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30/09/2020 | FRANCE | N°19-15734

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2020, 19-15734


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 854 F-D

Pourvoi n° V 19-15.734

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

La société Paprec ré

seau, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-15.734 contre l'arrêt rendu le 27 février 2019 par la c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 854 F-D

Pourvoi n° V 19-15.734

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

La société Paprec réseau, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-15.734 contre l'arrêt rendu le 27 février 2019 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. Q... U..., domicilié [...] ,

2°/ à Pôle emploi Nancy, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société Paprec réseau, de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. U..., après débats en l'audience publique du 15 juillet 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 27 février 2019), M. U..., engagé par la société Paprec en 2006, a été licencié pour faute grave le 7 décembre 2015, après avoir dénoncé un harcèlement moral dont il estimait avoir été victime.

2.Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 13 janvier 2016, en demandant notamment l'annulation de son licenciement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt d'ordonner le remboursement par la société Paprec des indemnités de chômage éventuellement perçues par le salarié dans les conditions fixées à l'article L. 1235-4 du code du travail, alors « que le remboursement des indemnités de chômage ne peut être ordonné en cas de nullité du licenciement ; qu'en ordonnant pourtant le remboursement par la société Paprec des indemnités de chômage éventuellement perçues par M. Q... U..., après avoir prononcé la nullité du licenciement du la salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause ;

5. Après avoir déclaré nul le licenciement prononcé à l'encontre du salarié en lien avec la dénonciation de faits de harcèlement moral, l'arrêt retient qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois.

6. En statuant ainsi, alors que le remboursement des indemnités de chômage ne peut être ordonné en cas de nullité du licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne le remboursement par l'employeur à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. U... à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois, l'arrêt rendu le 27 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit n'y avoir lieu à remboursement par la société Paprec au Pôle emploi concerné des indemnités de chômage versées à M. U... ;

Condamne M. U... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour la société Paprec réseau.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur Q... U... est nul et condamné la société Paprec à lui payer des dommages intérêts pour licenciement nul, une indemnité légale de licenciement ainsi qu'une indemnité compensatrice de préavis ;

AUX MOTIFS QU'à l'inverse, l'employeur, qui a exposé tant au cours de la procédure prud'homale qu'antérieurement contester l'existence d'une situation de harcèlement, produit des courriers, un compte rendu d'enquête interne accompagnés des comptes-rendus d'entretien. Il ressort de ces documents que le salarié, qui avait donné toute satisfaction jusqu'en 2015, a été confronté à des problèmes qu'une grande partie des intéressés entendus dans le cadre de l'enquête interne a rattaché à des problématiques personnelles ou familiales. Ces éléments permettent de mettre également en évidence un comportement de l'intéressé vis à vis de ses subordonnés ou collègues générateur de stress pour lui-même et ses subordonnés, se caractérisant également par des propos ou des considérations insultantes à l'égard de ces derniers ainsi qu'une propension à faire réaliser une partie de son travail par ceux-ci. Enfin, ces mêmes documents établissent que les relations étaient bonnes avec les supérieurs hiérarchiques visés par M. U..., tant avec ce dernier qu'avec les autres membres du personnel concerné. En conséquence de ce qui précède, les agissements invoqués par le salarié ne sauraient être regardés comme constitutifs d'un harcèlement moral dès lors que les éléments de preuve produit par l'employeur sont de nature à remettre en cause les allégations du salarié et établissent que les difficultés réelles auxquelles l'intéressé était confronté procédaient surtout d'une problématique personnelle, de sorte qu'il convient de débouter le salarié de sa demande de dommages intérêt. Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences : Il résulte de l'application combinée des dispositions des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du contrat de travail que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis, mais que de la seule connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce. Au cas présent, le salarié a été licencié pour faute grave selon lettre de licenciement libellée comme suit : « Les griefs que nous sommes amenés à formuler sont les suivants : tenue de propos mensongers et diffamatoires, manquements à vos obligations professionnelles et contractuelles. Le 29 juillet 2015, nous avons reçu un courrier de la part de votre avocat nous indiquant que vous étiez victime de faits constitutifs de harcèlement moral. Le 6 août 2015, nous avons répondu à votre avocat et lui avons fait part de notre grand étonnement. A aucun moment, nous n'avons eu à nous plaindre de quoi que ce soit vous concernant, votre travail a été toujours apprécié (vous avez été d'ailleurs nominé 2 fois aux castors d'or). En 2015, vous avez d'ailleurs reçu une prime de fin d'année dont la quote-part personnelle était de 120 % (pourcentage exceptionnel au sein du groupe Paprec). Or de nouveau les 13 août 2015 et 9 septembre 2015, votre avocat nous a contacté par courrier en indiquant que nous « nions » les faits de harcèlement à votre encontre et nous demandait de faire cesser cette situation (aucun élément de preuves, ni aucun fait n'étaient cependant joint à 2 courriers). Nous avons donc demandé à notre avocat de prendre contact avec votre conseil. Lors de cet échange, ce dernier lui a indiqué qu'il détiendrait des éléments de preuve précis sans toutefois les communiquer. Malgré plusieurs relances de votre avocat, aucun élément ou document concernant des faits de harcèlement vous concernant ne nous a été transmis par votre avocat 5 mois après le début de votre absence. Nous ne pouvons laisser perdurer cette situation. Aussi, le 20 novembre 2015, nous vous avons convoqué à l'entretien préalable du 2 décembre 2015 afin d'échanger avec vous et d'entendre vos explications concernant ces supposés faits de harcèlement. Dans l'intervalle, nous avons diligenté une enquête interne. Le résultat de cette enquête démontre que vous n'avez subi aucun fait de harcèlement mais qu'au contraire c'est vous qui avez un comportement inadmissible envers vos collègues de travail (manque de respect, tenue de propos grossiers envers votre équipe, etc.
) ; l'enquête démontre même des rapports cordiaux, de confiance, voire festifs entre vous et votre hiérarchie. Vos tentatives pour vouloir vous faire passer comme une victime de harcèlement relèvent du mensonge et de la diffamation. Par ailleurs, cette enquête met en lumière le fait que vous mettez la pression à votre équipe de travail allant même jusqu'à leur demander de réaliser certaines de vos missions afin notamment de partir plus tôt de l'entreprise pour voir votre petite amie. Vous avez été également vu à plusieurs reprises en train de jouer assis sur votre téléphone portable pendant vos heures de travail. Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien, ni ne vous avez fait part d'un quelconque empêchement pouvant justifier d'un report. Néanmoins, nous avons procédé à un nouvel examen de votre dossier. Nous ne pouvons absolument pas tolérer un tel comportement au sein de l'entreprise. En effet, vous faites régner un climat hostile, provoquez des conflits et entretenez des relations déplorables avec plusieurs salariés de l'agence. Compte tenu de ce qui précède, nous considérons que les faits reprochés constituent une faute grave empêchant toute poursuite de nos relations contractuelles (...) ». Il résulte de cette lettre que si l'employeur justifie le licenciement en considérant que le comportement du salarié relève de la mauvaise foi ou de la diffamation, il n'en reste pas moins que les éléments de fait ne permettent pas de caractériser une connaissance ou encore la conscience par le salarié de la fausseté des faits qu'il a dénoncés. Au contraire les pièces produites par l'employeur, si elles sont de nature à établir que les faits de harcèlements invoqués par le salarié ne sont pas caractérisés, il convient également de relever que ces mêmes pièces sont de nature à établir que les faits ainsi dénoncés prenaient place dans le cadre d'une problématique et d'une détresse personnelle, ce que confirme l'argumentation de l'employeur rappelant les explications d'un des salariés entendus dans le cadre de l'enquête interne dans le cadre de son argumentation relative à l'existence d'un harcèlement moral selon lesquelles le salarié s'est mis la pression tout seul. En l'état de ces énonciations, il ne saurait être considéré que les faits litigieux ont été invoqués par mauvaise foi. Dans ces conditions, le salarié est bien fondé à invoquer la nullité du licenciement ainsi prononcé (arrêt p. 3 à 5) ;

ALORS QUE le seul fait qu'un salarié soit confronté à des difficultés personnelles ne permet pas d'exclure qu'il ait connaissance de la fausseté des faits de harcèlement moral qu'il dénonce ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que l'employeur produisait des courriers, un compte rendu d'enquête interne accompagnés des comptes-rendus d'entretien, la cour d'appel a constaté que ces éléments permettent de mettre en évidence un comportement de l'intéressé vis à vis de ses subordonnés ou collègues se caractérisant par des propos ou des considérations insultantes à l'égard de ces derniers ainsi qu'une propension à faire réaliser une partie de son travail par ceux-ci et qu'enfin ces mêmes documents établissent que les relations étaient bonnes avec les supérieurs hiérarchiques visés par M. U..., tant avec ce dernier qu'avec les autres membres du personnel concerné ; qu'il s'ensuit qu'en considérant que les faits dénoncés prenaient place dans le cadre d'une problématique et d'une détresse personnelle, pour en déduire qu'il ne saurait être considéré que les faits litigieux ont été invoqués de mauvaise foi et que dans ces conditions le salarié est bien fondé à invoquer la nullité du licenciement ainsi prononcé, sans rechercher si les résultats de l'enquête diligentée au sein de l'entreprise, suite aux accusations répétées de harcèlement moral formulées par Monsieur Q... U... à l'encontre de ses supérieurs hiérarchiques, par l'intermédiaire de son conseil, n'établissaient pas que le salarié avait connaissance de la fausseté de ces faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire).

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné le remboursement par la société Paprec des indemnités de chômage éventuellement perçues par Monsieur Q... U... dans les conditions fixées à l'article L. 1235-4 du code du Travail.

ALORS QUE le remboursement des indemnités de chômage ne peut être ordonné en cas de nullité du licenciement ; qu'en ordonnant pourtant le remboursement par la société Paprec des indemnités de chômage éventuellement perçues par Monsieur Q... U..., après avoir prononcé la nullité du licenciement du la salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-15734
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 27 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2020, pourvoi n°19-15734


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Zribi et Texier, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.15734
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