquement fautif, le positionnement adopté ne lui ayant pas permis de contrôler les effets de la source de chaleur importante induite par la mise en oeuvre des soudures ; qu'en deuxième lieu, s'agissant des conditions ayant prévalu au départ du feu, l'expert judiciaire a pu constater que le nettoyage du chantier avait été incomplet en ce sens que si la surface du tapis fut nettoyée, tel ne fut pas le cas des parties situées en-dessous ; que c'est ainsi que l'expert judiciaire recueillit des déclarations selon lesquelles les préposés de la société Netco indiquèrent avoir éprouvé des difficultés à progresser dans la fosse (page 30 du rapport), M. I... ayant même relaté que, d'emblée, il avait été confronté à la présence de chiquettes de papier et de plastic coincées entre la tôle du flanc de la trémie et le tapis (page 26 du rapport) ; que d'évidence, et ni le caoutchouc ni le nylon des bavettes ne pouvant s'enflammer, c'est donc bien la présence de matières combustibles à proximité du point chaud pouvant atteindre 3 000 degrés qui provoqua une inflammation avant d'autoriser la propagation d'un incendie dans l'espace confiné sous le convoyeur ; que pourtant, le permis feu précité avait-il permis d'identifier, dans une rubrique dédiée, l'existence de risques en raison de la « présence de papiers et de plastiques », et spécifié que « [ .. ] Toutefois, il appartient à l'entreprise extérieure de prendre contact avec le chargé de sécurité de l'entreprise utilisatrice et d'établir en commun les mesures de sécurité » ; que sans être aujourd'hui contredit, l'expert judiciaire a pu relater (page 31 de son rapport) que la société Netco avait préalablement exploré la fosse, mais sans alors trouver à dire quoi que ce fût ; que dans ces conditions, et l'expert judiciaire ayant été d'avis, sans élément technique contraire aux débats, que les salariés de la société Netco n'auraient pas dû accepter d'oeuvrer, en l'état, sur le chantier litigieux pour présenter des matières inflammables, il y a lieu de dire que cette dernière société a commis une deuxième faute en mettant en oeuvre un procédé générant une température pouvant atteindre 3 000 degrés à proximité immédiate de matières inflammables pourtant dûment identifiées ; qu'en troisième lieu, s'agissant enfin des moyens de prévention de l'incendie, les indications du permis feu susvisé objectivent qu'à proximité du lieu de travail, en l'occurrence le long du convoyeur litigieux, se trouvaient des RIA ainsi que des extincteurs ; qu'à cet égard, c'est également de manière fautive que les salariés de la société Netco, en contravention selon l'expert judiciaire à une règle que l'on peut considérer comme élémentaire en tenue de sécurité incendie, ne positionnèrent pas, d'une part, un extincteur dans la fosse afin de pouvoir réagir immédiatement contre un feu naissant ni, d'autre part, un RIA à proximité immédiate du poste de travail de soudure et devant suivre M. I... dans sa progression, et ce afin de pouvoir également intervenir rapidement et avec efficacité sur un incendie naissant ; qu'en conséquence, il convient de dire que la société Netco engage sa responsabilité au titre du sinistre litigieux pour avoir manqué à son obligation de sécurité en ayant, après avoir accepté de mettre en oeuvre une technique générant une température de 3 000 degrés à proximité de matières inflammables, mal positionné le salarié chargé de la sécurité de ce poste de travail, et omis de déployer à proximité immédiate, et suivant la progression du poste de soudure, les premiers moyens de lutte contre l'incendie pourtant disponibles ; que toujours aux termes du permis feu précédemment évoqué, il est mentionné que « l'entreprise utilisatrice qui commande le travail doit veiller à ce que le maximum de précaution soient prises pour la mise en état du lieu où le travail doit être exécuté ainsi que des abords, surtout lorsque ceux-ci comportent des matériels et substances inflammables » ; qu'en l'espèce, il ressort du rapport d'expertise de M. X..., ce qui n'est d'ailleurs pas contesté, que la société Triselec se chargea, avant le début du travail de la société Netco, de nettoyer le convoyeur (page 27) ; que toutefois, ce nettoyage se cantonna au seul tapis du convoyeur, et non à la matière prisonnière des bavettes ni à celle présente dans la fosse ; que pourtant, cet état de fait était nécessairement connu de la part de la société Triselec dans la mesure où l'opération de maintenance commandée par elle visait précisément à remplacer le système ayant conduit à cette situation, de la matière à trier tombant du tapis du convoyeur ; que la teneur du permis feu signé par un responsable de la société Triselec démontre, ainsi qu'il a été précédemment énoncé, que cette société n'ignorait pas que cette matière résiduelle était inflammable ; que dans ces conditions, il apparaît que la société Triselec, après avoir validé le mode opératoire de la société Netco en ayant accepté la délivrance d'un « permis feu », procéda à un nettoyage du chantier des plus insuffisants pour y avoir laissé, en toute connaissance de cause, des matières inflammables ; que sur cette problématique, il doit être relevé que l'arrêté préfectoral d'autorisation d'exploitation produit (pièce n° 2 en défense) impartit à la société Triselec les obligations suivantes : « 17. 7 - Permis de feu. Tous les travaux d'aménagement ou de réparation, sortant du domaine de l'entretien courant, notamment ceux utilisant des flammées nues, ne doivent être effectués dans les zones susceptibles de présenter des risques d'incendie qu'en respectant la procédure de permis de feu. Le permis de feu est signé par le chef d'établissement ou par la personne que ce dernier a nommément désignée. Ces travaux de peuvent s'effectuer qu'en respectant les règles d'une consigne particulière établie sous la responsabilité de l'exploitant et jointe au permis de feu. Lorsque les travaux ont lieu dans une zone présentant des risques importants, celle-ci doit être sans activité et avoir été débarrassée de toutes poussières et de tous produits inflammables. J 7. J 5 - Localisation des risques. L'exploitant recense, sous sa responsabilité, les parties de l'installation qui, en raison des caractéristiques qualitatives et quantitatives des matières stockées sont susceptibles d'être à l'origine d'un sinistre pouvant avoir des conséquences directes ou indirectes sur l'environnement, la sécurité publique ou le maintien en sécurité de l'installation. L'exploitant détermine pour chacune de ces parties de l'installation la nature du risque (incendie, atmosphères explosives ou émanations toxiques). Ce risque est signalé. 17.16 - Interdiction des feux. Il est interdit de fumer et d'apporter du feu sous une forme quelconque dans et à proximité des stockages de déchets et de produits combustibles. Cette interdiction doit être affichée en limite de ces zones en caractère apparent » ; par conséquent, il y a lieu de dire qu'en ayant accepté l'exécution d'un travail induisant un risque de feu sans avoir, préalablement, débarrasser le chantier des matières inflammables dont elle n'ignorait pas la présence, la société Triselec a commis une faute ayant concouru à la réalisation de son dommage, l'état de la fosse et des bavettes en nylon, normalement accessibles, étant connu de cette société ; que partant, il y a lieu de dire que la société Nord industrie, eu égard à la gravité de ses propres fautes, sera tenue de réparer les conséquences dommageables de l'incendie litigieux à hauteur de 85 %, le reliquat de 15 % étant laissé à la charge de la société Triselec eu égard à sa propre faute en matière de prévention ;
1°) ALORS QUE le juge doit prendre en considération l'ensemble des fautes commises par la victime ayant participé à la réalisation de son préjudice, pour apprécier la mesure de l'exonération partielle de responsabilité du coauteur de ce préjudice ; qu'en se bornant à retenir que la société Triselec avait commis une faute en s'abstenant de procéder à un nettoyage approfondi du tapis et de la fosse et que la configuration des lieux n'était pas fautive en ce qu'elle avait été à l'origine de « l'effet venturi (accélération des fluides par dépression) », pour en déduire qu'elle ne devait conserver à sa charge que 15% du dommage, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la société Triselec n'avait pas, en outre, manqué à son obligation de sécuriser ses propres locaux, le dispositif de lutte contre l'incendie mis en place étant insuffisant, comme l'avait relevé l'expert judiciaire, en l'absence de toute installation fixe d'extinction automatique (« sprinkleurs »), et si ce manquement n'avait pas contribué à la propagation rapide de l'incendie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le coauteur d'un dommage est exonéré de sa responsabilité à raison des fautes commises par la victime, ou ses préposés, ayant contribué à sa réalisation ; qu'en statuant de la sorte sans rechercher, comme cela lui était demandé, si M. U..., « responsable sécurité » de la société Triselec, n'avait pas commis une faute à l'origine des dommages, en s'abstenant de déclencher l'alarme incendie lorsque, une heure avant que les premières flammes ne soient aperçues, il avait « senti une odeur de brûlé », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait qui fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait débouté la société Nord industrie de son action en responsabilité exercée contre la société [...] ;
AUX MOTIFS QUE le courtier en assurances est tenu envers le souscripteur d'assurances d'une obligation d'information et de conseil dans le cadre de laquelle il doit présenter à son mandant une police adaptée aux risques à couvrir ; que la société Nord Industrie invoque une faute de la société [...] à l'égard d'une holding Equindus ; que le tiers bénéficiaire de la convention d'assurances peut agir sur le fondement de l'article 1382 du code civil contre le cocontractant ayant manqué à ses obligations lorsque par cette faute, ce tiers a subi un préjudice ; que la société Axa produit une note rédigée par la société [...] au profit de la société Equindus, société à la tête d'un groupe incluant huit sociétés à assurer dont la société Netco ; qu'il s'agit d'une note de présentation au titre d'une garantie responsabilité civile incluant notamment l'activité particulière de maintenance et de dépannage sur sites de bandes transporteuses, tapis et transporteurs mécaniques ; qu'il résulte de cette note que le souscripteur souhaitait bénéficier d'une garantie moyennant une prime annuelle de 19 500 € HT ; que la société Axa produit un document intitulé « projet d'assurance responsabilité civile » qui démontre que la société [...], après consultation de six sociétés d'assurance incluant la prévision d'un plafond de garantie par sinistre de 7 500 000 €, a informé la société Equindus que la compagnie AGF lui avait adressé la meilleure offre moyennant une prime annuelle de 21 255 € ; qu'en page 7 de ce « projet d'assurance responsabilité civile », la société [...] reprend le montant de la prime et ajoute ensuite que les montants de garantie lui apparaissent faibles et qu'elle restait donc à disposition de son mandant pour proposer des montants de garantie plus élevés ; que la société Axa produit encore une consultation d'avocats; qu'il apparaît que l'attention de la société Equindus a été attirée sur le fait que pour les polices AGF et Q..., le montant plus élevé de la prime pour cette dernière société, soit 26 000 euros HT s'expliquait, à garanties équivalentes, par une couverture plus importante ; qu'en définitive, la société Equindus a fait le choix de contracter la police d'assurances proposée par la société Q..., selon des modalités que la société Nord Industrie ne produit pas aux débats ; que néanmoins, il résulte de la télécopie du 12 janvier 2006 qu'en raison des mauvais résultats en termes de sinistres de la société Equindus, et particulièrement du fait de la société Netco, la société Gerling alerta la société [...] qu'au renouvellement à venir de fa police, la prime annuelle serait portée, au minimum, à 65 000 € ; que dès lors, la société Netco a finalement souscrit, le 1er avril 2007, toujours par l'intermédiaire de la société [...], une nouvelle police d'assurances auprès de la compagnie AGF, aux droits de laquelle se trouve Allianz, moyennant une prime annuelle de 27 000 € et un plafond de garantie dommages matériels et immatériels de 3 000 000 € ; qu'ainsi, il résulte de cet enchaînement de faits que, après avoir reçu en 2004 l'information de la société [...] qu'une police stipulant un plafond de garantie de 7 500 000 € restait cependant, selon cet intermédiaire, insuffisant pour couvrir les risques générés par son activité industrielle, la société Equindus a décidé ensuite, en toute connaissance de cause, de ne contracter des polices d'assurances qu'aux conditions de primes les moins onéreuses pour sa part, avec pour corrélatif une moindre couverture au titre des plafonds de garantie successivement souscrits ; que comme le note à juste titre la société Axa, la garantie souscrit était adaptée aux risques encourus; qu'en revanche, c'est la quantification du risque, que l'assuré, professionnel averti, est en mesure de mieux apprécier, et sur laquelle le courtier a attiré l'attention de la société Equindus lors de la consultation, qui n'était pas adaptée ; qu'il résulte de 1'ensemble de ces éléments qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Nord Industrie de ses demandes à l'encontre de la société [...], assurée auprès de la société Axa ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le courtier en assurances est tenu envers le souscripteur d'assurances d'une obligation d'information et de conseil dans le cadre de laquelle il lui incombe de présenter à son mandant une police adapté aux risques à couvrir ; qu'à ce titre, et la société Netco invoquant une faute de la société [...] à l'égard d'une holding Equindus, le tiers bénéficiaire de cette convention d'assurances peut agir sur le fondement de l'article 1382 du code civil contre le cocontractant ayant manqué à ses obligations lorsque par cette faute, ce tiers a subi un préjudice ; qu'il résulte de la pièce n° 1 en défense que la société [...] rédigea au profit d'une société Equindus, société à la tête d'un groupe incluant huit sociétés à assurer dont la société Netco, une note de présentation au titre d'une garantie responsabilité civile incluant notamment l'activité particulière de maintenance et de dépannage sur sites de bandes transporteuses, tapis et transporteurs mécaniques ; que selon la teneur de ce document, remontant à l'année 2003, l'activité de conception, de fabrication et de maintenance de ces derniers produits représentait environ 70 % du chiffres d'affaires du périmètre du groupe de sociétés s'élevant, de manière prévisionnelle, à 3 000 000 € ; que quant à la « sinistralité » (sic) de cette activité, elle avait emporté des dommages de responsabilité pour un montant total de 55 723,66 € du 06 juillet 2000 au 18 juin 2003 ; qu'enfin, il en ressort que le souscripteur souhaitait bénéficier d'une garantie moyennant un prime annuelle de 19 500 € hors taxes ; que dans ce cadre, la pièce n° 2 en défense démontre que la société [...], après consultation de six sociétés d'assurances incluant la prévision d'un plafond de garantie par sinistre de 7 500 000 €, porta à la connaissance de la société Equindus que la compagnie AGF lui avait adressé la meilleure offre moyennant une prime annuelle de 21 255 € ; qu'à cette occasion, force est de constater que la société [...] alerta spécialement la société Equindus, d'une part, que la garantie responsabilité civile ne portait pas sur les sites classés et soumis à autorisation d'exploitation, ces sites n'ayant pas été déclarés comme rentrant dans son champ d'activité et, d'autre part, que les montants de garantie lui apparaissaient faibles et qu'elle restait donc à disposition de son mandant pour proposer des montants plus élevés ; que plus précisément, le 25 février 2004 (pièce n° 3 en défense), une société d'avocats consultée par la société Equindus pour analyser les propositions d'assurances, et dont il ressort (p. 9) que l'attention de la société Equindus fut attirée sur le fait que pour les polices AGF et Gerling étudiées, le montant plus élevé de la prime pour cette dernière société, soit 26 000 € hors taxes (pièce no 5 en défense) s'expliquait, à garanties équivalentes, par une couverture plus importante ; qu'en définitive, la société Equindus fit le choix de contracter la police d'assurances proposée par la société Q..., selon des modalités que la société Netco s'est bien gardée de produire aux débats, notamment quant au plafond de garantie souscrit ; que néanmoins, par la suite, en raison des mauvais résultats en terme de sinistres de la société Equindus, et particulièrement du fait de la société Netco, la société Gerling alerta la société [...] le 12 janvier 2006 qu'au renouvellement à venir de la police, la prime annuelle serait portée, au minimum, à 65 000 € ; qu'en réponse, la société [...], agissant alors en tant que mandataire de la société Equindus, sollicita de la société Q... que la prime fût limitée à 27 000 € afin de conserver son affaire avec la société Equindus ; qu'il s'avère que cette dernière société contracta finalement le 05 juin 2007, toujours par l'intermédiaire de la société [...], une nouvelle police d'assurances auprès de la compagnie AGF, moyennant une prime annuelle de 27 000 € et un plafond de garantie dommages matériels et immatériels de 3 000 000 €, prime ensuite portée à 28 800 € hors taxes le 28 janvier 2008 ; que le 17 avril 2009, la société Equindus souscrivit une nouvelle police d'assurances auprès de la société AIG Europe, aujourd'hui Allianz moyennant une prime annuelle de 27 000 € et un plafond de garantie de 3 000 000 € par sinistre, tous dommages confondus ; qu'il résulte de cet enchaînement de faits que, après avoir reçu en 2004 l'information de la société [...] qu'une police stipulant un plafond de garantie de 7 500 000 € restait cependant, selon cet intermédiaire, insuffisant pour couvrir les risques de son activité industrielle, la société Equindus décida ensuite, en toute connaissance de cause, de ne contracter des polices d'assurance qu'aux conditions de primes les moins onéreuses pour sa part, avec pour corrélatif, une moindre couverture au titre des plafonds de garantie successivement souscrits ; que par conséquent, la société Nord industrie sera déboutée de son action en responsabilité dirigée contre la société [...], la faute alléguée n'étant pas factuellement établie, ni même en relation causale certaine avec le dommage invoqué, à savoir la perte de chance de souscrire une police avec un plafond supérieur, dans la mesure où, dûment informée dès 2004 d'une insuffisance de couverture à ce dernier titre, la société Equindus n'eut de cesse de ne rechercher que l'assurance la moins onéreuse et non celle offrant le meilleur plafond de couverture ;
1°) ALORS QUE le courtier d'assurance, mandataire de son client, tenu de lui proposer une assurance adaptée à ses besoins, doit le conseiller utilement sur l'étendue des garanties offertes et attirer spécialement son attention, de manière circonstanciée, sur les limites qu'elles comportent au regard des risques à assurer, préalablement à la conclusion de tout nouveau contrat d'assurance, afin de lui permettre d'y consentir en parfaite connaissance de cause ; qu'en retenant, par des motifs inopérants, qu'en 2004, la société [...], courtier d'assurance, avait indiqué à sa cliente, la société Equindus, que les plafonds de garantie des contrats d'assurance qu'elle lui présentait alors, dont les plus élevés étaient fixés à 7 500 000 €, lui « paraissaient faibles », et qu'elle était à sa disposition pour lui proposer des montants de garantie plus élevés, pour en déduire que « la faute alléguée » n'aurait pas été « factuellement établie », sans rechercher, comme cela lui était demandé, si le courtier d'assurance, tenu d'une obligation de conseil, avait spécialement attiré l'attention de sa cliente en 2007, préalablement à la conclusion, par son intermédiaire, d'un nouveau contrat d'assurance de responsabilité, avec un nouvel assureur, sur l'insuffisance des garanties prévues par ce nouveau contrat au regard des risques qui devaient alors être assurés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
2°) ALORS QUE le courtier d'assurance, mandataire de son client, tenu de lui proposer une assurance adaptée à ses besoins, doit le conseiller utilement sur l'étendue des garanties offertes et attirer spécialement son attention, de manière circonstanciée, sur les limites qu'elles comportent au regard des risques à assurer, préalablement à la conclusion de tout nouveau contrat d'assurance, afin de lui permettre d'y consentir en parfaite connaissance de cause ; qu'en retenant, par des motifs inopérants, qu'en 2004, la société [...], courtier d'assurance, avait indiqué à sa cliente, la société Equindus, que les plafonds de garantie des contrats d'assurance qu'elle lui présentait alors, dont les plus élevés étaient fixés à 7 500 000 €, lui « paraissaient faibles » et qu'elle était à sa disposition pour lui proposer des montants de garantie plus élevés, pour en déduire que « la faute alléguée » n'aurait pas été « en relation causale certaine » avec le dommage invoqué, dans la mesure où, « informée » dès 2004 d'une insuffisance de couverture, la société Equindus n'aurait eu de cesse de rechercher « l'assurance la moins onéreuse et non celle offrant le meilleur plafond de couverture », sans rechercher, comme cela lui était demandé, si le courtier d'assurance, tenu d'une obligation de « conseil », avait spécialement attiré l'attention de sa cliente en 2007, préalablement à la conclusion, par son intermédiaire, d'un nouveau contrat d'assurance de responsabilité, avec un nouvel assureur, sur l'insuffisance des garanties prévues par ce nouveau contrat au regard des risques qui devaient, à ce moment, être assurés, afin de lui permettre de consentir en parfaite connaissance de cause à la conclusion de ce nouveau contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, une contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en relevant, d'une part, que la société Equindus avait fait le choix, en 2004, de souscrire, parmi les six contrats d'assurance présentés par la société [...], au contrat d'assurance proposé par la société Q..., au sujet duquel il lui avait alors été indiqué que « le montant plus élevé de la prime pour cette dernière société » s'expliquait « à garanties équivalentes, par une couverture plus importante », et, d'autre part, que dès 2004, la société Equindus aurait décidé, en connaissance de cause, « de ne contracter des polices d'assurances qu'aux conditions de primes les moins onéreuses pour sa part, avec pour corrélatif, une moindre couverture au titre des plafonds de garantie successivement souscrits », la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE le courtier d'assurance demeure tenu de conseiller utilement son client sur l'étendue des garanties proposées et d'attirer spécialement son attention sur les limites qu'elles comportent au regard des risques à assurer, peu important la qualité de professionnel du client ; qu'en retenant, pour débouter la société Nord industrie de son action en responsabilité, que « l'assuré, professionnel averti » aurait été en mesure de « mieux apprécier » la « quantification du risque », sans relever que la société Equindus, cliente de la société [...] ayant souscrit le contrat d'assurance, était une professionnelle de l'assurance, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.