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30/09/2020 | FRANCE | N°19-16866

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 30 septembre 2020, 19-16866


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 579 F-D

Pourvoi n° A 19-16.866

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

La société J... Line A/S, société de droit étranger, dont le si

ège est [...] ), ayant élu domicile chez son agent en France, la société J... France, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 19-16.866 c...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 579 F-D

Pourvoi n° A 19-16.866

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

La société J... Line A/S, société de droit étranger, dont le siège est [...] ), ayant élu domicile chez son agent en France, la société J... France, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 19-16.866 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société [...], ayant pour nom commercial Seafrigo, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de la société J... Line A/S, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société [...], après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 avril 2019), la société [...] (Seafrigo) a, en tant que commissionnaire de transport, confié à la société danoise J... Line l'acheminement d'une cargaison de viande vers les Philippines où elle a été déclarée perdue. La société Seafrigo a assigné la société J... Line devant le tribunal de commerce de Paris pour la garantir d'éventuelles condamnations au profit de l'acheteur. Cette dernière a soulevé une exception d'incompétence au profit de la Haute Cour de justice de Londres, fondée sur la convention attributive de juridiction stipulée dans ses conditions générales de transport, auxquelles le connaissement faisait référence.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La société J... Line fait grief à l'arrêt de dire le tribunal de commerce de Paris compétent, alors :

« 1°/ que suivant l'article 25, 1, c du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, la convention attributive de juridiction est conclue dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée ; que, dans son arrêt Trasporti U... du 16 mars 1999 (aff. C-159/97), la Cour de justice a dit pour droit que le consentement des parties à la clause de compétence « est présumé exister lorsque leur comportement correspond à un usage régissant le domaine du commerce international dans lequel elles opèrent et dont elles ont ou sont censées avoir connaissance », et que cet usage était « établi lorsqu'un certain comportement est généralement et régulièrement suivi par les opérateurs dans (la branche commerciale dans laquelle les parties exercent leur activité) lors de la conclusion de contrats d'un certain type », étant précisé que la connaissance de la clause existe « indépendamment de toute forme spécifique de publicité, lorsque dans la branche commerciale dans laquelle opèrent les parties, un certain comportement est généralement et régulièrement suivi lors de la conclusion d'un certain type de contrat, de sorte qu'il peut être considéré comme une pratique consolidée » ; que, dans la branche du transport maritime international, la stipulation d'une clause attributive de compétence au profit des juridictions anglaises correspond à un usage dont tout commissionnaire de transport a connaissance ou est censé avoir connaissance ; que, pour retenir la compétence de la juridiction française, la cour d'appel a énoncé que la société J... n'établissait pas qu'une clause de compétence au profit de la Haute Cour de justice de Londres serait d'usage dans tous les contrats de transport maritime, l'usage d'une telle clause n'étant pas généralisé à l'ensemble des contrats de transport maritime ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il suffisait que soit rapporté un comportement généralement et régulièrement suivi par les opérateurs dans la branche du transport maritime international, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;

2°/ que suivant l'article 25, 1, c du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, la convention attributive de juridiction est conclue dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée ; que, dans ses écritures d'appel, la société J... a fait valoir que l'usage, en matière de transport maritime, est de soumettre le contrat à la clause attributive de juridiction figurant dans les conditions générales du transporteur, lesquelles, renvoyant parfois aux juridictions du siège social du transporteur, parfois aux juridictions anglaise, ou encore chinoises, sont consultables sur les sites internet des compagnies maritimes, ce que les commissionnaires de transport savent parfaitement, de sorte que, compte tenu de sa qualité de professionnelle du transport maritime, du renvoi aux conditions générales de transport figurant à la fois sur la confirmation de réservation et sur le verso du connaissement et de l'ancienneté de ses relations commerciales avec la compagnie J..., la société Seafrigo ne pouvait prétendre avoir ignoré l'existence de la clause attributive de compétence applicable au transport ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces points, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

3°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la cour d'appel a énoncé que la pièce produite par la société J... (pièce n° 1 : conditions de transport applicables au connaissement), comprenant, en son article 26, la clause de compétence au profit de la haute cour de justice à Londres, « n'est pas datée » et a estimé que « son origine est inconnue », de sorte qu'il n'était pas établi qu'elle « serait extraite du site internet de l'intimée, ni que son contenu serait conforme aux conditions générales de la société J... Line A/C au moment de la conclusion du contrat de transport litigieux et figurant sur le site internet de celle-ci alors en ligne » ; qu'en statuant ainsi, cependant que cette pièce comportait, à sa dernière page, la mention « J... Line © 2013 », la cour d'appel l'a dénaturée et a violé le principe susvisé ;

4°/ que dans ses écritures d'appel, la société J... a fait valoir que les conditions de transport qu'elle produisait comportaient clairement des éléments d'identification et de date, de sorte que l'existence de la clause attributive de juridiction n'est pas contestable : le logo J... Line figure en en-tête des conditions de transport, J... Line A/S est défini comme le transporteur ("Carrier" means J... Line A/S of [...]), l''année d'édition figure en bas à la dernière page des conditions : « J... Line © 2013 » ; que la cour d'appel a énoncé que la pièce produite par la société J... (pièce n° 1 : conditions de transport applicables au connaissement), comprenant, en son article 26, la clause de compétence au profit de la haute cour de justice à Londres, « n'est pas datée » et a estimé que « son origine est inconnue », de sorte qu'il n'était pas établi qu'elle « serait extraite du site internet de l'intimée, ni que son contenu serait conforme aux conditions générales de la société J... Line A/C au moment de la conclusion du contrat de transport litigieux et figurant sur le site internet de celle-ci alors en ligne » ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur les chefs de conclusions de l'exposante établissant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que le juge doit respecter le principe de la contradiction ; que, dans ses écritures d'appel, la société Seafrigo n'a pas contesté que la clause de compétence litigieuse était consultable sur le site internet de la société J... ; qu'en relevant d'office le moyen pris de ce qu'il n'était « pas justifié » que la société Seafrigo « aurait eu ou aurait dû avoir connaissance de la clause de juridiction litigieuse en se référant aux conditions générales figurant dans le site internet de la société J... Line A/C », sans inviter au préalable les parties à lui soumettre leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. Sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale, dénaturation, défaut de réponse à conclusions et violation du principe de la contradiction, le moyen, dont la première branche s'attaque à des motifs surabondants, ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, les appréciations souveraines par lesquelles la cour d'appel a estimé que la société J... Line ne rapportait ni la preuve que la clause attributive de compétence au profit de la High Court de justice de Londres, dont elle se prévalait, figurait à ses conclusions générales, à la date de la conclusion du contrat de transport litigieux, ni qu'il était d'usage entre les parties de stipuler une telle clause.

4. Il ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société J... Line aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société J... Line et la condamne à payer à la société [...] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société J... Line A/S

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR dit le tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître de l'action en garantie exercée par la société Entrepôts et Transports Barbe à l'encontre de la société J... Line A/C,

AUX MOTIFS QUE « sur la compétence, seules les règles de conflit de juridictions doivent être mises en oeuvre pour déterminer la juridiction compétente, la question des conflits de juridictions étant distincte de celle des conflits de lois ; que le conflit de juridiction entre les parties est régi par les dispositions de Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, en vigueur lors de la conclusion du contrat de transport le 2 octobre 2015 ; que selon l'article 8 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, "Une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut aussi être attraite : 1) s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; 2) s'il s'agit d'une demande en garantie ou d'une demande en intervention, devant la juridiction saisie de la demande originaire, à moins qu'elle n'ait été formée que pour traduire celui qui a été appelé hors du ressort de la juridiction compétente ; que l'article 25 de ce Règlement prévoit que : "Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d'une juridiction ou de juridictions d'un Etat membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet Etat membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. La convention attributive de juridiction est conclue : a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ; b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ; ou c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée (...)" ; que la société [...], domiciliée au Havre, a assigné en garantie la société J... Line A/S, société de droit étranger ayant son siège social à [...] ), devant le tribunal de commerce de Paris en visant expressément la procédure diligentée à son encontre devant cette juridiction par la société Swiss Re International selon acte délivré le 22 mai 2017 aux fins de réparation des conséquences dommageables du fait du chargement de marchandises ayant été considérées en perte totale, et dont elle a confié le transport à la société J... Line A/S ; qu'il n'est pas discuté que cette action constitue une demande en garantie devant la juridiction saisie de la demande originaire conformément aux dispositions de l'article 8 2) du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ; que le débat porte sur la question de savoir si cette demande n'a été formée que pour traduire la société J... Line A/S hors du ressort de la juridiction compétente, qui serait la Haute cour de justice de Londres en application de la clause attributive de juridiction régissant le contrat de transport conclu entre la société J... Line A/S et la société [...] ; que, pour être opposable à la société [...], la clause litigieuse doit être conclue par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, ou sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, ou encore sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée ; que les mentions figurant dans le recto du connaissement n° 954820965 produit par l'appelante sont effectivement illisibles, et l'agrandissement de ces dispositions versé aux débats par l'intimée renvoie aux conditions générales reproduites au verso du connaissement, qui ne sont toutefois pas produites aux débats ; qu'il n'est donc pas justifié que la clause litigieuse serait retranscrite dans le connaissement litigieux ; que la circonstance que la société [...] ait négocié le connaissement est indifférente, dès lors qu'il n'est pas démontré que ledit connaissement contiendrait bien la clause de juridiction alléguée par l'intimée ; que le "booking confirmation" afférent à ce connaissement, émis par la société J... Line A/C le 2 octobre 2015 et adressé à l'appelante qui apparaît comme ayant réservé le transport en son nom, et dont le format tel que produit aux débats par l'intimée n'est pas discuté, mentionne en bas de page "This booking and carriage are subject to the J... Line Terms ans Conditions of Carriage which are available upon request from the carrier or his représentatives and are furthermore accessible on the J... Line website "http://[...]" under "Services "/"General Business Terms", soit, selon la traduction en langue française proposée par l'intimée et non discutée, " La réservation et le transport sont soumis aux conditions générales de transport J..., disponibles sur demande chez le transporteur, ses agents et sur le site internet de J... Line http://[...] sous la rubrique Services/conditions générales de transports " ; que la société J... Line A/C produit une pièce qu'elle intitule "conditions de transport applicables au connaissement", qui constitue les conditions générales de transport de la société J... Line, et dont l'article 26, intitulé "Law and juridiction" rédigé en langue anglaise, prévoit, selon la traduction en langue française proposée par l'intimée et non discutée, que "Ce connaissement sera soumis et interprété selon le droit anglais et tout contentieux qui en découlerait sera tranché par la Haute cour de justice à Londres, à l'exclusion de toute autre juridiction d'un autre Etat'' ; que, cependant, cette pièce n'est pas datée, ainsi que le fait valoir l'appelante, et son origine est inconnue ; qu'aucun élément ne permet d'établir que cette pièce serait extraite du site internet de l'intimée, ni que son contenu serait conforme aux conditions générales de la société J... Line A/C au moment de la conclusion du contrat de transport litigieux et figurant sur le site internet de celle-ci alors en ligne ; qu'il n'est donc pas justifié par le seul bon de confirmation adressé par l'intimée à l'appelante que celle-ci aurait eu ou aurait dû avoir connaissance de la clause de juridiction litigieuse en se référant aux conditions générales figurant dans le site internet de la société J... Line A/C ; que l'intimée soutient vainement qu'en tant que commissionnaire de transport et professionnel du transport maritime, la société [...], qui a traité avec elle de nombreux transports maritimes, depuis plusieurs années, ne peut prétendre ignorer l'usage selon lequel les contrats de transport maritime matérialisés par des connaissements contiennent une clause attributive de juridiction, dès lors qu'elle ne rapporte pas la preuve du contenu de ladite clause au moment de la conclusion du contrat de transport litigieux, ni ne produit aux débats les précédents contrats de transport conclus avec l'appelante confirmant l'usage d'une telle clause entre les parties ; qu'il n'est donc pas démontré que la clause de juridiction litigieuse était conforme aux usages que les parties auraient établis entre elles ; que la production aux débats, par l'intimée, des conditions générales des sociétés MSC, Evergreen, YangMing, contenant une clause attributive compétence au bénéfice de la haute cour de justice de Londres, n'établit pas qu'une telle clause serait d'usage dans tous les contrats de transport maritime et, de ce fait, opposable à l'appelante, celleci produisant pour sa part les conditions générales applicables au connaissement des sociétés CMA CGM, Cosco Shipping Lines, Hapag Lloyd AG contenant des clauses de juridiction désignant respectivement le tribunal de commerce de Marseille, le tribunal maritime de Shangai ou un autre tribunal maritime de la République populaire de Chine et le tribunal de Hambourg, et qui établissent que l'usage de la clause de juridiction litigieuse n'était pas généralisé à l'ensemble des contrats de transport maritime ; qu'il n'est donc pas démontré que la clause de compétence litigieuse aurait été prévue sous une forme qui serait conforme à un usage dont la société [...] a eu connaissance ou était censée en avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée ; que, dès lors que les conditions requises par l'article 25 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ne sont pas remplies, la clause de juridiction alléguée par la société J... Line A/S est inopposable à la société [...] ; que l'appelante a donc valablement exercé son recours en garantie devant le tribunal de commerce de Paris, saisi de la demande principale ; qu'il convient, par conséquent, d'infirmer le jugement entrepris de ce chef » ;

1°/ ALORS QUE suivant l'article 25, 1, c du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, la convention attributive de juridiction est conclue dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée ; que, dans son arrêt Trasporti U... du 16 mars 1999 (aff. C-159/97), la Cour de justice a dit pour droit que le consentement des parties à la clause de compétence « est présumé exister lorsque leur comportement correspond à un usage régissant le domaine du commerce international dans lequel elles opèrent et dont elles ont ou sont censées avoir connaissance » (pt. 21), et que cet usage était « établi lorsqu'un certain comportement est généralement et régulièrement suivi par les opérateurs dans (la branche commerciale dans laquelle les parties exercent leur activité) lors de la conclusion de contrats d'un certain type » (pt. 30), étant précisé que la connaissance de la clause existe « indépendamment de toute forme spécifique de publicité, lorsque dans la branche commerciale dans laquelle opèrent les parties, un certain comportement est généralement et régulièrement suivi lors de la conclusion d'un certain type de contrat, de sorte qu'il peut être considéré comme une pratique consolidée » (pt. 45) ; que, dans la branche du transport maritime international, la stipulation d'une clause attributive de compétence au profit des juridictions anglaises correspond à un usage dont tout commissionnaire de transport a connaissance ou est censé avoir connaissance ; que, pour retenir la compétence de la juridiction française, la cour d'appel a énoncé que la société J... n'établissait pas qu'une clause de compétence au profit de la haute cour de justice de Londres serait d'usage dans tous les contrats de transport maritime, l'usage d'une telle clause n'étant pas généralisé à l'ensemble des contrats de transport maritime ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il suffisait que soit rapporté un comportement généralement et régulièrement suivi par les opérateurs dans la branche du transport maritime international, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;

2°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE suivant l'article 25, 1, c du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, la convention attributive de juridiction est conclue dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée ; que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 16), la société J... a fait valoir que l'usage, en matière de transport maritime, est de soumettre le contrat à la clause attributive de juridiction figurant dans les conditions générales du transporteur, lesquelles, renvoyant parfois aux juridictions du siège social du transporteur, parfois aux juridictions anglaise, ou encore chinoises, sont consultables sur les sites internet des compagnies maritimes, ce que les commissionnaires de transport savent parfaitement, de sorte que, compte tenu de sa qualité de professionnelle du transport maritime, du renvoi aux conditions générales de transport figurant à la fois sur la confirmation de réservation et sur le verso du connaissement et de l'ancienneté de ses relations commerciales avec la compagnie J..., la société Seafrigo ne pouvait prétendre avoir ignoré l'existence de la clause attributive de compétence applicable au transport ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces points, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

3°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la cour d'appel a énoncé que la pièce produite par la société J... (pièce n° 1 : conditions de transport applicables au connaissement), comprenant, en son article 26, la clause de compétence au profit de la haute cour de justice à Londres, « n'est pas datée » et a estimé que « son origine est inconnue », de sorte qu'il n'était pas établi qu'elle « serait extraite du site internet de l'intimée, ni que son contenu serait conforme aux conditions générales de la société J... Line A/C au moment de la conclusion du contrat de transport litigieux et figurant sur le site internet de celle-ci alors en ligne » ; qu'en statuant ainsi, cependant que cette pièce comportait, à sa dernière page, la mention « J... Line © 2013 », la cour d'appel l'a dénaturée et a violé le principe susvisé ;

4°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE, dans ses écritures d'appel (concl., p. 10), la société J... a fait valoir que les conditions de transport qu'elle produisait comportaient clairement des éléments d'identification et de date, de sorte que l'existence de la clause attributive de juridiction n'est pas contestable : le logo J... Line figure en en-tête des conditions de transport, J... Line A/S est défini comme le transporteur ("Carrier" means J... Line A/S of [...]), l''année d'édition figure en bas à la dernière page des conditions : « J... Line © 2013 » ; que la cour d'appel a énoncé que la pièce produite par la société J... (pièce n° 1 : conditions de transport applicables au connaissement), comprenant, en son article 26, la clause de compétence au profit de la haute cour de justice à Londres, « n'est pas datée » et a estimé que « son origine est inconnue », de sorte qu'il n'était pas établi qu'elle « serait extraite du site internet de l'intimée, ni que son contenu serait conforme aux conditions générales de la société J... Line A/C au moment de la conclusion du contrat de transport litigieux et figurant sur le site internet de celle-ci alors en ligne » ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur les chefs de conclusions de l'exposante établissant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE, le juge doit respecter le principe de la contradiction ; que, dans ses écritures d'appel, la société Seafrigo n'a pas contesté que la clause de compétence litigieuse était consultable sur le site internet de la société J... ; qu'en relevant d'office le moyen pris de ce qu'il n'était « pas justifié » que la société Seafrigo « aurait eu ou aurait dû avoir connaissance de la clause de juridiction litigieuse en se référant aux conditions générales figurant dans le site internet de la société J... Line A/C », sans inviter au préalable les parties à lui soumettre leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-16866
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 avril 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 30 sep. 2020, pourvoi n°19-16866


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.16866
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